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Présentation
Cet ouvrage collectif paru sous la direction de Sonia Lefebvre et Ghislain Samson est construit autour du constat suivant: l’arrivée massive des tableaux numériques interactifs (TNI) dans les salles de classe déstabilise les enseignants. Au Québec comme ailleurs, les questions sur cet outil, sur son potentiel didactique, sur les avantages et les inconvénients de son utilisation en classe, sur les compétences requises pour en faire des usages efficaces, n’ont pas encore trouvé de réponse. Les douze chapitres de cet ouvrage tentent d’apporter un éclairage sur les aspects évoqués et proposent, chacun à sa manière, des «pistes d’action à privilégier» soit pour la formation des enseignants, soit directement par les enseignants dans leur travail quotidien.
La première partie de l’ouvrage dresse un portrait de l’état du déploiement des TNI dans les écoles québécoises et aborde les effets constatés sur le travail enseignant suite à ce déploiement. Ainsi, dans le chapitre 1, Corneille Kazadi discute l’inévitable changement de posture de l’enseignant face à ce nouvel outil. Faisant le constat que les compétences technopédagogiques des enseignants sont très inégales, l’auteur part d’une caractérisation des niveaux d’utilisation du TNI pour proposer un modèle d’évolution vers des postures plus adaptées à la présence de cet outil dans la salle de classe.
Dans le chapitre 2, Sonia Lefebvre et Ghislain Samson présentent les résultats d’une recherche sur les préoccupations des enseignants du primaire et du secondaire en lien avec le TNI. Cette recherche montre que les enseignants s’intéressent davantage aux aspects pédagogiques et technopédagogiques qu’au fonctionnement technique du TNI.
La partie 2 de l’ouvrage regroupe des résultats de recherche portant sur des expériences d’intégration du TNI en classe. Le chapitre 3 est dédié à l’usage collaboratif de cette technologie. Les auteures, Carole Raby et al., analysent l’évolution des pratiques pédagogiques avec le TNI au préscolaire et au primaire et concluent que l’interactivité des élèves avec les technologies dépend fortement de l’implication des enseignants.
Au chapitre 4, Josée Gagnon et Ghislain Samson montrent comment l’utilisation du TNI dans les classes de mathématiques et de sciences et technologies peut faciliter la construction par les élèves de concepts abstraits et augmenter ainsi leur motivation et leur intérêt pour ces disciplines. Les chapitres 5 et 6 portent sur l’utilisation du TNI pour l’enseignement des sciences et technologies au secondaire. Alexandre Gareau et Ghislain Samson (chapitre 5) recensent différents types d’interactivité observée dans des classes équipées d’un TNI. Ensuite, Nancy Brouillette, Ghislain Samson et Sonia Lefebvre (chapitre 6) présentent un exemple d’utilisation du TNI qui tente de créer de l’interactivité autour des images, simulations et plans mécaniques. Dans le chapitre 7, Normand Roy propose une discussion théorique sur l’utilisation des technologies en classe (ordinateurs portables, tablettes et TNI), avant de recenser les usages de ces technologies auprès des élèves d’une école secondaire privée. Il en ressort que les enseignants considèrent le TNI comme une technologie utile en classe, alors que les élèves y trouvent peu d’utilité. L’auteur avance alors l’idée que le TNI serait plus un outil d’enseignement alors que les technologies individuelles comme les ordinateurs et les tablettes auraient plus un rôle dans l’apprentissage. Le chapitre 8 aborde la place du TNI dans la formation documentaire des étudiants par le personnel de bibliothèque. L’auteure, Véronique Lavergne, montre que des fonctionnalités intéressantes du TNI peuvent contribuer au succès d’un atelier de formation.
La partie 3 est intitulée «Développement professionnel, formation et soutien». Le chapitre 9 est un récit de Geneviève Allaire sur la démarche de développement personnel par la lecture scientifique qu’elle a entrepris suite de l’installation d’un TNI dans sa classe. Dans le chapitre 10, Nathale Frigon expose les facteurs qui ont contribués au succès de l’implémentation massive (80%) des TNI dans les classes de sa commission scolaire. La formation des enseignants, probablement le facteur le plus important, est décrite de manière élaborée. Les chapitres 11 et 12 présentent deux expériences d’implémentation des TNI à l’international. Le texte signé par Ndella Sylla synthétise les pratiques des enseignants du primaire et du secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles, décrit leur formation technologique et la collaboration qui a lieu entre pairs. Le chapitre 12 présente une expérience de formation d’enseignants à Madagascar. Brigitte Narvor et Sylvie Pinay décrivent le système de formation mis en place, les acquis des participants et exposent plusieurs scénarios technopédagogiques présentés aux participants.
Enfin, la conclusion de l’ouvrage reprend les principaux constats et pistes de solution de chacun des chapitres.
Point de vue
Cet ouvrage met en évidence les difficultés d’appropriation d’une technologie nouvelle dans les conditions de travail habituelles des enseignants. Chapitre après chapitre, le lecteur peut constater que les objectifs visés par la politique de l’École 2.0: la classe branchée instaurée au Québec en 2011 sont difficiles à atteindre. Premièrement, à cause de l’absence de formation pour les enseignants dont les salles de classe sont équipées d’un TNI. La perception des enseignants sur le TNI et sur les outils numériques en général est fortement orientée par une multitude de facteurs, dont principalement l’expérience pédagogique et technologique de chacun. L’ouvrage montre à quel point, dans les discours, les préoccupations des enseignants vis-à-vis du TNI sont de nature pédagogique, alors qu’en réalité le côté technique prend beaucoup de temps et de place dans l’esprit des enseignants qui, pour la plupart, se forment à l’utilisation du TNI par leurs propres moyens. Ainsi, pour parvenir à utiliser le TNI avec un investissement personnel raisonnable, les enseignants limitent l’innovation, restant proches de leurs pratiques pédagogiques habituelles.
Deuxièmement, la recherche ne documente pas suffisamment l’implémentation des TNI dans les écoles. Restant timide, celle-ci se limite à constater sur le terrain les difficultés rencontrées par les enseignants et les efforts qu’ils déploient pour résoudre les problèmes techniques auxquels ils sont confrontés. À ce jour, nous ne savons pas encore à quoi pourrait ressembler une formation qui préparerait les enseignants à un usage efficace du TNI. Nous ne connaissons pas non plus les effets réels du TNI sur l’apprentissage: les élèves apprennent-ils mieux, apprennent-ils plus ou plus vite lorsque leur classe est équipée d’un TNI?