Article body
L’ouvrage collectif Race, equity, and the learning environment: The global relevance of critical and inclusive pedagogies in higher education, sous la direction de Frank Tuitt, Chayla Haynes et Saran Stewart, rassemble onze recherches portant sur les diverses actions mises en oeuvre pour contrer l’injustice raciale au sein des établissements d’enseignement supérieur. Ce recueil met non seulement l’accent sur l’utilisation de pédagogies critiques inclusives (PIC) dans l’apprentissage des étudiants et étudiantes, il vise également l’intégration de méthodes d’enseignement équitables pour tous les professeurs et professeures.
Afin d’inclure et de regrouper de façon cohérente les différentes recherches présentées dans cet ouvrage, la direction du collectif a divisé le livre en trois parties : « Comment nous percevons notre travail », « Comment nous nous engageons dans notre travail » et « Mesurer l’impact de notre travail ». Chaque partie se subdivise en chapitres, dans lesquels est présentée une étude distincte.
Partie 1 : Comment nous percevons notre travail
Le premier chapitre, écrit par Saran Stewart, présente différentes théories issues des pédagogies critiques inclusives (cadre PIC). L’auteure met en lumière que l’adoption de ce cadre permet aux membres d’établissements d’enseignement supérieur de repenser leur travail collaboratif afin d'inclure une plus grande justice sociale. Elle met cependant en garde les éventuels pédagogues que l’application d’un tel cadre exige une préparation adéquate pour pouvoir répondre aux critiques s’opposant éventuellement à cette approche. Pour l’auteure, le domaine de l’éducation est un microcosme de la société, où l’égalité et l’équité doivent être mises de l’avant.
Au deuxième chapitre, Liza Ann Bolitzer, Milagros Castillo-Montoya et Leslie A. Williams identifient, pour leur part, différentes actions à mettre en place pour parvenir à établir une certaine équité sur le plan de la diversité au sein des établissements d’enseignement supérieur. On présente notamment trois propositions distinctes pour atteindre les objectifs de leur recherche. La première proposition insiste sur l’apport pédagogique du corps professoral et des étudiants et étudiantes en valorisant la diversité en tant que ressource collective. La deuxième proposition met en lumière une meilleure expression de l'identité des étudiants en facilitant l’autoreprésentation de l’identité croisée des étudiants. La troisième proposition met en avant-plan la diversité des individus dans le but de favoriser l’apprentissage d’une matière, ce qui incite les étudiants à expliciter davantage leurs points de vue. On leur recommande entre autres d’approfondir leurs connaissances personnelles (leurs croyances et pratiques) pour mieux comprendre les individus et ainsi favoriser la diversité.
Le dernier chapitre de la première partie avait originalement été écrit en 1998 par Eileen de los Reyes, Hal Smith, Tarajean Yazzie-Mintz, Yamila Hussein et Frank Tuitt, avec José Moreno, Anthony De Jesús, Dianne Morales et Sarah Napier. On y révèle les impacts d’un nouveau format de cours donné à Harvard, nommé le T-128 qui permet aux personnes étudiantes de participer et de commenter les enseignements. L’utilisation de ce nouveau format met au défi les croyances populaires, car on postule dans ce chapitre que l’apprentissage peut être assuré autant par les professeurs que par les étudiants. Certes, comme on le mentionne, le cours T-128 est une prémisse de ce que pourrait devenir l’éducation, mais également la société; un endroit où les critiques constructives permettent de développer les connaissances et favoriser l’équité en société.
Partie 2 : Comment nous nous engageons dans notre travail
Dans le quatrième chapitre, Bianca C. Williams met en relation le partage de connaissances et d’expériences personnelles des étudiants et étudiantes avec celles du personnel enseignant. Elle précise qu’il est essentiel que l’enseignant participe à ce partage pour que les étudiants se sentent en confiance. L’auteure montre que les étudiants peuvent apprendre de leurs expériences partagées en classe en abordant la honte associée à un événement donné.
Le chapitre suivant se distingue par son approche ludique, alors que David S. Goldstein démontre que l’apprentissage par le jeu peut s’avérer être un allié dans l’introduction en classe de nouveaux concepts. Il précise que l’utilisation d’une simulation par le jeu peut transformer une classe, voire un campus au complet, en convertissant les privilèges invisibles des individus en une valorisation et une facilitation de la compréhension mutuelle. Comme l’explique l’auteur, les professeurs qui utilisent cette approche valorisent la compréhension de théories complexes telles que le racisme et la hiérarchie sociale. Ils favorisent notamment les interactions sociales saines entre les étudiants.
Bien que l’apprentissage par le jeu puisse répondre à certains problèmes culturels et sociaux, Kako Koshino, dans le sixième chapitre, soulève d’autres problématiques raciales telles que des divisions hiérarchiques, des problèmes d’accès aux informations et aux ressources et une différence notable de savoir et d’expérience. Il soutient que les établissements ne comprennent pas bien la réalité de leurs étudiants. De plus, il souligne que ceux-ci pourraient bénéficier de l’expérience de leurs étudiants pour étudier les modèles d’abandon et d’isolation. Les institutions seraient ainsi en mesure de constater que les étudiants de couleur y rencontrent des problèmes d’appartenance institutionnelle et de validation de leur présence dans les établissements d’enseignement supérieur.
Les auteurs du septième chapitre précisent que l’apprentissage passe essentiellement par la valorisation des formations suivies par les membres du corps professoral. Ainsi, selon Dorinda J. Carter Andrews et Bernadette M. Castillo, les formations permettent aux professeurs d’acquérir de nouvelles perspectives, visions, théories et approches pédagogiques. Ces formations servent, entre autres, à développer des compétences pratiques ou plus conceptuelles, comme l'approfondissement de leur compréhension des principes de l'équité et de l'inclusion. En valorisant ces formations, les professeurs se démarquent en développant des cours plus centrés sur l’humain, ce qui favorise un environnement d'apprentissage inclusif où tous les étudiants se sentent valorisés et respectés.
Partie 3 : Mesurer l’impact de notre travail
Dans le chapitre huit, l’étude de Lisa M. Martinez, Maria del Carmen Salazar et Debora M. Ortega vise à mieux comprendre et à analyser l’impact des techniques humanisantes et déshumanisantes sur certains étudiants et étudiantes. Les auteures reconnaissent que l’environnement dans lequel se retrouve les étudiants influence grandement leurs perceptions. Notamment, les relations sociales et interpersonnelles qu’entretiennent ces étudiants avec leurs amis ou leurs professeurs demeurent essentielles à leur apprentissage. C’est pourquoi les auteures proposent de corriger certaines mesures dans les établissements d’enseignement pour inclure davantage de techniques humanisantes, entre autres en adoptant les cinq principes clés de del Carmen Salazar.
Au neuvième chapitre Ioannis Gaitanidis et Satoko Shao-Kobayashi expliquent l’effet de culture dans l’éducation et le racisme. Pour ce faire, on incite les étudiants et étudiantes à repenser la culture au travers de nombreuses présentations en classe et les encouragent à argumenter sur le thème de l’appropriation culturelle et à exposer certaines questions éthiques. Les auteurs mentionnent entre autres que la culture est influencée par la perception des individus. Leur méthode d’enseignement a effectivement permis aux étudiants de réaliser que l’exercice collaboratif implique un « Nous ».
Dans le dixième chapitre, Stella L. Smith présente son point de vue personnel en tant qu’administratrice d’une université. Elle y explore la similitude entre l’expérience d’une administratrice et son impact envers la population étudiante. Elle met de l’avant l’influence qu’auront ses réactions personnelles face au racisme sur certaines étudiantes affectées par une réalité similaire. Elle affirme que les institutions devraient considérer l’expérience pédagogique de ses administrateurs comme une possible alternative pour accroître l’influence positive que représente le personnel de l’éducation sur l’apprentissage des étudiants.
Dans le onzième chapitre, Haneen S. Ghabra, Sergio F. Juárez, Shanna K. Kattari et Miranda Olzman, quatre doctorants et doctorantes ayant suivi le cours de la Pr Bernadette Marie Calafell, partagent leurs expériences vécues, enrichissant ainsi le cours. Ces personnes mentionnent effectivement que leur diversité ethnique et sexuelle est bénéfique au processus de partage, agrémentant les discussions. Les doctorants et doctorantes indiquent par ailleurs que la liberté d’expression permet une plus grande connexion entre le cours et les thèmes choisis, qui se transmettent majoritairement à la population étudiante marginalisée.
Critique
Cet ouvrage collectif témoigne de l’effort collaboratif de 24 contributeurs et contributrices, 2 directrices et un directeur qui, ensemble, sont parvenus à construire un ouvrage collectif traitant d’éducation, de racisme et d’équité. D’ailleurs, les recherches utilisées dans le livre proviennent de différents spécialistes, c’est-à-dire des sociologues, des experts et expertes en communication ou en éducation.
Bien que de nombreuses théories soient abordées, le livre demeure concis et facile d’approche en raison notamment de la présentation de nombreuses expériences personnelles des contributeurs et contributrices. On y révèle des théories et des méthodes d’enseignement qui vont au-delà du curriculum universitaire, en vulgarisant certains concepts pour permettre aux lectrices et lecteurs néophytes dans le domaine de comprendre rapidement l’enjeu des recherches.
On offre également aux lecteurs et lectrices plus avancés des exemples concrets, spécifiques et parfois même personnels, telle l’étude de Stella L. Smith, tandis que d’autres proposent des solutions pour améliorer l’équité, notamment en impliquant davantage les étudiants et étudiantes dans la construction des cours. Ainsi, des solutions concrètes pour répondre aux difficultés d’ordre social et professionnel que subissent certaines étudiantes issues des minorités, que ce soit en relation avec leurs pairs, leurs professeurs ou leur institution d’enseignement elle-même, sont mises de l’avant.
D’ailleurs, les auteurs et autrices précisent que l’objectif du collectif est de promouvoir une véritable multiculturalité dans tous les aspects de la vie universitaire, allant de la sphère scolaire aux interactions sociales, professionnelles et émotionnelles. Les responsables de cet ouvrage auraient donc pu inclure une recherche effectuée exclusivement sur une population étudiante américaine blanche, ce qui leur aurait permis de comparer la perception des individus envers la diversité raciale.
Conclusion
En conclusion, Race, equity, and the learning environment: The global relevance of critical and inclusive pedagogies in higher education est un ouvrage essentiel pour l’ensemble des personnes étudiantes et enseignantes ayant un désir d’approfondir leurs connaissances en pédagogies inclusives, bien que l’apprentissage découle somme toute de la volonté des individus de changer et de progresser.
Comme l’évoque le premier ministre Justin Trudeau à l’occasion de la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante : « Cette initiative, qui porte sur la reconnaissance, la justice, le développement et la lutte contre la discrimination, nous aide à établir des cadres pour donner à la diaspora africaine des moyens d’agir et faire progresser notre lutte contre le racisme, la discrimination et la xénophobie que subissent les personnes d’ascendance africaine au Canada et ailleurs dans le monde » (Trudeau, 2024).
Selon les autrices, certaines institutions croient d’ailleurs que « les étudiants doivent “agir, parler et se comporter autant que possible comme la classe moyenne Blanche” (Warikoo et Carter, 2009, p. 374) » (p. 133), encourageant ainsi la continuité de l’iniquité raciale. Certes, ce livre présente un fondement solide sur les questions raciales en impliquant le domaine de l’éducation, qui pourrait bénéficier de l’implémentation des pédagogies critiques inclusives dans sa planification scolaire.
Appendices
Bibliographie
- Trudeau, J. (2024). Déclaration du premier ministre à l’occasion de la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante. Premier ministre du Canada. https://www.pm.gc.ca/fr/nouvelles/declarations/2024/01/24/declaration-du-premier-ministre-loccasion-de-la-journee-mondiale
- Warikoo, N. et Carter, P. (2009). Cultural explanations for racial and ethnic stratification in academic achievement: A call for a new and improved theory. Review of Educational Research, 79(1), 366-394. https://doi.org/10.3102/0034654308326162