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Introduction

Au Québec, comme en Ontario ou ailleurs au Canada, on peut être emprisonné pour des amendes non payées à la suite d’infractions aux règlements municipaux et à certaines lois provinciales. Cette pratique touche de façon disproportionnée les personnes marginalisées ou en situation d’itinérance, qui accumulent fréquemment des dettes judiciaires imposantes et très difficiles à régler. La Ligue des droits et libertés — section de Québec (ci-après la LDL-Qc) s’est penchée sur cet enjeu et a cru nécessaire d’intervenir publiquement pour demander l’instauration d’un moratoire sur l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes. Nous, membres du comité de travail ayant étudié la question, considérons cette pratique comme le résultat injuste d’un processus qui pose problème pour les personnes marginalisées, du début jusqu’à la fin. Le présent article se veut une présentation de la campagne Pas de prison pour des contraventions! que nous menons depuis l’automne 2014 dans la ville de Québec. Tout d’abord, nous ferons un survol de notre argumentaire. Nous décrirons ensuite le déroulement de notre campagne et, enfin, nous examinerons les moyens utilisés pour tenter d’atteindre nos objectifs.

Pourquoi lutter contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes?

Règlements municipaux discriminatoires et profilage social

Une étude portant sur la judiciarisation des personnes en situation d’itinérance à Québec révélait qu’entre 2000 et 2010, les 284 personnes ayant donné à la cour municipale l’adresse d’une ressource communautaire avaient reçu un total de 3 735 billets d’infraction. Pour ces personnes, la dette judiciaire moyenne s’élevait à plus de 2 044 $ (Bernier, et collab., 2011). Selon l’équipe de chercheures, ces données ne représenteraient que « la pointe de l’iceberg ».

Cette recherche, ainsi que le travail effectué sur le terrain[1], nous permet de constater qu’à Québec, le Règlement sur la paix et le bon ordre (Ville de Québec, 2016) pénalise directement plusieurs stratégies de survie des gens en situation de précarité. C’est le cas de l’interdiction de mendier ou de solliciter. D’autres règlements municipaux vont plutôt s’attaquer à des actions qui sont inévitables pour les personnes n’ayant pas de domicile, et donc de lieu où effectuer des actions que l’on associe à la sphère privée. En effet, que peut faire une personne qui se voit refuser constamment l’accès aux toilettes des restaurants et des commerces lorsqu’elle a besoin d’uriner? Et où peut-elle dormir s’il n’y a plus de places disponibles dans les centres d’hébergement, à part à l’extérieur? D’autres règlements municipaux pénalisent plutôt les comportements qu’adoptent les personnes marginalisées en raison de leurs difficultés personnelles. Par exemple, les interdictions de se trouver en état d’ivresse sur la voie publique ou de posséder du matériel de consommation de stupéfiants peuvent être difficiles à respecter par des personnes qui ont des problèmes de dépendance. Il arrive aussi que des personnes reçoivent des contraventions pour avoir causé du tumulte et du désordre, alors qu’elles sont en situation de crise ou de détresse psychologique.

De plus, force est de constater que la plupart des infractions reprochées aux personnes marginalisées le sont moins à l’égard d’autres personnes ayant une meilleure condition sociale ou ne montrant pas d’indices visibles de défavorisation économique ou sociale. Cette situation est possible dans la mesure où les policiers détiennent un pouvoir discrétionnaire important dans l’application de règlements municipaux parfois larges et ambigus. Par exemple, rien n’indique clairement dans la réglementation à partir de quel moment une personne est considérée comme étant en train de flâner lorsqu’elle est assise sur un banc public, laissant ainsi une grande place au jugement des autorités policières. Nous considérons qu’il s’agit de profilage social, tel qu’il est défini par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse :

toute action entreprise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, telle la condition sociale, sans motif ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent

2009, p. 82

Processus judiciaire inadapté

Pour les personnes marginalisées, il arrive souvent que les constats d’infraction passent par toutes les étapes du processus pénal (jugement par défaut, saisie des biens, mandat d’amener et, ensuite, mandat d’emprisonnement). Cela peut s’expliquer par la longueur, les coûts et la complexité des procédures judiciaires en place, mais aussi par les conditions de vie difficiles des personnes marginalisées, facteurs qui constituent autant d’obstacles à la régularisation de leur situation judiciaire.

Selon les directives du Code de procédure pénale (Gouvernement du Québec, 2015), l’emprisonnement pour non-paiement d’amende est ordonné par la ou le juge suite à une demande du service de perception des amendes. Cette situation peut se présenter lorsqu’une personne n’acquitte pas le montant réclamé sur le constat d’infraction. Or, le montant minimum de recouvrement demandé mensuellement à la perception des amendes de Québec (30 $ par mois) est souvent impossible à assumer par les personnes vivant en situation de pauvreté. L’emprisonnement peut aussi être ordonné si les travaux compensatoires ne sont pas une option envisageable ou lorsque ces derniers ne sont pas exécutés. Par ailleurs, les personnes marginalisées ont souvent des problèmes de santé physique, de santé mentale ou de consommation qui peuvent rendre très difficile la réalisation d’un tel engagement. Le fait que les personnes judiciarisées reçoivent des contraventions à répétition sur de longues périodes peut aussi les décourager de respecter leurs ententes avec la cour municipale. En effet, elles se voient ajouter des montants par-dessus les dettes qu’elles tentent de régler par des ententes de paiements ou des travaux compensatoires. De plus, elles ressentent un profond sentiment d’injustice, lorsque ces contraventions sont le résultat d’un profilage social et non d’un réel méfait.

Lorsque la personne est incarcérée, environ 25 $ de ses dettes judiciaires sont effacés pour chaque journée passée en détention. Ce montant n’est pas fixé par la loi, mais s’actualise ainsi dans la pratique. Selon le Code de procédure pénale, la durée maximale d’une peine d’emprisonnement pour non-paiement d’amende est de deux ans moins un jour (Gouvernement du Québec, 2015). Une personne peut donc passer de longs mois derrière les barreaux avant de régulariser sa dette.

Conséquences dramatiques et contre-productives

Les personnes marginalisées qui ont des dossiers actifs à la cour municipale se retrouvent généralement sous mandat d’emprisonnement plusieurs années après la perpétration de l’infraction (environ 59 mois plus tard à Québec) (Bernier, et collab., 2011). Cette pratique a donc de lourdes conséquences pour les personnes qui sont en processus de réinsertion sociale. En effet, la coupure avec le milieu risque de leur faire perdre leurs fragiles acquis et augmente ainsi le risque de rechute dans l’itinérance à la sortie de prison. Par exemple, les personnes qui sortent de la rue et retournent en emploi à faible salaire se voient contraintes de payer leurs contraventions, au détriment de leurs autres besoins, ou bien d’être incarcérées et de perdre leur emploi. Les jeunes qui ont repris leur scolarité doivent interrompre leur projet, et les personnes qui ont retrouvé un logement risquent de le perdre si elles doivent passer un long moment derrière les barreaux. De plus, pour les personnes sous mandat, la possibilité d’être incarcérées sur-le-champ lors d’une simple interpellation est une source d’anxiété non négligeable. Certaines personnes en viennent à s’isoler et à ne plus fréquenter les ressources qui leur viennent en aide, de peur d’être interpellées en chemin. Aussi, le passage en prison augmente la stigmatisation sociale vécue par ces personnes, sans distinction de la nature des infractions reprochées (criminelle ou pénale). Ajoutons aussi que la punition que représente l’emprisonnement est nettement disproportionnée si l’on considère le caractère inoffensif et anodin des actes reprochés. Finalement, cette pratique engendre des coûts importants pour la société. Selon les dernières statistiques, une journée passée dans une prison provinciale coûte aux contribuables près de 174 $ par détenu (Alter Justice, 2014).

Pour conclure, beaucoup de raisons nous poussent à lutter contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes, lequel touche de façon disproportionnée les personnes marginalisées. Nous considérons cette pratique comme le résultat d’un processus qui pose problème du début à la fin. À la base, les contraventions reçues par ces personnes découlent de règlements discriminatoires qui viennent pénaliser leurs stratégies de survie ainsi que de comportements inévitables en situation d’itinérance. De plus, les personnes démontrant des signes visibles de pauvreté et de marginalité subissent un profilage social non négligeable de la part des autorités. Elles se voient reprocher des comportements que l’on ne sanctionne que très rarement chez les citoyennes et les citoyens ayant un statut social plus élevé. Par la suite, nous constatons que le système judiciaire est très peu adapté à la réalité des personnes en situation de marginalisation. Les ententes de paiements et de travaux proposées ne sont pas toujours réalistes compte tenu des conditions de vie des personnes, les plaçant ainsi en situation d’échec. Celles-ci passent alors par toutes les étapes de la procédure pénale et se retrouvent en prison pour non-paiement d’amende plusieurs années plus tard, ce qui vient déstabiliser le processus de réinsertion sociale entamé pour beaucoup d’entre elles. L’ensemble de cette situation a donc des conséquences disproportionnées sur la vie des gens, au regard de la banalité des infractions commises.

La campagne contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes menée à Québec

Le choix de la campagne

L’idée d’une campagne contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes émerge en février 2014. À ce moment, l’urgence d’agir sur la conséquence ultime de la judiciarisation, en l’occurrence l’incarcération, paraît évidente aux yeux des membres du conseil d’administration et de l’équipe de travail de la LDL-Qc. Il semble réaliste d’obtenir des gains à cet égard à court terme, d’autant plus que la cour municipale de Montréal a cessé d’émettre de tels mandats il y a déjà plusieurs années (Otero et Roy, 2013). De plus, une campagne contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes constitue un excellent prétexte pour sensibiliser la population à la question du profilage social, en abordant le sujet par l’une de ses manifestations les plus concrètes.

Revendications et actrices et acteurs cibles de la campagne

Un comité de travail est fondé par la LDL-Qc afin qu’il se penche sur la question. Un argumentaire contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes est rédigé en deux versions, une courte ainsi qu’une plus longue. Lors des premières rencontres des participantes et participants, au cours du printemps 2014, les revendications de la campagne sont choisies : nous demandons à court terme qu’un moratoire sur l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes soit instauré à Québec. Enfin, nous demandons à moyen terme que soit modifié le Code de procédure pénale afin qu’il ne soit plus possible d’emprisonner les citoyennes et les citoyens en raison d’amendes impayées, et ce, partout dans la province.

Nous déterminons ensuite les « cibles » de notre campagne, c’est-à-dire les actrices et acteurs ayant le pouvoir de faire changer les choses. Nous choisissons de tenter de convaincre le conseil municipal de la Ville de Québec d’envoyer une directive à la cour municipale pour que cesse l’émission de mandats d’emprisonnement pour des contraventions. Nous décidons alors de transmettre nos revendications à madame Chantale Gilbert, conseillère municipale de la Ville de Québec et responsable des dossiers liés au développement social.

Implication des personnes touchées par le problème

Dès le début de la réflexion, le désir d’impliquer des personnes directement touchées par le profilage social anime le conseil d’administration et l’équipe de travail de la LDL-Qc. C’est pourquoi le conseil met sur pied un comité ouvert à tous et toutes. Or, malgré cette volonté, force est de constater que le comité est majoritairement composé de personnes issues des milieux universitaires et de l’intervention communautaire. Les personnes marginalisées s’impliquent davantage lors d’actions ponctuelles, telles que le rassemblement public ou la distribution d’affiches dans les organismes communautaires. Plusieurs facteurs expliquent cette faible participation des personnes marginalisées au comité, notamment le manque de temps et de ressources de l’équipe de la LDL-Qc pour faire de la mobilisation dans le milieu. Toutefois, afin de nous assurer que leur voix est entendue, nous tournons une vidéo dans laquelle six personnes ayant vécu une période de détention à cause de leurs contraventions témoignent de leur expérience[2].

Outils de communication et événements de sensibilisation

Nous faisons d’abord le choix stratégique de porter nos revendications dans l’espace public plutôt que de tenter d’influencer les décideurs à l’interne, par exemple en tentant d’obtenir une rencontre avec eux aux fins de discussion. Nous souhaitons que la population participe à ce débat, puisque nous considérons qu’il s’agit d’une bonne occasion de sensibiliser le public aux enjeux du profilage social.

En vue de sensibiliser et de mobiliser le public sur la question, le comité travaille à la création d’outils de communication dès le début de l’été et à l’automne 2014. Par exemple, un dépliant, une pétition sur papier, des macarons et une page Internet sont mis au point avec l’aide d’un graphiste.

Histoire de lancer la campagne dans la sphère publique, un communiqué de presse est envoyé aux médias au début du mois d’octobre 2014, et des entrevues sont réalisées pour le journal Le Soleil et à une émission de la station radiophonique de Québec FM 93,3. Quelques jours plus tard, le lancement officiel de la campagne a lieu au Tam-Tam Café, un événement qui attire plus de cinquante personnes. Pour l’occasion, Isabelle Raffestin, coordonnatrice de la Clinique Droits Devant à Montréal, présente une conférence intitulée « Une injustice programmée? », soit un résumé de son mémoire de maîtrise portant sur l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes. La vidéo-témoignage de personnes marginalisées ayant vécu l’incarcération pour leurs constats d’infraction est aussi présentée[3]. Le mois suivant, le comité organise une conférence à l’Université Laval, avec comme invitée Marie-Ève Sylvestre, professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et chercheure sur le profilage social. Lors de son passage à Québec, elle en profite pour rencontrer des représentants du ministère de la Justice afin de s’entretenir avec eux au sujet d’une réforme du Code de procédure pénale et de l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes.

Recherche d’appuis

Notre stratégie est également basée sur la recherche du plus grand nombre possible d’appuis afin de démontrer au conseil municipal que la population et le milieu communautaire soutiennent nos revendications. Nous souhaitons ainsi créer un rapport de force et pousser le conseil municipal à agir pour régler le problème. Nous commençons alors par rechercher l’appui des personnes en faisant circuler une pétition sur les médias sociaux au moyen du site Internet AVAAZ[4]. Des pétitions sur papier sont aussi déposées dans différents organismes communautaires et associations étudiantes. À trois occasions, nous tenons des kiosques afin de recueillir des signatures, mais aussi pour sensibiliser la population à la problématique que cible notre campagne. Par la suite, la LDL-Qc est invitée à présenter la campagne à deux reprises devant des étudiantes et étudiants du baccalauréat en service social, ainsi qu’une autre fois devant des élèves de deuxième année du secondaire. D’ailleurs, ces derniers nous apportent leur aide en parvenant à récolter plus de 115 signatures pour la pétition!

Dans un même temps, nous entamons la sollicitation d’appuis auprès de différentes organisations : organismes communautaires, associations étudiantes, conseils de quartier, associations professionnelles, etc. Pour ce faire, nous créons une liste d’alliés potentiels sur laquelle les membres du comité inscrivent les démarches qu’ils entreprennent, facilitant ainsi la coordination du travail. Ensuite, nous prenons contact avec les organisations « alliées » potentielles afin d’obtenir leur appui. Pour cet exercice, nous optons pour une diversité d’approches en fonction de l’organisation que nous sollicitons. Par exemple, nous jugeons propice d’aller directement dans les organismes communautaires pour présenter la campagne, de participer à des assemblées générales d’associations étudiantes et de faire des présentations lors des réunions des conseils de quartier (Saint-Roch et Saint-Sauveur). Nous invitons les organisations qui soutiennent nos revendications à transmettre un courriel type à madame Chantale Gilbert, conseillère municipale et responsable du développement social. Près de la moitié des organismes sollicités acceptent d’appuyer la campagne et de transmettre le courriel. Au moment de la rédaction du présent article, 36 organisations appuient officiellement nos revendications et ont fait parvenir une copie de la lettre à madame Gilbert (soit 24 organismes communautaires, cinq regroupements d’organismes communautaires, deux conseils de quartier, trois associations étudiantes, une confédération étudiante, ainsi qu’une association professionnelle).

C’est ensuite au tour des professeures et professeurs universitaires d’être sollicités afin de donner encore davantage de crédibilité à notre démarche. Une professeure en droit de l’Université Laval, proche de la LDL-Qc, communique alors avec ses collègues pour les inviter à signer une lettre ouverte appuyant la campagne contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes. Au total, ce sont 63 professeures et professeurs, pour la plupart en service social et en droit, qui signent cette lettre, publiée dans le journal Le Soleil, le 10 février 2015.

Finalement, un rassemblement a lieu le 7 avril 2015 devant le conseil municipal de Québec pour souligner le dépôt de notre pétition, forte de l’appui de 1600 citoyennes et citoyens et de plus d’une trentaine d’organisations diverses. Pour l’occasion, un « phototon » s’organise. Ce dernier consiste à inviter les personnes présentes à se faire photographier derrière des « barreaux de prison » avec, sous le visage, des phrases du type : « En prison pour avoir flâné ». Ces photos sont ensuite publiées sur les réseaux sociaux afin de donner de la visibilité à la campagne. Seulement une quinzaine de personnes se présentent lors de l’événement, ce qui ne nous empêche pas de bénéficier d’une couverture médiatique satisfaisante. À la suite de ce rassemblement, l’équipe de travail de la LDL-Qc ainsi qu’une militante participent à la séance du conseil municipal pour déposer officiellement la pétition. Après plus de deux heures d’attente, nous obtenons la possibilité, dans l’espace d’une seule minute, de déposer les documents et de demander à madame Gilbert si son équipe souhaite appuyer notre campagne. En guise de réponse, elle affirme avoir reçu beaucoup de lettres à ce sujet et mentionne être au courant de nos revendications. Toutefois, elle affirme que le projet IMPAC (Ville de Québec, 2015), un programme de tribunaux adaptés à la cour municipale de Québec, travaille à réduire le recours à l’emprisonnement. Elle évoque aussi que, pour la sécurité des citoyennes et des citoyens, les comportements répréhensibles doivent être sanctionnés, esquivant ainsi la question de l’emprisonnement comme moyen de recouvrement des dettes judiciaires. Bref, nous n’obtenons pas son appui lors de cette rencontre.

Résultats et perspectives

Bien que le conseil municipal n’ait pas accepté à ce jour d’envoyer une directive à la cour municipale en faveur d’un moratoire sur l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes, notre campagne a toutefois permis de lancer un dialogue avec la Ville de Québec sur le sujet. Après avoir reçu une série de lettres de la part des organisations appuyant la campagne, madame Gilbert nous répond dans une lettre où elle explique les positions de la Ville à l’égard de l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes (Gilbert, 2014). Elle affirme d’abord que les employés de la cour municipale n’ont pas de moyens d’identifier les dossiers appartenant aux personnes en situation d’itinérance et qu’ils ne peuvent pas interrompre les procédures spécialement pour ces personnes. Nous pensons toutefois que des indices de cette condition peuvent être facilement repérables, à l’aide du type d’infractions reprochées (par exemple la mendicité ou le fait de dormir dans un lieu public). De plus, madame Gilbert indique que le programme IMPAC poursuit ses réflexions et expérimentations afin d’adapter davantage le système judiciaire aux réalités de ces personnes. Il est également mentionné dans cette communication qu’un groupe de travail multipartite se penche actuellement sur la question des règlements municipaux et leur application envers les personnes marginalisées, signe qu’il y a une ouverture au changement. Cette ouverture vient à la fois de la Ville, mais aussi de la cour municipale. Toutefois, nous constatons que les pratiques sont longues à modifier et que les valeurs qui les sous-tendent sont aussi complexes à faire évoluer en faveur des droits des personnes marginalisées à occuper l’espace public.

Finalement, nous pensons que cette campagne atteint son objectif de sensibilisation du public, puisque nos actions et revendications bénéficient d’une couverture médiatique satisfaisante. Le nombre d’appuis reçus, pour une campagne menée avec aussi peu de moyens, en témoigne. Les différentes actions entreprises ont réussi à donner de la visibilité à un problème qui était alors méconnu de la population.

Conclusion

Un comité de travail a été fondé en 2014 au sein de la LDL-Qc afin de mener une lutte contre l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes, une pratique particulièrement discriminatoire et lourde de conséquences pour les personnes marginalisées qui font l’objet de profilage social. Depuis le début de cette campagne, nous avons mis en oeuvre différentes stratégies afin de rallier à nos revendications le plus grand nombre possible de personnes et d’organisations, en vue de faire pression sur les décideurs.

Puisque nous n’avons pas à ce jour obtenu satisfaction de nos revendications, nous avons pour objectif de poursuivre la campagne. Dans un premier temps, nous avons concentré nos efforts de pression sur le conseil municipal. Mais, puisqu’une multitude d’actrices et d’acteurs sont impliqués dans l’émission des mandats d’emprisonnement (service policier, service de perception des amendes, juges de la cour municipale), nous tenterons dans les prochains mois de diversifier nos interlocutrices et interlocuteurs. Nous espérons que ce travail de sensibilisation des actrices et acteurs ayant un pouvoir de changement permettra de mettre fin à cette pratique et de privilégier des solutions de rechange à la judiciarisation.