« Mon cheminement en tant que dépositaire de la langue wolastoqey au Canada »Entretien avec Imelda Perley[Record]

  • Emmanuel Michaux

Mon nom wolastoqey est Opolahsomuwehs, qui signifie “Lune du vent tourbillonnant”. Ce nom m’a été donné par ma grand-mère maternelle. Je suis née sous la lune de janvier. J’ai été mise au monde en 1949 par une sage-femme dans un petit motel situé à Andover, au Nouveau-Brunswick, à proximité de la réserve malécite de Tobique. » R. – Ce sont mes grands-parents qui ont pris en charge mon éducation ; ils sont mes guides de vie. Ils continuent d’influencer ma vie à travers leur cheminement spirituel (Spirit Walk). C’est avec un profond respect que je dis cela car ils m’ont transmis leur trésor le plus cher, leur langue maternelle. J’ai 61 ans et, au cours de ma vie, j’ai eu la chance de recevoir un héritage culturel qui me permet de sauvegarder mes valeurs, ma conception du monde, mon histoire et mon identité, grâce à la langue wolastoqey. R. – J’ai vraiment eu de la chance d’avoir grandi dans une communauté où cette langue était parlée. Dans ma famille, il y avait des conteurs, des leaders communautaires, des chasseurs, des guides de pêche, des tisserands, des sculpteurs, des trappeurs, des guérisseurs, des visionnaires, des légendes du baseball, des anciens combattants, des orateurs et des cuisiniers hors pair. Tous ont contribué à mon apprentissage de la langue wolastoqey/malécite. Enfant, tout mon univers s’exprimait dans cette langue. Je jouais dans ma langue, je m’interrogeais dans ma langue, je créais dans ma langue, je guérissais dans ma langue, je chantais dans ma langue, je priais dans ma langue, je louangeais dans ma langue et j'appre­nais dans ma langue jusqu'à ce que l'enseignement de l’anglais en immersion soit imposé, dans le but de le substituer à notre langue maternelle  ; il s’agissait alors d’une mesure soustractive. Les mesures soustractives visent à promouvoir la langue dominante, l’anglais, et à rejeter la langue ancestrale, le malécite. R. – Ma pratique de la langue se limite aujourd’hui à mon foyer, aux cérémonies, aux cours de langue et aux visites hebdomadaires chez les Aînés. Ma génération est la dernière à parler couramment le malécite – qui est actuellement menacé. Seulement deux générations le parlent sporadiquement. Mon mari et moi avons la chance d’avoir cette langue en commun. Nous savons qu’il est de notre responsabilité de le revitaliser et de veiller à la continuité et à la préservation de notre héritage culturel. Nous espérons que nos petits-enfants seront prêts à accepter la responsabilité, qui est la leur, de transmettre leur « trésor » aux générations à venir. R. – Le passage de l'oral à l’écrit a été très bénéfique en ce sens que nous pouvons à présent « voir » notre langue. Il existe des documents écrits à l’aide de ­l'alphabet phonétique international. En outre, c’est une chance pour nous d’avoir notre propre système d’écriture ­malécite/passamaqoddy qui nous aidera à laisser en héritage d’autres documents historiques et d'autres récits, chants, prières, recettes et thérapies médicinales, ainsi que des nouveaux termes malécites. Le système d'écriture génère très peu de difficultés. Cependant, le défi consiste à le rendre universel. R. – J’ai obtenu un diplôme de premier cycle en linguistique et en anthropologie, avec une spécialité en enseignement de langue seconde et en éducation bilingue/biculturelle. J’ai également une maîtrise en éducation portant sur l'élaboration de programmes d'études. Au cours de cette formation, j'ai eu l'occasion de donner des cours de langue dans deux écoles communautaires (grade K-5) et à l’école secondaire publique (grades 10 à 12), ainsi qu'à l’Université du Nouveau-Brunswick et au sein de différents groupes communautaires de renaissance de la langue autochtone (community language nests). …