Abstracts
Résumé
Parmi les théories de soins infirmiers aujourd’hui mobilisées en formation, dans la recherche et dans les milieux cliniques, l’une d’entre elles, le caring de Jean Watson, fait figure d’exception par la place accordée à la spiritualité : son succès nous interpelle et sera l’objet de la réflexion présente. Cette auteure a développé une théorie fondée sur une attention, centrale, à la spiritualité du soignant, du soigné et à la valeur spirituelle de la relation qui les lie. Elle va même jusqu’à développer ce que nous nommerons ici une « spiritualité du travail » infirmier. Cet article cherche à comprendre comment un tel succès est possible, dans un système de santé fortement critiqué pour sa déshumanisation, où la spiritualité n’est certainement pas un enjeu prioritaire. La résonance de cette théorie avec plusieurs motifs religieux – tels que le Salut, la vocation dans le cadre du développement personnel et de la philosophie humaniste – est l’une des quelques pistes explicatives proposées.
Mots-clés :
- Spiritualité,
- soins infirmiers,
- care,
- caring,
- spiritualité du travail,
- Jean Watson
Abstract
Among the nursing theories currently used in training, research and clinical practice, one stands out for its success: Jean Watson's caring theory. What we are particularly interested in here, is that this author has developed a theory based on a central focus on the spirituality of the carer and the cared-for. She has even gone so far as to develop what we will call a “spirituality of nursing.” This article seeks to understand how such success is possible, in a healthcare system which is strongly criticized for its dehumanisation where spirituality is not a priority issue. The notions of salvation and vocation, in the frame of personal development and humanist philosophy are some of the explanatory avenues proposed.
Keywords:
- Spirituality,
- nursing,
- care,
- caring,
- spirituality of work,
- Jean Watson
Article body
Introduction
En 2001, paraissait dans cette même revue, nommée alors Théologiques, un article rédigé par deux enseignantes en sciences infirmières de l’UdeM, Jacinthe Pépin et Chantal Cara : « La réappropriation de la dimension spirituelle en sciences infirmières ». Ce texte, qui a fait date en francophonie, nous interpelle aujourd’hui : qu’est-il advenu, quelque vingt ans plus tard, des différentes théories de soins infirmiers partagées par ces auteures[1] ?
En considérant chacune de ces théories, l’une d’entre elles, la théorie du caring de Jean Watson, fait figure d’exception quant à son rayonnement. Jean Watson a acquis une impressionnante notoriété et ses théories ont été très largement diffusées et intégrées dans les cursus d’enseignement en soins infirmiers. Cet article propose de mieux saisir une part de son succès, celle qui est en lien avec sa conception de la spiritualité dans les soins infirmiers et qui la distingue de ses autres collègues théoriciennes contemporaines. Sa manière d’envisager le travail infirmier sera abordée en deux étapes. Dans un premier temps, nous verrons comment elle établit sa science du caring, puis, dans un deuxième temps, comment elle approfondit cette dernière à l’aide de la notion de caritas, développant ainsi ce que nous nommerons ici une spiritualité du travail. Une hypothèse sera alors proposée pour expliquer son succès : la mobilisation d’un imaginaire du Salut et de la vocation dans un langage et un contexte sécularisé. Ce qu’elle appelle la science sacrée du caring répondrait potentiellement au besoin de reconnaissance et de pouvoir des soins infirmiers aujourd’hui. Nous terminerons en évoquant les défis et les risques d’une telle conception des soins infirmiers.
1. Une énigme parmi les théories des soins infirmiers
Watson, aujourd’hui professeure émérite de sciences infirmières de l’Université de Denver au Colorado, a reçu seize doctorats honoris causa, dont treize à l’international. Elle a été nommée living legend (légende vivante) en 2013 par l’American Academy of Nursing. Elle est fondatrice d’un centre portant son nom qui diffuse sa caring science (que l’on pourrait traduire par la science du prendre soin). Invitée à intervenir dans de nombreux pays, et ce même à plus de 80 ans, son influence s’étend largement au-delà de l’Amérique du Nord. Dans le monde entier, écoles de soins infirmiers et facultés de sciences infirmières la sollicitent pour animer de prestigieuses conférences, depuis de nombreuses années. En 2016, en Belgique, une étude cherchant à connaître les théories de soins infirmiers explicitement mobilisées par les cadres de santé en milieu hospitalier (Lecocq et al. 2017) indique que, après Virginia Henderson, c’est la théorie du caring de Jean Watson, donc en deuxième position, qui est nommée. Ces quelques éléments nous permettent de constater le rayonnement majeur de sa théorie et attestent de son exceptionnelle renommée dans le domaine.
Dès lors, nous nous demandons ce qui pourrait susciter un tel engouement pour sa théorie. Est-ce, en particulier, sa manière de concevoir la spiritualité qui y serait pour quelque chose ? Car elle est clairement la plus militante parmi ses collègues théoriciennes, en ce qui a trait à la dimension spirituelle du soin. La spiritualité est en effet devenue de plus en plus centrale dans sa conception du soin.
2. Le paradigme de la transformation
Pour aborder le « phénomène Watson », nous nous sommes tout d’abord penchée sur les théories de soins infirmiers ambiantes dans les années 1970-90 lors de son propre étayage théorique, afin de mettre en évidence ce qui démarquait sa théorie de celles de ses collègues théoriciennes de soins infirmiers. Celles-ci développaient alors ce qui, a posteriori, a été appelé le paradigme de la transformation, entendant par-là : la transformation de soi, des autres, de la relation de soin, de l’environnement.
Ces paradigmes de soins ont été décrits par les enseignantes-chercheuses en sciences infirmières de l’Université de Montréal (Pepin et al. 2010[2]). Un premier paradigme, celui de la catégorisation, est centré sur la maladie, les déficits et les incapacités. Il se développe de la fin du XIXe jusqu’aux années 1950, et correspond au profil de l’infirmier « paramédical ». À partir des années 1950, l’expérience de la personne et de ses proches commence à être intégrée et devient plus centrale dans la conception du soin infirmier. C’est le paradigme dit de l’intégration, qui prend en compte les dimensions bio-psycho-sociale et spirituelle du soin. L’implication de la personne soignée dans les processus de soins est alors valorisée. Les soins infirmiers se conçoivent ainsi comme un « faire avec la personne » et non pas seulement « pour » la personne, ce qui était la modalité du paradigme précédent, dit de la catégorisation. C’est dans cette perspective du « faire avec » que se situe l’école des besoins de la célèbre Virginia Henderson et qui comprend les besoins psychiques, sociaux, existentiels et religieux.
Enfin, le troisième, le paradigme dit de la transformation, s’oriente pour sa part sur l’expérience de la santé elle-même. Il s’intéresse plus particulièrement au cheminement de la personne et à sa propre manière de définir sa santé. Ce passage du paradigme de l’intégration à celui de la transformation se traduit du « faire avec » la personne au « être avec » la personne. La relation de soin est alors particulièrement investie par les conceptions de soins infirmiers, car c’est au travers de cette relation que la personne soignée « prend conscience du lien étroit qu’elle entretient avec l’environnement, de sa capacité de le transformer et également d’être transformée par lui » (Pepin et al. 2010, 44).
2.1. La santé comme actualisation de soi
Au coeur de ces conceptions du soin du paradigme de la transformation, la santé intègre la possibilité de la maladie. Celle-ci fait partie des multiples changements qui peuvent arriver à un être humain sans le condamner à ne plus être « en santé ». C’est alors la capacité de réalisation de soi – ou actualisation de soi – qui constitue la santé et elle n’est plus forcément liée à l’absence de maladie ou au bien-être. Ce que nous pouvons nettement lire dans la définition de la santé par Watson : « […] en d’autres termes, la santé n’est pas une question de se sentir bien ou mal, mais d’être en phase avec la réalité. » (Watson 1998, 215) Marquées par les théories des années 1970-90 sur la psychologie développementale et les philosophies humanistes, Watson et ses collègues théoriciennes envisagent la santé comme : devenir plus soi-même (le « plus-être » chez Paterson et Zderad), grandir en humanité (le néologisme humanbecoming de Rosemarie Parse), ou encore « élargir sa conscience » (chez Margaret Newman).
2.2. Coconstruction du sens et auto-transcendance
Chacune de ces théoriciennes du paradigme de la transformation exprime à sa manière le but de la santé et, par conséquent, des soins infirmiers dans une perspective de progression visant l’épanouissement de l’être. L’infirmier encourage le patient sur un chemin de progression passant de la passivité (ceci m’arrive) à l’activité (cet état de fait, je choisis de lui donner une orientation/une intention/un sens), transcendant ainsi la situation endurée. Nous retrouvons cela dans la théorie du soin de Pamela Reed, une autre collègue théoricienne des soins infirmiers : l’auto-transcendance est cette capacité pour la personne malade, tout comme pour la personne qui la soigne, de dépasser ses limites en attribuant un sens à la situation donnée.
Ces théoriciennes reprennent pour la plupart une notion mise en exergue par Hildegard Peplau[3] qui est l’utilisation thérapeutique du soi (therapeutic use of self), inspirée de la psychanalyse et du développement personnel. Le soi de l’infirmier est l’instrument thérapeutique « central ». Nul besoin d’avoir des outils particuliers autres que soi-même pour ce travail. Cependant, l’instrument qu’est l’infirmier doit être « développé ». Ainsi la prise de conscience de sa propre spiritualité, et le fait de la cultiver, fait partie d’un « bon » instrument thérapeutique.
2.3. Care ou spiritual care ?
Force est de constater que les théoriciennes du paradigme de la transformation ne parlent pas de soins spirituels, de spiritual care. Elles parlent de spiritualité certes, mais non d’un care[4] spécifique qui s’appellerait spiritual care. Pour la majorité d’entre elles, la spiritualité est intrinsèque au prendre soin. Il n’y a dès lors aucun besoin de préciser un ajout au soin, car la spiritualité en est une dimension constitutive indissociable. Cependant, Watson formulera dans sa théorie la relation à la dimension spirituelle de manière plus élaborée et fondamentale. Pour elle, la spiritualité n’est pas seulement une dimension constitutive du soin parmi d’autres, mais le prendre soin, entendu comme caring, fonde une spiritualité. Le caring « génère » une dynamique spirituelle, une révélation de l’être et même un avènement d’un plus-être.
2.4. Le caring et le caring de Watson
Le caring, que l’on pourrait traduire par le prendre soin ou l’action de soigner, est un concept de soin infirmier qui se développe dès les années 1960-70 (Simms 1979). Le caring c’est « l’activité d’aider une autre personne à croître et à s’actualiser ; un processus, une manière d’entrer en relation avec l’autre qui favorise son développement » (Mayeroff 1965, 462). Le caring a une intention, qui rejoint l’actualisation de soi, qui est de permettre au sentiment d’être de la personne – soignée et soignante – d’augmenter (Boykin 2001). Madeleine Leininger (1988) et Jean Watson sont les figures de proue de ce mouvement du caring, avec une approche plus centrée sur la culture pour Leininger et sur la spiritualité pour Watson.
Une méta-synthèse présente le caring comme un « processus interpersonnel caractérisé par une sensibilité et une proximité dans la relation de soin » (Finfgeld‐Connett 2008, 196, nous traduisons). L’intuition de l’infirmier dans ce processus est fortement mise en valeur (Benner 1984). Watson va l’orienter d’une manière particulièrement personnelle en utilisant un concept central, celui de relation transpersonnelle.
3. L’énigme Jean Watson
Par le concept de relation transpersonnelle, nous entrons maintenant dans cette énigme du « succès » de la théorie de Watson, qui se situe à la fois pleinement dans ce paradigme de la transformation mais qui, en même temps, se distingue de ses collègues en développant une théorie spirituelle du travail. En cela, elle se démarquera nettement de celles-ci.
3.1. Première période : le caring
Watson élabore « son » caring à la fin des années 1970, dans sa publication phare : Nursing, the Philosophy and Science of Caring (Watson 1979). Elle y décrit des facteurs caratifs (dérivé du mot care) pour les différencier des facteurs curatifs. Ces facteurs qui fondent le caring, selon Watson, échappent à la science médicale et sont du registre des soins infirmiers que notre époque, dit-elle, se doit de développer : « Lorsqu’une personne est confrontée à un conflit entre ses aspirations et ses limites, ses réponses singulières ne se trouvent dans aucune catégorie de la science médicale. » (1979, 208) Cela peut être par exemple : la culture d’une sensibilité à soi et aux autres ; le développement d’un système de valeur humaniste altruiste ; la prise en compte et le soutien du système de croyance et d’espoir, etc.
Pour accompagner les personnes soignées dans cette négociation entre les aspirations et les limites humaines, elle va puiser chez ses contemporains le substrat théorique issu de la psychologie développementale et de la phénoménologie pour développer une science du soin. Ce champ propre des soins infirmiers y est essentiel : « Nulle autre profession (à l’exception peut-être du ministère religieux) que la profession infirmière n’est probablement aussi consciente du fait que certains problèmes humains sont insolubles. » (Watson 1979, 207)
3.1.1. Le caring-healing
De l’ouvrage Holding Sacred Space : The Nurse as Healing Environment (Quinn 1992) de Janet Quinn, Watson reprendra l’expression « d’être », soi comme infirmier, un « environnement guérissant ». Le concept de caring se construit en contrepoint du cure mais dans une ouverture au healing, compris comme une guérison intérieure. Ce healing est une forme de réconciliation avec sa situation, qui est rendue possible par le travail d’auto-transcendance.
3.1.2. Deux devoirs
Watson insiste sur ce dépassement par le sens et pousse, là aussi, à un extrême : « Une approche existentielle-humaniste des stratégies d’ajustement devient alors la variable, méconnue jusque-là, qui permet à une personne de transcender ses difficultés. Chacun se doit de donner un sens personnel à sa vie. » (Watson 1979, 215)
La force avec laquelle Watson insiste sur la notion de devoir, que ce soit pour donner sens à ce qui arrive, tout comme de donner sens à sa vie, la distingue aussi de ses collègues théoriciennes. Watson énonce cette double injonction : trouver un sens à sa vie et favoriser son développement personnel en devenant de plus en plus accompli. Et cette double injonction vaut pour le soignant tout comme pour le soigné. En résumé, la personne humaine a un premier devoir, c’est l’obligation morale à se maintenir en santé ; et se maintenir en santé veut dire aller au-delà de ses difficultés en donnant du sens à ce qui nous arrive. Deuxième devoir, l’infirmier a « une obligation envers son propre niveau de développement afin de pouvoir promouvoir un meilleur niveau de croissance chez autrui » (203).
3.1.3. Therapeutic use of self
Comme ses collègues théoriciennes du paradigme de la transformation, Watson retient la notion du therapeutic use of self, c’est-à-dire du soi comme de l’instrument thérapeutique par excellence, d’Hildegarde Peplau.. Elle va cependant encourager, voire exiger que ce soi (de l’infirmier) devienne un instrument mené à son aboutissement, à son accomplissement. Nous pourrions dire que Watson – beaucoup plus que ses collègues qui ne feront qu’évoquer cette question – cherche à affuter l’instrument thérapeutique (l’infirmier) en lui prescrivant d’être plus conscient de lui-même, de sa vie intérieure. L’objectif est de mieux appréhender la réalité phénoménologique des patients en élargissant sa capacité personnelle à être en lien avec sa propre réalité (y compris au niveau spirituel) et progresser ainsi en facilitant l’intégration de cette conscience élargie dans tous les domaines de son travail. Une fois cette prise de conscience effectuée, la compétence principale à développer est d’entrer dans une relation transpersonnelle « guérissante » avec la personne soignée.
3.1.4. De la relation transpersonnelle « guérissante » à la connexion au cosmos
Watson amène là, dans son deuxième ouvrage Human Science and Human Care : A Theory of Nursing (Watson 1985), un concept clef de sa théorie, la capacité relationnelle à « résonner » par ses énergies – vocabulaire qu’elle utilise abondamment – avec celles de la personne soignée, afin d’ouvrir ainsi un espace, au sein de la relation, pour la guérison. Ce phénomène guérissant-réconciliant permis par la relation, elle va le nommer « relation transpersonnelle ». Cette relation soignant-soigné est particulière : elle nécessite que le soignant ait l’intention de vivre une connexion profonde avec le soigné et que s’établisse une résonance avec elle. Watson affirme qu’il s’établit alors, au travers de cette connexion à l’autre, une connexion plus vaste à l’amour cosmique. C’est pour elle la modalité et le but ultime des soins infirmiers qui se vit par et pour la connexion-compassion au coeur du soin. Cela devient une « métaphysique transcendantale » (Caring Science as Sacred Science est paru en 2005), car ce type de relation transpersonnelle de soin favorise une connexion métaphysique avec ce qui nous dépasse : « l’Autre », l’infini.
Watson dans la plupart de ses écrits ne parle pas de l’au-delà dans le sens d’une après-mort, mais pour elle, le monde est infini, sans « frontières ». C’est justement la relation transpersonnelle de soin, cette connexion à l’autre, qui nous permet d’être directement en connexion avec l’infini. L’insistance sur cette dimension cosmique du soin distingue aussi Watson de ses consoeurs qui, elles, mobilisent les aspects environnementaux et l’adaptation à ceux-ci en intégrant la notion de rythmes dans la relation. C’est cet aspect de connexion cosmique et sacrée qui est particulière à Watson par rapport au caring partagé par les autres auteures qui en restent à la qualité de relation interpersonnelle (Bailey 2009). Watson place dans ce concept de relation transpersonnelle la relation au niveau d’une question morale (une éthique de la relation). Cette intentionnalité implique un élargissement de la conscience et l’activation de « champs d’énergies » (Watson 2002). Watson propose alors des thérapies alternatives telles que le reiki, l’usage des pierres précieuses, les soins quantiques, la méditation, etc., qui favorisent cette relation transpersonnelle.
3.1.5. Évolution de la théorie du caring vers le caritas
En 1999, Watson remplace les termes « facteurs caratifs » par « Processus de Caritas Clinique (PCC[5]) ». On notera qu’en anglais ainsi que dans les traductions étrangères, le mot caritas a été conservé en latin.
Tout d’abord, Watson indique un changement d’ère : le langage du caring appartenait à l’ancienne ère (Watson 2007). Caritas « permet de capter les dimensions plus profondes du soin […] et de rendre plus explicite la connexion entre caring et love et les phénomènes de la nature humaine » (Watson 2007, 131). Selon Watson, ce soin-caritas fait passer de la compassion vécue dans la relation de soin à la compassion universelle. Lorsque l’infirmier se connecte à travers la compassion pour son patient à la compassion universelle, dit-elle, sa conscience s’élargit, à l’autre, au monde visible et au monde invisible. Le soin a même la capacité de préserver le monde, la planète : pratiquer le care-caritas revient pour elle à faire mystérieusement advenir la compassion universelle et à soutenir l’humanité.
Caring science […] contributes to the preservation of humanity […] The moral ideals and caring factors and processes proposed foster the evolution and deepening of humankind and serve to sustain humanity.
Watson 2007, 135
La dimension spirituelle est omniprésente dans ces Processus de Caritas Cliniques : neuf PCC sur dix l’évoquent ainsi explicitement[6]. Caritas se définit par un engagement éthique, une responsabilité pour les autres traduite dans l’attitude du caring (Akbari et Nasiri 2022). Par rapport à l’utilisation traditionnelle du mot dans le contexte occidental où se situe Watson, c’est-à-dire une motivation d’aimer qui viendrait de Dieu, caritas est utilisé sur de nouvelles bases : une attitude éthique engendrée par la rencontre qui fonde le caring (Levy‐Malmberg et al. 2008).
Watson ne met pas en avant une définition particulière de la compassion mais en présente des attributs, les effets. Elle en montre l’aspect universel, et selon elle inné chez l’homme. Plusieurs auteurs ont tenté de montrer les parallèles entre les principes du bouddhisme qui auraient fortement influencé la conception de la compassion et de la relation transpersonnelle chez Watson. Le principe bouddhiste de l’Anâtman, ou du non-soi (unicité), enseigne que nous sommes tous inextricablement liés et celui du Karuna, un principe bouddhiste lié à la compassion, souhaite transformer la souffrance et s’en soulager (Delgado-Galeano et al. 2023). Si Watson semble en effet avoir puisé à plusieurs sources sa conception de caritas et du caring, elle ne présente pas son approche comme émanant clairement d’une religion ou d’une philosophie, bouddhiste en l’occurrence, même si les rapprochements sont tentés par plusieurs auteurs (Constantinides 2019). Son approche est bien plus syncrétique, cherchant à mettre en lien la physique quantique, les principes bouddhistes, une éthique lévinassienne avec des conceptions énergétiques plus ésotériques.
3.2. Deuxième période : vers une Sacred Science
Cette deuxième période dans la théorie de Watson poursuit le continuum de la métaphysique transcendantale et des Processus de Caritas Clinique en affermissant le caractère sacré du travail. La parution de son ouvrage Caring Science as Sacred Science (Watson 2005) en marque le jalon. La connexion avec l’infini au travers de la relation transpersonnelle et dans l’exercice de la compassion est, selon elle, un travail sacré (sacred work). L’infirmier est un sacred vessel. Ce savoir, la science du prendre soin, est une science sacrée (sacred science).
Finalement, dans ses écrits plus récents, Watson enjoint à un militantisme sacré (sacred activism) (Watson 2020) : engagement, y compris communautaire, à pratiquer la compassion selon cette vision sacrée du travail. Watson se dit fortement inspirée du mouvement prôné par Andrew Harvey, écrivain britannique à l’origine de l’Institut international pour le sacred activism[7] : « Harvey (2009) coined the phrase “sacred activism” from his passionate, metaphysical, mystic global humanitarian work with the Unites Nations » (Watson 2020, 699). Dans cette mouvance, le sacred activism peut prendre la forme de petites communautés, désaffiliées des grandes traditions religieuses mais largement inspirées par certains éléments de ces traditions. Elles se retrouvent autour de trois piliers qui sont : l’écoute, l’amour, l’action. Elles sont parfois accompagnées par des pasteurs autoproclamés, et se disent rassemblées en compassionate communities[8]. Watson propose ainsi implicitement une reconfiguration de la société basée sur une compassion « militante ».
4. Quelques pistes de résolution de l’énigme ?
Après avoir présenté quelques bases du caring de Watson, nous tentons quelques pistes, sous forme d’hypothèses, pour expliquer cet engouement pour la Science du caring de Watson à partir d’une spiritualité du travail[9] proposée dans la Sacred Science.
4.1. Spiritualité du travail
Si les autres théoriciennes font appel à la spiritualité comme un élément important, voire une dimension centrale pour les plus convaincues, Watson va beaucoup plus loin. Elle en fait la raison même du travail infirmier. Watson propose une spiritualité du travail pour les infirmiers et infirmières et c’est là toute la différence.
4.1.1. Résonance du motif de la charité/caritas
Tout d’abord, ce que nous nommerons ici une spiritualité du travail, a sacred work, mène à un « au-delà du monde visible », à la compassion universelle. En choisissant ces mots et ce mode opératoire, nous posons l’hypothèse que Watson mobilise (volontairement ou involontairement ?) de manière implicite tout un imaginaire : celui de la charité chrétienne.
Le déploiement visible et institutionnalisé de la charité chrétienne trouve une forme d’apogée durant les quelque 600 ans d’histoire des hospices depuis le Moyen-Âge. En particulier dans le modèle de l’Hospice-Halle où l’espace de soins dédié aux malades et indigents et l’espace dédié au culte sont rassemblés dans le même espace, la même Halle. Soigner permet de se connecter au Dieu fait homme, selon l’évangile de Mathieu 25, 31-46 : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits c’est à moi que vous l’avez fait. ». Watson ne mentionne pas de lien à un Dieu personnel dans l’acte de soigner, encore moins d’un Dieu fait homme, bien qu’elle parle parfois de « divine love » pour la compassion universelle. Cependant à sa manière, elle ne peut pas empêcher de faire résonner, dans la culture occidentale à laquelle elle appartient et dont elle est issue, ce motif de la charité religieuse : « Où sont amour et charité, Dieu est présent[10]. » Située dans le registre religieux, cette formulation évoque un motif qui ressemble à la relation transpersonnelle et aux Processus de Caritas Cliniques.
Watson crée ainsi, volontairement ou non, une familiarité avec le motif de la charité chrétienne dans un vocabulaire nouveau, dans une cosmologie où la compassion universelle est l’au-delà du monde visible. Elle présente ce motif dans le langage du développement personnel, un langage aseptisé du champ sémantique de la religion, hormis l’ambiguïté du terme caritas maintenu en latin.
4.1.2. Travail sacré et science du sacré
Watson maintient le caractère « sacré » et spirituel de cette activité soignante par la sacralisation de la compassion. L’utilisation du substantif sacré lui permet de transcender le langage religieux ou, du moins, de l’éviter. Elle suit là la tendance de la grande majorité des théoriciens du spiritual care qui, depuis K. Pargament[11], en passant par la définition consensuelle du spiritual care de C. Puchalski[12], et de celle après elle qui est la plus diffusée d’A. Koenig, se mettent dans le sillage de Rudolf Otto, utilisant eux aussi le substantif sacré (Pujol 2014). Dans le même but, c’est-à-dire de pouvoir dépasser les barrières qui auraient été établies par les religions, ils sont à la recherche d’un commun universel capable de désigner et d’inclure toutes les formes de transcendance. Ils évitent alors soigneusement le côté ambivalent du sacré d’Otto (tremendum fascinosum) et ne gardent que le côté lumineux, enthousiasmant de la notion de sacré dans leurs définitions et divers écrits.
4.1.3. Vocation sacrée sans risque de délégitimation
Mais Watson mobilise aussi le ressort de la vocation. Cet appel cependant ne vient pas de Dieu, mais de la vulnérabilité du malade. Elle s’appuie sur Levinas pour fonder l’injonction du « Visage » comme figure de l’appel. S’adressant au soignant, cet appel de l’infini du « Visage », de l’ a(A)ltérite incommensurable de la personne face à soi, fonde l’événement (l’épiphanie dira Levinas) de la compassion entre le soignant et le soigné (Watson 2005).
Watson saisit très bien la nécessité actuelle de refonder la vocation infirmière. Elle le fait cependant tout au coeur du processus de professionnalisation. Pour y arriver, elle constitue un savoir propre : la Science du Caring, qui fonctionne alors comme un universel, remplaçant les dogmes religieux, sans mettre la vocation en opposition avec la professionnalisation infirmière. Elle justifie ainsi une autorité propre, basée sur la Science des soins infirmiers, mais qui en elle-même est sacrée. Ainsi Watson réussit à maintenir la force vocationnelle du caritas dans un contexte hypersécularisé, par une conception de la Science caring-caritas qui renforce la professionnalisation.
Ce faisant, elle arrive à rassembler les aspirations de nombreux infirmiers et infirmières, en maintenant professionnalisation et vocation. Faire référence aux motifs religieux de la charité chrétienne aurait été clairement professer une restauration inacceptable pour les infirmiers, tant la professionnalisation s’est opérée dans la distanciation de la religion. Fonder caritas clairement dans le bouddhisme aurait aussi posé un problème dans un contexte de soins séculier. En proposant la Science caritas, pour fonder un travail « sacré », Watson offre un horizon d’aspiration profonde, permettant de mobiliser ces énergies motivationnelles, sans crainte pour la légitimité, bien au contraire. C’est son tour de force. Les infirmiers et infirmières trouvent dans cette sacralisation de leur travail une reconnaissance qu’ils cherchent désespérément à recevoir de la société civile ainsi que du système de santé. Ceux-ci peinent tant à comprendre quel pourrait être leur rôle autrement qu’en tant qu’auxiliaires, para-médicaux inféodés au pouvoir administratif et médical.
4.1.4. Oubli de soi ou actualisation de soi
La place et l’usage du soi distinguent la compassion-caritas de Watson, de la charité religieuse et du bouddhisme. Le développement personnel lutte contre l’oubli de soi, qui est pourtant la modalité de la dévotion religieuse : accepter de ne plus être soi pour entrer dans l’Être de Dieu (ou se libérer de l’illusion du soi dans le bouddhisme selon le principe d’Anâtman de l’extinction du soi). L’actualisation de soi au contraire vise l’accomplissement de soi : être de plus en plus soi-même, jusqu’à la « divinisation de l’homme » diront des auteurs comme Luc Ferry (2014). Pour les religieuses et religieux hospitaliers, l’accomplissement de soi se réalisait en Christ, dans l’imitation de Jésus-Christ. Pour l’infirmière et l’infirmier contemporains, selon Watson, cet accomplissement se réalise au travers d’une auto-transcendance de ce qui est vécu, mais c’est le soi qui reste à la manoeuvre et qui, ce faisant, s’affermit.
4.2. Salut et libération : transcendance et auto-transcendance
Watson développe une doctrine séculière qui correspondrait au Salut, au sens d’une libération de l’enfermement dans lequel se trouve la personne éprouvée. Deux éléments permettent cette libération, nous l’avons vu : l’unification avec la compassion universelle, mais aussi l’élargissement de la conscience, élargissement qui libère de l’assignation du diagnostic qui réduit par exemple la personne à sa maladie, à son handicap. L’attribution d’un sens, par la personne elle-même à ce qui lui arrive, va permettre cette forme de libération. La personne passe ce faisant d’un état passif (passio) à un état actif (actio), de patient à agent. Nous pourrions presque ajouter qu’il passe de malade à guéri, si nous considérons la guérison comme une guérison intérieure, au sens d’être réconcilié avec sa situation par le sens qui y est attribué. Mais c’est de son propre chef que le patient est censé attribuer ce sens à ce qui lui arrive, l’inventer en quelque sorte. Watson se trouve bien en phase avec une spiritualité humaniste qui, pour reprendre à nouveau une expression de Luc Ferry, fait de l’homme son propre Dieu (« L’homme-Dieu[13] »).
4.2.1. La place de l’infirmier dans « l’économie du Salut »
En poursuivant l’analogie, si l’infirmier est le coconstructeur du sens que le patient essaie d’attribuer à la situation vécue, nous pourrions dire qu’il se place en facilitateur d’une forme de Salut, laïque : d’une forme de libération. Il soutient alors la prise de distance et la réflexivité du patient, facilitant l’assignation d’un sens à l’expérience (principe d’auto-transcendance).
Si nous replaçons ce soutien dans l’analogie de la charité chrétienne au temps des hospices, l’infirmier prendrait la place à la fois du religieux hospitalier, qui faisait les soins aux malades et indigents et qui priait pour et avec eux, mais aussi de l’aumônier des hospices qui venait les confesser. L’aumônier, lui, facilitait l’accès au Salut en proposant la confession, permettant ainsi de se libérer des péchés afin d’entrer dans une pleine union à Dieu. Le sens de la vie, de ce qui arrivait aux personnes était tout entier en Dieu. L’aumônier n’avait pas à surajouter de sens, mais à aider à repérer ce qui pouvait entraver la pleine cohésion avec ce sens commun pour tout homme, cette même destinée : c’est-à-dire l’aspiration à la vie éternelle en Dieu, par l’unification avec son fils. Ici chez Watson, nous voyons donc que l’infirmier proposerait non pas un sens-destinée, commun à tout homme, mais un sens singulier, en fonction de la personne et dans une démarche de co-construction commune. L’identification avec Dieu « en personne » n’est plus « nécessaire » puisque chacune détermine ce sens singulier.
Watson se rapproche alors de ce que Gwennola Rimbaut nomme dans le spirituel laïque : « une entrée d’ordre existentiel dans le salut ».
[…] il se vit là un accroissement de vie relationnelle, expérimenté même aux heures sombres et dans le silence, et le Salut qui s’y donne aussi sous un mode existentiel. En ce sens, l’ouverture à l’altérité, posée ici sur un axe horizontal, reste bien le critère de l’entrée dans l’ordre du salut. C’est cette altérité vécue dans le quotidien de la vie humaine qui est effectivement la voie de salut. L’ouverture à l’autre est essentielle, vitale. C’est-à-dire que l’entrée dans le Salut passe toujours par l’expérience d’une décentration de soi vers autrui.
Rimbaut 2006, 196
Lorsque le malade ne reconnait pas d’Altérité au sens d’un Dieu ou d’une transcendance extramondaine, mais qu’il cherche à transcender sa situation en étant aidée par un ou une autre, le Salut recherché est décrit comme existentiel par Rimbaut. Pour Watson, c’est l’infirmier qui se positionne en altérité mondaine via l’exercice de sa « science sacrée ». Ainsi dans cette tentative de transcendance de soi, la personne malade, « propriétaire de sa propre vie » va chercher de l’aide (dans le cas présent, chez l’infirmier) pour vivre avec lui cette rencontre de l’altérité, ce décentrement, permettant d’élaborer le sens au vécu après l’avoir raconté, partagé.
Cette manière d’envisager le soin pourra heurter certains croyants pour qui le sens n’est attribué que par Dieu seul, à tout le moins le sens ultime. Watson rejoint sur ce point l’humanisme où Dieu peut être l’aboutissement du sens, une visée que la personne décide de se donner, mais moins celui qui fournit le sens a priori :
Dieu n’est plus, dans ce contexte, que la métaphore du sens ultime que chacun projette en avant de soi. Il est le symbole d’une plénitude de sens, le sens du sens. S’il n’est plus en amont pour fonder le sens (l’agir n’a pas besoin d’un fondement autoritaire), il se trouve en aval comme horizon de sens qu’il appartient à chacun de se donner.
Neusch 1997, 346
4.2.2. Le Salut pour tous
Ce Salut oscille entre une forme immanente et une forme transcendante dans les écrits de Watson, entre intra et extramondain, à l’image du Salut déjà présent et à venir. Mais sa proposition est clairement envisageable sans relation avec un Dieu personnel. Cette relation personnelle avec Dieu ne doit pas être nécessaire pour Watson, afin que le Salut soit universel, « pour tous ». L’exercice de la compassion dans lequel la relation à l’Être s’opère est possible pour tous dans la science du caring. Cette aspiration est à l’image de la quête des contemporains : quête de justice, d’équité, d’infini, de libération tout en maintenant un idéal d’accomplissement de soi. Selon nous, le succès de la théorie de Watson s’explique en grande partie parce qu’elle y articule toutes ces aspirations en lien avec la recherche de reconnaissance de la profession infirmière.
4.2.3. Interprofessionnalité et reconnaissance
Cette manière d’envisager le rôle infirmier dans cette « libération » vient se superposer et potentiellement heurter les intervenants en soins spirituels (accompagnants spirituels ou aumôniers selon les pays), pour qui ce travail de co-élaboration du sens, de réconciliation avec soi – et avec Dieu pour certains – est central. Watson semble obnubilée par la sacralisation du rôle infirmier et en oublie (ou ne souhaite pas considérer ?), les dynamiques interdisciplinaires et notamment le rôle spécifique de l’intervenant en soins spirituels (ou du référent religieux, aumônier ou représentant du culte). À tel point qu’on peut se demander s’il n’est pas à ses yeux « inutile ». Il est d’ailleurs révélateur de constater que dans cette conception du caring-caritas, l’interdisciplinarité est si peu envisagée. Watson ne promeut pas vraiment de modèle de collaboration interprofessionnelle basé, par exemple, sur des compétences spécifiques par chacune des professions. Par contre, elle encourage des relations de caring/caritas dans les rencontres interprofessionnelles (Wei et Watson 2019). Le soin infirmier donne l’impression d’être « le tout » du caring. Un apanage au risque de constituer un rapport de supériorité avec les autres professions de la santé qui peuvent aussi pratiquer certains aspects du caring en tant que médecins, psychologues, ergothérapeutes, etc.
4.2.4. La revanche spirituelle
Chez Watson, l’interdisciplinarité et la délégation ne sont pas « le sujet » et ne sont traitées qu’anecdotiquement au profit de l’étayage de la doctrine des soins infirmiers avec le risque d’une tentation de toute-puissance. Cette toute-puissance est transposée du cure médical au care-healing, au soin-réconciliant. Ce renversement de puissance est peut-être à la mesure de la revanche de cette nouvelle profession contre la soumission aux anciennes autorités. Les relations avec les autorités historiquement tutélaires, la religion et la médecine, sont en effet quasiment réduites au silence dans ses écrits. Dans la lutte pour la reconnaissance de la profession infirmière, cette manière d’ignorer les autres intervenants et leur propre manière de se préoccuper de la spiritualité des personnes est interpellante. La proposition de Watson pointe vers un cumul des rôles pour l’infirmier : à son rôle de soignant se greffe le rôle de psychologue du développement personnel ainsi que de conseiller spirituel et de médecin des âmes, en tant que co-constructeur du sens, de réconciliateur. À l’exigence de développement personnel du self de l’infirmier, s’ajoute ce cumul des rôles et nous sommes en droit de nous demander si Watson ne forge pas là une figure héroïque de l’infirmier. Elle susciterait, comme toute figure héroïque, de l’engouement et une identification même lorsqu’elle paraît si peu réaliste.
5. Quelques défis et risques de la théorie de Watson
Dans cette dernière partie, nous relevons quelques risques et défis engendrés par ce succès de la théorie du caring-caritas de Watson en commençant par l’insertion de ce caring dans un système de santé qui s’est construit sur la science médicale et qui est soumis de plus en plus fortement aux lois du marché.
5.1. Le défi du réel
Le caring-caritas clinique de Watson place l’infirmier dans un paradoxe criant : comment, dans un système basé sur la science médicale dans l’économie de la santé, proposer un travail visant l’actualisation de soi, qui ne diagnostique rien et qui ne rapporte potentiellement rien ? Cette sacred science, invisibilisée dans le système actuel, pourrait produire chez les infirmiers une frustration à la mesure de la différence entre l’idéal et le réel. Cet écart immense ne serait pas seulement la conséquence d’un manque de moyens, de rationalisation extrême refrénant toute créativité, pourtant essentielle au prendre soin. Mais plus fondamentalement, il serait la conséquence d’un système de soin qui ne souhaite pas ce type de travail, ce caring-caritas, car il n’a pas comme but le « plus-être » des personnes soignées.
Cette impossibilité d’ajuster la visée du caring des infirmiers au système de santé qui les emploie est un écueil douloureux mis en exergue par plusieurs auteurs (Krol et Lavoie 2015) qui non seulement ont recensé quelques critiques de la théorie de Watson sur le plan de la faisabilité, mais aussi les difficultés ontologiques, épistémologiques et éthiques de celle-ci.
D’autres se sont attelés à rendre la théorie du caring de Watson compatible avec le système gestionnaire des structures de santé (Cara et al. 2016), par exemple dans une adaptation propre à l’Université de Montréal nommée « Modèle de soins humanistes de Soins infirmiers ». Ce modèle de soins humanistes est porté conjointement par les lieux de formation qui préparent les étudiants et certains hôpitaux qui s’investissent pour maintenir un climat de caring favorable (magnet hospital) afin de pouvoir accueillir de futurs professionnels formés à cette science du caring. D’autres pays tentent de même d’analyser les barrières à l’implémentation du caring de Watson dans la gestion des structures (Pashaeypoor et al. 2019).
Mais d’année en année, les lieux cliniques font face à une pression économique grandissante et à une fuite du personnel soignant qui semblent de plus en plus inexorables, marquant durablement la crise sanitaire et annonçant tôt ou tard un certain effondrement du système de santé. Aujourd’hui, dans ce contexte extrêmement tendu, il y aurait lieu de vérifier si ces conditions systémiques peuvent encore être réunies pour soutenir le caring de Watson comme proposé par le Modèle de soins humanistes. Ce caring se vit-il comme une exigence « de trop », à contre-courant et accélérant l’épuisement professionnel ou bien agit-il comme un facteur protecteur contre la déshumanisation et la distanciation des affects ? Cette dernière tendance est rapportée par quelques recherches des dernières années. Cependant elles sont rares et majoritairement portées par des membres du Watson Caring Science Institute, fréquemment co-signées par Jean Watson (Gunawan et al. 2022).
Au vu du succès de cette théorie et de ces enjeux, un débat sur l’éthique du caring de Watson pour les infirmiers semble se justifier. Il permettrait de considérer les bienfaits ou les dangers d’une mise en oeuvre de sa théorie dans un système de santé qui ne partage pas ses fondements. Est-ce une théorie de soin qui met en danger l’infirmier en le « préparant » à un épuisement professionnel programmé par cet idéal quasi inatteignable, ou, au contraire, fonctionne-t-il comme facteur protecteur de cet épuisement professionnel (Linton et Koonmen 2020) intégrant les aspects psychologiques et spirituels, et offrant une image extrêmement valorisante et porteuse dans l’adversité ? Plus de recherches, indépendantes, pourraient contribuer à répondre à ces questions et à encourager, ou non, les lieux de formations à promouvoir sa théorie.
5.2. Le risque d’endoctrinement
Un autre risque à évaluer est celui de la pensée unique et du simplisme de la proposition spirituelle chez Watson dus à un manque de confrontation intellectuelle. « Spiritual care needs enemies… », observe John Swinton (2006) lorsqu’il parle de l’endoctrinement potentiel derrière les nouvelles théories de sciences infirmières, en particulier en ce qui concerne la spiritualité. L’affirmation ne vise pas précisément celle de Watson, mais plutôt la manière dont la spiritualité est définie actuellement dans la recherche et la formation en soins infirmiers, c’est-à-dire en vase clos dans les différents manuels et articles en sciences infirmières (Jobin 2012) semblant créer une nouvelle « évidence » très peu confrontée. Cette évidence nécessiterait selon Swinton d’être parfois questionnée pour éviter de nouvelles normativités, décrétées par ces renvois tautologiques entre articles et manuels en soins infirmiers. Cette confrontation pourrait déjà s’engager avec les sciences de la religion, la théologie ou la sociologie de la spiritualité/religion. Krol et Lavoie par exemple proposent de revisiter un certain « acquiescement dogmatique » et de promouvoir ces soins seulement s’ils sont « crédibles, sécuritaires, et de meilleure qualité pour la santé et pour l’émancipation des populations » (Krol et Lavoie 2015, 58). Or pour ces deux auteurs, rien n’en est moins sûr pour la théorie du caring/caritas.
5.3. Le risque d’indifférenciation ou le syncrétisme
Ces remarques nous amènent à considérer les fondements de la théorie de Watson. Il n’est pas toujours évident de dire si on se situe dans l’intramondain ou l’extramondain chez Watson, dans l’humanisme ou l’ésotérisme. Ainsi lorsqu’on pratique la science du caring selon elle : « we can embrace and incite nonphysical/metaphysical phenomena, such non-local consciousness, unknowing and transcendence : we open to wonder, awe, mystery, miracles, mysticism, spirit and sacred unknowns, the holy » (Cowling et al. 2007, 31).
Watson évoque dans ses écrits des références aux énergies, aux miracles, aux mystères, etc., jusqu’à parfois s’embourber dans un syncrétisme, qui va la décrédibiliser aux yeux d’un bon nombre de ses confrères et consoeurs, comme le décrivent les études critiques rapportées par Krol et Lavoie et leur mise en exergue d’un processus de « radicalisation ésotérique » dans la progression de ses écrits (Krol et Lavoie 2015). Par ailleurs, cela en attirera bien d’autres, moins critiques des incohérences entre les références qu’elle mobilise. Ceux-là l’admireront d’autant plus parce qu’elle introduit dans l’art de soigner une ouverture à différentes spiritualités. Watson fait ainsi appel parfois à l’ésotérisme, à des notions théosophiques, aux « anciennes sagesses », à l’éthique d’Emmanuel Levinas, à la cosmologie d’un Teilhard de Chardin, à la métaphysique tentée par le danois Knud Løgstrup, à la physique quantique, mais aussi à des éléments contemporains du new age, etc., selon les thématiques abordées et les publications. Le tout est énoncé dans le langage du développement personnel et de l’approche phénoménologique. Ce patchwork de références spirituelles – parfois en contradiction les unes avec les autres si celles-ci sont approfondies – laisse dubitatif. On peut d’ailleurs constater que ces références ne sont pas reprises par la majorité des chercheurs et formateurs, qui utilisent généralement certains aspects de la théorie de Watson : ses facteurs caratifs, parfois les PCC. Cependant, ils ne remontent pas à leur genèse, ni à l’anthropologie et à la cosmologie que ces PCC mobilisent et qui ne correspondraient a priori pas, s’ils le faisaient, aux références du cadre institutionnel dans lequel ces académiques se situent, pour la plupart.
5.4. Le risque de prosélytisme du sens
Enfin, nous relevons un risque qui concerne la personne soignée, que nous nommons ici le « prosélytisme du sens ». C’est une préoccupation pour toutes les personnes soignées qui se trouvent dans l’impossibilité de transcender leur situation ou qui souhaitent le faire autrement. Parce qu’ils jugent que ce n’est pas à eux d’attribuer un sens ou parce qu’ils croient justement que ce qui leur arrive, et le mal en général dans leur vie, n’ont tout simplement pas de sens. Ces personnes pourraient souhaiter vivre leur désarroi, à leur manière et se passeraient bien des tentatives d’un infirmier à les faire cheminer vers une « happy transcendance » de leurs maux. Cette tentative de transcendance pourrait alors être interprétée comme une forme de violence ou d’inutilité face à leur manière de vivre leur condition.
Cette recherche de sens peut aussi prendre la forme d’une charge (surcharge) qui se cumule aux maux déjà endurés. S’ajouterait alors une certaine fatigue d’être soi (Ehrenberg 2008), d’avoir à être quelqu’un de signifiant, d’avoir, en plus de la tâche d’endurer, celle de créer du signifiant pour soi-même, par soi-même. L’acceptation du non-sens ou le combat spirituel peuvent être des voies qui ne correspondent pas à cette visée et cette conception de (l’auto-)transcendance.
Un autre risque se situe potentiellement dans l’encouragement tous azimuts de vivre une relation transpersonnelle, de « résonner » avec la personne soignée. Le risque serait peut-être de se méprendre sur l’éthique de Levinas et de ne pas arriver à accepter qu’il y ait ce que Levinas nomme : un abîme entre soi et l’autre.
Conclusion
Pour conclure, nous mobiliserons l’expression de désenchantement, de plus en plus fréquemment utilisée pour décrire le malaise des soignants face à l’industrialisation et la rationalisation grandissante des soins. Ces formules – désenchantement des soins ou désenchantement de la médecine – ne sont pas toujours rapportées à l’intention de Max Weber. Et pourtant, elles sont particulièrement adaptées au phénomène de sécularisation de la médecine, depuis la médecine hippocratique, puis des soins dès la fin du 19e siècle.
Ainsi la théorie de Jean Watson peut se lire comme une réponse au désenchantement dans le monde des soins. Le caring-caritas répond alors au besoin de réenchanter la profession, mais en proposant une théorie sécularisée, sous la forme immanente du développement personnel, de l’auto-transcendance et de la compassion universelle. Ce réenchantement se situe dans une science et non dans la religion, mais une science sacrée tout de même. C’est ainsi un réenchantement que les milieux de soins et de formations peuvent accueillir sans concurrence avec la professionnalisation, au contraire, vu qu’il la fonde et la renforce. La théorie de Watson frôle pourtant le « magique » avec une sensibilité de type « spiritualités alternatives » : énergies, chakras, reiki, médecine quantique, etc. Ce réenchantement-là la décrédibilise auprès de la communauté scientifique et fragilise l’apport de sa théorie.
Enfin, le contexte de crise environnementale et de menace quant à la préservation de l’humanité a fait grandir la conscience collective : un care est nécessaire pour notre planète et notre humanité. Cette sensibilité actuelle rejoint la nécessaire réparation du monde proposée par Jean Watson qui s’opère lors de tout acte de compassion dans le soin. Cette réparation n’est pas sans faire écho sur ce point précis à l’éthique du Care de Joan Tronto. Celle-ci définit le care comme « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». (Tronto et Fisher 1990, 40)
Ainsi la répercussion du travail de l’infirmier s’élargit : de la relation soignant-soigné pour aller jusqu’à répondre indirectement aux défis du monde d’aujourd’hui. Ce faisant, là aussi, Watson propose une forme de réenchantement du monde par les soins. Un réenchantement qui rejoindrait un souci majeur des contemporains, l’avenir de notre planète et de notre humanité.
Ouverture
La théorie du caring-caritas de Watson fait de nombreux adeptes et est un courant non négligeable dans les soins infirmiers aujourd’hui. Ce mouvement révèle probablement certaines aspirations ultimes des infirmiers : se sentir appelé par le sacré, être reconnus et sauvés de l’enfermement auquel l’industrialisation des soins les assigne. Ces aspirations ont contribué à faire la force de sa théorie et recèlent des clefs de lecture à exploiter plus en profondeur aujourd’hui.
En ouverture, nous souhaitons que ces intuitions concernant les besoins des infirmiers puissent être mieux connues dans les autres disciplines (sciences médicales, psychologiques, philosophie, sciences des religions, etc.). Elles susciteraient ainsi une saine critique qui pourrait aider à mûrir ces aspirations et besoins, en travaillant les emprunts et les références aux différentes théories mobilisées par Watson de manière plus rigoureuse.
Contester certains aspects épistémologiques de la théorie de Watson, la mettre au défi des sciences de l’implémentation, ne pourrait que renforcer le champ disciplinaire et permettre d’acheminer toutes les sciences infirmières vers plus de maturité quant à la place de la spiritualité dans le travail infirmier, et à son pouvoir d’innovation et de transformation pour les soins.
Appendices
Note biographique
Serena Buchter est infirmière Master Public Health, doctorante et chargée de recherche à l’Institut des Humanités en médecine, Faculté de Biologie et médecine, Université de Lausanne, Suisse. Elle est responsable scientifique du Réseau Santé, Soins et Spiritualités à l’Institut de recherche Religions, Spiritualités, Cultures et Sociétés, UCLouvain, Belgique.
Notes
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[1]
Nous choisissons dans cet article d’utiliser le terme infirmier au masculin sans discrimination de genre, pour en faciliter la lecture et souhaitant que de plus en plus d’hommes puissent aussi s’identifier à cette profession. Il en va de même pour les autres professionnels qui seront nommés au masculin.
-
[2]
Les auteures de La Pensée infirmière précisent les catégories d’A. I. Meleis et présentent le paradigme de la transformation dans les théories de soins infirmiers.
-
[3]
Théoricienne en soins infirmiers américaine (la majorité de ses écrits furent écrits ou publiés dans les années 1940-70)
-
[4]
En français care se traduit généralement par soin. Cependant le mot soin en français ne traduit pas bien la notion de « préoccupation pour, souci de » qui fait référence à la sollicitude du care en anglais. C’est pourquoi dans les milieux de soins en francophonie européenne, il est fréquent de conserver le mot care pour exprimer cette conception large et moins centrée uniquement sur les soins médicaux.
-
[5]
C’est la traduction libre du terme clinical caritas processes par Chantal Cara et Louise O’Reilly (2008). À ce sujet, les traductions des facteurs caratifs et de certains passages clefs de Watson par Chantal Cara ont largement contribué à sa diffusion dans le monde francophone.
-
[6]
En voici trois exemples explicites, traduits par Cara et O’Reilly :
-
PCC3 Culture de ses propres pratiques spirituelles et du soi transpersonnel, se dirigeant au-delà du soi ego, s’ouvrant aux autres avec sensibilité et compassion ;
-
PCC5 Être présent et offrir du soutien par l’expression de sentiments positifs et négatifs, telle une profonde connexion avec son âme et celle du soigné ;
-
PCC9 Assister en regard des besoins de base, avec une conscience de caring intentionnelle, administrer les « soins humains essentiels », qui potentialisent l’alignement esprit-corps-âme, l’intégralité et l’unité de la personne dans tous les aspects du soin ; veiller sur l’âme incarnée et l’émergence spirituelle en développement. (Cara et O’Reilly 2008)
-
- [7]
-
[8]
Ces compassionate communities ne doivent pas être confondues avec celles qui se nomment ainsi et se développent au sein de collectivités locales en Amérique du Nord, principalement pour le soutien des proches accompagnants des personnes en soins palliatifs à domicile. Soutenues par un tissu associatif et parfois par l’État, elles n’ont pas de rattachement à un mouvement spirituel tel que le sacred activism d’Andrew Harvey.
-
[9]
Spiritualité du travail est notre expression et non celle de Watson.
-
[10]
Ces mots sont attribués à un poème de Saint Paulin d’Aquilée qui les auraient rédigés au 8e siècle : « Ubi caritas et amor, Deus ibis est », et qui sont chantés sous forme d’hymne dans le monde chrétien occidental, lors de la commémoration du lavement des pieds le soir du Jeudi Saint.
-
[11]
Voir la synthèse des récurrences dans les définitions du spiritual care, dans le travail de la revue de Brito Sena et al. 2021.
-
[12]
« Spirituality is the aspect of humanity that refers to the way individuals seek and express meaning and purpose and the way they experience their connectedness to the moment, to self, to others, to nature, and to the significant or sacred. » (Puchalski et al. 2014, 642)
-
[13]
Luc Ferry, dans son ouvrage L’homme-Dieu ou le sens de la vie (1996), ne désigne pas Jésus-Christ ou Dieu fait homme, l’expression en effet est ambigüe, mais clairement désigne le mouvement de divinisation de l’homme (tout homme).
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