Entrevue

Le Mouvement Jeunes et santé mentaleEntrevue avec Émilie Roy et Pierre-Étienne Létourneau[Record]

  • Marie-Pier Rivest and
  • Penelopia Iancu

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  • Cette entrevue a été réalisé par
    Marie-Pier Rivest, Ph.D.
    Professeure adjointe, École de travail social, Université de Moncton
    Penelopia Iancu, Ph.D
    Professeur adjointe et directrice adjointe, École de travail social, Université de Moncton

Depuis la création du Mouvement en 2016, nous avons un comité de coordination qui inclut aujourd’hui huit jeunes militants qui ont vécu une situation en santé mentale. Nous avons également des sous-comités d’appui de mobilisation, de représentation, d’éducation populaire et de communication. Nous promouvons les revendications issues de notre déclaration commune. Et présentement, nous sommes axés sur le souhait d’une commission parlementaire sur la médicalisation chez les jeunes. On travaille beaucoup là-dessus. La première réponse à la détresse des jeunes c’est  « Bon! bien t’es telle chose. On te donne telle pilule ». C’est quelque chose que je considère qu’il est important de faire voir aux jeunes. Le Mouvement se bat justement contre ça, contre le marquage diagnostique de la maladie chez le jeune; parce qu’il va se voir comme étant limité à cause d’un diagnostic en se disant « oui, mais de toute façon je suis TDAH. Je n’irai pas plus loin que ça de toute façon ». Donc c’est simplement des balises, des généralités statistiques. Les jeunes doivent comprendre que ça ne les définit pas. Donc je considère mon combat comme très important. Il est très personnel. Par contre, je suis capable d’avoir une attitude très professionnelle; je comprends que dans des situations justement la médication n’est pas mauvaise; mais elle ne doit pas être utilisée de mauvaise façon. Lors de la rencontre nationale de décembre dernier, j’ai donné un atelier sur la santé mentale à la DPJ; parce que les jeunes sous la DPJ ayant un trouble de santé mentale sont très mal pris en charge. C’est souvent la réponse automatique, c’est les médicaments. Les jeunes ne savent pas ce qu’ils prennent, ils ne savent même pas les effets à long terme. En fait, personne ne sait les effets des psychotropes à long terme chez les jeunes. L’atelier a été très, très apprécié : j’avais des jeunes qui m’ont raconté leur histoire, leur passage à la vie adulte à travers ça. Moi, je ne crois pas que ça s’appelle « santé mentale » ou « maladie mentale », mais « mon bien-être ». En 2006, j’ai fait une dépression grave et c’était une épreuve de vie. J’avais 16 ans, puis je ne comprenais pas pourquoi je vivais ça exactement. Puis je vivais de la souffrance. Je voyais une psychologue. Puis à partir de ce moment, j’ai vu un psychiatre. On me disait que je n’étais pas capable de comprendre les nuances, que j’étais très rigide, que je n’étais pas capable de socialiser. Je trouvais ça un peu faux en fait. Moi, je ne croyais pas à ça. J’ai pris le temps de penser pendant un bon sept ans sur la nature de ma souffrance. Puis au bout du compte, j’ai réalisé que c’était peut-être plus parce que je ne connaissais pas bien mon fonctionnement psychologique que j’ai appris à construire en voyant mes psychologues. Peut-être aussi que c’était dû à des relations que j’avais durant cette période-là de ma vie. Ce n’était pas des relations qui étaient saines, positives et avec lesquelles je me sentais bien. Une autre phase a été quand j’ai voulu partir de chez mes parents, rompre un peu mieux le contexte familial qui ne me convenait pas, donc prendre mon envol, devenir un adulte. Mais il y a eu des problèmes. Il y a eu un médicament qui n’a pas fait. J’ai changé de médicament et ça m’a fait faire une psychose. Alors j’ai vraiment eu une situation de vie compliquée à partir de ce moment-là. Donc, c’était une nouvelle période de crise dans ma vie. Il n’y a pas seulement eu une …