Comptes rendus

Michèle Ferrand Féminin Masculin. Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2004, 128 p.[Record]

  • Chantal Maillé

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  • Chantal Maillé
    Institut Simone-de Beauvoir
    Université Concordia

Dans cet ouvrage, la sociologue Michèle Ferrand propose un travail de synthèse que l’on pourrait lire comme un bilan des avancées, enlisements et reculs en matière de progression vers l’égalité entre les hommes et les femmes, en France. L’entreprise veut rendre compte de ce qui a changé dans les vies des femmes et des hommes au cours des dernières décennies, alors que les femmes, en France, ont connu des changements importants, que ce soit concernant la loi, leurs droits, ou leur parcours de vie. Une idée centrale servira de point d’appui à ce travail d’analyse et de synthèse : le maintien de certaines discriminations sexuées et la reconstitution de nouvelles formes d’inégalités là où on ne les attendait pas montrent que, si la domination masculine semble s’être atténuée, elle n’a pas disparu. Qu’il s’agisse des salaires ou des responsabilités professionnelles, des mandats électifs ou des charges parentales, de la visibilité dans la création ou de la liberté sexuelle, le masculin l’emporte encore sur le féminin. L’objectif de l’ouvrage est moins d’insister sur le maintien de ces inégalités que de comprendre comment elles se déplacent, se reconstituent, mais aussi s’atténuent, et d’essayer de saisir la nature des forces qui travaillent à leur extinction comme de celles qui y font résistance. Le travail d’analyse de l’auteure est structuré autour d’une série de thèmes : le travail professionnel et domestique, la famille et la parentalité, la socialisation, la sphère publique et, enfin, l’amour et la sexualité. Ferrand s’attache ainsi, pour ces cinq thèmes, à évaluer, à l’aide des études, données et statistiques à sa disposition, ce qui a changé, mais aussi les modèles et les cas de discrimination qui perdurent. Le genre, masculin ou féminin, est le concept autour duquel s’articulent les mises en perspective de ces données et études. Dans la sphère du travail, deux constats s’imposent : la généralisation du salariat pour les femmes, à compter de la seconde moitié du xxe siècle, mais aussi le maintien des inégalités, qu’il s’agisse de rémunération, d’avancement ou encore de part dans le travail domestique. Si l’amélioration des positions féminines est indéniable au fil des années, écrit l’auteure, elle n’est toutefois que relative. « Le marché du travail, soutient Ferrand, réinvente des formes subtiles de ségrégation, qui permettent le maintien des inégalités » (p. 13). Par ailleurs, à salaire égal, les femmes se voient octroyer un salaire inférieur à celui de leurs homologues masculins, et cet écart est d’autant plus grand qu’il concerne des diplômes plus prestigieux. Explication fournie par Ferrand : cet écart inexpliqué s’explique en définitive très bien. « Il correspond à la valorisation des caractéristiques plutôt détenues par les hommes, dans une logique qui se suffit à elle-même, à travers la croyance quasiment naturelle qu’il est quand même normal de payer davantage les hommes » (p. 15). « Enfin, l’activité professionnelle des femmes n’a guère bouleversé la division traditionnelle du travail domestique, l’assignation aux femmes des charges familiales allant toujours de soi » (p. 21). La famille ne sort pas intacte des grands changements qui l’ont touchée au cours des dernières années, mais la socialisation selon le sexe, arme permettant la reproduction de toutes les inégalités, continue d’asseoir la hiérarchie des genres. Néanmoins, sur ce chapitre, l’auteure voit poindre une lueur d’espoir qu’incarnent ces filles ayant choisi, par exemple, des cheminements scolaires ou professionnels qui rompent avec les stéréotypes de genre. Ferrand écrit à ce sujet que « l’évolution des parcours scolaires peut faire espérer qu’à terme la réussite scolaire des filles pourra participer à l’atténuation de la domination masculine » (p. 65), mais il s’agit davantage d’un voeu pour …