Abstracts
Résumé
Dans une perspective de pénurie de main-d’oeuvre, due principalement au vieillissement de la population, les rôles tendent à s’inverser sur le marché de l’emploi : il revient maintenant aux employeurs de séduire les meilleurs candidats. Quels critères utilisent les recruteurs afin d’attirer de nouveaux candidats au sein de leur entreprise ? Est-ce que ces critères varient en fonction du secteur d’activité auquel appartiennent les entreprises ? Est-il possible d’identifier certaines tendances évolutives quant aux critères qu’utilisent les recruteurs afin de mettre en valeur les emplois disponibles au sein de leur entreprise ? Prenant appui sur ces quelques questions, cette recherche étudie les critères utilisés par les recruteurs pour faire la promotion d’une expérience d’emploi. Elle fait l’analyse des annonces d’emploi publiées dans la revue Jobboom, spécialisée dans l’aide à la recherche d’emploi. L’échantillon est constitué de 1186 annonces parues dans les 83 numéros de la revue publiés au cours de la dernière décennie (2000-2010). Les résultats permettent d’identifier, en fonction des années et des secteurs d’activité, les critères les plus utilisés par les employeurs dans leurs efforts de recrutement. Les pistes de recherche futures sur l’effet de ces critères sur l’attraction des chercheurs d’emploi sont discutées en guise de conclusion.
Mots-clés :
- attraction organisationnelle,
- recrutement,
- marque employeur,
- annonces d’emploi
Article body
Introduction
Les questions d’attraction, de rétention et de fidélisation du personnel sont au nombre des défis auxquels sont confrontées les organisations d’aujourd’hui. Considérant l’influence concomitante du déclin démographique et du vieillissement des populations sur l’ensemble des professions au cours des prochaines années (Dubois, Pelletier et Morin, 2004), les entreprises contemporaines n’ont d’autres choix que de s’intéresser à la question de la rétention du personnel (Bourhis, 2013; Ehrhart et Ziegert, 2005; Walker, Field, Giles et Bernerth, 2008). À cet égard, plusieurs reconnaissent qu’une stratégie de recrutement du personnel axée sur la définition d’une marque employeur, représente l’un des principaux vecteurs pour attirer puis retenir les candidats les plus talentueux au sein d’une entreprise (Lachance, 2011; Lauzier et Roy, 2011; Martin, Beaumont, Doig et Pate, 2005; Minchington, 2006; Ulrich et Brockbank, 2005). Le déploiement d’une telle stratégie s’inscrit également dans un esprit visant à fidéliser des ressources parfois rares et difficiles à dénicher, et ce, afin qu’elles s’engagent et s’impliquent activement dans l’organisation.
Plusieurs employeurs admettent maintenant que la définition d’une marque employeur permet non seulement de se positionner à titre d’employeur de choix (Bourhis, 2013), mais permet aussi aux employés (actuels et nouveaux) de mieux comprendre et d’intégrer les valeurs de l’entreprise (Lachance, 2011). L’adoption d’une marque employeur semble donc être une solution de choix pour un bon nombre d’entreprises et leurs dirigeants, et ce, afin de leur permettre de composer avec les multiples transformations que connaît actuellement le marché du travail (p. ex. mondialisation des marchés, vieillissement de la population, hausse du niveau de scolarité chez les jeunes travailleurs). Encore faut-il toutefois que la marque adoptée par un employeur puisse lui permettre d’une part, d’attirer en nombre et en qualité les meilleurs candidats; et d’autre part, permettre de se positionner sur le marché de l’emploi en offrant un produit – en l’occurrence une expérience de travail – différent de celui offert par ses compétiteurs.
La question se pose aussi en fonction des stratégies utilisées par les recruteurs afin d’articuler leur marque employeur (p. ex. annonces d’emploi, campagnes de recrutement, agences de placement, publicités, etc.). De fait, les annonces d’emploi représentent l’un des moyens les plus couramment utilisés par les recruteurs pour se faire connaître des chercheurs d’emploi à titre d’employeur potentiel (Barber, 1998; Rynes, 1991). L’efficacité d’une telle stratégie demeure toutefois méconnue, et ce, en raison du faible nombre d’études publiées sur le sujet (Collins et Stevens, 2002). Ce vide dans la littérature scientifique a pour effet de limiter notre compréhension des mécanismes sous-jacents aux pratiques de recrutement, et de leur influence sur les chercheurs d’emploi (Breaugh et Starke, 2000). Comme le font remarquer Walker et al. (2008), cette situation invite à poursuivre les efforts de recherche sur les rapports initiaux qui s’inscrivent entre les chercheurs d’emploi et les organisations. Plus particulièrement, cette période correspond au moment auquel les chercheurs d’emploi recueillent de l’information sur les possibilités d’emploi qui s’offrent à eux, sans nécessairement communiquer directement avec un employeur potentiel (Barber, 1998).
S’inspirant des quelques études disponibles sur le sujet, cette recherche vise à combler (partiellement) ce vacuum en proposant d’étudier les questions suivantes : a) quels critères utilisent les recruteurs afin d’attirer de nouveaux candidats au sein de leur entreprise ?; b) est-ce que les critères utilisés dans les annonces d’emploi varient en fonction du secteur d’activité auquel appartiennent les entreprises ?; c) est-il possible d’identifier certaines tendances évolutives quant aux critères qu’utilisent les recruteurs afin de mettre en valeur les emplois disponibles au sein de leur entreprise ? Or, globalement, cette recherche a pour principal objectif de mieux nous renseigner sur les critères utilisés par les recruteurs canadiens dans les annonces d’emploi qu’ils publient.
Contexte théorique
Les entreprises d’aujourd’hui évoluent dans un contexte caractérisé par une pénurie de main-d’oeuvre dont les effets se traduisent sur les plans quantitatif et qualitatif. D’une part, la pénurie s’explique par les nombreux départs à la retraite des baby-boomers et par une relève qui s’annonce insuffisante. D’autre part, le développement rapide de nouveaux secteurs (p. ex. biotechnologies, nanotechnologies) amène les entreprises d’aujourd’hui à rechercher des candidats aux compétences de plus en plus spécifiques et qui malheureusement se font rares sur le marché de l’emploi (Morin, Paillé et Reymond, 2011). Confrontés à ces nombreux défis, les employeurs doivent maintenant déployer des efforts sur plusieurs fronts afin de retenir (voire fidéliser) leurs employés actuels, mais aussi, et surtout d’attirer de nouveaux candidats (Ployhart, 2006; Ryan et Delany, 2010; Silzer et Dowell, 2010; Walker et al., 2008).
Au-delà de ces facteurs, le désir d’attirer de nouveaux candidats et de retenir les meilleurs employés est exacerbé par l’idée que le capital humain représente un avantage concurrentiel pour les entreprises d’aujourd’hui (Martin et al., 2005; Morin, Paillé et Reymond, 2011; Ulrich et Brockbank, 2005). Cela incite, donc, les employeurs à faire preuve d’ingéniosité pour conserver les meilleurs employés (p. ex. programme de rémunération à la performance, aide à la planification et à la gestion de carrière, etc.) et aller à la rencontre de nouveaux candidats aux aspirations diverses (p. ex. défis professionnels, créativité, équilibre de vie, etc.). Or, bâtir une marque employeur attrayante s’avère être une alternative envisagée par de nombreuses entreprises (Davies, 2008; Lachance, 2011; Moroko et Uncle, 2008).
La marque employeur : définition et processus d’élaboration
Les théories en marketing peuvent, certes, nous aider à mieux comprendre l’influence des activités de recrutement sur la décision des chercheurs d’emploi à postuler pour un travail. À cet égard, les travaux d’Aaker (1991; 1996; 2000) et ceux de Keller (1993) soutiennent l’idée que la création d’une image de marque unique et favorable dans l'esprit des consommateurs peut accroître les chances que les produits ou services d’une entreprise soient choisis au-devant de ceux de ses compétiteurs. Cable et Turban (2001) estiment que des mécanismes similaires interviendraient lors du processus décisionnel mené par le chercheur d’emploi. Selon ces auteurs, les organisations détenant une marque employeur forte seraient préférées des chercheurs d’emploi à celles ayant une marque employeur faible (voire parfois même négative). La marque employeur peut être définie comme « l’ensemble des efforts déployés par l’entreprise pour communiquer aux employés existants et potentiels l’idée qu’elle représente un milieu idéal pour travailler. Plus spécifiquement, ce concept englobe l’ensemble des avantages économiques et psychologiques offerts par l’entreprise; et grâce auxquels celle-ci peut être identifiée » [traduction libre] (Moroko et Uncle, 2008; p.161). Elle représente donc une forme de marketing appliquée à l’entreprise qui considère l’expérience de travail dans toutes ses formes comme un produit devant être clairement défini puis écoulé sur le marché de l’emploi via une marque employeur conforme aux valeurs de l’organisation. Les employés actuels ou potentiels constituent de ce fait la cible et la principale préoccupation de la marque employeur.
Malgré l'existence de nombreux liens implicites entre la gestion des ressources humaines et le marketing (Moroko et Uncles, 2008), il appert que les efforts de recherche sur le sujet n’en sont toujours qu’à leurs balbutiements (Morin, Paillé et Reymond, 2011). Certains chercheurs dénoncent même le faible nombre d’études empiriques réalisées dans ce champ d’études (Lievens, Van Hoye et Anseel, 2007). Néanmoins, sur la base des écrits disponibles, il est possible de concevoir l’élaboration de la marque employeur selon un processus en trois étapes (Backhaus et Tikoo, 2004). En premier lieu, l’employeur procède à l’élaboration de sa proposition de valeur (Ulrich et Brockbank, 2005). Cette proposition vise à circonscrire clairement ce que peut offrir un employeur à ses employés ou à des candidats potentiels (p. ex. un emploi stimulant, de bonnes conditions de travail, etc.). Utilisant des informations propres au contexte organisationnel (p. ex. style de leadership, compétences détenues par les employés, culture organisationnelle, qualité des produits et services offerts, etc.), l’entreprise en vient à brosser un portrait plus ou moins élaboré de sa proposition de valeurs. Cette proposition devient alors le message central sous lequel sera promue la marque employeur de l’entreprise. À cet effet, Cappelli (1999) estime que les conditions de travail doivent, aujourd’hui plus que jamais, être définies sur les bases d’une approche clientéliste; donc en fonction de critères précis pour des clientèles toutes aussi précises. Cette évidence nous amène donc à reconnaître que l’expérience de travail offerte par une entreprise particulière doit maintenant être considérée comme un produit, lequel doit être clairement défini et ciblé (donc destiné à un type d’employés potentiels bien particulier), puis mis en marché par l’entremise d’une marque employeur conséquente avec les valeurs de l’entreprise.
En deuxième lieu, l’entreprise procède à la mise en marché de sa proposition de valeur par l’entremise de divers mécanismes de promotions (p. ex. annonces d’emploi, campagnes de recrutement, agences de placement, publicités, etc.). L’externalisation de la proposition de valeur vise essentiellement à attirer de nouveaux candidats talentueux au sein de l’organisation. Bien que cet exercice se réalise principalement à l’extérieur des murs de l’entreprise, il faut toutefois reconnaître que ces efforts de promotions ne vont pas sans influencer la perception que se font les employés actuels de l’entreprise (Collins et Stevens, 2002). À cet effet, Lievens, Van Hoye et Anseel (2007) observent que les employés attachent une certaine importance à la façon dont est perçu leur employeur par la population générale.
Enfin, l'application et la gestion au quotidien de la proposition de valeurs représente la dernière étape du processus. Celle-ci vise essentiellement la promotion de la proposition de valeur au sein même de l’organisation. C’est sur cette dernière étape que repose tout le succès de la stratégie, et ce, compte tenu du fait qu’elle véhicule les conditions de travail et autres clauses afférentes au contrat psychologique (voire promesses) sur lesquelles repose la relation qui unit les employés à l’employeur (Moroko et Uncles, 2008).
Considérant chacune des phases du processus menant à l’élaboration d’une marque employeur, il importe d’indiquer que la présente étude s’inscrit d’abord et avant tout dans la seconde étape du processus, soit celle portant sur la mise en marché de la marque employeur. Plus clairement, cette étude s’intéresse à une forme d’articulation bien particulière de la marque employeur, soit celle s’effectuant à travers la publication d’offres d’emploi dans les médias écrits.
Les annonces d’emploi comme mécanisme d’articulation de la marque employeur
Plusieurs auteurs suggèrent que les annonces d’emploi et les informations qu’elles contiennent jouent un rôle déterminant dans la perception que se font les chercheurs d’emploi d’une organisation ou d’un employeur particulier (Barber et Roehling, 1993; Breaugh et Starke, 2000; Chapman, Uggerslev, Carroll, Piasentin et Jones, 2005; Jones, Schultz et Chapman, 2006; Rynes et Miller, 1983). Suivant cette perspective, certains diront que les chercheurs d’emploi interprètent les informations qui apparaissent dans les annonces d’emploi comme des signaux leur permettant de se représenter l’employeur ou le fait de travailler pour ce dernier. À ce titre, la théorie des signaux représenterait l’un des cadres de référence les plus cités dans les travaux portant sur l’attraction organisationnelle (Morin, Paillé et Reymond, 2011). Plus simplement, cette théorie soutient que les signaux (voire messages) transmis par les employeurs sont d’abord perçus puis encodés par les chercheurs d’emploi comme des représentations plus ou moins abstraites d’un employeur ou du fait de travailler pour celui-ci. Les résultats de plusieurs études viennent appuyer les principes sous-jacents à la théorie des signaux (p. ex. Collins et Stevens, 2002; Slaughter, Stanton, Mohr et Schoel, 2005; Taylor et Collins, 2000; Turban et Cable, 2003; Walker et al., 2008). Dans l’ensemble, ceux-ci indiquent que le fait de modifier les pratiques de recrutement (p. ex. personnaliser les messages dans les annonces d’emploi) pouvait d’une part, accroître le potentiel attractif des recruteurs et d’autre part, attirer les chercheurs d’emploi en provenance de bassins de recrutement ciblés.
Les critères servants à promouvoir une expérience d’emploi
Les critères que peuvent utiliser les recruteurs afin de promouvoir une expérience d’emploi sont nombreux. À cet égard, il faut reconnaître que les études disponibles mettent en évidence la diversité des critères pouvant influencer les chercheurs d’emploi à poser leur candidature auprès d’un employeur particulier (Boswell, Roehling, LePine et Moynihan, 2003; Cable et Turban, 2001; Morin, Paillé et Reymond, 2011). Le secteur dans lequel oeuvre l’entreprise, sa taille, sa performance, ainsi que ses caractéristiques propres (p. ex. emplacement géographique) ou encore celles des emplois qu’elle offre (p. ex. possibilité de voyager) sont au nombre des facteurs soulevés par les études menées sur le sujet. Une analyse plus poussée de la littérature disponible et des modèles traitant des critères utilisés par les recruteurs dans les annonces d’emploi (p. ex. WorldatWork – Total Reward Model) permet de regrouper ceux-ci en trois catégories distinctes, à savoir les critères liés à : a) l’organisation, b) l’emploi ou c) le milieu de travail. Les critères liés à l’organisation font référence à des attributs ou caractéristiques qui sont le propre de l’entreprise (p. ex. être un employeur de choix, oeuvrer à l’international, être un chef de file dans son domaine). Pour certains, ces critères traduisent le caractère symbolique (voire non palpable) des bénéfices pouvant être associés au fait de vouloir (ou de) travailler pour un employeur particulier (Lievens, 2007; Lievens et Highhouse, 2003; Van Hoye, Bas, Cromheecke et Lievens, 2013; Van Hoye et Saks, 2010). Pour leur part, les critères liés à l’emploi (ou la profession) traduisent plutôt les conditions de travail ou caractéristiques relatives aux emplois existants au sein de l’entreprise (p. ex. opportunités de carrière, salaire compétitif, offre généreuse d’avantages sociaux, sécurité d’emploi)[3]. Pris simplement, ces critères (aussi appelés critères instrumentaux) font référence aux conditions factuelles liées à l’emploi occupé par un employé (Lievens, 2007; Lievens et Highhouse, 2003; Lievens, Van Hoye et Anseel, 2007). Enfin, les critères liés au milieu de travail se résument à des attributs et caractéristiques qui sont le reflet de l’environnement (voire ambiance) de travail (p. ex. climat de travail agréable, marques de reconnaissance, bonnes relations interpersonnelles avec les collègues et les superviseurs). Il faut toutefois reconnaître que la vocation propre de cette dernière catégorie se veut moins claire que celles décrites précédemment, dans la mesure où elle se constitue de critères qui traduisent simultanément des aspects symboliques et instrumentaux. La Figure 1 présente, pour chacun des types de critères, des exemples de caractéristiques pouvant paraître dans les annonces d’emploi.
La présente étude
Cette recherche fait une analyse discursive des annonces d’emploi qui ont été publiées dans le magazine Jobboom au cours de la dernière décennie. Plus concrètement, elle étudie la valeur relative des critères paraissant dans les annonces pour promouvoir les emplois disponibles au sein des entreprises canadiennes. Tel qu’indiqué précédemment, cette étude vise à fournir des éléments de réponse à trois interrogations. Premièrement, elle tient à identifier les principaux critères utilisés par les recruteurs dans les annonces d’emploi. Deuxièmement, elle tente de jauger du degré auquel il est possible d’observer certaines variabilités entre les secteurs d’activités auxquels appartiennent les entreprises, ainsi que dans les critères utilisés par les recruteurs pour attirer les chercheurs d’emploi. Enfin, cette étude vise aussi à identifier des tendances générales en ce qui a trait à l’utilisation des divers critères par les recruteurs au cours de la dernière décennie.
Méthodologie
Échantillon à l’étude
L’échantillon à l’étude est constitué de 1287 annonces d’emploi publiées entre 2000 et 2010 dans 83 numéros de la revue Jobboom, une revue spécialisée dans l’aide à la recherche d’emploi[4]. Le choix de recourir à la revue Jobboom comme principale source d’informations s’explique par le fait qu’elle est reconnue comme l’un des principaux sites de recrutement (Millward Brown, 2000; cité dans Bourhis, 2013) et que son magazine publie chaque année des annonces d’emploi pour un grand nombre d’employeurs canadiens. 101 annonces ont été retirées de notre échantillon de départ parce qu’elles ne présentaient pas explicitement les caractéristiques de l’organisation, de l’emploi ou du milieu de travail. Ces quelques retraits portent le nombre d’annonces d’emploi étudiées à 1186. Le Tableau 1 présente une distribution du nombre d’annonces d’emploi en fonction des années de parution dans le magazine.
Avant de procéder aux analyses, les annonces ont été regroupées en fonction des secteurs d’activité auxquels appartiennent les différentes entreprises. Nous inspirant du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), nous avons retenu six secteurs d’activités aux fins de la présente étude[5], à savoir les secteurs : a) des transports (p. ex. Via Rail), b) des communications et des technologies (p. ex. Vidéotron), c) du public et du parapublic (p. ex. Poste Canada), d) des finances (p. ex. Desjardins), e) des assurances (p. ex. SunLife), f) du commerce de détail (p. ex. Costco).
Le Tableau 2 présente une distribution (en pourcentage) du nombre d’annonces d’emploi selon les secteurs d’activité auxquels appartiennent les entreprises. Le secteur des communications et des technologies semble le plus représenté (27,32 % ; 324 annonces). Il est suivi dans l’ordre, du secteur des assurances (20,74 % ; 246 annonces), du secteur des finances (18,63% ; 221 annonces), du secteur des transports (13,24 % ; 157 annonces), du secteur public et parapublic (12,56 % ; 149 annonces), enfin du secteur du commerce du détail (7,51 % ; 89 annonces).
Grille d’analyse
Une grille d’analyse a été établie par les auteurs à partir d’une recension des plus récents écrits scientifiques sur le sujet. Cette grille, qui comprend la liste des critères susceptibles de se retrouver dans les annonces d’emploi, a ensuite été examinée en détail par un comité d’experts, et ce, afin d’en établir sa validité de contenu. Le comité était composé de cinq personnes, soit deux professeurs spécialisés en gestion des ressources humaines, ainsi que trois étudiants de maitrise/doctorat en relations industrielles.
Le processus d’évaluation s’est effectué en diverses étapes. D’abord, les critères ont fait l’objet d’une première ronde de discussions entre les experts afin de jauger de leur pertinence en regard aux objectifs de la présente étude. Dans un second temps, les experts se sont intéressés à la définition de chacun des critères, et ce, afin de préciser et bien distinguer les uns par rapport aux autres. Enfin, dans un dernier temps, les membres du comité se sont assuré de la répartition des critères présents dans la grille conformément aux trois catégories discutées précédemment, à savoir les critères liés à : l’organisation, l’emploi ou le milieu de travail. Au terme du processus d’élaboration, 20 critères ont été retenus. La représentation des trois regroupements de critères discutés précédemment semble bien équilibrée au sein de la liste. Plus particulièrement, la grille d’analyse comprend sept critères liés à l’organisation (p. ex. grand réseau d’entreprise, chef de file dans son domaine d’activité, valeurs de l’entreprise, entreprise oeuvrant à l’international, travailler pour un employeur de choix, fierté de travailler pour un employeur particulier, travailler pour une entreprise prestigieuse), huit critères liés aux emplois (p. ex. possibilités d’occuper des emplois différents, développement professionnel, ensemble attrayant d’avantages sociaux, salaire compétitif, possibilités de progression de carrière, sécurité d’emploi, possibilité de travailler en équipe, flexibilité du travail), et cinq critères liés au milieu de travail (p. ex. climat de travail agréable et plaisant, se réaliser au travail/talent mis à profit, marques de reconnaissance et d’encouragement, possibilité de concilier travail-famille, qualité des relations interpersonnelles avec les supérieurs et les collègues).
Procédures
La codification de chacune des annonces d’emploi a été réalisée par deux évaluateurs (coauteurs de la présente étude). Chacun des évaluateurs avait pour principale tâche de procéder à la codification des différentes annonces d’emploi à l’aide de la grille d’analyse confectionnée aux fins de la présente étude. Après que les évaluateurs eurent l’occasion de se familiariser avec la grille d’analyse, ils devaient relever les informations propres à chacune des annonces d’emploi de façon indépendante. Chacun des codes produits par les évaluateurs était ensuite rapporté à l’intérieur d’une banque de données. En cas de difficultés, les évaluateurs rapportaient leurs observations à l’attention du chercheur principal (premier auteur) à qui il revenait de trancher sur la façon de codifier l’annonce d’emploi.
Résultats
Dans l’ensemble, les résultats observés aux suites de cette étude tracent l’évolution des critères utilisés par les entreprises canadiennes dans les annonces d’emploi opérant dans différents secteurs d’activités. La section qui suit présente les principaux constats observés pour chacune de nos questions de recherche.
La nature des critères utilisés par les recruteurs
Notre première question de recherche visait d’abord à connaître la prépondérance des divers critères utilisés par les recruteurs dans leurs annonces d’emploi pour mettre en valeur les emplois qu’elles offrent.
Le Tableau 3 présente une distribution de la fréquence (en nombre, ainsi qu’en pourcentage) des critères retrouvés dans les annonces d’emploi[6]. Parmi les cinq critères les plus souvent utilisés par les recruteurs, l’on note : a) un climat de travail agréable et plaisant (12,94%; 273 annonces), b) un grand réseau d’entreprise (12,58%; 270 annonces), c) la possibilité d’occuper des emplois différents (9,58%; 202 annonces), d) le développement professionnel (8,49%; 179 annonces), e) un ensemble attrayant d’avantages sociaux (8,01%; 169 annonces). Quant aux cinq critères les moins utilisés, l’on note : a) la fierté de travailler pour un employeur particulier (1,42%; 30 annonces), b) le fait de travailler pour une entreprise prestigieuse (1,38%; 29 annonces), c) la possibilité de concilier travail-famille (0,85%; 18 annonces), d) la flexibilité du travail (0,81%; 17 annonces), e) la qualité des relations interpersonnelles avec les supérieurs et les collègues (0,38%; 8 annonces). En réponse à notre première question, il est donc possible d’affirmer que les recruteurs utilisent une variété de critères dans les annonces d’emplois qu’ils publient à l’intention des chercheurs d’emploi. Cette diversité semble s’établir de façon relativement équilibrée entre les critères liés à l’organisation (p.ex. grand réseau d’entreprise), ceux liés à l’emploi (p.ex. possibilité d’occuper des emplois différents), et ceux liés au milieu de travail (p.ex. climat de travail agréable et plaisant).
Les variations dans les critères utilisés par les recruteurs selon le secteur d’activité
Notre seconde question de recherche visait à savoir si les critères utilisés par les recruteurs dans les annonces d’emploi varient en fonction du secteur d’activité auquel appartiennent les entreprises. À cette seconde question, il est possible de répondre par l’affirmative. La section qui suit présente, pour chacun des secteurs d’activité étudiés, un portrait eu égard à l’utilisation faite par les recruteurs des divers critères. À des fins de simplification, il fut convenu d’étudier et de présenter les tendances en fonction des regroupements auxquels appartiennent les divers critères, à savoir ceux liés à : l’organisation, l’emploi et le milieu de travail. La Figure 2 présente un portrait d’ensemble des tendances longitudinales se rapportant à chacun des six secteurs d’activité étudiés. Cette figure rapporte aussi les tendances longitudinales pour l’ensemble des secteurs d’activité (tous secteurs confondus).
Le secteur des communications et des technologies. Ce secteur d’activité se situe au premier rang par rapport à la fréquence d’apparition des annonces d’emploi dans le magazine. Les recruteurs actifs au sein de ce secteur d’activité utilisent principalement des critères liés à l’emploi (ou la profession). Ceux-ci utilisent également, dans une moindre mesure, les critères liés à l’organisation et ceux liés au milieu de travail. À cet égard, il est possible d’affirmer que ces entreprises utilisent de manière indifférenciée ces deux derniers types de critères, et ce, sur près de l’ensemble de la période étudiée.
L’année 2008 marque pour ce secteur (et les autres) une baisse notable de la fréquence d’utilisation de l’ensemble des critères. Cette baisse est possiblement attribuable à la crise financière qui a affecté les grandes économies de ce monde, ainsi que les organisations qui oeuvrent sur les marchés nationaux et internationaux.
Confrontées aux aléas de la crise financière, les entreprises ont été contraintes à limiter leurs efforts en matière de recrutement et par conséquent, à réduire leurs investissements dans ce domaine. Considérant le portrait post-crise, il semble que les entreprises de ce secteur font toujours appel aux caractéristiques de l’emploi de façon plus prononcée.
Le secteur des assurances. Ce secteur d’activité se situe au second rang par rapport à la fréquence d’apparition des annonces d’emploi dans le magazine. Bien que le portrait observé pour ce secteur d’activité partage certaines similitudes avec celui des communications et des technologies, nous observons pour l’année 2007 une hausse dans l’utilisation des critères liés au milieu de travail. Cette hausse momentanée va même jusqu’à dépasser les tendances observées pour les deux autres types de critères. Toutefois, il est important d’indiquer que cette pointe s’inscrit préalablement à la crise économique de 2008. Suite à la crise, ce secteur d’activité connaît un retour aux tendances initiales, ce qui s’illustre par une prépondérance dans l’utilisation des critères liés à l’emploi.
Le secteur des finances. Ce secteur d’activité se situe au troisième rang par rapport à la fréquence d’apparition des annonces d’emploi dans le magazine. Le secteur des finances se distingue des autres par une utilisation plus équilibrée des divers types de critères. En temps de crise, les recruteurs actifs dans ce secteur d’activité semblent privilégier une approche visant à mousser les aspects symboliques de leur entreprise. Ces aspects font référence à la perception de bénéfices non-tangibles liés au fait de travailler pour une entreprise particulière (Lievens, 2007; Lievens et Highouse, 2003; Van Hoye et Saks, 2010; Van Hoye et al., 2013). Cela s’illustre notamment par une utilisation accrue des critères liés à l’organisation (p. ex. prestige de l’entreprise) et au milieu de travail (p. ex. climat de travail agréable) dans les annonces d’emploi. Après 2008, on assiste à un renversement de la tendance amorcée avant la crise, puisque l’utilisation des critères liés à l’organisation et au milieu de travail se stabilise au profit de ceux liés à l’emploi.
Le secteur des transports. Ce secteur d’activité se situe au quatrième rang par rapport à la fréquence d’apparition des annonces d’emploi dans le magazine. Nos analyses révèlent que les recruteurs actifs au sein de ce secteur d’activité recourent principalement à des critères dits instrumentaux (Lievens, 2007; Lievens et Highhouse, 2003; Lievens et al., 2007). Tel qu’indiqué précédemment, les critères instrumentaux font référence aux conditions factuelles liées à l’emploi occupé par un employé (p. ex. salaire de base, avantages sociaux). Notamment, on constate qu’entre 2004 et 2007 ce secteur misait presque exclusivement sur de tels critères pour faire la promotion d’emplois disponibles auprès des chercheurs d’emploi. En contrepartie, le faible nombre d’annonces d’emploi publiées à l’extérieur de cette période limite la possibilité de tirer d’autres conclusions pour ce secteur d’activité.
Le secteur public et parapublic. Ce secteur d’activité se situe au cinquième rang par rapport à la fréquence d’apparition des annonces d’emploi dans le magazine. Les recruteurs actifs dans ce secteur semblent avoir utilisé de manière quasi indifférenciée les divers types de critères pour faire la promotion des emplois disponibles au sein de leur entreprise. Malgré les faibles fréquences enregistrées au début du siècle, cette tendance s’explique par le fait que les types de critères évoluent de façon quasi-identique avec des périodes de stabilité, des tendances à la hausse et à la baisse enregistrées presque aux mêmes moments. Encore une fois, une baisse importante de l’ensemble des critères durant la crise économique est enregistrée pour ce secteur. Suite à la crise, un écart important commence à se creuser entre les divers types de critères, le tout se traduisant par une hausse plus importante des critères liés à l’emploi (ou la profession). À la lumière des données enregistrées au cours du siècle passé, il semble que la promotion des emplois sur la base d'une offre généreuse de conditions de travail (donc axée sur des aspects instrumentaux) a constitué le fer-de-lance de recruteurs actifs dans ce secteur d’activité.
Le secteur du commerce de détail. Ce secteur d’activité se situe au sixièmement rang par rapport à la fréquence d’apparition des annonces d’emploi dans le magazine. Comme pour le secteur précédent, nos analyses révèlent une préférence envers les critères liés à l’emploi (ou la profession) par les recruteurs actifs dans ce secteur. Cette tendance a toutefois pour exception l’année 2006 où l’utilisation de critères liés à l’organisation dépasse quelque peu celle des critères liés à l’emploi. Quant aux critères liés au milieu de travail, ils ont toujours eu les fréquences les plus faibles comparativement aux autres secteurs d’activité. Tout comme le secteur des transports, ce secteur d’activité semble avoir été touché durement par la crise économique survenue il y a quelques années déjà. Le retour à la normale semble, à la fois, lourd et pénible pour les recruteurs actifs au sein de ce secteur d’activité.
Les secteurs confondus. Lorsqu’on considère l’ensemble des secteurs étudiés, on remarque une tendance dominante en ce qui a trait à l’utilisation des critères liés à l’emploi (ou la profession). Cette tendance se veut progressive et générale jusqu’en 2007, soit avant le début de la crise économique. À partir de 2008, les critères liés à l’emploi connaissent une légère hausse, sans pour autant éclipser les autres types de critères. Par ailleurs, les recruteurs actifs dans l’ensemble des secteurs d’activité semblent sous-utiliser les critères liés à l’organisation ou encore ceux liés au milieu de travail pour faire la promotion des emplois disponibles au sein de leur entreprise.
Les tendances évolutives des critères dans les annonces d’emploi
Notre troisième question visait à identifier certaines tendances évolutives quant aux critères qu’utilisent les recruteurs dans leurs annonces d’emploi. Pour ce faire, des analyses corrélationnelles ont été conduites afin d’identifier d’une part les relations entre les différents types de critères; et d’autres part relever l’évolution concomitante de l’usage des différents types de critères au fil du temps (c.à.d. à travers les années). Des corrélations de Spearman ont été préférées à celles de Pearson considérant la nature des données à notre disposition (c.à.d. fréquences). Par une mise en rang des données, ce type de corrélations permet d’estimer le degré d’association pouvant exister entre deux variables de nature différente. Afin de nous permettre de repérer les tendances dignes de sens et d’interprétation, une analyse selon les trois principaux types de critères a été préférée à une analyse portant sur chacun des critères présents dans la grille. La principale raison ayant motivé ce choix tient au fait que les fréquences observées pour certains des critères étaient trop faibles pour permettre le calcul de liens corrélationnels. Considérant que les événements relatifs à la crise économique peuvent avoir influencé (à la baisse) la parution d’annonce d’emploi dans les dernières années comprises dans l’échantillon, nous avons choisi de produire des analyses corrélationnelles en fonction de deux périodes de référence. La première période se constitue de l’ensemble des années de référence étudiées dans le cadre de la présente étude (2000 à 2010, incluant les données pour l’année 2010). La seconde période se constitue, quant à elle, uniquement des années faisant préséance à la crise économique (2000 à 2008, incluant les données de 2008). Le Tableau 4 présente les corrélations entre les divers types de critères pour deux périodes.
Dans l’ensemble, nos analyses révèlent deux tendances qui se veulent dignes d’intérêt. Premièrement, des corrélations positives et significatives sont observées entre les différents types de critères, suggérant ainsi une certaine concomitance dans leur usage. Une autre tendance s’observe maintenant au niveau de la fréquence d’utilisation des différents types de critère et le passage du temps (calculé en nombre d’années). À cet égard, l’on remarque que seuls les critères liés au milieu de travail entretiennent une corrélation significative avec le passage du temps, ce qui permet de croire que les recruteurs ont recours plus fréquemment à ce type de critères, et ce, au fur et à mesure que ne progresse la décade (du moins pour la période allant de 2000-2008). Dans l’ensemble, ces constats semblent militer en faveur d’une diversification et d’une plus grande utilisation, à travers les années, des divers types de critères dans les annonces d’emploi par les recruteurs canadiens.
Discussion
Sur la base des quelques constats observés, il est possible de conclure que de tous les secteurs d’activité étudiés, c’est celui des finances (et dans une moindre mesure celui des assurances) qui a le profil avec le plus de variances. Les recruteurs actifs dans ce secteur d’activité semblent recourir à une stratégie plus diversifiée dans l’utilisation faite des divers types de critères pour mettre en valeur les emplois disponibles au sein de leur entreprise. Malgré cela, nos observations nous amènent aussi à penser que les recruteurs canadiens recourent principalement à une approche de type « shotgun » (contrairement à une approche de type « target ») le moment venu de faire la promotion des emplois disponibles au sein de leur organisation. Bien que nous ne savons pas nécessairement comment agissent les recruteurs en amont, ni le temps qu’ils mettent dans ce processus, les résultats à cette étude nous amènent à croire que ceux-ci ne prennent peut-être pas le temps nécessaire pour bien cibler le profil des candidats qu’ils recherchent avant de publier les annonces d’emploi. Bref, les investissements en matière de recrutement ne semblent pas être réfléchis suffisamment et expliquent possiblement en partie l’inefficacité des ressources (financière, humaine et matérielle) investies chaque année par les entreprises dans des activités de recrutement.
Considérant le phénomène de pénurie de main-d'oeuvre qui sévit à l’heure actuelle, lequel entraîne inévitablement un rétrécissement du bassin de candidats disponibles pour combler les emplois offerts, il semble adéquat pour les recruteurs de définir les conditions de travail qui caractérisent les emplois vacants au sein de leur organisation sur les bases d’une approche clientéliste (target). Tel qu’indiqué précédemment, Cappelli (1999) estime que les conditions de travail doivent maintenant être définies de sorte à mieux cibler les chercheurs d’emplois, et ce, afin de trouver des candidats aux valeurs conséquentes avec celles de l’entreprise. Ce faisant, les recruteurs doivent donc apprendre à définir l’expérience de travail qu’ils offrent comme un produit destiné à un groupe d’individus bien particulier. Tel que le laisse entendre la théorie des signaux, ainsi que les nombreuses études appuyant celle-ci (Collins et Stevens, 2002; Slaughter et al., 2005; Taylor et Collins, 2000; Turban et Cable, 2003; Walker et al., 2008), le fait de personnaliser les messages dans les annonces d’emploi permet d’attirer les chercheurs d’emploi en provenance des bassins de recrutement ciblés.
Bien que les études indiquent l’influence des aspects symboliques (p. ex. les critères liés à l’organisation ou au milieu de travail) sur le processus décisionnel mené par le chercheur d’emploi, il appert que leur introduction dans les annonces d’emploi se fait encore attendre. À cet égard, une question nous interpelle : quelles sont les principales barrières à l’utilisation du symbolisme par les recruteurs dans les annonces d’emploi ? Deux pistes possibles peuvent être envisagées pour répondre à cette question. Une première piste concerne le niveau d’influence possiblement relatif de ces critères sur le processus décisionnel mené par le chercheur d’emploi. De fait, il est fort probable que ce niveau d’influence varie selon le secteur d’activité auquel appartient l’entreprise. Par exemple, la valeur relative des caractéristiques traduisant le symbolisme (critères liés à l’organisation ou certains liés au milieu de travail) pour un chercheur d’emploi intéressé par le secteur des technologies et des communications est peut-être plus importante que celle d’un chercheur d’emploi intéressé par le secteur du commerce de détails. Une seconde piste explicative concerne plutôt le niveau de connaissances et/ou de compétences des recruteurs. Considérant le caractère plus ou moins abstrait de ces critères, il semble raisonnable de croire que les recruteurs ne détiennent pas le savoir-faire nécessaire pour produire des annonces de recrutement qui puissent mettre en valeur de tels aspects. À cet égard, le recours à des services spécialisés dans le domaine (p. ex. cabinets-conseils spécialisés en marketing) représente certes une alternative envisageable.
Dans l’ensemble, ces résultats rappellent l’importance pour les recruteurs d’effectuer un travail préalable visant d’une part, à bien cibler les profils des candidats recherchés et d’autre part, à positionner l’entreprise différemment de ses compétiteurs sur un ou plusieurs attributs jugés pertinents par les chercheurs d’emploi.
Limites à l’étude
Nous croyons que cette étude contribue à l’amélioration des connaissances à l’égard des activités de recrutement, et ce, plus particulièrement à l’égard de l’utilisation faite par les recruteurs canadiens des divers types de critères dans les annonces d’emploi.
Cela étant, il faut tout de même reconnaître que la présente étude comporte un certain nombre de limites. Premièrement, notre analyse s’est limitée aux critères utilisés dans les médias écrits. Étant donné que les organisations peuvent recourir à de multiples façons pour promouvoir les emplois dont elles disposent (Allen, Van Scotter et Otondo, 2004), il semble plausible de croire que les constats observés dans la présente étude peuvent varier en fonction d’autres modes de publication (p. ex. interactions en vis-à-vis, présentations dans les foires d’emploi, etc.). Deuxièmement, notre analyse s’est aussi limitée à l’étude des annonces parues dans un seul magazine (en l’occurrence Jobboom). Ce faisant, il est possible que les constats observés puissent varier légèrement si d’autres médias écrits étaient considérés. Ce problème semble toutefois moins inquiétant que le précédent compte tenu du fait que le magazine Jobboom présente une très grande quantité d’annonces d’emploi dans chacun de ses numéros, de même que la palette des emplois y étant présentée est large et variée. Une troisième limite tient au fait que nous avons évalué les annonces seulement sur la base de leur contenu, sans nécessairement prêter attention à leur forme. À cet égard, il faut comprendre que les annonces font aussi la promotion de certains critères d’emploi, mais de façon indirecte (p. ex. dans les images qu’elles présentent). Naturellement, compte tenu de la complexité et de la subjectivité associées au fait de porter un jugement sur une image (et son interprétation), nous avons cru bon de limiter notre analyse aux contenus écrits uniquement. Une quatrième limite incombe à la représentativité des divers secteurs d’activité au sein de notre échantillon. En nous limitant uniquement au magazine Jobboom pour notre échantillon, nous avons dû écarter certains secteurs, car ils n’étaient pas assez représentés (p.ex. le secteur de l’alimentation, le secteur du tourisme). En contrepartie, le recours aux annonces d’emploi publiées dans Jobboom se justifie par l’accessibilité aux anciens numéros du magazine, permettant l’étude des critères utilisés dans les annonces d’emploi publiées par les recruteurs selon une perspective longitudinale. Enfin, une cinquième limite incombe au recours à des regroupements de critères plutôt qu’à chacun des critères pris individuellement. Tel que déjà indiqué, les fréquences d’apparition de certains critères dans les annonces d’emploi n’étaient pas assez élevées pour tirer des conclusions valables ou décrire des tendances qui soient représentatives des pratiques des recruteurs actifs dans un secteur d’activité.
Pistes de recherche future
Les recherches futures pourront étudier, entre autres, l’intégration des nouvelles technologies dans les activités de recrutement des entreprises. Suivant la vague du web 2.0, il serait intéressant de poursuivre les réflexions initiées dans le cadre de la présente recherche pour étudier l’utilisation que font les recruteurs des divers types de critères sur leur site web, leur blogue, ainsi que dans les autres messages qu’ils diffusent sur le web. Les futurs efforts de recherche pourront aussi étudier l’effet des divers types de critères utilisés par les recruteurs sur l’attraction des chercheurs d’emploi. Notamment, il serait intéressant d’analyser les résultats par rapport au poste à pourvoir. Au sein d’un même secteur, il est fort à parier que les postes de cadres (par exemple) ne sont pas présentés de la même manière (voire selon les mêmes critères) dans les annonces d’emploi que les postes de techniciens ou de professionnels.
Appendices
Notes
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[1]
Martin Lauzier est professeur au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et directeur scientifique du Centre d’études et de recherches en psychologie industrielle et comportement organisationnel (CERPICO). Courriel : martin.lauzier@uqo.ca
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[2]
Dorra Annabi, Sophie Hélène Matte et Stéphanie Mélançon sont candidates à la maîtrise en relations industrielles et en ressources humaines à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Leur contribution à cette recherche étant jugée équivalente, leur présentation suit l’ordre alphabétique.
-
[2]
Idem.
-
[2]
Idem.
-
[3]
Boswell et al. (2003) subdivisent les critères liés à l’emploi en deux catégories distinctes, à savoir ceux liés à la tâche elle-même et ceux liés aux conditions de travail. En effet, ces auteurs démontrent que les conditions de travail sont généralement attrayantes, mais que la décision d’accepter ou non un emploi dépend plutôt de la nature de la tâche. Considérant que les critères liés à la tâche sont moins présents dans les annonces d’emplois publiés par les recruteurs, nous avons convenu de regrouper ceux-ci avec les critères liés aux conditions de travail sous l’étiquette plus générale qu’est celui des critères liés à l’emploi.
-
[4]
À noter que les données recueillies aux fins de cette étude incluent aussi celles pour l’année 2010. Ce faisant, le début de l’année 2011 (et donc la fin de l’année 2010) marque la fin de la collecte de données.
-
[5]
À noter qu’au départ, notre grille d’analyse comptait deux secteurs d’activité supplémentaires (pour un total de huit secteurs d’activité), à savoir les secteurs de l’alimentation (p. ex. Loblaws) et du tourisme (p. ex. Château Bromont). En raison de fréquences trop faibles pour les différents critères utilisés dans les annonces d’emploi, nous avons retiré ces secteurs d’activité des analyses subséquentes.
-
[6]
À noter qu’il y a eu plus de 2000 attributs à catégoriser à la suite de l’analyse des 1186 annonces d’emploi. Le tableau présente seulement la catégorisation afférente à 2109 de ces critères. Certaines annonces présentaient 1 seul critère, alors que d’autres présentaient parfois jusqu’à 4-5 critères.
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