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Dans une économie de plus en plus axée sur les savoirs, l’attraction et la fidélisation des talents s’avèrent des défis pour les organisations de nombreux pays industrialisés (Forbes, 2015; UK Commission for employment and skills, 2014; World Economic Forum, 2011, 2016). Ainsi, une enquête menée auprès de 750 employeurs localisés dans 42 pays montre que près de la moitié d’entre eux est confrontée à la pénurie de candidats (45 %) et rencontre des difficultés à pourvoir leurs postes (38 %) (Manpower Group, 2015). Cette guerre des talents s’intensifie dans un contexte, de départs accrus à la retraite et d’arrivée de nouveaux employés qui ont des attentes particulières et sont enclins à se montrer peu loyaux envers leur employeur (Oladapo, 2014).

L’attraction et la fidélisation des talents s’avèrent particulièrement problématiques pour les employeurs du secteur financier dont les activités peuvent porter sur le crédit, le courtage de valeurs mobilières, la gestion de patrimoine, les services de fiducie, d’assurance, d’assurance retraite et de réassurance. Selon le U.S. Bureau of Labor Statistics Occupational Outlook, d’ici 2022, la demande pour les analystes financiers, les agents de services financiers et les agents de crédit va croître respectivement de 16 %, 11 % et 8 % (Arms, 2015). Les postes de professionnels de ce secteur sont particulièrement difficiles à pourvoir parce qu’ils doivent souvent maîtriser de nouvelles technologies (CEM, 2013; Manpower Group, 2015) et s’adapter aux restructurations qu’entraînent les évolutions technologiques (numérisation, intelligence artificielle, FinTech, etc.)[1]. La guerre des talents dans les services financiers est ravivée par la forte employabilité et le roulement élevé de leurs professionnels (Abraham et al., 2005, 2008). Lorsqu’interrogés, plus de la moitié sont convaincus qu’ils resteront en forte demande sur le marché de l’emploi, 67 % d’entre eux planifient de changer d’employeur au cours des 12 prochains mois et près des trois quarts estiment être en bonne position de négociation pour obtenir un emploi ayant des conditions similaires ou meilleures (Kelly Global Workforce Index, 2014).

Dans le secteur financier, des coopératives et des entreprises cotées en Bourse se concurrencent pour attirer et fidéliser leurs employés comme leurs clients. D’un côté, les coopératives financières appartiennent à leurs membres (clients) selon le principe « une personne, une voix ». Détenteurs des parts sociales de la coopérative, les membres ont le droit de voter lors des assemblées générales, notamment pour la nomination de représentants au sein de leurs instances. De l’autre côté, les banques dont les actions sont négociées à la bourse sont détenues par des actionnaires selon le principe « une action, une voix », ceux-ci étant des détenteurs de capitaux et non pas des utilisateurs comme c’est le cas dans les coopératives.

Face à la guerre des talents sur le marché de l’emploi et à une population plus critique à l’égard de la financiarisation de l’économie, plusieurs auteurs estiment que les coopératives financières devraient davantage promouvoir comment elles se distinguent des banques à capital-actions (Richez-Battesti et Hector, 2012; Caire et al., 2013; Lecuyer et al., 2017). C’est ce qu’illustre un slogan adopté par le Crédit Mutuel en France : « Une banque qui appartient à ses clients sociétaires, ça change tout ! ». La double finalité des coopératives – que sont la satisfaction des besoins sociaux mais aussi économiques de leurs membres – leur vaut d’être reconnues comme des organisations « hybrides » (Battilana et Lee, 2014) qui visent à améliorer leurs résultats au profit de leurs membres (Monzon et Chaves, 2012) en recherchant un développement économique à la fois soucieux de l’impact social et environnemental et de la création de richesse pour l’ensemble des parties prenantes (Leca et al., 2014). En 2013 et 2014, le Québec et la France ont d’ailleurs respectivement adopté une loi relative au développement de l’économie sociale et solidaire qui reconnait que les coopératives, associations, mutuelles et fondations, qui cherchent à concilier activité économique et utilité sociale, ont un potentiel pour mieux résister aux crises (Birchall, 2010, 2013) et mieux répartir la valeur ajoutée. Aussi, si la crise économique de 2008 a contribué à détériorer l’image et à dégrader l’attractivité du secteur financier (Weinrich et al., 2011), rejoindre les rangs d’une coopérative financière plutôt que d’une banque à capital-actions pourrait réduire ou neutraliser l’impact de la teinte négative potentielle persistante de ce secteur (Ashforth et al., 2007).

Des recherches montrent d’ailleurs des résultats contradictoires sur l’influence du mode de gouvernance sur les attitudes des candidats à l’embauche et des consommateurs. Ainsi, des chercheurs montrent que la mention du statut coopératif renforce l’efficacité de la communication en matière de responsabilité sociale (RSE) au sein de la population (Lecuyer et al., 2017) et que les coopératives financières sont perçues comme des employeurs plus attractifs et plus éthiques que les banques à capital-actions (Beaudin et Séguin, 2017; Guillot-Soulez et al., 2019). Toutefois, d’autres chercheurs constatent plutôt que la loyauté des consommateurs comme leurs perceptions des activités RSE ne sont pas différentes entre les coopératives financières et les banques commerciales (Agirre Aramburu et Gomez Pescador, 2019). Cette similarité peut résulter du fait que les banques à capital-actions investissent de plus en plus dans la responsabilité sociale ou encore que les coopératives financières agissent davantage comme des banques à capital-actions. Par exemple, selon un rapport de l’Institut de Recherche et d’Informations Socioéconomiques (Posca, 2019), Desjardins aurait graduellement « bancarisé » et rationalisé ses pratiques de gestion en vue de maximiser son rendement au détriment des services et de la situation financière de ses membres.

Face aux débats et aux résultats divergents sur le caractère distinctif des atouts des coopératives financières en comparaison aux banques à capital-actions, cette recherche vise à explorer comment les dirigeants des coopératives financières prennent en compte leur mode de gouvernance dans la gestion de leur marque employeur. En effet, comme il apparait que les coopératives financières peinent à identifier et communiquer clairement auprès de leurs employés la valeur ajoutée associée au statut (Guillot-Soulez et Soulez, 2015), il devient important d’explorer le caractère plus ou moins formel avec lequel elles gèrent leur marque employeur et à quel stade de gestion de leur marque employeur elles se situent (Lievens, 2007). Plus précisément, cette recherche innove en tentant de répondre à la question suivante : Aux yeux des responsables ressources humaines à la tête de coopératives financières, comment les atouts de leur mode de gouvernance peuvent-ils être mobilisés dans la gestion de leur marque employeur afin d’en faire des facteurs distinctifs leur permettant d’attirer et de fidéliser les talents ?

Pour mener cette recherche, des entretiens ont été réalisés auprès de membres de la direction (principalement, des responsables RH) de deux grandes coopératives financières en France (Crédit Agricole) et au Québec (Desjardins).

Réaliser cette étude sur l’identité de marque employeur des coopératives financières s’avère utile à différents niveaux. Premièrement, si quelques travaux ont analysé la gestion des ressources humaines au sein de coopératives (Davister, 2006; Comeau et Davister, 2008; Everaere, 2011; Guillot-Soulez et al., 2019), rares sont ceux qui ont ciblé le secteur financier en dépit de son importance économique : parmi les trois millions de coopératives dans le monde, celles de plus grande taille appartiennent à ce secteur[2]. Deuxièmement, si des chercheurs ont analysé la marque employeur d’entreprises appartenant à différents secteurs d’activité[3], à notre connaissance, notre étude semble la première à le faire auprès des coopératives financières de deux pays et ce, à travers les discours de leurs responsables RH. Troisièmement, considérant le nombre croissant d’auteurs qui reprochent aux coopératives financières d’agir de plus en plus comme des banques à capital-actions, il importe d’explorer si, aux yeux de leurs responsables ressources humaines, la particularité coopérative s’avère au coeur de la gestion de leur marque employeur et leur permet de mieux attirer et fidéliser leurs talents. Finalement, même si cette recherche cible les coopératives financières, ses résultats peuvent aider des coopératives d’autres secteurs d’activité ainsi que d’autres entreprises de l’économie sociale et solidaire à améliorer la gestion de leur marque employeur pour attirer et fidéliser leurs talents et ce, en fonction des ressources dont elles disposent et de leur réalité propre.

Revue de la littérature

Cette section présente d’abord les principes de fonctionnement dans les coopératives en tant que structures de l’économie sociale et solidaire. Ensuite, nous analysons comment le modèle Attraction/Sélection/Attrition (Schneider et al., 1995) peut permettre de mieux comprendre l’importance de développer une marque employeur facilitant l’attraction, la sélection et la rétention des employés clés. Enfin, nous traitons de la gestion de la marque employeur dans le secteur des services financiers, en particulier.

Les principes de fonctionnement dans les coopératives

Selon l’Alliance Coopérative Internationale (ACI, 1995), une coopérative correspond à une association autonome de personnes qui se sont volontairement rassemblées en vue de réaliser leurs aspirations et de satisfaire leurs besoins économiques, sociaux et culturels communs, au travers d’une entreprise détenue collectivement et gérée démocratiquement en respectant les sept principes suivants : 1) l’adhésion volontaire et ouverte à tous; 2) le pouvoir démocratique exercé par les membres; 3) la participation économique des membres; 4) l’autonomie et l’indépendance; 5) l’éducation, la formation et l’information; 6) la coopération entre les coopératives; 7) l’engagement envers la communauté. Aux yeux des fondateurs du système coopératif, ce mode de gouvernance permet de réunir le capital et le travail en vue d’aider les « prolétaires » ou les communautés défavorisées à résister au système économique capitaliste (Day, 2005; Gibson-Graham, 2003).

À ce jour, les études consacrées aux organisations de l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles ou organisations à but non lucratif) montrent qu’elles tendent à adopter une gestion des ressources humaines permettant de concilier les exigences de performance sociale et de performance économique (e.g. Davister, 2006; Comeau et Davister, 2008). Plus précisément, l’étude d’Everaere (2011) montre que les organisations appartenant au secteur de l’économie sociale et solidaire possèdent plusieurs caractéristiques particulières : une réticence à recourir à des contrats de travail précaires, des écarts de rémunération réduits entre leurs employés, une indulgence dans le recrutement, un fonctionnement démocratique, le territoire ou la communauté comme point d’ancrage, une préoccupation pour la conciliation entre les vies professionnelle et personnelle des employés et une gestion flexible du temps de travail.

La marque employeur au coeur de l’attractivité et de la fidélisation des ressources humaines

Cette section présente le modèle Attraction/Sélection/Attrition (dit modèle ASA) et le concept de marque employeur. Elle souligne ensuite l’intérêt pour une entreprise de définir sa marque employeur afin de renforcer sa capacité à attirer, sélectionner et fidéliser les employés.

Le modèle Attraction/Sélection/Attrition

Le modèle Attraction/Sélection/Attrition (Schneider et al., 1995) permet de comprendre l’importance, pour une organisation, d’identifier et de communiquer ses valeurs pour attirer et retenir des candidats qui y adhèrent. Ce modèle postule que les candidats préfèrent travailler dans des organisations qui offrent des récompenses et des conditions de travail qui correspondent à leurs caractéristiques personnelles, notamment leurs valeurs et besoins. Plus précisément, ce modèle s’appuie sur les trois prémisses suivantes : 1) les candidats sont attirés par des organisations qui leur ressemblent, 2) les organisations embauchent des personnes qui ont des caractéristiques communes avec elles, 3) les personnes qui ne partagent pas les caractéristiques de l’organisation devraient la quitter. Par conséquent, ce modèle permet de comprendre le haut niveau d’homogénéité entre le personnel d’une même organisation comme résultat de ses activités d’attraction, de sélection et de rétention des employés.

Ces travaux mettent aussi en avant que les personnes tirent une partie de leur identité sociale de l’image de leur employeur (Tajfel et Turner, 1979). Ainsi, plus l’image d’une organisation aurait un effet positif sur l’identité individuelle, plus une personne serait prête à travailler et s’investir pour elle. Appliqué aux coopératives financières, cela signifie qu’elles devraient gagner à maintenir une image positive et à éduquer leur personnel sur les aspects distinctifs positifs de leur gouvernance et de leurs valeurs coopératives afin d’atténuer la teinte potentielle négative du secteur financier. Ainsi une stratégie de recadrage (Ashforth et al., 2007) pourrait amener des candidats à réduire ou neutraliser l’impact de la teinte négative du secteur des services financiers en se focalisant sur l’honneur ou l’utilité de travailler au sein d’une organisation coopérative plutôt que dans une banque à capital-actions.

La marque employeur

Comme certaines conditions de travail sont faciles à imiter (salaires, primes, avantages sociaux en particulier), les entreprises cherchent à se différencier en regard d’autres conditions de travail qu’elles offrent (e.g. possibilités d’avancement, pratiques favorables à la conciliation travail-famille, culture et valeurs d’entreprise). Le concept de marque employeur s’appuie sur les travaux consacrés à la marque dans le domaine du marketing et renvoie à l’ensemble des bénéfices qui permettent de distinguer une entreprise sur le marché de l’emploi (Ambler et Barrow, 1996). En d’autres termes, la marque employeur correspond à la promesse d’emploi faite aux employés actuels et potentiels visant à faire valoir les atouts d’une organisation et de ses pratiques de gestion des ressources humaines (Viot et Benraïss-Noailles, 2014). Ce faisant, les candidats potentiels bénéficient d’informations communiquées par un employeur. Cette identité de marque employeur signale à la population les bénéfices qu’il offre à son personnel (Spence, 1973). Que l’identité de marque employeur d’une organisation soit formalisée ou non, l’image de marque employeur renvoie quant à elle aux croyances ou aux perceptions des personnes à l’égard des bénéfices offerts par un employeur, et ce comme membre de la population ou comme « candidat » sur le marché de l’emploi (marque employeur externe) ou comme « employé » (marque employeur interne) (Liger, 2013; Charbonnier-Voirin et al., 2014). Selon Ambler et Barrow (1996), une marque employeur se distingue selon trois catégories de bénéfices : économiques, fonctionnels et symboliques. Les bénéfices économiques correspondent aux récompenses matérielles et financières offertes aux employés (salaire, avantages sociaux, dispositifs de partage des profits, sécurité de l’emploi), les bénéfices fonctionnels renvoient aux possibilités de développement et aux activités utiles (possibilités de carrière, formation, développement des compétences, intérêt du travail, dispositifs en faveur de l’équilibre vie privée/vie professionnelle) et les bénéfices psychologiques (ou symboliques) sont liés à la vision, au but et au sentiment d’appartenance (culture d’entreprise, valeurs, réputation de l’entreprise). S’appuyant sur cette classification, Viot et Benraïss-Noailles (2014) définissent une marque employeur comme étant une promesse d’emploi unique faite aux employés actuels et potentiels qui s’appuie sur les bénéfices – fonctionnels, économiques et psychologiques – associés à une organisation en tant qu’employeur et à l’offre RH qu’elle propose.

La communication d’une marque employeur claire et distinctive faciliterait ensuite l’attraction, la sélection et la fidélisation des employés (Schneider et al., 1995) en renforçant l’identité de l’organisation et le contrat psychologique (Backhaus et Tikoo, 2004; Mark et Toelken, 2009), soit l’ensemble des attentes tacites entre une organisation et ses employés (Robinson et Rousseau, 1994). Les recherches confirment qu’une marque employeur entraîne des avantages tant pour les employeurs que pour les employés, notamment l’amélioration de la qualité des candidats recrutés, des employés plus satisfaits, plus motivés et plus engagés au travail, et donc une baisse de leurs départs volontaires (Collins et Stevens, 2002; Berthon et al., 2005; Charbonnier-Voirin et al., 2014; Viot et Benraïss-Noailles, 2014).

La gestion de la marque employeur

Selon Lievens (2007), le processus de gestion de la marque employeur comporte trois étapes successives : dans un premier temps, l’entreprise identifie et développe la valeur spécifique qu’elle offre à ses employés actuels et potentiels (construction de l’identité de marque employeur); dans un second temps, elle va communiquer cette « proposition de valeur » auprès de ses cibles RH; enfin, dans un troisième temps, elle doit veiller à respecter sa promesse employeur (enjeu de cohérence entre identité et image de marque employeur). Au sein des entreprises, la gestion de la marque employeur relève des professionnels des ressources humaines qui collaborent avec les experts des départements marketing et communication ainsi qu’avec la direction générale (Edlinger, 2015; Mölk et Auer, 2018).

À notre connaissance, dans le secteur financier, seule la recherche de Guillot-Soulez et Soulez (2015) appuie l’idée que le mode de gouvernance coopératif peut constituer un vecteur de différenciation dans la gestion de la marque employeur. Leurs résultats montrent qu’en comparaison aux banques à capital-actions, les sites internet de recrutement des principales institutions financières coopératives se distinguent en mettant en avant un recours plus limité à la rémunération variable basée sur les contributions individuelles et une moins grande ouverture à une prise de risques excessive.

En conclusion, cette revue de la littérature nous a permis de clarifier l’intérêt du concept de marque employeur ainsi que ses fondements théoriques. Appliqué aux coopératives financières, le modèle Attraction/Sélection/Attrition ainsi que la littérature sur la marque employeur présument que pour attirer et retenir les talents clés, il devrait être important d’identifier et de clairement communiquer les bénéfices particuliers associés à leur mode de gouvernance, bénéfices que cette étude explorera à la lumière de la typologie d’Ambler et Barrow (1996).

Méthodologie de la recherche

Notre recherche a été menée sur la base d’entretiens réalisés au sein de deux grandes coopératives financières : le Crédit Agricole en France et Desjardins au Canada. Selon le classement du World Cooperative Monitor Report (2018), ces deux coopératives se rangent parmi les plus importantes au monde en termes de chiffre d’affaires, le Crédit Agricole étant au premier rang et le groupe Desjardins, au sixième rang. Créé en France en 1885, le Crédit Agricole y compte aujourd’hui près de 73 000 collaborateurs et est organisé autour de 39 caisses régionales au service de 24 millions de clients. Créée au Québec en 1900, Desjardins emploie aujourd’hui plus de 46 000 employés et compte 271 caisses au Québec et en Ontario (Canada) au service de 7,5 millions de clients.

Des entretiens semi-directifs ont été menés en 2016 auprès de 21 cadres de ces deux institutions, majoritairement des responsables ressources humaines – souvent responsables experts de la marque employeur (Edlinger, 2015; Mölk et Auer, 2018) – mais aussi des cadres d’autres fonctions (marketing, communication, Direction générale) avec lesquels ils collaborent. En France, les 15 participants travaillaient au sein d’une caisse régionale du Crédit Agricole et occupaient les postes suivants : 4 responsables ressources humaines, 3 chargés de recrutement, 6 conseillers emploi, 1 membre de la direction générale et 1 responsable des communications. Au Québec, les 6 participants travaillaient pour Desjardins avec le profil suivant : 3 responsables RH, 1 chargé de recrutement, 1 responsable marketing et 1 responsable des communications. Notons qu’il n’y avait pas de responsable de la « marque employeur » au sein des entreprises participantes. Les entretiens ont duré entre 28 minutes et 1 heure 15 pour une durée moyenne de 49 minutes. Considérant le caractère exploratoire de cette étude, ce nombre s’est avéré suffisant. Le recrutement des participants s’est principalement fait sur la base des contacts des chercheurs et de recherches sur les réseaux sociaux. Un courriel a été envoyé à chaque participant afin de lui expliquer le but de l’étude et de solliciter sa participation à une entrevue en face-à-face ou par téléphone avec un ou deux des chercheurs. Le guide d’entretien leur a été transmis avant la rencontre pour leur permettre de prendre connaissance des questions et d’optimiser l’efficacité et la richesse des entretiens.

Tous les entretiens ont été enregistrés, retranscrits et ont fait l’objet d’une analyse de contenu systématique, à l’aide du logiciel NVivo11, afin de regrouper leur contenu textuel par catégories de variables selon des processus d’interprétation et de réduction (Altheide, 1987; Manning et Cullum-Swan, 1994). La classification, le titre des regroupements des propos et les liens entre eux se sont faits en lien avec la littérature sur la marque employeur et par consensus entre les chercheurs (Silverman, 1993).

Résultats

Les résultats de cette recherche montrent que le mode coopératif de gouvernance constitue, aux yeux des répondants, un facteur distinctif pour attirer et fidéliser les talents. Cette section analyse les atouts que les coopératives financières peuvent mettre en avant pour se distinguer en tant qu’employeurs en s’appuyant sur la typologie d’Ambler et Barrow (1996) qui distingue trois catégories de bénéfices associés à la marque employeur : économiques, fonctionnels et symboliques. Nos résultats sont résumés et illustrés par des propos des participants dans les tableaux 1, 2 et 3.

Les bénéfices économiques liés à la marque employeur des coopératives financières

Tel qu’illustré dans le tableau 1, les participants mettent en avant la rémunération et la sécurité de l’emploi comme bénéfices économiques associés à leur marque employeur. À l’égard de la rémunération, les répondants du Crédit Agricole comme de Desjardins expriment qu’une politique de rémunération compétitive s’avère un élément clé pour attirer, motiver et fidéliser le personnel.

Les répondants du Crédit Agricole font précisément référence aux salaires, aux primes, aux tickets restaurant, aux avantages en nature, à la mutuelle, à l’épargne salariale, aux comités d’entreprise et aux avantages sociaux. Ceux de Desjardins mettent en avant le salaire, les avantages sociaux, les régimes collectifs de rémunération et le régime de retraite. Les responsables ressources humaines du Crédit Agricole reconnaissent toutefois que leurs salaires ne sont pas toujours compétitifs par rapport à ceux offerts par les grandes banques à capital-actions.

Tant les participants du Crédit Agricole que de Desjardins estiment que leur régime de rémunération variable est propre à leur identité coopérative comme il récompense les contributions collectives (plutôt qu’individuelles) par des primes. À l’égard de la sécurité de l’emploi, les répondants du Crédit Agricole et de Desjardins estiment qu’en comparaison aux banques à capital-actions, une caisse coopérative peut davantage garantir une sécurité d’emploi à ses salariés en raison de sa solidité et de sa stabilité financière (du fait des dépôts de ses sociétaires) et de son réseau de caisses locales.

Les bénéfices fonctionnels liés à la marque employeur des coopératives financières

Le tableau 2 montre des similitudes entre les perceptions des participants du Crédit Agricole et de Desjardins en ce qui a trait aux bénéfices fonctionnels, principalement à l’égard des possibilités de carrière et de formation offertes au personnel.

Tableau 1

Bénéfices économiques liés à la gouvernance coopérative dans le secteur financier

Bénéfices économiques liés à la gouvernance coopérative dans le secteur financier

« F » : participants du Crédit Agricole (France); « Q » : participants de Desjardins (Québec)

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Ainsi, les répondants du Crédit Agricole disent que l’ancrage local et la forte présence des coopératives sur les territoires en font un employeur majeur dans certaines régions. Un maillage territorial permet également d’offrir au personnel des opportunités d’évolution ou de carrière aux salariés tant au sein de leur caisse régionale qu’à travers une mobilité inter-caisses. Les répondants de chez Desjardins mettent en avant les possibilités de carrière offertes aux employés de par la grande taille de l’organisation et son fonctionnement décentralisé. Alors que les banques à capital-actions sont moins présentes dans les régions, Desjardins a développé un maillage de caisses locales pour répondre aux besoins de ses membres et ce, partout sur le territoire du Québec.

Enfin, les répondants de Desjardins se distinguent de ceux du Crédit Agricole par leur propension à mettre en avant que l’ampleur avec laquelle leur entreprise facilite la conciliation entre les sphères de vies des employés les distingue des banques à capital-actions.

À l’égard des possibilités de formation, les participants du Crédit Agricole et de Desjardins expriment que leurs entreprises respectives réalisent un investissement dans le développement des compétences des employés plus important que leurs concurrents sans explicitement attribuer cette différence à leur gouvernance coopérative.

Tableau 2

Bénéfices fonctionnels liés à la gouvernance coopérative dans le secteur financier

Bénéfices fonctionnels liés à la gouvernance coopérative dans le secteur financier

« F » : participants du Crédit Agricole (France); « Q » : participants de Desjardins (Québec)

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Les bénéfices symboliques liés à la marque employeur des coopératives financières

Le tableau 3 montre qu’au niveau des bénéfices symboliques de la marque employeur, l’influence du caractère coopératif est clairement mise en avant par les participants tant du Crédit Agricole que de Desjardins, et ce sur le plan de leurs valeurs et de leur gouvernance, de leur culture de gestion plus humaine, de leur responsabilité sociale, de leur proximité avec le milieu et les clients et de leur performance à long terme.

Premièrement, aux yeux des participants, le modèle coopératif est porteur de valeurs particulières qu’ils associent directement à leur gouvernance particulière qu’ils qualifient par les termes suivants : « valeurs mutualistes », « responsabilité », « solidarité », « proximité », « respect », « équité », « ouverture », « collectif », « coopération ». Deuxièmement, ils évoquent leur gouvernance démocratique et décentralisée qui part de la base au niveau local (comité de direction, implication des clients sociétaires, assemblées générales, etc.) comme particularité. Troisièmement, les participants expriment qu’une coopérative financière se distingue par une culture de gestion plus humaniste misant sur la coopération, le bien-être, le respect et la participation des personnes. En effet, selon eux, un milieu coopératif porte une attention particulière aux employés et entraîne une plus grande proximité tant dans les relations avec les clients qu’entre le personnel de tous les niveaux hiérarchiques. Quatrièmement, l’ensemble des répondants estime que l’identité coopérative s’exprime à travers leur politique de responsabilité sociale faisant en sorte que les employés se montrent au service des clients, des territoires et de la communauté. Finalement, en comparaison aux banques à capital-actions les répondants expriment qu’une coopérative recherche plus une performance sur le long terme, soucieuse des intérêts des différentes parties prenantes (communautés, clients, employés, membres, etc.).

Tableau 3

Bénéfices symboliques liés à la gouvernance coopérative dans le secteur financier

Bénéfices symboliques liés à la gouvernance coopérative dans le secteur financier

« F » : participants du Crédit Agricole (France); « Q » : participants de Desjardins (Québec)

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Discussion et conclusion

La question au coeur de cette recherche était la suivante : Aux yeux des responsables ressources humaines à la tête de coopératives financières localisées au Québec et en France, comment les atouts de leur mode de gouvernance peuvent-ils être mobilisés dans la gestion de leur marque employeur afin d’en faire des facteurs distinctifs leur permettant d’attirer et de fidéliser les talents ? Les résultats obtenus nous permettent de souligner l’intérêt de valoriser le mode de gouvernance dans la marque employeur des coopératives financières tout en soulignant les tensions à l’oeuvre.

La double mission – économique et sociale – des coopératives financières suscite un débat croissant. D’une part, des auteurs expriment que les coopératives financières, de par leur hybridité (Battilana et Lee, 2014), sont des vecteurs de l’économie sociale dont la RSE est inhérente à leur identité organisationnelle (Agirre Aramburu et Gomez Pescador, 2019). D’autre part, on leur reproche de plus en plus de se focaliser sur leurs résultats économiques tout autant que les banques à capital-actions et d’intégrer de moins en moins les dimensions sociales et environnementales dans leur développement économique afin de créer de la richesse pour l’ensemble de leurs parties prenantes. Au Québec, Desjardins a d’ailleurs été décriée comme une coopérative financière en voie de « bancarisation » (Posca, 2019). Similairement, des auteurs constatent que les coopératives financières ont de plus en plus de mal à faire valoir leurs spécificités ou à se distinguer des banques à capital-actions comme ces dernières se préoccupent de plus en plus de leur responsabilité sociale en y accordant des ressources croissantes (Lecuyer et al., 2017; Agirre Aramburu et Gomez Pescador, 2019). Face à ce débat, cette recherche vise à identifier comment les atouts associés au mode de gouvernance coopératif peuvent être pris en compte dans la gestion de la marque employeur des coopératives financières afin d’en faire des facteurs distinctifs pour attirer et fidéliser les talents. Pour ce faire, cette étude innove en mobilisant le concept de marque employeur pour analyser, selon la typologie d’Ambler et Barrow (1996), comment les coopératives financières peuvent se distinguer en tant qu’employeurs.

Les atouts distinctifs des coopératives financières sur les banques à capital-actions

Globalement, les résultats de la recherche montrent que, dans une perspective de gestion des ressources humaines, les coopératives financières ont bien les moyens de se différencier des banques à capital-actions pour attirer et retenir les talents. L’analyse comparée du discours des cadres qui oeuvrent au sein des deux coopératives financières en France et au Québec montrent qu’ils perçoivent essentiellement les mêmes atouts distinctifs. Ces atouts relèvent de pratiques de gestion des ressources humaines propres aux coopératives financières. Comme d’autres coopératives et structures de l’économie sociale et solidaire (Davister, 2006; Comeau et Davister, 2008; Everaere, 2011), les coopératives financières adaptent leurs pratiques RH à leur double mission et peuvent les valoriser dans leur marque employeur.

Cette recherche confirme que les atouts de la gouvernance coopérative exprimés par les participants peuvent être regroupés selon la typologie des bénéfices de la marque employeur d’Ambler et Barrow (1996). Les participants insistent d’abord sur les bénéfices symboliques en termes de culture humaniste, de climat de coopération, de souci du bien-être, de responsabilité sociale, de proximité avec le milieu, de recherche de pérennité et de performance aux yeux des différentes parties prenantes. À leurs yeux, le modèle coopératif, avec ses spécificités en termes de valeurs et de mode de fonctionnement (gouvernance démocratique, place occupée par les sociétaires), influence l’environnement et le contexte de travail des employés. Au niveau des bénéfices fonctionnels, les participants expriment que les coopératives financières se distinguent des banques à capital-actions par une présence plus accrue sur les territoires qui leur permet d’offrir aux employés de meilleures possibilités d’évolution, de carrière et de mobilité au niveau régional. Sur le plan des bénéfices économiques, les participants font valoir qu’ils récompensent plus les contributions collectives qu’individuelles et qu’ils offrent plus de sécurité d’emploi en raison de leur performance plus durable et de leurs valeurs coopératives.

La nécessité pour les coopératives financières de formaliser une identité de marque employeur

Cette recherche exploratoire a permis de constater que la gestion de la marque employeur reste implicite ou informelle aux yeux des participants, principalement des responsables RH. Force est de constater que les bénéfices tant symboliques, fonctionnels qu’économiques propres aux coopératives financières gagnent à être davantage valorisés en créant et formalisant explicitement leur identité de marque employeur (Lievens, 2007) ou leur « marque employeur idéale » (Edlinger, 2015). En cela, les bénéfices particuliers mis en évidence dans cette recherche clarifient les éléments perçus comme centraux dans l’identité de marque employeur des coopératives financières qui peuvent permettre de construire une stratégie de marque employeur efficace pour attirer et retenir les employés. Les coopératives financières peuvent ainsi faire de leur marque employeur un facteur de différenciation par rapport aux banques à capital-actions, différence qui pourra être perçue par les employés, les candidats, leurs membres et la population en général.

La nécessité pour les coopératives financières de communiquer leur marque employeur

Bon nombre de participants expriment être encore au stade de l’identification des bénéfices (Lievens, 2007) ou de la définition du contenu de la marque employeur (Edlinger, 2015). Dans ce contexte, il n’est pas surprenant d’entendre plusieurs d’entre eux exprimer qu’il est très important de passer à l’étape suivante du processus de gestion de la marque employeur, celui de la communication ou de la valorisation de leurs atouts distinctifs auprès des employés actuels et potentiels. Plusieurs répondants de Desjardins soulignent par exemple que, même si leur entreprise est connue en tant qu’acteur coopératif, il devient de plus en plus important de communiquer davantage ces atouts distinctifs pour se différencier sur le marché de l’emploi des autres institutions financières à capital-actions.

Auparavant, le nom était suffisant. Maintenant, ce n’est plus le cas. (…) Ce qui attire les jeunes candidats, c’est les valeurs de Desjardins. Aussi, on est extrêmement mieux positionnés. Mais encore faut-il bien faire connaître aux futurs employés la distinction de Desjardins.

Q1

Ce qui va attirer nos employés, c’est ce qui va attirer nos membres à faire affaire avec nous. Pour nos membres et nos jeunes employés, ces attentes importantes sont : la contribution, redonner à la société, l’ancrage et la pensée locale. Ce sont des éléments forts. Il faut miser là-dessus autant pour nos membres que pour nos clients. C’est important, c’est au coeur de notre action. Je pense que c’est quelque chose qu’on devrait exploiter davantage.

Q2

Il faudrait expliquer notre modèle coopératif. On n’en parle pas assez. Pour moi, cela a été une révélation de constater l’étendue du modèle démocratique en joignant notre entreprise.

Q3

Bien des gens ne savent pas trop qu’on est différents alors qu’on l’est beaucoup. Cela ne se limite pas à donner des ristournes.

Q5

Toutefois, certains participants, surtout du Crédit Agricole, expriment que des efforts de communication sur le caractère coopératif sont faits, notamment auprès de leur personnel.

On communique de plus en plus sur la marque employeur auprès des collaborateurs internes. (…) C’est en train de se mettre en place alors que ce n’était vraiment pas utilisé il y a quelques années.

F7

La coopération, il faut la revendiquer plus. Je ne dis pas qu’elle est plus importante, mais qu’elle est plus difficile à faire vivre maintenant alors qu’on en a beaucoup plus besoin. (…) On est passé du stade où on ne parlait pas du modèle coopératif à une étape où on en parle, on l’affiche et on va devoir s’y tenir. Nous avons un engagement à le mettre en oeuvre à l’interne.

F1

On met les personnes en valeur : la pub c’est toujours des personnes, une organisation au service de personnes. (…) On a même un slogan : « C’est votre talent qui fait avancer le mouvement ».

Q1

Ainsi, les participants reconnaissent l’importance, pour leur institution financière, d’identifier et de clairement communiquer ses distinctions coopératives. Le fait de communiquer ces bénéfices distinctifs d’une gouvernance coopérative représente un atout majeur tant pour les employeurs que pour les professionnels qu’elles visent à recruter et à fidéliser. D’une part, plus une coopérative financière communique ses particularités, plus elle peut réussir à embaucher des personnes qui ont des caractéristiques communes avec elle et plus elle peut s’assurer que les employés qui décident de partir ne partagent pas leurs valeurs. Conformément au modèle ASA, ce meilleur « fit » entre le personnel et la gouvernance coopérative devrait favoriser l’attraction, la mobilisation et la fidélisation des employés. D’autre part, les candidats sont attirés par les coopératives financières à qui ils s’identifient sur le plan des valeurs et des conditions de travail offertes. À une époque où la jeune génération semble attentive au caractère éthique, citoyen et responsable d’un futur employeur (Renaud et al., 2016), les coopératives financières peuvent tirer parti des bénéfices, notamment symboliques, de leur marque employeur qui pourraient constituer les pierres angulaires de leur stratégie de recrutement. De plus, l’identité humaniste et socialement responsable des coopératives financières peut favoriser l’attraction, la sélection et la rétention du personnel et améliorer les expériences « candidat » et « employé » (Liger, 2013; Charbonnier-Voirin et al., 2014). En outre, la communication des particularités de l’identité coopérative peut leur permettre d’atténuer la teinte sociale négative (Ashforth et al., 2007; Ashforth et Kreiner, 1999) à l’égard du secteur financier que les candidats comme la population peuvent entretenir : occuper un emploi pour une coopérative financière peut, en effet, être perçu plus positivement – à leurs yeux comme à ceux des autres – que de travailler pour une banque à capital-actions.

Au regard de nos résultats et du débat croissant sur la « bancarisation » des coopératives financières, cette recherche propose aux personnes responsables de la gestion de la marque employeur au sein des coopératives financières une analyse systématique des bénéfices de la marque employeur et donc autant d’arguments pour valoriser l’entreprise en tant qu’employeur bancaire coopératif auprès des candidats à l’embauche et des salariés en poste. Le rôle des professionnels en ressources humaines au sein des coopératives financières devient donc crucial pour se repositionner comme employeurs de choix en valorisant les bénéfices propres au modèle coopératif par divers moyens de communication auprès du marché de l’emploi et des employés. En effet, si l’effort de sensibilisation passe par la communication de recrutement (Guillot-Soulez et al., 2019), il est également à prévoir, au niveau interne, auprès des employés actuels qui ignorent parfois eux-mêmes le projet à la fois économique et social porté par leur coopérative financière. Cette sensibilisation parait d’autant plus cruciale que les employés peuvent jouer un rôle substantiel comme ambassadeurs auprès des clients, des sociétaires ou membres, des candidats potentiels, etc.

Ainsi, la présente recherche souligne l’intérêt et la pertinence de mettre en valeur le mode de gouvernance coopératif dans l’identité de marque employeur afin d’attirer et de fidéliser les talents au sein des coopératives financières.

Limites et voies de recherche

Si cette étude exploratoire compte plusieurs contributions, elle n’est cependant pas sans limites. D’abord, l’étude a été menée auprès d’un échantillon limité de répondants de deux grandes coopératives financières en France et au Québec et auprès d’un nombre plus important de répondants français. Il semblerait intéressant d’approfondir ces résultats en élargissant l’échantillon à d’autres entreprises coopératives financières ainsi qu’à d’autres pays afin de confirmer que les bénéfices de la marque employeur liés à l’identité coopérative se maintiennent dans d’autres contextes. De plus, la recherche mériterait d’être élargie à des coopératives d’autres secteurs d’activités (par exemple, agroalimentaire, manufacturier) afin d’analyser jusqu’à quel point les bénéfices de la marque employeur liés à l’identité coopérative sont propres au secteur financier ou s’ils peuvent, en totalité ou en partie, faire partie d’une « marque employeur de type coopératif » générique. En effet, la représentation sociale qu’ont les individus des coopératives est marquée par l’histoire et la culture de chaque pays (Faure-Ferlet et al., 2017) et un élargissement de notre recherche permettrait de tenir compte de la diversité du mouvement coopératif et de ces représentations sociales.

Par ailleurs, notre recherche prend uniquement en considération le point de vue des employeurs. Dans la suite de la recherche de Beaudin et Séguin (2017), il serait intéressant d’étudier la perception des bénéfices de la marque employeur des coopératives financières aux yeux de leurs employés actuels et potentiels. La littérature souligne que la réussite du processus de gestion de la marque employeur suppose une cohérence entre identité et image de marque employeur de manière à éviter tout risque de décevoir des attentes et de rupture du contrat psychologique (Robinson et Rousseau, 1994; Backhaus et Tikoo, 2004; Mark et Toelken, 2009), ce défi étant d’autant plus crucial à relever dans un contexte de guerre des talents. Cela invite donc à mener des recherches complémentaires auprès des employés pour analyser leur perception de la place de l’identité coopérative dans la marque employeur et des bénéfices particuliers associés à cette identité coopérative. Plus précisément, une comparaison entre, d’une part, le point de vue des employeurs, et, d’autre part, le point de vue d’employés nouvellement embauchés (dimension attraction de la marque employeur) et d’employés ayant une certaine ancienneté dans l’organisation (dimension fidélisation de la marque employeur) permettrait d’enrichir notre compréhension du niveau de constance et de cohérence du discours d’identité coopérative comme atout distinctif des coopératives financières et de nuancer la vision positive de leur identité de marque employeur.