Comptes rendus

Sylviane Agacinski Métaphysique des sexes. Masculin/Féminin aux sources du christianisme. Collection « La Librairie du XXIe siècle », Paris, Éditions du Seuil, 2005, 308 p.[Record]

  • Audrey Baril

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  • Audrey Baril
    Université de Sherbrooke

Professeure agrégée à l’École des hautes études en sciences sociales, Sylviane Agacinski est reconnue pour sa contribution à la philosophie féministe grâce à la publication d’ouvrages dans ce champ disciplinaire. Son intérêt pour la théologie – et plus particulièrement pour le christianisme ancien et ses penseurs – présenté dans la Métaphysique des sexes n’a toutefois rien de surprenant si l’on considère l’intime imbrication qui a longtemps régné et qui existe encore parfois aujourd’hui entre la philosophie et la théologie. Agacinski prend elle-même le temps de rappeler les liens et les influences entre la philosophie et le christianisme dès le début de son livre (p. 43 et 48-52). De facture académique, cet ouvrage demeure toutefois très accessible aux néophytes de ce domaine de recherche. Les abondantes divisions et les nombreux sous-titres, aux côtés d’une introduction et d’une conclusion irréprochables tant par leur rigueur que par leur clarté méthodologique (problématique, objectifs, corpus littéraire, hypothèses, thèses, conclusions, etc., le tout présenté clairement), permettent en effet d’approcher facilement la pensée de l’auteure et celle des théoriciens qu’elle présente. « Théoriciens » est le bon terme, car le corpus de textes que Sylviane Agacinski étudie ici n’est composé que d’hommes qui ont marqué le panorama de la philosophie et du christianisme ancien du IIe au Ve siècle : Irénée de Lyon, Clément d’Alexandrie, Origène, Tertullien, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome et Augustin, pour ne nommer que ceux-là (p. 47-48). Bref, un véritable voyage dans le temps et surtout dans les croyances d’une religion et d’une époque. Dès son introduction, Agacinski présente un postulat qui sert de fil conducteur à l’ensemble de sa recherche : le « discours anthropologique classique », peu importe la discipline qu’il touche, est androcentrique et place nécessairement la femme et le féminin dans les rôles de l’autre, de l’exclu et du différent, alors que l’homme et le masculin y sont toujours représentés comme les points de référence dominants, bref les normes à suivre. L’auteure soutient ce qui suit (p. 8-9) : En d’autres termes, Agacinski rappelle que, sous de faux airs asexués et universels, les philosophes et les théologiens classiques ont élaboré un cadre conceptuel où le masculin est systématiquement valorisé au détriment du féminin, outre qu’il est associé à la neutralité et à l’objectivité. Elle souhaite, par le fait même, montrer que le christianisme ancien, héritier de la philosophie platonicienne et aristotélicienne (p. 19-40), associe la femme et le féminin à la terre, à la chair et au mal, tandis que l’homme et le masculin sont rattachés au ciel, à l’esprit et au bien (p. 16) et cette lecture de la différence sexuelle ne peut que se faire au détriment du premier groupe. Le principal objectif de l’auteure est donc d’expliciter et de dénoncer cette logique androcentrique de la différence sexuelle présente dans la pensée chrétienne des premiers siècles, à travers l’analyse d’écrits bibliques, de mythes, de dogmes et de théorisations théologiques, malgré le fait que le christianisme de cette époque ne puisse être réductible à cette dimension (p. 44-45). La tâche à laquelle se livre Agacinski se limite cependant à l’observation et à la critique de cet androcentrisme chrétien, sans volonté de réformer cette religion et de la soumettre à une herméneutique rigoureuse, comme certaines théologiennes féministes le font et desquelles elle s’inspire, puisqu’elle ne s’engage pas dans cette étude en tant que personne croyante, mais bien comme penseuse et philosophe. La thèse que l’auteure développe, bien qu’elle soit exposée dès le début de sa première section (p. 47), intitulée « Le christianisme ancien », et disséminée à l’intérieur des sections suivantes, trouve son expression la plus …

Appendices