Abstracts
Résumé
La question de la réforme du mode de scrutin se pose depuis longtemps au Canada et revient fréquemment à l’ordre du jour, en particulier depuis les dernières élections québécoise (1998) et fédérale (2000). Plusieurs options de réforme ont été proposées sans qu’on en ait mesuré l’impact probable sur la distribution partisane des sièges en chambre et sur ce qui pourrait aussi en découler. Le présent article vise à combler cette lacune par des simulations appliquées aux résultats d’élections récentes. Deux hypothèses de représentation proportionnelle sont considérées et trois différentes méthodes de calcul. L’analyse permet de vérifier si les cas confirment les postulats généralement admis quant au degré de proportionnalité produit par chaque formule, mais aussi l’impact de ce mode de scrutin sur la représentativité au Parlement, la polarisation régionale et les gouvernements majoritaires.
Abstract
The question of electoral reform is now asked from a long time and frequently comes back on the agenda, particularly since the last elections in Quebec (1998) and in Canada (2000). Many options of reform have been proposed without we had measure the probable impact on the chamber partisan distribution and on the other things it ensues. This article proposes to fill this blank with simulations based on the last elections results. Two hypotheses of proportional representation and three electoral formulas are taken into account. The analysis allows the verification of usually admitted postulates concerning the degree of proportionality of each formula, the impact of that electoral system on parliamentary representativeness, regional polarization and majority governments.
Article body
Le Canada — avec la Grande-Bretagne et les États-Unis — est l’un des rares pays démocratiques à avoir conservé le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour [1], l’un des plus anciens et des plus simples systèmes au monde. Au fil des ans, plusieurs démocraties ont remis en question ce genre de système et ont choisi de prendre le virage vers la représentation proportionnelle ou une quelconque formule mixte. La principale motivation de ces importants changements aux institutions politiques est certainement la volonté d’obtenir un parlement qui soit davantage représentatif de l’expression populaire, point sur lequel le système majoritaire connaissait des limites évidentes [2].
La question de la réforme du mode de scrutin se pose depuis longtemps au Canada et revient fréquemment à l’ordre du jour, en particulier depuis les dernières élections québécoise (1998) [3] et fédérale (2000). La résurgence du débat ne se produit évidemment pas sans raison. En ce moment, au Canada, le parti au pouvoir occupe 57 % des sièges, même s’il n’a reçu que 41 % des votes. Au Québec, le cas est encore plus frappant : le second parti en termes de soutien populaire forme le gouvernement (majoritaire) avec près de 61 % des sièges. Ces situations, aux allures souvent paradoxales, ne font malheureusement pas figure d’exception, les exemples historiques étant nombreux [4].
Afin de corriger ces iniquités, plusieurs options de réforme ont été proposées [5] sans qu’on en ait mesuré l’impact probable sur la distribution partisane des sièges en chambre et sur ce qui pourrait aussi en découler. Le travail qui suit vise à combler cette lacune par des simulations appliquées aux résultats d’élections récentes [6]. Deux hypothèses de représentation proportionnelle (RP) sont considérées : une RP modérée — un peu comme l’avait imaginé Vincent Lemieux en 1973 dans Le quotient politique vrai [7] — avec des circonscriptions possédant en moyenne 4 ou 5 sièges ; et une RP plus conventionnelle avec des circonscriptions plus grandes comprenant en moyenne 8 ou 10 sièges [8]. L’exercice tient aussi compte, pour la répartition des sièges, de trois méthodes de calcul : Hare-Niemeyer, D’Hondt et Ste-Laguë.
La littérature indique que la représentation proportionnelle peut s’accompagner de modalités fort diverses dont certaines sont susceptibles de produire des distorsions non négligeables. En fait, la proportionnalité dépendrait principalement de deux éléments : (1) le nombre moyen de sièges à pourvoir par circonscription et (2) le choix de la technique de répartition des sièges. Le premier élément — ce que Douglas Ray a appelé District Magnitude — est sans doute celui qui influence le plus le degré de proportionnalité. Ainsi, plus le nombre moyen de sièges à pourvoir par circonscription est élevé, plus la répartition des sièges sera proportionnelle aux voix obtenues [9]. L’impact des différentes techniques de répartition a, lui aussi, été démontré. La méthode D’Hondt (plus forte moyenne) tend à amplifier les distorsions et à favoriser les partis les plus forts, tandis que les méthodes Hare-Niemeyer (plus fort reste) et Ste-Laguë produisent une répartition beaucoup plus proportionnelle des sièges [10].
Il existe aussi une littérature qui examine les répercussions de la représentation proportionnelle sur les systèmes politiques. Dans un texte pour l’Institut de recherches en politiques publiques (IRPP), Louis Massicotte se penche sur cette question en traitant des conséquences probables de l’application de la RP au cas canadien. Selon lui, un changement impliquant ce mode de scrutin aurait une influence sur une multitude de sphères, notamment en ce qui concerne le travail du simple député et le rôle du premier ministre. L’étude qui suit s’intéresse cependant, et plus particulièrement, à trois autres aspects dont traite l’auteur : (1) l’accroissement de la représentativité au Parlement, (2) la réduction de la polarisation régionale et (3) la disparition des gouvernements majoritaires formés d’un seul parti [11]. L’application d’une formule de RP devrait avoir un effet positif sur la représentativité du Parlement en offrant davantage d’équité dans le rapport sièges/voix, mais aussi en permettant une meilleure représentation des opinions politiques minoritaires grâce à la présence accrue des petites formations politiques. On devrait de plus pouvoir observer une réduction de la polarisation régionale au Parlement, tout comme un rééquilibrage régional au sein des caucus des différents partis. On risque enfin de constater l’apparition de gouvernements minoritaires, et par le fait même, de devoir composer avec des gouvernements de coalition (du moins si l’on se fie à l’observation des pays qui expérimentent actuellement ce mode de scrutin).
Méthodologie
Deux cas ont servi aux simulations qui suivent : l’élection du 30 novembre 1998 au Québec et l’élection fédérale du 27 novembre 2000. Dans chaque cas, deux hypothèses de représentation proportionnelle sont considérées : une RP modérée avec des circonscriptions possédant en moyenne 4 ou 5 sièges et une RP plus conventionnelle avec des circonscriptions plus grandes comprenant en moyenne 8 à 10 sièges.
Un premier découpage divise le Québec en 28 circonscriptions et offre une magnitude [12] (nombre moyen de sièges à pourvoir par circonscription) de 4,5. Un second découpage réduit de moitié le nombre de circonscriptions (l’établissant à 14) et offre une magnitude de 8,9. Le cas canadien respecte la même logique puisqu’un premier découpage divise le pays en 66 circonscriptions et qu’une seconde démarche établit le nombre de circonscriptions à 32. Les magnitudes sont ici respectivement de 4,6 et de 9,4.
Il faut noter que les découpages consistent en l’agglomération de circonscriptions existantes. Les ensembles créés respectent les limites régionales, se veulent relativement homogènes, logiques et plausibles. Des regroupements différents pourraient évidemment produire des résultats différents de ceux que nous avons obtenus.
À l’intérieur de chaque ensemble, les suffrages exprimés en faveur des candidats et candidates d’un même parti ont été additionnés. Les sièges ont ensuite été répartis selon trois méthodes : Hare-Niemeyer, D’Hondt et Ste-Laguë. Un seuil de 5 % a aussi été appliqué à chacun de ces calculs, question d’évaluer l’impact d’une telle mesure sur les résultats. L’utilisation de logiciels disponibles sur Internet est venue faciliter la répartition des sièges [13].
Tous les candidats appartenant à une formation politique (ceci exclu donc les candidats indépendants et ceux sans désignation) reconnue par le Directeur général des élections mais qui ne bénéficient pas d’une représentation en chambre ont été regroupés sous la catégorie « Autres ». Ce regroupement ainsi constitué subit la démarche mentionnée plus haut concernant les candidats d’un même parti.
Les données québécoises proviennent du site Internet du Directeur général des élections du Québec dans la section « résultats officiels [14] ». Les données canadiennes proviennent du site Internet d’Élections Canada (Synopsis des résultats officiels de la 37e élection législative) [15].
Avant de passer à l’observation des résultats, il convient de clarifier un point : les résultats obtenus ne sont qu’un indice de la distribution possible des sièges dans une perspective de représentation proportionnelle. L’exercice auquel nous nous prêtons ne fait que simuler l’effet mécanique du mode de scrutin (la transformation des votes en sièges) et ne peut en aucun cas, malheureusement, tenir compte des effets psychologiques [16] de l’institution sur le choix des électeurs et électrices [17].
Résultats
Représentation proportionnelle et distribution des sièges
Les tableaux 1 et 2 présentent les résultats des différentes simulations réalisées à partir des élections du 30 novembre 1998 au Québec. Le tableau 1 concerne la première simulation ou, plutôt, l’hypothèse de RP dite modérée. Le tableau 2 expose les résultats de la seconde simulation (selon l’hypothèse d’une RP plus conventionnelle).
Dans un cas comme dans l’autre, les tableaux présentent le même genre de données : le nombre de sièges attribués à chaque parti selon les différentes méthodes de répartition. Notons que la colonne intitulée « Mode actuel » (soit le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour) n’apparaît qu’à titre indicatif. Quant aux chiffres entre parenthèses, ils indiquent la distorsion entre le pourcentage de sièges obtenu par le parti et le pourcentage de voix reçu. Nous reviendrons à ces données un peu plus tard.
Un balayage rapide des deux tableaux permet de constater que le Parti québécois (PQ) obtient, selon la méthode et l’hypothèse de découpage, de 54 à 60 sièges (au lieu des 72 dont il bénéficie dans le contexte majoritaire uninominal à un tour). La perte est donc substantielle pour ce parti puisqu’il perd de 16 à 22 sièges.
Quant au Parti libéral du Québec (PLQ), il remporte, toujours selon les différentes formules, de 54 à 62 sièges (comparativement à 48 dans le contexte actuel). Pour lui, contrairement au cas précédent, l’application des différentes hypothèses de RP serait favorable. Ses gains, en termes de sièges, se situeraient entre 6 et 14.
L’Action démocratique du Québec (ADQ) ressort aussi gagnante de ces simulations puisqu’elle obtient de 3 à 16 sièges selon le cas. Par rapport au score enregistré dans le contexte actuel (un seul siège), les gains se situent entre 2 et 15 sièges.
Les résultats des différentes simulations réalisées à partir de l’élection fédérale du 27 novembre 2000 figurent aux tableaux 3 et 4. Comme pour l’élection québécoise, le premier (tableau 3) concerne l’hypothèse de RP modérée tandis que second (tableau 4) porte sur l’hypothèse d’une RP plus conventionnelle. Les données concernent encore une fois le nombre de sièges obtenus par chaque parti selon les différentes méthodes de répartition.
Comme dans le cas québécois, le premier parti en importance — ici le Parti libéral du Canada (PLC) — sort perdant de l’application des différentes formules de RP. Selon le cas, il remporte un nombre de sièges qui se situe entre 125 et 148. Le recul est important quand on compare ces résultats avec ceux obtenus dans le contexte actuel (172 sièges). En effet, le PLC perd de 24 à 47 sièges lors de l’application des hypothèses de RP.
Tous les autres partis, à l’exception du Bloc Québécois (BQ), ressortent gagnants de l’application des différentes formules de RP. L’Alliance Canadienne (AC), qui obtient de 77 à 79 sièges lors des simulations, gagne de 11 à 13 sièges par rapport à son score actuel (66). Dans le même sens, le Nouveau Parti Démocratique (NPD), avec 16 à 27 sièges, améliore son score (13) de 3 à 14 sièges. Le grand gagnant de ces différentes simulations est sans aucun doute le Parti progressiste-conservateur du Canada (PC) : partant de 12 sièges dans le contexte actuel, il en décroche entre 27 et 38 selon les formules, soit un bond de 15 et même de 26 sièges dans certaines situations.
On observe cependant une tendance inverse pour le BQ puisque les simulations lui font perdre du terrain. De 38 sièges dans le contexte actuel, il passe, au mieux, à 35 et, au pire, à 30 ; une perte de 3 à 8 sièges selon le cas. On peut expliquer cette chute par deux raisons : premièrement, le parti se voyait avantagé par le système majoritaire uninominal à un tour ; deuxièmement, il ne présente aucun candidat dans les circonscriptions hors Québec (ce qui limite ses chances de faire des gains ailleurs au pays).
De manière générale, autant au Québec qu’au Canada, les partis au pouvoir, c’est-à-dire le PQ et le PLC, ressortent tous perdants de l’application des différentes formules de RP. Comme nous l’avons vu, le PQ perdrait de 16 à 22 sièges et le PLC, de 24 à 47. Les différentes formules les désavantagent donc considérablement, même si dans un cas — celui du PLC — le parti conserve une avance substantielle sur les autres partis et sur son principal concurrent (l’AC). En effet, la différence entre ces deux partis reste, dans le pire des scénarios, d’au moins 46 sièges.
On ne peut pas en dire autant de la différence entre le PQ et le PLQ, car les deux partis se retrouvent nez à nez. Sur six hypothèses de RP, le PQ n’a le dessus sur le PLQ qu’une seule fois. Dans deux cas, les partis sont à égalité et trois fois sur six, c’est le PLQ qui prend les devants.
Les différentes hypothèses de RP avantagent, de manière très variable il faut le dire, la presque totalité des autres partis, à l’exception du BQ. Parmi tous ces partis, celui qui est le plus avantagé — nous l’avons vu plus haut — est le PC (avec des gains se situant entre 15 et 26 sièges par rapport à la situation actuelle). Cette dynamique fait passer ce parti de la dernière place à la Chambre des communes à la quatrième assurément et peut-être même à la troisième (devant le BQ et le NPD).
La proportionnalité des méthodes de répartition et des hypothèses de découpage
La section précédente concernait la distribution des sièges en chambre. Comme nous l’avons remarqué, le nombre de sièges que reçoit un parti varie beaucoup selon les différentes formules. Pour certains partis, ce nombre demeure relativement stable. C’est notamment le cas de l’AC qui, de formule en formule, voit le nombre de ses sièges passer de 77 à 79, soit une variation de seulement deux sièges. Pour d’autres partis, comme le PLC, la variation est beaucoup plus importante. Selon les formules, ce parti dispose de 125 à 148 sièges ; ce qui représente une différence non négligeable de l’ordre de 23 sièges.
Toutes ces variations (de même que celles qui concernent les autres partis) s’expliquent par le jeu de deux éléments : les méthodes de répartition et les hypothèses de découpage (ou la magnitude). Ces facteurs, pris indépendamment ou combinés, ont un effet sur la proportionnalité des résultats. De manière générale, elle tend à augmenter à mesure que le nombre de sièges à pourvoir dans une circonscription augmente [18]. Ainsi, une magnitude plus élevée ferait en sorte que l’on parvienne à une distribution des sièges plus proportionnelle. Le choix de la méthode de répartition peut aussi avoir un impact sur la proportionnalité des résultats. Certaines méthodes, comme Hare-Niemeyer et Ste-Laguë, favorisent la juste répartition, tandis que d’autres, comme la méthode D’Hondt, favorisent les partis les plus forts au détriment des plus faibles [19].
Les simulations auxquelles nous avons procédé permettent de vérifier la valeur empirique de ces affirmations. Pour discuter de cette question, nous aurons recours aux quatre tableaux précédents ainsi qu’aux indices de distorsion qui se trouvent entre parenthèses. Rappelons simplement que ces indices représentent la différence entre le pourcentage de sièges obtenu en chambre par le parti et le pourcentage de voix recueilli par ce même parti dans l’ensemble de l’électorat. Un indice positif signifie que le pourcentage de sièges obtenu est supérieur au pourcentage de voix recueilli. Un indice négatif correspond à la logique inverse.
Un rapide survol des quatre tableaux permet de confirmer ce qui est habituellement dit à propos de la formule D’Hondt, à savoir qu’elle favoriserait les grands partis au détriment des plus petits. On peut avancer une telle affirmation en comparant les indices de distorsion associés à la méthode D’Hondt avec ceux des deux autres méthodes.
Dans les deux simulations québécoises (tableaux 1 et 2), les deux partis les plus importants (PQ et PLQ) se voient avantagés par la méthode D’Hondt puisqu’ils obtiennent plus de sièges (en pourcentage) qu’ils ont reçu de voix (en pourcentage). Même si elles sont moins importantes que celles produites dans le cas du système majoritaire uninominal à un tour, les distorsions restent, dans certains cas, relativement élevées.
En avantageant les plus forts, la méthode ne peut que désavantager les plus faibles. Ainsi, D’Hondt offre systématiquement moins de sièges à l’ADQ (en pourcentage) que de voix (en pourcentage). Les distorsions représentent 5 et même 10 points de pourcentage dans la première simulation.
Les deux autres méthodes de répartition paraissent beaucoup plus justes sur le plan de la proportionnalité. Dans aucune des deux simulations québécoises, les méthodes Hare-Niemeyer et Ste-Laguë n’offrent une distorsion plus élevée qu’un point de pourcentage, ce qui est très raisonnable.
La même logique s’applique parfaitement au cas canadien (tableaux 3 et 4). En effet, comme dans le cas québécois, la méthode D’Hondt continue de favoriser les partis les plus forts (notamment le PLC avec +8 et +5) et de défavoriser les partis les plus faibles comme le NPD et le PC (avec des indices de distorsion allant de -2 à -4 selon le cas et le parti). Quand on la compare aux deux autres méthodes, D’Hondt est nettement la moins proportionnelle de toutes avec des indices systématiquement plus élevés.
Un autre élément peut avoir un effet sur la proportionnalité, mis à part les méthodes de répartition. Il s’agit du nombre moyen de sièges à répartir par circonscription (ou la magnitude). Comme nous l’avons vu précédemment, on peut s’attendre à ce qu’une magnitude plus élevée produise une répartition plus proportionnelle.
Encore une fois, l’observation des tableaux 1 à 4 et des différents indices de distorsion s’avère utile. Ici, cependant, il ne faut pas comparer les méthodes entre elles, comme nous venons de le faire, mais plutôt comparer les répartitions que présente chacune des simulations.
L’effet de l’augmentation de la magnitude est plus visible avec la méthode D’Hondt autant pour la simulation québécoise que canadienne. Au Québec, avec cette méthode, le simple fait de doubler la magnitude (en passant de la simulation 1 à la simulation 2) fait doubler la proportionnalité en réduisant de moitié les indices de distorsion. La même logique s’observe dans le cas canadien quand on examine la répartition offerte par la méthode D’Hondt dans les deux simulations ; l’exemple est toutefois un peu moins évident que le cas québécois.
Les gains en proportionnalité résultant d’une augmentation de la magnitude sont cependant moins évidents pour les méthodes dites plus justes (Hare-Niemeyer et Ste-Laguë). Cela s’explique par le fait que ces deux dernières méthodes offrent déjà des résultats très proportionnels lors des premières simulations. Il est néanmoins possible de distinguer une tendance lors d’une observation attentive des différents indices. On peut aussi constater les gains en proportionnalité lorsqu’on compare la performance des « autres » partis dans les deux simulations canadiennes. En effet, le regroupement des petits partis obtient plus de sièges lorsque la magnitude est plus élevée.
Comme nous l’avons mentionné plus haut et comme nous venons de le vérifier, les deux éléments (méthodes de répartition et magnitude) peuvent, indépendamment l’un de l’autre, avoir un impact sur la proportionnalité. Leur combinaison permet cependant d’obtenir un effet maximal. Ainsi, l’utilisation de la méthode D’Hondt dans un contexte à faible magnitude offre une répartition beaucoup moins proportionnelle que l’utilisation des méthodes Hare-Niemeyer et Ste-Laguë dans un contexte à forte magnitude.
La représentation des petits partis
Dans bien des cas, nous l’avons vu, les différentes hypothèses de RP offrent une représentation plus équitable, donc la composition d’un parlement plus représentatif. La RP, du moins les hypothèses étudiées ici, permet à des partis comme l’ADQ et le PC de prendre la place qui leur revient. Qu’en est-il des autres formations politiques, celles qui, pour l’instant, n’ont aucune voix en chambre ? La RP leur permettrait-elle de bénéficier d’une meilleure représentation comme beaucoup l’espèrent ? Il semble que non, à tout le moins sur le plan strictement mécanique [20].
Au Québec, nos simulations ne laissent aucune place aux petits partis et ce, même si nous avons regroupé le vote de toutes les petites formations, pour des raisons techniques, de manière à considérer ce regroupement comme un seul et unique parti (ce qui, dans les faits, est tout à leur avantage, car il augmente considérablement leurs chances de décrocher un siège).
Au Canada, le regroupement réussit à obtenir des sièges. Dans la première simulation (tableau 3), les « autres partis » décrochent un siège (pourvu que les méthodes de répartition utilisées soient celles dites justes). Dans la seconde simulation, celle favorisant la proportionnalité, le regroupement des petits partis obtient 2 ou 3 sièges (toujours avec l’utilisation des méthodes plus justes).
Parce que tous les petits partis ont été regroupés, on pourrait penser qu’aucun d’entre eux (pris indépendamment) n’aurait décroché de siège en réalité. Pour en avoir le coeur net, à chaque endroit où le regroupement a obtenu un siège, nous avons repris les calculs en considérant, à la place du regroupement, le petit parti qui avait remporté le plus de voix dans la circonscription.
Dans la première simulation canadienne, le plus fort des petits partis (le Parti Vert) est trop faible, à lui seul, pour obtenir un siège (ou plutôt conserver celui octroyé au regroupement). Dans la seconde simulation canadienne, sur tous les sièges accordés au regroupement, notre nouvelle démarche fait en sorte qu’il n’en reste qu’un. Le siège en question revient au Parti Vert (qui avait reçu 17 121 votes dans une circonscription en Colombie-Britannique), mais il n’est obtenu que par la méthode Hare-Niemeyer [21].
La disparition des gouvernements majoritaires formés d’un seul parti
Dans un texte publié par l’IRPP [22], L. Massicotte avance que l’application de la RP au contexte canadien aurait pour effet de favoriser la formation de gouvernements minoritaires et de coalition. Il en vient à cette conclusion en observant la situation de pays ayant adopté ce genre de formule. Les simulations auxquelles nous avons procédé, tant québécoises que canadiennes, semblent lui donner raison ; même si, dans certains cas, le seuil majoritaire est presque atteint [23].
Dans les deux simulations québécoises (tableaux 1 et 2), aucun parti ne remporte la majorité des sièges en chambre (soit 63). Le PLQ passe cependant très près de l’atteindre lors de la première simulation quand la répartition des sièges se fait à l’aide de la méthode D’Hondt. À ce moment, le parti obtient 62 sièges. Notons aussi que, dans la même situation (simulation 1 et méthode D’Hondt), le PQ n’est pas très loin non plus de l’obtenir avec ses 60 sièges.
Dans les cas à l’étude, les chances pour les partis d’être majoritaires paraissent diminuer à mesure que l’on se tourne vers les méthodes plus justes ou que l’on augmente la magnitude. Dit autrement, plus la proportionnalité augmente, plus les chances qu’un parti soit majoritaire diminuent.
Le cas canadien (tableaux 3 et 4) ressemble énormément au cas québécois dans la mesure où aucun parti ne décroche la majorité des sièges (ici, 151). Toujours dans le même sens que le cas québécois, c’est à faible magnitude et avec des méthodes favorisant les distorsions que les chances d’un parti d’obtenir la majorité sont les plus élevées. En effet, lors de la simulation 1, avec la méthode D’Hondt, le PLC arrive à seulement trois sièges de la majorité avec 148. Comme nous l’avons remarqué, les chances de ce parti d’obtenir la majorité diminuent à mesure que l’on augmente la magnitude ou que l’on utilise des méthodes de répartition plus justes.
La réduction de la polarisation régionale au Parlement
L. Massicotte affirme aussi qu’une RP ferait en sorte de favoriser, au sein des caucus parlementaires, l’inclusion d’élus provenant de la plupart des provinces (si, évidemment, les partis en question y présentent des candidats et si ces derniers y recueillent un minimum d’appui). Nos données provenant des simulations québécoises et canadiennes permettent encore une fois de vérifier la valeur empirique de cette affirmation en comparant la distribution régionale des sièges dans les simulations avec la distribution actuelle.
Pour simplifier la lecture et l’analyse des résultats, nous n’étudierons que les premières simulations de chaque élection (québécoise et canadienne). Nous retenons les hypothèses de découpage offrant une faible magnitude pour deux raisons : d’abord parce que c’est ce type de RP (modérée) qui a, à notre avis, le plus de chances d’être retenu advenant une réforme ; mais aussi, et surtout, parce que nous avons vu que les gains en proportionnalité entre les simulations de faible et de forte magnitude sont, dans bien des cas, relativement marginaux. Dès lors, l’étude parallèle et systématique des deux hypothèses de découpage rend l’exercice plus encombrant qu’utile. Les tendances observées dans les hypothèses retenues pour l’étude se retrouvent aussi chez les hypothèses de découpage à magnitude supérieure ; seules les données varient.
Commençons par l’analyse du cas québécois en observant, pour chaque parti, ce qui se dégage des tableaux 5 et 6. Ces tableaux présentent, pour Montréal (incluant Laval) et le reste du Québec, la distribution des sièges par parti politique selon les différentes méthodes de répartition.
Le PQ conserve un nombre relativement stable de sièges à Montréal en contexte de RP. Il en obtient de 10 à 12 (selon le cas) comparativement à 12 actuellement. Le parti perd cependant quelques sièges dans le reste du Québec. De 64 actuellement, il voit ses sièges tomber à 42 ou 50, soit une diminution de 14 à 22 sièges. Dans le présent contexte, le PQ détient 71 % des sièges situés dans le reste du Québec. Cette proportion chute à 47 % ou 56 % dans notre simulation. Le caucus, présentement composé à 81 % d’élus du reste du Québec, ne semble pas être affecté outre mesure par ces diminutions puisque cette proportion tourne aux alentours de 78 % et 83 % dans notre simulation.
Le PLQ conserve lui aussi un nombre relativement stable de sièges à Montréal dans notre simulation. Le parti fait cependant des gains dans le reste du Québec. De 25 sièges actuellement, le PLQ en obtient de 33 à 37 dans un contexte de RP. Les gains, en termes de sièges, se situent donc entre 8 et 12. À l’heure actuelle, le PLQ détient 28 % des sièges du reste du Québec ; cette proportion passe à 37 % ou 41 % dans notre simulation. Quant au caucus, il est actuellement composé à 52 % d’élus du reste du Québec. Le comportement du parti dans notre simulation fait passer cette proportion à 60 %.
À l’intérieur même de l’île de Montréal, le PQ réussit à faire quelques gains (allant de 1 à 3 sièges) dans l’ouest de la ville tandis que le PLQ y échappe de 1 à 4 sièges. L’ADQ, qui n’y détenait évidemment aucun siège, pourrait en décrocher un (mais seulement avec l’utilisation de la méthode Hare-Niemeyer). Dans l’est de l’île, la situation ne bouge pratiquement pas. De 7 sièges dans le présent contexte, le PQ passerait à 8. Le PLQ passerait de 10 à 9, tandis que rien ne changerait pour l’ADQ.
L’analyse que nous venons de réaliser semble donc confirmer la dépolarisation. Un seul cas semble aller contre la tendance : l’ADQ. En effet, la presque totalité des gains de ce parti se fait en région. Sur une possibilité de 16 sièges au total, le parti n’obtient qu’un ou deux sièges à Montréal. Avec parfois 14 ou 15 sièges en région, les élus du reste du Québec composent de 88 % à 93 % du caucus du parti.
Attardons-nous maintenant à la simulation canadienne pour voir si la tendance à la dépolarisation observée dans le cas québécois se confirme. Pour ce faire, prenons les partis un à un et regardons leurs gains et leurs pertes (en termes de sièges) dans les principales régions du pays. Les tableaux 7 et suivants seront particulièrement utiles à cette démarche puisqu’ils présentent, par région, la distribution des sièges par parti selon les différentes méthodes. Commençons par observer ce que l’application de la RP implique pour le PLC en termes de pertes et de gains régionaux.
Le PLC se voit retirer quelques sièges (4 ou 5) dans les Maritimes puisqu’il n’en obtient que 13 ou 14, selon le cas, au lieu des 18 qui lui sont acquis dans le contexte actuel. Ces pertes sont néanmoins banales si on les compare à celles qu’il subit en Ontario. En effet, le PLC perd, seulement dans cette province, de 35 à 48 sièges, selon le cas. Le parti qui possédait 98 % des sièges ontariens (101 sur 103) voit cette proportion diminuer dans notre simulation. En contexte de RP, le PLC n’obtient que 51 % ou 64 % (53 ou 66 sièges) des sièges ontariens.
Cela n’est pas sans conséquence. Dans le contexte actuel, le caucus libéral est composé à 59 % d’élus de l’Ontario (101 sur 172 au total). La perte substantielle de sièges dans cette province a pour effet de ramener la proportion d’élus ontariens au sein du caucus à 41 % ou 45 % (une diminution de 14 à 18 points de pourcentage par rapport au contexte actuel). Cette dynamique permet d’équilibrer davantage la composition du caucus du PLC en limitant le poids de l’Ontario et en augmentant celui d’autres régions.
Le Québec mais surtout l’Ouest sont sûrement les régions qui profiteront de cette ouverture puisque c’est précisément là que le PLC fait des gains. Au Québec, les gains du parti sont somme toute relativement peu élevés. Notre simulation offre au PLC de 36 à 42 sièges dans cette province (au lieu de 36) ; ceci représente un gain net allant de 0 (nul) à 6 sièges. Les gains sont cependant plus importants dans l’Ouest. La simulation offre au PLC de 24 à 26 sièges comparativement à 14 actuellement. Le parti y gagnerait donc de 10 à 12 sièges. Avec 16 % des sièges de l’Ouest dans le contexte actuel, le parti obtiendrait de 27 % à 30 % des sièges de cette région, si l’on se fie à notre simulation.
L’AC, comme le PLC, gagne et perd dans l’application de la RP. Le parti gagne quelques sièges dans les Maritimes et au Québec. Dans les provinces de l’Est, l’AC obtient de 1 à 3 sièges alors qu’il n’en a aucun dans le contexte actuel. Au Québec, les gains se situent entre 2 et 5 sièges, selon le cas. Comme pour les Maritimes, le parti n’a aucun siège dans la province présentement. Ces gains sont cependant banals si on les compare aux gains du parti en Ontario. Notre simulation donne de 23 à 26 sièges à l’AC dans cette province. Cela représente un gain allant de 21 à 24 sièges si l’on compare avec le nombre actuel de sièges (2). Avec seulement 2 % des sièges ontariens présentement, le parti obtient de 22 % à 25 % des sièges avec l’application de la RP ; ceci constitue des gains allant de 14 à 19 points de pourcentage.
Comme pour le PLC, l’AC perd là où elle est la plus forte actuellement. Dans l’Ouest, l’application de la RP donne au parti de 44 à 54 sièges. Cela représente une perte de 10 à 20 sièges par rapport au niveau actuel (64). L’AC, qui possède 73 % des sièges de l’Ouest, voit cette proportion diminuer à 50 % ou 61 % en contexte de RP. Cette dépolarisation a aussi, comme dans le cas du PLC, un impact sur la composition régionale du caucus. Ici, l’effet est cependant plus important.
Dans le contexte actuel, le caucus de l’AC est composé à 97 % d’élus de l’Ouest (64 sièges dans l’Ouest sur 66 au total). Avec l’application de la RP, cette proportion chute entre 56 % et 69 % ; ceci représente, par rapport à la situation actuelle, une diminution allant de 28 à 41 points de pourcentage. L’impact est donc majeur.
Le NPD est un cas beaucoup plus stable que les deux précédents. En effet, par rapport à la situation actuelle, la distribution des sièges en contexte de RP ne change pratiquement rien pour le NPD dans les provinces de l’Est et au Québec. Le parti fait de faibles gains en Ontario et dans l’Ouest. Alors qu’il n’a aucun siège en Ontario présentement, le NPD en obtient de 3 à 7 dans notre simulation. Dans l’Ouest, il décroche de 7 à 11 sièges, ce qui correspond à des gains allant de 0 (nul) à 3 sièges si l’on compare avec la situation actuelle (8 sièges).
Le PC fait des gains plus importants. Le parti gagne, avec l’application de la RP, de 2 à 3 sièges dans les Maritimes et de 1 à 5 sièges dans les provinces de l’Ouest. La grande percée du PC se fait toutefois davantage en Ontario. Alors qu’il n’y détient aucun siège actuellement, il en obtient de 11 à 17 avec l’application de la RP, ce qui est non négligeable pour un parti de cette taille.
Conclusion
L’application de la RP fait en sorte de favoriser une plus grande équité entre le nombre de voix recueillies par les partis politiques et le nombre de sièges attribués en chambre. Ce ne sont cependant pas toutes les formules qui engendrent une proportionnalité optimale. Certaines variantes permettent en effet d’obtenir des résultats qui favorisent les partis les plus solidement établis. Les aspects plus techniques semblent donc s’avérer ici d’une extrême importance. De manière générale, la RP rend justice aux partis de second plan. Désavantagées par le système actuel, ces formations ont tout à gagner de l’application de ce mode de scrutin. On ne peut cependant pas en dire autant au sujet des partis plus marginaux. Une telle réforme n’améliorerait pratiquement pas leur sort, du moins pas d’un point de vue strictement mécanique. Ceux qui voyaient dans la RP l’expression de la diversité risquent d’être fort désenchantés puisque les acteurs restent sensiblement les mêmes au Parlement.
Cette continuité cache néanmoins des changements importants. De l’application de la RP découle une modification du paysage partisan au pays. Des partis actuellement éloignés les uns des autres se rapprochent, certains en viennent même à changer de position. Des formations actuellement polarisées sur le plan régional s’éparpillent et obtiennent des sièges dans des régions où elles étaient totalement absentes ; des caucus se déconcentrent en devenant davantage nationaux. Nos simulations font aussi apparaître une nouvelle réalité : celle des gouvernements minoritaires. Bien que cette situation se soit déjà produite en mode de scrutin majoritaire, nous avons toutes les raisons de croire que cela pourrait devenir la règle plutôt que l’exception.
Nous pouvons finalement nous interroger quant aux chances réelles de réforme du mode de scrutin. Parce que nos simulations désavantagent considérablement les partis au pouvoir, tant au Québec qu’au Canada, nous pouvons penser qu’il est peu probable que nos gouvernements se laissent tenter par un tel projet. Au Québec, le nouveau contexte politique, les récentes consultations sur la réforme des institutions et le consensus autour de l’introduction d’un scrutin proportionnel font néanmoins en sorte de faire apparaître moins impossible l’idée d’un tel changement.
Appendices
Remerciements
L’auteur tient à remercier Louis Massicotte de ses précieux conseils et les évaluateurs anonymes de la revue pour leurs commentaires et suggestions sur une version préliminaire de ce texte. Les remerciements vont aussi aux gens d’Élections Canada, pour leur coopération.
Note sur l’auteur
Angelo Elias
Étudiant de maîtrise en science politique à l’Université de Montréal. Il s’intéresse aux comportements politiques, à l’opinion publique et à la psychologie politique. Il rédige présentement un mémoire sur l’information et le vote économique.
Notes
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[1]
Dans ce genre de système (scrutin majoritaire uninominal à un tour), les candidats sont élus à la majorité relative et non à la majorité absolue. Parce qu’il n’est pas nécessaire pour un candidat d’obtenir plus de la moitié des voix pour être élu, certains préfèrent parler de scrutin pluralitaire (puisqu’une simple pluralité de voix suffit pour être élu). Pour ne pas créer de confusion dans le reste du texte, nous continuerons d’employer le terme « scrutin majoritaire » pour parler du système canadien. Notons seulement qu’il aurait été tout aussi valable d’opter pour le terme « pluralitaire ».
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[2]
L. Massicotte, « Pour une réforme du système électoral canadien », Choix, no 7, 2001, p. 2-3.
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[3]
D’autres élections générales ont eu lieu au Québec depuis la rédaction du présent article.
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[4]
À ce sujet, voir L. Massicotte, « Pour une réforme du système électoral canadien », p. 5 et R. Kent Weaver, « Improving Representation in the Canadian House of Commons », Revue canadienne de science politique, vol. 30, no 3, 1997, p. 476-477.
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[5]
Parmi les options les plus populaires, notons le vote alternatif et la proportionnelle à députation mixte (Mixed Member Proportional System). En vigueur en Australie, le vote alternatif (un mode de scrutin à majorité absolue) demande aux électeurs de classer les candidats par ordre de préférence. Ce système a l’avantage de préserver les circonscriptions uninominales, tout en élevant le seuil d’éligibilité. Son principal point négatif réside dans le fait qu’il ne réduise pas vraiment les distorsions entre les pourcentages de votes recueillis et les sièges obtenus. La proportionnelle à députation mixte (en vigueur en Nouvelle-Zélande), qui combine la proportionnelle et le scrutin majoritaire, apparaît en ce sens une option très intéressante puisqu’elle permet, tout en conservant les circonscriptions uninominales pour un certain nombre de députés, une distribution des sièges qui soit davantage proportionnelle aux voix obtenues. Pour plus de détails sur ces deux options, sur leurs possibilités d’application et leurs conséquences sur le système canadien, voir notamment Tom Flanagan, « The Alternative Vote : An Electoral System for Canada », Inroads, no 7, 1998, p. 73-78 ; Antoine Bilodeau, « L’impact mécanique du vote alternatif au Canada : une simulation des élections de 1997 », Revue canadienne de science politique, vol. 32, no 4, 1999, p. 745-761 ; Henry Milner, « The Case for Proportional Representation in Canada », Inroads, no 7, 1998, p. 41-51 ; K. Weaver, « MMP is Too Much of Some Good Things », Inroads, no 7, 1998, p. 59-64.
-
[6]
On retrouve ce genre de simulation dans la littérature. K. Weaver se prête à l’exercice en simulant les effets de l’application d’un système compensatoire (voir K. Weaver, « Improving Representation in the Canadian House of Commons »). Les effets du vote alternatifs ont eux aussi été étudiés. À ce sujet, voir A. Bilodeau, « L’impact mécanique du vote alternatif au Canada ».
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[7]
Vincent Lemieux, Le quotient politique vrai ; le vote provincial et fédéral au Québec, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1973.
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[8]
Dans un cas comme dans l’autre, il est ici question d’une RP « pure et simple » qui implique un scrutin de liste. Ce genre de système, mis à part le fait qu’il soit relativement simple à comprendre et à mettre en oeuvre, est surtout reconnu pour sa justesse. De tous les systèmes, il est généralement celui qui engendre le moins de distorsion et qui permet une représentation optimale des petits partis et des minorités. Parmi les pays qui en font présentement l’expérience, notons simplement : la Belgique, le Brésil, l’Argentine, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Grèce, Israël, la Pologne, le Portugal, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la Suède et la Suisse.
-
[9]
Douglas W. Ray, The Political Consequences of Electoral Laws, New Haven, Yale University Press, 1971 ; Arend Lijphart, « The Political Consequences of Electoral Laws, 1945-85 », American Political Science Review, vol. 84, nos 1-2, 1990, p. 481-495.
-
[10]
A. Lijphart, « The Political Consequences of Electoral Laws ».
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[11]
L. Massicotte, « Pour une réforme du système électoral canadien ».
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[12]
Nous utiliserons le terme « magnitude » à défaut de mieux pour parler de « District Magnitude » ou du nombre moyen de sièges à pourvoir par circonscription.
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[13]
La répartition des sièges selon la méthode Hare-Niemeyer a été faite à l’aide du logiciel situé à l’adresse Internet suivante : « http://www.election.de/sa02/mandate.html ». Quant aux méthodes D’Hondt et Ste-Laguë, le logiciel utilisé se trouve à l’adresse : « http://www.probewahl.de/sitzverteilung/index.html ».
-
[14]
Internet : « http://www.dgeq.qc.ca/information/resultats_officiels/result_officiel_01.html ».
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[15]
Internet : « http://www.elections.ca/content.asp?section=gen&document=index&dir=rep/37g&lang=f&textonly=false ».
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[16]
Le principal effet psychologique, et en même temps le plus connu, est sans aucun doute le vote stratégique. Un électeur se comporte de manière stratégique quand, au lieu de voter pour le parti qu’il préfère, il choisit de voter pour un parti qu’il aime moins, mais qui, contrairement au premier, semble avoir plus de chances de gagner, tout cela dans le but d’empêcher un troisième parti de remporter l’élection (voir G. W. Cox, Making Votes Count : Strategic Coordination in the World’s Electoral System, Cambridge, Cambridge University Press, 1997). Cela dit, il faut faire attention de ne pas surestimer l’importance de l’effet psychologique. Lors de l’élection fédérale de 1988, André Blais et Richard Nadeau ont conclu que seulement 6 % des électeurs canadiens avaient voté de façon stratégique, ce qui est relativement peu (voir A. Blais et R. Nadeau, « Measuring Strategic Voting : A Two-Step Procedure », Electoral Studies, vol. 15, no 1, 1996, p. 39-52).
-
[17]
Pour plus de détails sur les effets mécanique et psychologique, voir A. Blais et R. Kenneth Carty, « The Psychological Impact of Electoral Laws : Measuring Duverger’s Elusive Factor », British Journal of Political Science, no 21, 1991, p. 79-93.
-
[18]
D. W. Ray, The Political Consequences of Electoral Laws ; A. Lijphart, « The Political Consequences of Electoral Laws, 1945-85 », p. 481-495.
-
[19]
A. Lijphart, « The Political Consequences of Electoral Laws, 1945-85 », p. 481-495.
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[20]
Les résultats concernant les petits partis apparaissent plus artificiels que les autres. Défavorisées par le phénomène du vote stratégique dans le contexte actuel (voir note 16), ces formations recueilleraient probablement plus de votes en contexte de RP (où chaque vote compte). Dans cette perspective, les petits partis se verraient attribuer plus de sièges que les simulations ne leur en offrent (voir A. Blais et R. K. Carty, « The Psychological Impact of Electoral Laws »).
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[21]
L’application du seuil de 5 % ne change rien à la situation : le Parti Vert conserverait donc le siège.
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[22]
L. Massicotte, « Pour une réforme du système électoral canadien ».
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[23]
Conclure à la disparition des gouvernements majoritaires formés d’un seul parti du paysage politique québécois et canadien sur la seule base de ces deux élections témoignerait évidemment d’une large imprudence. Il apparaît clairement que la confirmation (ou l’infirmation) de cette hypothèse nécessiterait l’étude de nombreuses autres élections. Cela dit, et comme un évaluateur anonyme l’a fait remarquer, il y a fort à parier que, même avec l’application des différentes formules de RP élaborées ici, des gouvernements majoritaires auraient émergé au Québec en 1962, en 1973 et en 1985 (et probablement aussi en 1981 et en 1989).