Recensions

L’effondrement : Petit guide de résilience en temps de crise, de Carolyn Baker, Montréal, Écosociété, 2015, 149 p.[Record]

  • Josée Provençal

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Professeure d’histoire et de psychologie, Carolyn Baker nous invite, dans son ouvrage L’effondrement : Petit guide de résilience en temps de crise, à nous préparer émotionnellement et spirituellement au changement de paradigme que causera ce qu’elle appelle « l’effondrement de la société industrielle ». Son « petit guide de survie » cherche à soulever le débat collectif sur la désindustrialisation non dans une logique survivaliste d’accumulation matérielle et d’autodéfense, mais plutôt dans une perspective psychologique, voire spirituelle, de préparation à l’effondrement, dans la formule « perte, éveil et renouveau ». En liant son exposé à sa propre histoire, elle vise, sans tomber dans le fatalisme ou l’utopie, à nous conscientiser face à l’engagement personnel que nécessite ce changement de paradigme, un peu comme une personne atteinte de cancer qui doit changer son mode de vie, sa diète et sa relation avec la mort. S’appuyant à plusieurs reprises sur la sagesse traditionnelle, Baker cherche à nous faire prendre conscience de notre « moi profond » qui, chez le poète Rumi, se présente sous la forme de « mourir avant de mourir » non pas pour envisager la fin en soi, mais le renouveau qui peut en émerger. De sorte que cette préparation consciente et intentionnelle se fera, selon elle, dans la joie, avec cette capacité d’apprécier les petites choses de la vie, plutôt que de poursuivre inlassablement la course au bonheur. En faisant face lucidement au changement de paradigme, en cessant de percevoir la réalité de façon binaire, noire ou blanche, Baker expose la capacité de l’individu à être émotionnellement résilient, à reprendre contact avec ses ressources intérieures, à mettre en action son « emploi spirituel » afin de le placer au service de la communauté. Par un exercice de présence dans le corps, elle formule une réflexion critique relative à la supériorité de l’esprit sur le corps. Là où la théologie de la chrétienté, les Lumières et la révolution industrielle ont donné préséance à la raison comme moteur du progrès, Baker souligne l’importance de reprendre contact avec le corps afin de construire cette résilience émotionnelle, puisque, même bien préparé, personne ne peut se fier exclusivement à ses facultés mentales pour survivre. L’effondrement engendrera inévitablement une douleur, ce sera une étape difficile pour ceux qui sont préparés et un traumatisme important pour ceux qui n’y ont jamais réfléchi. De sorte que la société industrielle et son idée du bonheur, liée à sa capacité de consommer, en prendra pour son rhume. L’auteure suggère ainsi de porter attention au « sens » plutôt qu’au bonheur, puisque celui-ci permettra en temps de crise certes de voir l’obscurité, mais aussi la lumière au sein des petites choses de la vie. Elle invite à reprendre contact et à transformer notre monde intérieur, notre âme, avant de chercher à modifier celui à l’extérieur et ainsi à se confronter à notre part d’ombre et aux dangers possibles pouvant découler de l’effondrement. Cette capacité de reconnecter avec notre corps est, selon Baker, la voie pour reprendre contact avec notre animalité, le « moi sauvage » et donc notre instinct animal, nos intuitions. La quête du progrès et de l’innovation technique salvatrice de tous les maux hérités de la société industrielle empêche une pleine présence dans notre corps. Cet anthropocentrisme aveugle entraîne une négation de l’effondrement, ce qui nous mène à nier notre propre mort. La prise de conscience du « moi sauvage » facilite l’écoute et l’apprentissage et participe à déboulonner le mythe de l’autosuffisance. Selon Baker, l’effondrement ne devrait pas être synonyme d’isolement, mais devrait plutôt être une occasion de redévelopper le sens du bien commun. La …