Article body

En 2002, l’alternance gouvernementale sonne la fin du programme « emplois jeunes ». Pour aider les associations à préparer en douceur la fin de ces aides à l’emploi, dont elles ont été d’importantes bénéficiaires (Gomel et Schmidt, 2006), le ministère de l’Emploi va créer le dispositif local d’accompagnement (DLA). L’objectif de cette politique publique de l’emploi (Angot et Cottin-Marx, 2015) est d’aider les associations employeuses à « pérenniser leurs emplois » et à « consolider leur modèle économique ».

L’action du DLA n’est pas mise en oeuvre directement par l’Etat : elle est déléguée territorialement à des associations où des chargés de mission réalisent des « diagnostics partagés » avec les associations volontaires, sur la base desquels sont ensuite proposés des accompagnements gratuits accomplis par des consultants. Cette intervention ne va pas être neutre pour les associations bénéficiaires ; dans le cadre de notre travail de thèse [1], nous avons vu que cela participe à l’implantation de dispositifs de gestion et à faire naître une préoccupation du travail dans ces structures, encourage la diversification de leurs ressources, etc. : des effets que nous pouvons qualifier de « professionnalisation contemporaine » (Boussard, 2014) et qui contribuent à faire des associations de véritables « entreprises associatives » (Marchal, 1992 ; Hély, 2009). Dans cet article, il ne sera pas question d’étudier l’impact du recours aux consultants, cela sera l’objet d’autres contributions ; ici, nous nous intéresserons au rôle du DLA dans l’émergence d’un marché du conseil spécifique aux associations. Aussi, nous nous interrogerons : qui sont ces consultants qui participent à la transformation des pratiques associatives ?

Dans un premier temps, nous reviendrons sur l’histoire des consultants et d’une offre et d’une demande en consulting. Nous étudierons ensuite le rôle du DLA dans la solvabilisation du recours aux consultants associatifs et la structuration d’un marché spécifique à ce secteur. Pour finir, à travers une approche statistique et le portrait de deux d’entre eux, c’est l’identité de ces consultants qui nous intéressera.

Petite histoire des consultants : le plan Marshall et le conseil aux grandes entreprises

La sociogenèse de la fonction de consultant a fait l’objet de nombreux travaux. Odile Henry (2006 ; 2012), mais aussi Michel Villette (2003), font remonter cette généalogie au début du xxe siècle avec la figure de l’« ingénieur-conseil ». Ces « guérisseurs de l’économie » (Henry, 2012) vont progressivement émerger et se structurer autour des idées de rationalisation, d’organisation du travail et des professions (Denord et Henry, 2007), telles qu’elles ont été développées par Frederick Winslow Taylor (1856-1915), Henri Fayol (1841-1925) ou encore Henry Le Chatelier (1850-1936). Comme l’explique Valérie Boussard (2009), ces ingénieurs du début du siècle, qui se spécialisent dans le conseil aux entreprises, « se définissent comme des savants préoccupés de faire pénétrer la méthode et l’esprit scientifique dans l’entreprise ».

Si les premiers ingénieurs-conseils vont marquer le processus de modernisation des entreprises amorcé pendant l’entre-deux-guerres et dans lequel est enrôlé le patronat (Moutet, 1987), l’influence de ceux que l’on commencera à appeler les « consultants » se fera davantage sentir après la Seconde Guerre mondiale.

Le plan Marshall [2], qui avait notamment pour objectif d’améliorer la productivité hexagonale et plus largement européenne, joue un rôle important dans l’importation des savoir-faire managériaux : c’est-à-dire des outils et techniques visant la rationalisation, la performance et la maîtrise dans l’organisation (Boussard, 2008). Il se révèle être un puissant instrument d’importation du management professionnel en France (Boltanski, 1981), d’« américanisation de l’Europe » (Ricciardi, 2007), et permet l’émergence de la figure moderne du consultant, mais aussi d’une véritable « industrie du savoir » qui développe et vend des savoirs sur les organisations et leur gestion (Kipping et Engwall, 2002). En finançant l’offre de prestation de productivité aux entreprises, l’administration américaine dynamise l’émergence d’un important marché du management en France.

Pour Luc Boltanski (1981), ce développement du marché des consultants s’accompagne d’une évolution de leurs pratiques. Contrairement à l’avant-guerre, « l’action des cabinets d’organisation n’est plus orientée uniquement ou même prioritairement vers la rationalisation du travail manuel ou l’agencement matériel des ateliers. Une grande partie de leur activité va être consacrée à des tâches nouvelles de sélection, de socialisation, de formation du personnel dirigeant, commercial, technique, administratif, etc. ». Cette diversité d’action des consultants pose alors un problème aux sociologues pour les saisir, d’autant plus qu’« il n’existe aujourd’hui aucune instance professionnelle, nationale ou internationale, dont l’autorité incontestée permettrait d’instituer une définition unique de la profession, de certifier les compétences, de codifier les conditions d’accès au métier ou encore d’exercer des fonctions de contrôle moral des pratiques professionnelles » (Henry, 2006). Cette relative difficulté à les définir est levée lorsque l’on s’intéresse à leurs effets. Les interventions de ces « spécialistes de la production symbolique et idéologique » (Henry, 2006) sont toujours, selon Valérie Boussard (2009), « sous-tendues par un raisonnement visant l’optimisation de la performance et par l’instauration de démarches rationnelles, méthodiques et contrôlées » que nous pouvons nommer « dispositifs de gestion » (Boussard et Maugeri, 2003).

Les nouveaux marchés du conseil : l’administration et les petites et moyennes entreprises (PME)

Si, historiquement, et suite au plan Marshall, les consultants sont d’abord intervenus au sein des grandes entreprises industrielles [3], le marché du consulting va progressivement s’étendre à l’administration, puis sous l’influence de cette dernière, aux petites entreprises et aux associations. Dans le secteur public, Philippe Bezes (2012) repère, à partir du début des années 1970, le développement d’une communauté de promoteurs du « management public » au sein de l’Etat. Mais ce n’est qu’à partir des années 1980 que le marché français du conseil connaît une forte expansion : l’administration publique va grandement participer à cette croissance [4]. Cependant, « la simultanéité de la décentralisation, de la politique de rigueur et de la politique de renforcement de rationalisation du statut de la fonction publique » va, dans un premier temps, limiter ce développement (Bezes, 2012). Ce n’est qu’à partir du début des années 2000 que le recours aux consultants et les idées néomanagériales développent dans l’administration publique, notamment par le biais des hauts fonctionnaires.

Si « l’espace du conseil en management peut prétendre à des généalogies multiples et [que] plusieurs groupes d’acteurs s’avèrent avoir eu un rôle actif dans son émergence et sa structuration » (Boni-Le Goff, 2013), les hauts fonctionnaires jouent un rôle central dans la promotion des pratiques managériales au sein de l’Etat, mais aussi au sein des PME et des associations. A partir des années 1980, « l’activité de conseil d’entreprise aux PME/PMI s’est considérablement développée en France notamment grâce aux procédures d’aides financières mises en place par les pouvoirs publics (par exemple le fonds régional d’aide au conseil, les aides de l’Agence nationale de valorisation de la recherche, etc.) pour consolider un tissu économique créateur d’emplois » (Belet, 1993). Ces dispositifs ont pour objectif de stimuler le marché du conseil aux PME, l’offre comme la demande étant jugées insuffisantes (Atamer et al., 1989). L’Etat subventionne des interventions de consultants, offrant ainsi une aide à l’investissement « immatériel » dans les PME. En facilitant la solvabilité des PME sur le marché du conseil, l’Etat participe à la création d’un marché du conseil spécifique aux petites entreprises.

Le DLA, un petit « plan Marshall associatif »

A partir de 2002, les services de l’emploi de l’Etat créent un dispositif qui joue le même rôle de solvabilisation du recours aux consultants, mais cette fois auprès du secteur associatif.

Le dispositif local d’accompagnement propose aux associations [5] intervenant sur un territoire local, départemental ou régional, de bénéficier gratuitement d’un accompagnement réalisé par un consultant. L’objectif officiel de la politique publique, dont la mise en oeuvre est déléguée à des associations départementales et régionales, est « la création, la consolidation, le développement de l’emploi et l’amélioration de la qualité de l’emploi dans une démarche de renforcement du modèle économique de la structure d’utilité sociale accompagnée, au service de son projet associatif et du développement du territoire » [6].

Dans le cadre du DLA, le recours aux consultants n’est pas directement réalisé par les associations. La commande est passée par un chargé de mission DLA, sur la base d’un « diagnostic partagé » qu’il a réalisé avec la structure bénéficiaire et qui servira de cahier des charges pour le consultant. La prestation est intégralement payée par la structure porteuse du DLA, qui tire elle-même ses financements d’organismes publics (services de l’Etat, Caisse des dépôts, collectivités territoriales, FSE). Dans cette politique publique, les services de l’emploi de l’Etat jouent un rôle central : ce sont eux qui impulsent la politique publique et en sont les principaux financeurs.

La politique publique qu’est le dispositif local d’accompagnement participe à l’émergence et au développement d’un marché des consultants pour les associations. Chaque année, ce sont environ 12 millions d’euros (Branchu et Morin, 2012) de crédits d’ingénierie qui sont déployés dans le cadre du DLA et qui viennent alimenter le marché des consultants associatifs. En solvabilisant la demande de consulting des associations, le DLA a un double effet : il participe à créer cette demande, mais aussi mécaniquement participer à faire émerger une offre en prestations. Au total, d’après nos recherches, chaque année, environ un millier de structures actives, qui réalisent un chiffre d’affaires moyen de 9 800 euros, ont reçu une gratification en échange d’une intervention. Ce chiffre ne doit pas cacher les importantes disparités qui existent entre les consultants. Sur l’année 2013 étudiée, les cent principaux prestataires mobilisés par le DLA se partagent la moitié du montant total et tous font un chiffre d’affaires supérieur à 20 000 euros sur l’année.

En guise de conclusion temporaire, nous pouvons avancer qu’en stimulant la demande de prestation via un système de subventionnement et en l’encadrant, l’Etat a réalisé un petit « plan Marshall associatif ». Le DLA a été et joue encore le rôle d’un puissant facteur d’émergence d’un marché du conseil pour les petites et moyennes entreprises associatives, et participe à le structurer. La question est maintenant de savoir si ces consultants sont spécifiques, ou non, à ce marché.

Qui sont les consultants associatifs ?

Qui sont les consultants qui profitent des opportunités ouvertes par le DLA ? Pour répondre, il est intéressant de regarder ce qu’il s’est passé dans le secteur des PME/PMI. Lors des débuts du recours aux consultants dans ce secteur, « les prestations de conseil aux PME/PMI ont été pratiquées par des “consultants” d’origines professionnelles, de formations, d’expériences et de compétences très diverses et très hétérogènes » (Belet, 1993). Lorsque la profession est relativement nouvelle, celle-ci est également « ouverte » : les anciens professionnels du secteur (anciens dirigeants de PME) peuvent réinvestir leurs savoir-faire dans le conseil. Est-ce que ce phénomène se répète lors de la constitution du marché du conseil destiné au monde associatif ?

A partir de l’étude que nous avons réalisée sur l’année 2013, nous pouvons dégager un profil type de ces consultants qui « vivent » du DLA. Nous montrons que la majorité des structures qui interviennent comme prestataires pour le DLA emploient très peu de salariés. Ainsi, 79,3 % d’entre elles ont moins de cinq salariés. Par ailleurs, l’immense majorité d'entre elles se présentent comme « généralistes » et proposent un accompagnement « complet » ; seuls un peu plus de 10 % sont spécialisés (comme par exemple en comptabilité, en gestion des ressources humaines, etc.). Par ailleurs, 20 % interviennent uniquement de manière sectorielle : par exemple, dans le secteur de la culture, du sport ou encore du médico-social.

Souvent petites et généralistes, elles sont aussi majoritairement (62 %) référencées comme intervenant sur un vaste territoire (national ou polyrégional). Il est remarquable que ces structures, bien qu’opérant auprès du secteur non lucratif, sont majoritairement lucratives : 54 % des consultants travaillent via une SARL ou une SA. Les « travailleurs indépendants » représentent quant à eux 21 % des principaux intervenants DLA ; les associations (11 %) et les coopératives (8 %) brillent par leur discrétion. Si ces derniers chiffres peuvent laisser penser que le marché des consultants associatifs serait semblable au marché des consultants des TPE-PME, une étude des identités de ces structures offre une autre perspective.

Parmi les cent principaux prestataires du DLA, peu revendiquent travailler, ou indiquent chercher à travailler, pour le secteur privé lucratif (30 %). La majorité cible à l’inverse le secteur public et les collectivités territoriales (65 %), mais surtout très majoritairement le secteur de l’ESS (81 %). Elles sont ainsi nombreuses à se revendiquer de valeurs ou de parcours « ESS » : l’un d’eux affiche par exemple sur son site Internet être « un cabinet responsable au coeur de l’économie sociale et solidaire ».

Deux trajectoires types

Loin d’être des salariés de chez Ernst & Young, les consultants DLA semblent avoir une forte proximité vis-à-vis du monde associatif. Dans la partie qui suit, nous illustrerons par un portrait une figure qui nous semble typique de ce marché, celle d’un ancien militant et salarié associatif qui recycle « l’expérience militante et le capital de relation constitué à cette occasion » (Gaxie, 2005) dans leur nouveau métier de consultant. Pour ne pas caricaturer notre propos, nous présenterons un autre portrait qui permet de relativiser le premier, celui d’une consultante sans parcours associatif antérieur, et en l’occurrence venant du monde des TPE-PME.

Portrait d’un militant devenu consultant

Pour illustrer la figure type du consultant DLA tel que nous l’avons vue précédemment dans l’approche quantitative, nous pouvons prendre l’exemple de Jérôme [7]. La quarantaine, il est membre d’une importante coopérative d’entrepreneurs se revendiquant du champ de l’ESS. Vivant de prestations essentiellement réalisées auprès d’associations, il explique réaliser en moyenne, ces dernières années, environ cinq prestations par an dans le cadre du DLA. Dans ce cadre, il travaille essentiellement auprès d’associations du secteur de l’environnement.

Sa carrière de consultant, il l’a commencée au début des années 2000. Il raconte avoir eu, avant elle, « plusieurs vies professionnelles ». Après un début de carrière dans le « monde de l’entreprise pur et dur », celui de l’industrie, il s’est rapidement réorienté vers un nouveau métier, celui « d’éducateur à l’environnement ». Il est « permanent » d’une structure associative, qui quitte petit à petit sa posture « militante » au gré des opportunités offertes par les collectivités locales, et se transforme en association « partenaire » (Hély, 2009) des politiques publiques locales. Ces évolutions impactent son travail, et cette proximité accrue avec les politiques publiques liées à l’environnement lui ouvre de nouvelles opportunités. Fort de ses expériences de relation publique, il est sollicité pour travailler sur des missions de structuration de programme s’inscrivant dans des politiques publiques à l’échelle nationale et régionale, et devient petit à petit « consultant ».

S’il décrit sa démarche comme ayant été au début essentiellement militante et bénévole, le DLA a participé à faire du travail de consulting une activité rémunérée et conséquente. Depuis une dizaine d’années, il réalise de nombreuses missions dans le cadre du DLA et, généraliste, il explique ne pas avoir de spécialisation : « Je peux aborder aussi bien des questions de gouvernance, de gestion des emplois ; je ne suis pas comptable, sur une question purement comptable je n’ai pas cette expertise-là, sinon sur toutes les autres questions qui concernent l’association je peux répondre à des besoins d’accompagnement. »

Aujourd’hui, il ne travaille pas uniquement comme consultant dans le cadre du DLA (cinq accompagnements dans ce cadre pour l’année 2013), mais le dispositif représente une part non négligeable de son chiffre d’affaires. L’autre partie de celui-ci est réalisée directement auprès d’associations ou auprès de collectivités locales.

La carrière de Jérôme est exemplaire en ce qu’elle semble être typique des prestataires DLA : un ancien professionnel associatif qui reconvertit son expérience. Cet exemple est aussi intéressant en ce qu’il montre le rôle du DLA dans la structuration du marché des consultants associatif, celui-ci offrant une opportunité pour le développement d’activité de consulting.

Portrait d’une consultante TPE-PME devenue prestataire DLA

Si le parcours de Jérôme est typique, il est nécessaire de ne pas réduire les consultants DLA à ce parcours. Pour relativiser, l’exemple de Céline est intéressant. Contrairement au consultant précédent, son parcours n’est pas marqué par une carrière militante. C’est après une expérience auprès des petites et moyennes entreprises qu’elle est devenue consultante pour les associations, suite à une opportunité offerte par les pouvoirs publics.

Avant de devenir consultante, Céline était secrétaire générale d’une fédération régionale de petites entreprises. Dans ce cadre, elle explique avoir accompagné la mise en place de la réforme des 35 heures, « ce qui veut dire toute une analyse de l’organisation de l’entreprise, sur toutes les strates, économiques, financières, comptables, juridiques, RH, etc. ». Forte de cette expérience, elle explique être ensuite devenue consultante, d’abord pour des organismes professionnels puis, à la demande des pouvoirs publics, des structures de l’ESS. « Je suis arrivée sur le secteur de l’ESS, associations, sociétés coopératives et même fondations, un peu à la demande de la préfecture, qui avait tous les postes emplois jeunes et s’interrogeait sur leur consolidation. […] Elle m’a confié la mission de faire un diagnostic pour la pérennisation de ces postes. [Se posait alors la question de] la méthode que j’utilisais pour les entreprises, est-ce qu’elle était transférable au secteur de l’ESS ? Effectivement, elle l’est, parce que quand j’accompagne des TPE-PME on est sur la même problématique que le secteur associatif. » Pour elle, le monde associatif est similaire au secteur des TPE-PME, ce qui explique le fait que ses compétences y soient transférables et opérationnelles.

Comme pour Jérôme, le démarrage du DLA offre des opportunités d’activité à Céline et le DLA va devenir un de ses clients importants, même si elle est « très diversifiée » – elle travaille aussi pour des OPCA et des fondations. Elle travaille pour les DLA de deux régions différentes et propose des accompagnements « transversaux » et « globaux ». En un peu plus d’une dizaine d’années elle a accompagné plusieurs centaines d’associations dans le cadre du dispositif.

Ce portrait nous intéresse pour plusieurs raisons. D’une part, car il nous invite à penser la diversité des parcours de consultant associatif. D’autre part, parce qu’il montre la perméabilité qui peut exister entre les différents marchés du conseil : ici, nous avons vu que les compétences acquises lors de l’accompagnement des TPE-PME sont transférables au monde associatif, même si cela nécessite un minimum d’acculturation à la gouvernance spécifique des associations.

Pour finir, nous pouvons avancer que le profil type des consultants intervenant sur le DLA sont des personnes travaillant dans de petites structures, qu’ils et elles sont plutôt généralistes et se revendiquent de l’ESS. Si ces structures se positionnent peu sur le marché du privé lucratif, elles le font davantage sur le marché des consultants pour les pouvoirs publics, et ce souvent au titre du « développement territorial ». Finalement, le DLA participe à structurer un petit marché de consultants spécifique au monde associatif et plus largement à l’ESS. Ainsi, comme le rappelle Cécile Robert (2007), les consultants « ne sont pas nécessairement des apôtres du néolibéralisme, pas plus d’ailleurs que des admirateurs convaincus du monde de l’entreprise ». Le DLA nous permet de voir un marché des consultants associatifs spécifique, qui semble également marqué par l’habitus solidaire (Hély, 2009) que l’on retrouve chez les salariés associatifs. Les données nous permettent d’avancer l’idée que le marché des consultants DLA est – pour le moment – essentiellement composé d’anciens « associatifs », de personnes réinvestissant leurs savoir-faire associatifs dans le conseil, même si cela n’exclut pas l’existence d’autres figures plus « classiques » travaillant auprès des entreprises privées lucratives.

Conclusion

Lors d’une présentation de ces résultats de recherche auprès de chargés de mission DLA, l’une d’entre eux – issue du monde de l’éducation populaire – nous fait remarquer qu’elle préfère utiliser le terme de « prestataire » plutôt que celui de « consultant ». Cette remarque illustre sa volonté de souligner que les associations échappent au consulting tel qu’il est appliqué dans les entreprises lucratives ; les associations seraient un monde à part et elles auraient soin de n’engager que des « prestataires » associatifs – sous-entendu : afin d’éviter de transformer les associations en entreprises lucratives. Pour autant, l’usage de ce terme de « consultant » nous semble nécessaire, car leur action s’inscrit bien dans la « rationalisation des modes de gestion des associations » (Chessel et Nicourd, 2009), dans une logique de performance et de maîtrise (Boussard, 2008). Ce résultat n’est qu’à moitié étonnant, puisque « l’organisation du travail militant est […] de plus en plus mise sous contraintes, par les institutions et par le contexte socio-économique » (Nicourd, 2009). Ainsi, malgré leur identité « associative », ces consultants jouent un rôle de passeurs des pratiques gestionnaires, aidant les associations à répondre aux attentes et contraintes de leur environnement institutionnel, financier et économique.