Notes de lecture

JEAN-MARC LARRUE, GIUSY PISANO, JEAN-PAUL QUÉINNEC (dir.), Dispositifs sonores : corps, scènes, atmosphères, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « Espace littéraire », 2019, 322 p.[Record]

  • Stéphane Resche

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  • Stéphane Resche
    Université de Paris-Est Créteil

Parfois la lecture d’une introduction suffit pour se faire une idée assez complète, bonne ou mauvaise, d’un ouvrage. Ce n’est pas le cas pour le récent recueil d’études dirigé par Jean-Marc Larrue, Giusy Pisano et Jean-Paul Quéinnec, Dispositifs sonores : corps, scènes, atmosphères. L’ouverture est une mise en bouche élégante à une série de travaux qui mettent en appétit sur le devenir des études sonores dans le domaine du théâtre et plus généralement dans les arts de la scène. Aux curieux·euses de tous bords et aux artistes, chercheur·euses et intellectuel·les de la scène contemporaine, elle donnera du grain à moudre et de quoi se repaître en idées, concepts, analyses et perspectives. L’introduction, donc, cadre bien les enjeux. L’ouvrage se place au point de convergence de deux groupes de travail et de recherche désormais considérés internationalement : Les Arts trompeurs / Deceptive Arts et Le son au théâtre / Theatre Sound. Le regroupement des études en volume est né d’une initiative de la Chaire de recherche du Canada en dramaturgie sonore au théâtre, dirigée par Jean-Paul Quéinnec à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), fer de lance dans les fertiles échanges scientifiques sono-centrés, notamment entre le Canada et la France. Après dix années de travail, les études sonores n’en sont plus à la recherche d’une légitimité, aujourd’hui aussi évidentes qu’indispensables. Une phase de travaux analytiques, historiques, pratiques, révélateurs d’un « tournant sonore », a désormais laissé place à une phase de développement accru des questionnements consacrés aux différentes formes d’agentivité au théâtre. Cette « auralité » complexe a appelé l’emploi d’un concept aussi riche et polysémique qu’insaisissable : celui de dispositif. Ce dernier est par conséquent central dans l’ouvrage qui nous concerne, et le titre ne peut que le préfigurer. Le dispositif inaugure, supporte, stimule le champ des possibles de la création contemporaine, mais échappe aux catégorisations, ce qui – si l’on en croit les différentes prises de position listées dans l’ouvrage – semble plutôt un avantage, à condition de ne pas mettre ce « dispositif » sur un piédestal, à le brandir à tout bout de champ, à l’agiter à chaque grand-messe. Cela signerait, de fait, sa caducité, sa péremption possible, voire son obsolescence programmée. Le dispositif fait émerger une multiplicité d’approches qui revigorent la pensée théâtrale et renouvellent les interactions entre les forces, les personnes et les éléments en présence (à ce titre, il bouscule la centralité de la présence, mythe de l’art du théâtre et aussi son apanage). Il interroge, encore, les rapports spatiaux temporels du moment spectaculaire. Au fil des pages, les qualifications du dispositif s’enchaînent et s’entremêlent : flexible, idéologique, visuel, sonore, varié, spatial, multiforme, déterministe, aléatoire, technologique, frontal, panoramique, sphérique, polysensoriel, multimodal. Il engage et questionne l’agentivité, la choralité, la complexité, le déplacement de l’expérience du ou de la spectateur·trice. Il semble adaptable aux fondements de l’acte créateur, suppose une part de vide, d’imprécision, de rêve aussi, et porte en lui le principe de sa dissolution. Il serait, enfin, un instrument immersif, capable de s’effacer de lui-même tout en étant garant par son existence de la part de médiation intrinsèque au spectacle. En réalité, par et pour le son, via le dispositif, l’imposant volume s’enquiert de domaines et de perspectives beaucoup plus larges. L’ouvrage rassemble des textes généraux à caractère universitaire et des présentations plus inattendues, souvent des études de cas dont le compte rendu écrit révèle des contours expérimentaux. Fort·e de quelques notions fondamentales, le·la lecteur·trice peut se plonger aisément dans la lecture du deuxième quart de l’ouvrage. La seconde partie s’ouvre sur l’étonnant essai de Patrick Feaster, « Banjo ‘Lize, l’invisibilité …

Appendices