L’entrevue

Au-delà de l’intervention interculturelleEntrevue avec Marie-Hélène Lamarche, travailleuse sociale engagée par le Conseil des Anicinapek de Kitcisakik comme intervenante communautaire pour améliorer les habiletés parentales avec les 6 à 17 ans[Record]

  • Amélie Girard

D’abord, je suis une fille de Drummondville. J’ai débuté, il y a quelques années un baccalauréat en sociologie qui m’a fait beaucoup réfléchir sur les problématiques et les mécanismes sociaux, politiques et culturels. En fait, cette formation m’a permis de développer plus profondément mon esprit critique. Toutefois, je me sentais inutile, il me manquait un ancrage concret dans la pratique. J’ai donc choisi de prendre un temps d’arrêt. Je me suis alors beaucoup questionnée sur mes objectifs de vie, mes buts et sur la contribution que je désirais avoir en tant qu’être humain. Ayant fait quelques voyages qui m’ont permis d’entrer en contact avec différentes cultures, j’ai développé un grand intérêt pour la diversité culturelle et les situations socioéconomiques mondiales. En fait, ces expériences m’ont fait prendre conscience qu’il y avait au Québec et au Canada un grand nombre de nations autochtones dont j’entendais très peu parler. Je vivais sur le même territoire que des peuples natifs, mais je ne les connaissais pas. C’est dans cette perspective que j’ai choisi de faire du bénévolat au Centre d’amitié autochtone de Montréal. À ce moment-là, je désirais connaître un peu plus les cultures autochtones ainsi que leur réalité. Je voulais aussi vérifier mes réactions aux différentes problématiques que les autochtones vivent à Montréal. Je considérais déjà à cette époque le travail social comme une orientation possible. En fait, cette expérience de bénévolat a été super-intéressante. Elle a piqué ma curiosité et m’a donné envie d’aller plus loin. J’ai donc choisi d’entreprendre des études en travail social. Dès le début, j’avais pour objectif d’effectuer mon stage auprès de populations autochtones. En préparation à ce projet, j’ai orienté l’ensemble de mes travaux sur des sujets touchant les Premières Nations. Le temps venu, le processus de recherche en milieu de stage n’a pas été facile. J’ai moi-même contacté des personnes, qui ont facilité ma rencontre avec la communauté de Kitcisakik, que je ne connaissais pas antérieurement. Dès mon arrivée, j’ai rencontré le directeur et la coordonnatrice du Centre de santé de la communauté. Je ressentais une certaine retenue, une timidité, une froideur au début. C’était un peu intimidant. Le directeur m’a alors posé une seule question : « Pourquoi veux-tu venir à Kitcisakik ? » Comme plusieurs Tcigougi [ce qui veut dire « Blanc » dans la langue algonquine], j’ai commencé à parler de mon processus de réflexion. Étant donné que je parlais beaucoup, le directeur m’a coupée et reposé la même question du départ, c’est-à-dire pourquoi j’avais choisi cette communauté comme milieu de stage. La communication à Kitcisakik est bien différente de celle qui a cours en milieu blanc. Peu de paroles, il n’y a qu’une phrase et tout est là ; cette concision dans l’idée est certainement un trait culturel. Il n’y a pas tout le flot de mots, cette fioriture qu’on a tendance à mettre. Je crois que j’ai alors compris la profondeur de la question. Comme je démontrais une attitude d’ouverture, que je désirais réellement les connaître et non leur imposer quoi que ce soit, ils ont accepté ma candidature. D’abord, Kitcisakik est une communauté qui a une histoire particulière. Leur sédentarisation au village Dozois est très récente. Avant les années 1980, la population occupait leur territoire ancestral, les familles étaient beaucoup plus dispersées et vivaient sur différents emplacements : le lac Whisky, le lac Joncas, le lac à la Truite. La population pratiquait quotidiennement la chasse, la pêche et le trappage. Or, depuis, la population s’est de plus en plus regroupée au village Dozois. En conséquence, très rapidement, tant le mode de vie que les pratiques culturelles se sont transformés. …

Appendices