À l’occasion de la publication des résultats de la recherche SPIPRA, la revue RELIER propose un dossier intitulé : « Mieux comprendre l’essor et la diversité des pratiques spirituelles dans les milieux de la santé ». Les articles de ce numéro traitent de thématiques et de problématiques liées à l’ouverture du monde biomédical à la spiritualité ainsi qu’à l’intégration de la spiritualité dans le monde du soin, témoins d’un champ encore en construction, celui du Spiritual Care. Avant de le présenter, il est nécessaire de replacer ce numéro traitant de l’intégration de la spiritualité dans le monde du soin dans le contexte dans lequel il a été publié et de faire une remarque sur ce qui ressort d’une première lecture du sommaire. Le monde biomédical est traversé par des courants d’une force inouïe également très contradictoires. D’une part, les avancées technologiques, bien que critiquées par ceux-là mêmes qui les font advenir, ouvrent des possibilités de redéfinition de l’humain qui vont bien au-delà de la « simple » réparation d’organes. D’autre part, des voix issues de milieux très divers (politique, sciences humaines, etc.) se font entendre de plus en plus fort pour exiger une réforme du système de soins afin de le rendre plus humain, davantage démocratique et surtout « plus au service de la population ». Celles-là montrent qu’en fait, le système de santé est en crise, crise de valeurs autant que de lisibilité, de sens, crise liée aux difficultés qu’aussi bien les acteurs que les patients et la population dans son ensemble ont à comprendre, le type de médecine et de santé que promeut ce système. L’un de ces courants s’adosse à l’idée-force que la spiritualité, devenue une sorte de couteau suisse de la santé, permet de réhumaniser la médecine, favoriser la guérison, redonner du sens à l’activité des soignants, faciliter l’acceptation des patients en balisant leur trajectoire (avec des rituels par exemple), renouveler la réflexion en éthique clinique, en mettant en lien autonomie du patient (surtout en fin de vie) et expression de sa spiritualité. Même avec cette mise en contexte, la lecture du sommaire peut malgré tout quelque peu dérouter tant ce dossier fait état d’une grande disparité. Comment ces divers écrits peuvent-ils bien parler d’un même champ disciplinaire (celui du Spiritual Care) alors qu’ils émanent d’auteurs de disciplines différentes et rapportent expériences, pratiques et réflexions sur l’intégration de la spiritualité dans des champs disciplinaires du soin eux aussi différents ? Cette diversité et cette disparité ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence du fait que chaque grand champ disciplinaire du soin porte une conception et une visée singulière du soin et que l’intégration de la spiritualité n’échappe ni à cette conception ni à cette visée. Autrement dit, chaque grand champ disciplinaire a une manière déterminée de penser et/ou d’intégrer la thématique de la spiritualité en son sein. Compte tenu de ce qui précède, ces articles centrés sur le traitement réservé à la spiritualité dans les champs disciplinaires que sont la pastorale hospitalière, l’accompagnement spirituel, les sciences infirmières, la recherche en psychologie et en médecine, et les réflexions que ces thèmes suscitent en sociologie du religieux, ne pouvaient que composer un ensemble très divers. Faut-il pour autant accepter cet état de fait et ne rien pouvoir nommer qui traverse ces expériences, pratiques et réflexions ? Convient-il d’accepter de n’avoir aucun jeu de langage pour répondre (ne serait-ce que partiellement) aux questions évidentes que posent ce corpus ? De quelle spiritualité parle-t-on ? Quel est son lien avec le religieux contemporain ? Pourquoi le monde du soin s’ouvre-t-il à cette thématique ? Comment …
Appendices
Bibliographie
- Gauthier, F. (2020). Religion, Modernity, Globalisation. Nation State to Market. Routledge.
- Taylor, C. (2018). The Ethics of Authenticity. Harvard University Press.