Abstracts
Résumé
La danse hip-hop est historiquement une pratique de jeunes hommes des quartiers populaires urbains, qui la mobilisent comme un support d’« émancipation » devant les injustices sociales vécues. La présente étude analyse les rapports sociaux et les processus de socialisation à l’œuvre en danse hip-hop autogérée. Elle s’inscrit dans une perspective théorique articulant rapports sociaux de genre, de classe et de racisation. L’enquête a été réalisée à partir de six entretiens biographiques et de six mois d’observations ethnographiques dans deux lieux de danse autogérée dans une métropole française. Les résultats révèlent les effets ambivalents des processus de socialisation en danse hip-hop autogérée. D’un côté, elle est perçue par les danseurs et les danseuses comme une activité libératrice dans laquelle ils résistent aux expériences quotidiennes du racisme ou du sexisme, ou des deux à la fois. Toutefois, en même temps, par les dispositions physiques et morales viriles qu’elle requiert et des interactions qu’elle induit, la danse hip-hop participe de manière paradoxale à la reproduction des normes et des rapports sociaux de sexe, de classe et de racisation.
Mots-clés :
- Art et espace public,
- intersectionnalité,
- danses hip-hop,
- socialisation,
- rapports sociaux
Abstract
Hip-hop dance has historically been the preserve of young men from working-class urban neighborhoods who use it as a means of ‘ emancipation ’ from the social injustices that they experience. The present study analyses the social relationships and socialisation processes at work in independent hip-hop dance. It forms part of a theoretical study that sets out social relationships in terms of gender, class and racialisation and was based on six biographical interviews and six months of ethnographic research in two independent dance venues in a French city. The results show a variety of outcomes from the socialisation processes present within independent hip-hop dance. On the one hand, independent hip-hop dance is perceived by dancers (both men and women) as a liberating activity in which they express resistance to daily experiences of racism or sexism, or both. However, on the other, due to the masculine physical and moral stances it calls for and the interactions it brings about, hip-hop dance paradoxically reproduces social norms and relationships of gender, class and racialisation.
Resumen
El baile hip-hop es históricamente una práctica de hombres jóvenes de barrios populares urbanos que utilizan esta práctica como un medio de « emancipación » frente a las injusticias sociales vividas. Este estudio analiza las relaciones sociales y los procesos de socialización que intervienen en el baile hip-hop autogestionado. Este estudio parte de una perspectiva teórica que articula las relaciones sociales de género, de clase y de racialización. La investigación se basó en entrevistas biográficas (n = 6) y 6 meses de observaciones etnográficas en dos locales de baile autogestionados en una metrópolis francesa. Los resultados revelan los efectos ambivalentes de los procesos de socialización en el baile hip-hop autodirigido. Por un lado, los bailarines lo perciben como una actividad liberadora en la que resisten las experiencias cotidianas de racismo y/o sexismo. Pero al mismo tiempo, a través de las disposiciones físicas y morales viriles que requiere y las interacciones que induce, paradójicamente participa en la reproducción de normas y relaciones sociales de sexo, de clase y de racialización.
Article body
Issue des quartiers populaires urbains stigmatisés, la danse hip-hop s’est construite comme une pratique de « jeunes hommes de cité », d’origines populaires et descendants de la migration (Bazin 2002), qui la mobilisent comme un support politique de contestation, voire d’« émancipation », devant les oppressions et les discriminations sociales et raciales vécues au quotidien (Milliot 1997; Jesu 2019). Importée des États-Unis au cours des années 80, cette activité, constituée d’un style « au sol » (breakdance) et de styles « debout » (popping, locking, etc.) est « un dialogue agonistique dansé entre des adversaires [et] formé par des séries d’assertions/réponses [improvisées] » (Shapiro, Kauffmann et McCarren 2002 : 37). Aujourd’hui, elle peut être pratiquée de manière encadrée dans des institutions publiques ou privées (par exemple, dans des cours, des stages ou des écoles) ou de manière libre et autogérée, c’est-à-dire que les danseurs et les danseuses gèrent en autonomie leur entraînement, sans encadrant institutionnel ni rapport hiérarchique (en espace public extérieur ou dans des salles mises à leur disposition) (Jesu 2016).
Contrairement à la majorité des travaux s’intéressant à la pratique institutionnalisée qui favorise la féminisation de cette danse (Faure et Garcia 2002), notre étude porte sur les processus de socialisation (Darmon 2010; Lahire 1998) à l’oeuvre en danse hip-hop « libre » en se focalisant sur la manière dont cette pratique peut contribuer à (re)produire ou à subvertir les normes sociales dominantes et les hiérarchies qu’elles induisent. En adoptant une perspective théorique articulant rapports sociaux de genre, de classe et de racisation (Pfefferkorn 2011; Dorlin 2009)[1], nous souscrivons à l’idée de penser « tant la pluralité des régimes de pouvoir que l’alchimie qui transforme, à plus ou moins long terme, cette domination pourtant intériorisée en pratiques de résistance » (Kergoat 2011 : 20).
La centralité du genre dans les pratiques physiques
Être féminine ou être masculin n’est nullement naturel et automatique, mais le résultat d’un processus de socialisation sexué : « cela se travaille, se mérite, se juge » (Détrez 2002 : 256). La socialisation correspond au mouvement par lequel le monde social façonne les individus partiellement ou globalement, ponctuellement ou systématiquement, de manière diffuse ou de façon explicite et consciemment organisée (Lahire 2013). Le concept de genre permet ainsi de dénaturaliser les catégories sexuées structurées de manière binaire et arbitraire sur la « tension, [l’]opposition, [l’]antagonisme » entre le féminin et le masculin (Kergoat 2010 : 63). L’ordre de genre possède alors une double caractéristique : il perpétue une conception différencialiste des sexes et légitime un rapport inégalitaire, basé sur un dimorphisme sexuel pensé comme naturel (Bohuon 2012). La domination masculine dont « l’anatomie différentielle constitue un pivot » (Garcia, Fraysse et Bataille 2022) est notamment légitimée par les représentations dominantes de la puissance musculaire pensée comme une caractéristique innée du corps des hommes (Dorlin 2008). Elle structure de manière particulièrement prégnante et efficace le champ des pratiques physiques, avec des activités considérées comme masculines et d’autres comme féminines (Courcy et autres 2006; Mennesson 2011; Gleizes et Penicaud 2017). Au-delà de cette sexuation du monde du sport, des travaux récents sur la socialisation des jeunes[2] et des adultes[3] dans les activités sportives analysent la reproduction et la dynamique du genre à travers le prisme des corps.
Des enquêtes portent notamment sur les personnes qui pratiquent une activité socialement considérée comme non conforme à leur sexe, au risque de renvoyer une image de soi décalée au regard des normes corporelles de genre. Par exemple, les femmes qui pratiquent des activités socialement perçues comme masculines développent des stratégies pour échapper à un « procès de virilisation » et rester de « vraies » femmes (Louveau et Bohuon 2005), tout en étant compétentes : hyperféminisation/sexualisation du corps (Aceti 2021; Cholley-Gomez et Perera 2017), rejet/redéfinition des normes traditionnelles de féminité pour y intégrer les attributs connotés masculins (muscle, performance physique) (Schmitt et Bohuon 2022). La danse hip-hop étant traditionnellement une pratique d’hommes (Jesu 2019), nous voulons analyser ici la manière dont les danseuses gèrent l’injonction de rester conformes aux normes de féminité, mais en étant performantes dans leur pratique (Mennesson 2004).
Étant donné que c’est également une danse d’hommes racisés et issus des quartiers populaires urbains, une approche intersectionnelle (Crenshaw 1989; Bilge 2009) nous apparaît pertinente.
L’articulation des rapports sociaux pour analyser la danse hip-hop autogérée
Si les travaux portant sur les jeunes des quartiers populaires urbains stigmatisés ont d’abord privilégié l’analyse des inégalités sociales, d’autres approches émergent progressivement : d’une part, celle de la racialisation, qui permet de penser les discriminations vécues par les filles et les garçons en raison d’une origine étrangère réelle ou supposée; et, d’autre part, celle du genre, qui met en lumière des injonctions sexuées et sexuelles distinctes pour les deux catégories de sexe (Guérandel et Marlière 2017). Dès le début des années 2000, des études adoptent une démarche articulant le genre à la question sociale et raciale (Dorlin 2009) pour comprendre les jeunes des « cités françaises[4] ».
Notre article s’inscrit dans cette continuité afin de penser la complexité des processus de socialisation en danse hip-hop autogérée. Cette approche permet de « sortir d’une pensée additionnant les rapports hiérarchiques » (Clair 2012 : 119), en analysant les différents rapports de pouvoir de manière dynamique, relationnelle et contextualisée, et ainsi de saisir les oppressions imbriquées dans l’expérience vécue des personnes (Collins 2000). Dans cette perspective, nous considérons que le genre, la classe sociale et la race[5] interagissent et forment un « système », socialement situé dans le temps et dans l’espace, et qui façonne ceux et celles qui s’adonnent à la danse ainsi que les possibilités de résistance ou de déplacement des rapports sociaux structurant leur engagement.
La démarche méthodologique
Réalisée dans une grande métropole de l’ouest de la France en 2019 et en 2020, notre étude repose sur une enquête ethnographique mêlant participation observante (Soulé 2007) et entretiens biographiques (Beaud 1996). Dans un premier temps, la participation observante nous a permis de saisir au plus près la socialisation en train de se faire, d’observer les corps et leurs techniques, les interactions, etc. Dans un second temps, au moyen d’entretiens, nous avons reconstitué les trajectoires sociales des danseuses et des danseurs et accédé à leurs représentations. Deux espaces de pratique ont été observés hebdomadairement durant six mois : le hall d’un restaurant universitaire, lieu de rassemblement de danseuses et de danseurs en contexte autogéré, et un centre chorégraphique national (CCN) dirigé par un collectif hip-hop depuis 2019, ce dernier ayant prévu un espace pour la pratique libre du hip-hop dès sa prise de fonction. Le campus du restaurant universitaire se situe dans un quartier populaire, ce qui limite l’influence de l’université dans le recrutement social des danseurs et des danseuses. Ces deux espaces ont leur particularité en raison du contrôle social exercé : si le CCN propose une salle spécifique et des créneaux bien définis au sein d’une structure culturelle dont les entrées sont contrôlées, le hall universitaire est un espace totalement libre d’accès tant que l’université est ouverte. Deux groupes de pratiquantes et pratiquants distincts ont donc été observés dans ces lieux à partir d’une sociologie charnelle en ne portant pas seulement un regard spectateur sur les corps, mais en éprouvant aussi par corps, ce qui suppose d’investiguer l’action « en train de se faire » (Wacquant 2002).
Soulignons que l’approche ethnographique soulève un problème méthodologique majeur dans le contexte français universaliste : comment enquêter sur la race alors que sa dicibilité se révèle difficile et que les catégories raciales, contrairement au sexe et à la classe, ne sont ni institutionnalisées ni légitimes (Brun 2021)? Puisque « pour rendre pensable et possible une société sans catégories hiérarchisées, voire sans catégories, il faut bien commencer par les voir et les faire voir » (Dunezat 2015 : 2), nous avons adopté, pour la race, mais aussi pour la classe et le sexe, la perspective constructiviste et antinaturaliste de Dunezat, en confrontant les catégorisations « ex ante » faites par nous-mêmes en début d’enquête et les « ex post » qui sont apparues après le traitement des données ethnographiques. Nous avons ainsi défini trois catégories racialisées selon des marqueurs de racialisation ordinaires (Mazouz 2008), essentialisants, mais nécessaires pour une description ex ante des personnes ayant participé à l’enquête, tels que la couleur de peau, la tenue, les cheveux, la morphologie. Nous avons donc assigné a priori des personnes comme noires (afrodescendantes), blanches et arabes. Ces catégorisations n’ont pas été reconfigurées par des autoassignations différentes lors de l’analyse des données, même si des variations intracatégorielles ont été observées. Pour la catégorisation de sexe, nous nous sommes appuyés sur les mêmes marqueurs que ceux de la race; cependant, pour la classe, nous avons croisé les catégories socioprofessionnelles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et le lieu d’habitation géographique (Clair 2007).
Au campus, il y a une grande majorité d’hommes, dont un tiers que nous avons définis comme noirs, et l’on compte seulement quatre ou cinq femmes, toutes catégorisées blanches. Au CCN, on note la même proportion d’hommes noirs et blancs, mais le nombre de femmes est sensiblement plus élevé.
Après une immersion prolongée de Vanier de Saint Aunay en tant qu’apprenti danseur dans ces deux groupes, nous avons mené des entretiens biographiques auprès de six danseuses et danseurs assidus et dont les trajectoires sociales et les origines permettaient d’envisager l’étude à partir de la diversité (sexuée, sociale et raciale, notamment). Nous avons choisi de réaliser les entretiens avec les deux femmes les plus régulières et présentes dans leur lieu d’entraînement, qui sont blanches, et les hommes noirs les plus expérimentés et les plus ouverts à la discussion du campus et du CCN. Le tableau ci-dessous résume le profil des danseuses et danseurs de l’étude.
Résumé du profil des danseuses et des danseurs
Les résultats révèlent que la danse hip-hop a des effets ambivalents sur la socialisation des danseuses et des danseurs. Tout d’abord, elle est perçue comme libératrice et permet de développer des dispositions pour résister aux expériences quotidiennes de racisme et de sexisme (partie « La danse pour se valoriser et s’émanciper du racisme et du sexisme »). D’autre part, elle participe à l’essentialisation des danseuses et des danseurs en conformité avec les stéréotypes de classe, de genre et de couleur de peau, du fait des qualités physiques et morales viriles qu’elle requiert et des interactions qu’elle induit (partie « La danse, une socialisation ambivalente genrée et racisée »).
La danse pour se valoriser et s’émanciper du racisme et du sexisme
Dans cette partie, nous montrerons que les danseuses et danseurs présentent unanimement la pratique de la danse hip-hop autogérée de manière positive et comme un espace de valorisation de soi. La danse est décrite comme une activité qui permet de faire face aux expériences quotidiennes de sexisme et de racisme, et qui favorise l’émancipation.
La danse hip-hop pour résister au quotidien
Toutes les personnes ayant participé à notre enquête évoquent une vision positive, voire idéalisée, du milieu hip-hop qui leur procure un sentiment de bien-être, une sécurité affective en raison d’une apparente absence de jugement et d’une tolérance envers la différence, fidèlement à un « esprit hip-hop » unanimement vanté. Soidiki explique ainsi qu’en tant que personne noire « quand tu es dedans, tu te sens en sécurité ». Julio estime aussi que le monde hip-hop lui a permis de comprendre qu’il était « plus fort » que l’image renvoyée par la société française lui rappelant régulièrement sa différence, son extranéité à partir de son apparence physique. Selon lui, danser lui a permis de se canaliser et de s’apaiser : « s’il y a pas l’art, tu trouves une arme et tu tues ceux qui t’énervent hein ». Elsa, quant à elle, déclare que le hip-hop lui permet de s’habiller comme elle aime le faire sans être jugée, de pouvoir porter des vêtements qui ne correspondent pas aux codes féminins, à savoir des chandails (sweats) et des vêtements larges notamment : « Moi, je trouvais que dans le hip-hop c’était parfait de ne pas être obligée d’être féminine. Tu peux construire ton identité là-dessus. »
La danse hip-hop constitue donc aux yeux de ces jeunes un espace de valorisation de soi et de refuge devant les oppressions subies dans leur trajectoire sociale (domination d’un groupe sur l’autre dans leurs rapports, discrimination en raison de préjugés, stigmatisation par une dévalorisation d’attributs jugés négativement, souvent liés entre eux) (Pfefferkorn 2011) : ici, racisme pour les danseurs noirs et sexisme pour les danseuses blanches (ibid.). Le contexte autogéré, où le sentiment de réussir grâce à ses efforts personnels s’avère puissant et où le groupe est perçu comme protecteur, augmente leur sensation de bien-être.
L’aveuglement à la française : la couleur n’a pas d’importance
Danseurs et danseuses affichent un discours générique sur un esprit hip-hop ouvert, dans lequel tout le monde aurait sa place et où la couleur de peau n’aurait aucune importance, ce qui rappelle un aveuglement par rapport à la race (color blindness) typiquement français (Calvès 2002). Lorsque nous les questionnons sur l’association entre le hip-hop et les personnes racisées, les jeunes rencontrés s’empressent de réfuter ce lien et de valoriser la diversité : « c’est n’importe quoi ça » (Soidiki); « les Noirs qui dansent [sourire]… c’est un débat qui n’a pas sa place, tout simplement » (Moedi); « j’ai l’impression que tout le monde s’en fout […] non, mais toute la diversité est représentée, c’est impressionnant. Je trouve ça beau de voir les gens partager la même chose malgré la diversité » (Eloane). Finalement, la posture de ces jeunes rappelle l’universalisme républicain et le contrat social à la française qui « par principe ne connaît que des individus » et ignore leur appartenance communautaire (Streiff-Fénart 2002 : 70). Leurs revendications s’appuient sur une forme d’élitisme basé sur le mérite individuel où la couleur et les origines « ça veut rien dire. C’est juste de l’entraînement : si t’es fort, t’es fort! » (Amine); « en vrai je regarde pas ça, je regarde la personne qui danse » (Soidiki).
Si la réussite en danse hip-hop « n’a pas de couleur, ça dépend juste de toi personnellement » (Elsa), cette indifférence aux différences visibles, expression d’un aveuglement (Calvès 2002), occulte une certaine réalité. À l’heure actuelle, les garçons racisés noirs ou arabes, de milieu urbain et issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées sont surreprésentés dans la danse hip-hop en France (Jesu 2016). Certes, cette distribution ressort dans nos observations, mais elle est à nuancer selon les contextes de pratique, notamment en milieu institutionnalisé. Sur notre terrain d’enquête, ces discours tendent donc à rendre invisibles les déterminants sociaux à l’origine des rapports de domination, notamment ceux liés aux questions raciales.
La danse hip-hop pour se libérer des oppressions racistes
Nos enquêtés catégorisés noirs racontent que la danse était un refuge pour fuir les violences racistes subies dans leur scolarité. Ainsi, Soidiki déclare avoir eu des problèmes de racisme au collège et au lycée : « Je me battais souvent à cause de ça. C’était la période de confrontation pour moi, où les gens te testent […] Et franchement s’il y a bien une chose à faire, c’est ne pas se laisser faire. » Et s’il poursuit actuellement des études en administration sous la pression parentale, il avait fait le choix d’évoluer dans le milieu hip-hop très jeune, car « quand tu es Noir tu te sens bien dedans, y a pas moyen que tu te sentes pas dedans. Et même en fait on va avoir plus facilement accès. » Ce schéma apparaît aussi chez Julio qui affirme avoir arrêté l’école en classe de cinquième, avec la complicité de sa mère (pour qui l’école n’était pas fiable et mentait sur l’histoire coloniale de la France et de ses populations). Il est aussi présent chez Moedi, qui est allé jusqu’à la faculté, mais qui a arrêté, car il a eu « des problèmes avec des amis, des collègues, des camarades de classe… C’était compliqué, je n’étais pas compris quoi. » Les deux ont préféré s’investir pleinement dans la danse hip-hop qui, comme pour Soidiki, a constitué une voie possible d’insertion professionnelle et de réussite sociale. Ces hommes ont ainsi intériorisé une infériorité qui les conduit, par « un sens du placement », à se diriger vers « une concurrence, où [leur] origine sociale, [leur] couleur, [leur] patronyme, [leur] sexe, etc., ne seront plus un handicap difficilement surmontable » (Yonnet 2007 : 181). Dans cette perspective, la voie du hip-hop n’est pas seulement celle d’une passion telle qu’ils la décrivent, mais un choix raisonnable qui « montre l’intériorisation par les enquêtés des contraintes objectives : ce qui n’est pas objectivement accessible ne devient plus subjectivement désirable et l’on finit par n’aimer que ce que la situation objective nous autorise à aimer » (Lahire 2010 : 204). Notre étude révèle, pour les garçons qui y ont pris part, la correspondance entre leur surengagement dans la danse et leur désengagement scolaire et donc, de faibles croyances en leur réussite sociale dans les espaces et les pratiques légitimes, et leurs fortes croyances dans le potentiel libérateur de la danse hip-hop devant une vie marquée par les oppressions plurielles et le rejet des institutions.
Parmi les personnes enquêtées, l’exemple d’Eloane, l’une des rares femmes rencontrées, s’avère intéressant, car il vient moduler et complexifier ces analyses.
La renaissance par la danse et la reprise du contrôle sur soi : l’exemple d’Eloane
Eloane, âgée de 19 ans, est actuellement en licence d’arts du spectacle, après avoir commencé un cursus en sociologie. Son père est vendeur dans un magasin de bricolage; et sa mère, caissière dans un supermarché. Eloane se confie sur son enfance marquée par un sentiment de manque affectif et jalonnée par les épisodes dépressifs de sa mère et l’alcoolisme de son père. Elle nous explique également ne pas avoir d’affinités particulières avec son frère et sa soeur, puis conclut ainsi : « Je suis née au mauvais moment […] j’ai grandi un peu… Nullement. »
Eloane insiste sur son désir de reprendre confiance en elle-même, d’améliorer son estime de soi. Si elle aime dessiner, elle trouve que cette pratique solitaire n’est pas totalement satisfaisante. Encouragée par deux amies danseuses, Eloane commence donc la danse hip-hop au sein de l’association sportive de son lycée. Lors de son premier championnat, elle a aimé : « Quand les gens regardent, ils se prennent toute la dose d’énergie dans la tête, ça fait wow… » « Pour pouvoir progresser plus vite », elle part s’entraîner dans une structure culturelle : « Moi, je veux la fame [célébrité]! » Elle danse aussi tous les jours en autonomie et participe progressivement à certains entraînements libres dans l’espace public.
Tout d’abord, l’augmentation du pouvoir moteur d’Eloane, les nouvelles sensations qu’elle a éprouvées lui ont donné le sentiment de se réapproprier son existence : « Quand j’ai découvert la sensation que ça faisait quand tu breakes, de voler, d’être sur le sol, de trouver des trucs avec ton corps… En fait, j’ai kiffé ça. J’adorais progresser et me dire : “ Whaa je me tiens sur les mains, je peux faire ça. ” » Par ailleurs, la pratique en autodidaxie dans l’espace public l’amène à s’approprier des techniques corporelles de « mecs de quartier » qui transforment son « expérience subjective et objective du corps » (Mennesson 2007 : 21) : « Ton corps, il change, et tu te kiffes plus. C’est cool. » Eloane développe ainsi une corporéité traditionnellement associée au masculin : plaisir du travail en force, goût de l’effort et valorisation de la résistance à la douleur, de la prise de risque, et banalisation de la blessure et du fait « de ne pas avoir un corps parfait; d’avoir des bleus, d’avoir des marques, des griffures… », en somme un corps qu’elle revendique éloigné des standards féminins.
Finalement, reconnue et respectée par ses pairs en raison de ses progrès et de ses compétences motrices, Eloane perçoit cette pratique comme un moyen de s’affirmer et de se valoriser, tant socialement que physiquement : « Avec le hip-hop, j’ai trouvé de la valeur, du coup, et j’ai mes amis qui dansent, qui partagent la danse […] Tu trouves l’amour des gens, tu retrouves l’amour de toi-même… » En effet, son accès à la pratique dans les espaces publics (plus légitimes dans ce milieu) et son intégration à des groupes d’hommes experts lui permettent ainsi de se distinguer aux yeux de ces derniers et à l’égard des autres femmes. Si la danse amène Eloane à s’inscrire dans une trajectoire d’émancipation par rapport à son histoire familiale et à redéfinir sa féminité par l’acquisition d’attributs traditionnellement masculins (techniques en force, goût de l’effort physique, occupation de l’espace public, etc.), nous verrons qu’elle reste, dans le contexte de la danse, soumise aux stéréotypes de genre et contrainte par des rapports sociaux au demeurant dissymétriques et hiérarchisés.
La danse, une socialisation ambivalente genrée et racisée
La division sexuée des lieux de pratique, des danses et des techniques en danse hip-hop (Faure et Garcia 2002) participe de la mise en visibilité des hommes, par leur nombre et l’occupation centrale des espaces, et par l’invisibilité des femmes, ce qui en vient, dans un cercle vicieux, à renforcer les divisions sociales et à donner prise aux explications biologisantes des différences sexuées et raciales.
La mixité et la naturalisation des performances
Les personnes enquêtées affirment que la danse hip-hop autogérée est ouverte à tout le monde. Cependant, nous montrerons qu’elles considèrent les performances différenciées des danseuses et des danseurs comme le résultat de caractéristiques corporelles innées (sexuées et raciales). Ce processus de naturalisation des performances produit ainsi un espace de pratique structuré d’après une division et une hiérarchie sexuée et raciale.
Tout d’abord, les personnes enquêtées se disent favorables à la mixité en danse. De manière générale, le regard féminin est un émulateur chez les danseurs. L’arrivée ou le passage d’une femme, danseuse ou non, va être une occasion de mettre en scène sa masculinité en montrant ses figures les plus acrobatiques (notamment des cercles Thomas, des vrilles (airflare) et des coupoles). Le port d’un t-shirt large expose leur musculature abdominale et pectorale lors des mouvements réalisés tête en bas, ceux-ci étant fréquents et pouvant durer assez longtemps. Certains vont même jusqu’à danser torse nu. La valorisation des hommes et de leur masculinité passe également par une sélection par le surengagement. Les deux enquêtées de notre étude sont conscientes de ce critère de légitimité et s’efforcent de travailler régulièrement pour y répondre. Pourtant, les séances débouchent rarement pour elles sur une prestation publique. Comme le fait remarquer Eloane, « des danseurs avec qui j’ai travaillé m’ont dit que je ne dansais pas bien, qu’il fallait que je m’entraîne plus! », notamment si elle devait prétendre à plus de visibilité. La mixité (relative) permet ainsi aux hommes d’afficher leur masculinité dans un contexte qui reste largement dominé par eux, d’un point de vue quantitatif, matériel et symbolique. Cette division sexuée rappelle celle des quartiers populaires urbains stigmatisés : des espaces publics que les hommes s’approprient, ici les danseurs, et des femmes plus discrètes et assignées à l’espace privé et associatif (Coutras 1996; Faure 2007).
Outre l’espace, affilié aux quartiers populaires (Kauffmann 2007), à la suite de Sylvia Faure et Marie-Carmen Garcia (2002), nous avons observé des danses et des techniques de corps sexuellement différenciées. Les hommes privilégient le break, considéré comme la danse la plus exigeante physiquement, tandis que les femmes se concentrent davantage sur les danses debout jugées plus accessibles. Lors des observations, les breakeuses n’ont jamais été plus de quatre en même temps, lorsque les breakeurs pouvaient facilement être une vingtaine. De même, alors que les garçons insistent sur la puissance, l’explosivité et la prise de risque dans leur danse, les filles privilégient les figures de souplesse, la fluidité, la créativité et la musicalité dans leurs mouvements. Cette sexuation repose sur une vision essentialisée des dispositions corporelles basées sur une infériorité physiologique supposée des femmes. Amine juge qu’« il y a beaucoup de meufs qui vont faire du debout parce que c’est plus accessible, on va dire ». Pour Soidiki, « les gars ont plus de facilité, génétiquement parlant en fait… dans le break », mais « en danse debout, mon gaaaars, il y a des feeeemmes elles ont du flow[6], tu peux ramener je sais pas combien de gars ils auront jamais plus de flow que la meuf. » Les breakeuses admettent elles-mêmes avoir moins de muscles que les hommes et devoir travailler davantage, ou autrement, en usant moins la force. Ce processus d’essentialisation des performances physiques en fonction du sexe est le même concernant la racisation. En effet, les danseuses et les danseurs différencient les performances physiques en se référant à des explications biologisantes relevant du processus de racialisation, c’est-à-dire à une mise en forme du monde conduisant à considérer que l’humanité serait divisée en races, chacune avec ses caractéristiques particulières perçues comme « naturelles » (Poiret 2011). Soidiki explique : « Bah, c’est vrai que naturellement les Noirs ils ont un truc dans leur attitude. » Julio va dans le même sens : « Moi je suis un Renoi, donc de toute façon ça se cache pas. Je peux pas danser comme un Blanc. » Amine déclare, en assimilant les personnes noires aux habitants et aux habitantes des quartiers, que c’est « parce qu’on est trop fort tout simplement [rire] […] nous, dans les quartiers, on est plus déterminés, c’est tout. » Finalement, ces catégories de pensées produisent une vision racisée et genrée des performances, positionnant les danseurs, et notamment les Noirs des quartiers populaires urbains, comme des dominants par rapport aux danseuses, et notamment les Blanches extérieures à la « cité ». En retour, les femmes doivent s’investir de manière intense pour gagner en légitimité, et, dans le même temps, faire face à un procès d’infériorité physique « naturelle ».
Autrement dit, les personnes enquêtées perpétuent l’essentialisation de la pratique et des performances corporelles, depuis longtemps reconnue par la littérature scientifique comme une clef de voûte de la domination masculine[7] consacrant, en danse hip-hop la prétendue supériorité incontestée des hommes, d’une part, et des Noirs, de l’autre. Nous illustrerons notre propos en nous focalisant sur deux portraits qui mettent au jour toute l’ambiguïté d’une socialisation en danse hip-hop, articulant à la fois mixité et naturalisation des performances.
Une place à trouver en tant que jeune, femme, blanche : le cas d’Eloane
Même si Eloane prend plaisir à danser, elle doit faire face à des situations objectives et subjectives qui interrogent sa légitimité en tant que femme blanche en hip-hop.
Couleur de peau et sentiment de légitimité : être Blanche en danse hip-hop autogérée
Eloane nous confie, gênée, qu’au début elle craignait de s’approprier une pratique qui appartenait à une autre culture que la sienne : en tant que femme blanche, elle ne se sentait pas vraiment légitimée à danser le hip-hop. Ce positionnement entre en résonance avec ses représentations racialistes qui lui font presque regretter de ne pas être noire pour la danse. Elle estime que les danseurs noirs, « eux, ils arrivent comme ça, nin nin nin, bam les fesses [...] Et tu vois, ils imposent énormément, et moi je suis là… Du coup, j’ai l’impression d’avoir un peu moins de flow et de faire moins peur. » Le fait d’être blanche la rendrait nécessairement moins apte à la danse hip-hop : « Tu identifies le Blanc au Blanc bourgeois un peu coincé, un peu… Tu vois. Et du coup zéro flow quoi. » Du côté des danseurs noirs, Eloane a souvent « l’impression qu’ils ont plus de rythme ». De manière conjuguée, danser dans la rue suscite chez elle une certaine appréhension en rapport avec les pressions sexistes qu’elle subit fréquemment.
Sexe et sentiment de légitimité : être une femme en danse hip-hop autogérée
Lorsqu’elle danse dehors, des passants peuvent avoir des comportements déplacés, voire agressifs : « Quand on s’entraîne à [une grande place de la ville], les gens, ils nous sifflent ou ils nous insultent. Mais quand c’est les mecs, quand c’est les breakeurs qui s’entraînent à [la grande place] ils ne leur disent rien. » Elle a ainsi reçu des commentaires tels que « Hein t’es bonne » ou « Grosse pute ». Cela contribue à ce que Marylène Lieber (2008 : 215), dans son enquête sur le harcèlement de rue, appelle la « peur sexuée », c’est-à-dire au fait que les femmes se sentent « vulnérables et physiquement impuissantes, en particulier face à la violence masculine » dans l’espace public. Par conséquent, la confrontation à une masculinité agressive, liée en partie à la domination numérique des hommes dans les espaces publics, fait qu’elle « pri[e] pour qu’il y ait les breakeurs gars » lorsqu’elle va s’entraîner. Pour pouvoir profiter de l’espace public, Eloane recherche la compagnie des danseurs qui la rassurent et lui offrent une forme de protection contre les « hommes potentiellement dangereux » (ibid. : 259). Elle est consciente de cette dépendance aux hommes, ce qui renforce finalement son désir d’être comme eux, pour accéder aux privilèges que leur masculinité leur octroie : « C’est pour ça que parfois j’aimerais bien être un gars dans le break, je ferais peur aux gens. » Elle se trouve ainsi dans un dilemme entre la peur d’être vue et jugée par les hommes de passage, et l’envie de progresser et de gagner en légitimité. Elle est aussi aux prises avec des stratégies de séduction de la part de certains danseurs qui lui renvoient encore les divisions sexuées. Eloane raconte ainsi : « Il y a des breakeurs, des vieux qui ont 30-40 ans et ils te draguent! Et c’est... chiant [rire]. T’es là genre “ je croyais que tu voulais être pote ou juste m’apprendre le break, mais tu viens juste parce que je suis une meuf. ” »
L’impact du lieu de pratique sur le sentiment de légitimité
Finalement, même si Eloane fréquente les deux lieux d’entraînement, elle préfère la salle du CCN aux espaces publics ou au campus étudiant. Elle juge, en effet, le CCN plus accessible et convivial : « Parce que j’ai plus de potes, et il y a plus de place [rire]. Et il y a plus de styles de danse. » En outre, la mise en scène de soi est moins frontale dans ce lieu et offre plus d’espace pour s’entraîner en tant que femme, notamment en tant que femme blanche. À l’inverse, le campus est le lieu par excellence de la mise en scène de la masculinité selon une logique conjuguée de performance et de démonstration publique de soi, où le modèle du break s’impose de manière exclusive. L’organisation des danseurs en cercles concentriques placés selon les niveaux de pratique et l’ancienneté dans le milieu (y compris la maîtrise des codes culturels du « vrai » hip-hop) renforcent la mise à distance symbolique et corporelle de cette femme blanche et moins expérimentée que les hommes.
Eloane s’efforce pourtant de se conformer aux règles informelles du campus et de prendre en considération les remarques formulées par les hommes qui se posent en experts, et qu’elle érige en véritables modèles, reproduisant à son insu les normes dominantes et les hiérarchies sexuées qu’elles induisent. Eloane explique ainsi, en parlant des danseurs : « Mais vraiment, ils sont super flippants [rire] […] je me considère pas au même niveau, mais je me dis pas; “ Ce sont des gars et moi, je suis une fille tu vois ”. »
L’assignation raciale à affronter
Pris dans l’imbrication des rapports sociaux, les danseurs hip-hop doivent faire face à un entremêlement des préjugés de genre, de race et de classe dont ils sont l’objet.
L’image du voyou : le danseur hip-hop à l’intersection des rapports sociaux
Les danseurs hip-hop peuvent en effet cumuler des préjugés portant sur leur apparence, leur accent de banlieue (Lehka-Lemarchand 2015) et appartenance à une « cité », qui peuvent les stigmatiser comme de potentiels délinquants (Milliot 1997; Avenel 2000; Jesu 2019).
Soidiki était très en colère en relatant son expérience à un récent festival réputé de la métropole. Il nous raconte sa discussion avec des gens du public, qu’il juge « bobos » : « Quand ils ont commencé à entendre hip-hop, bah, pour eux, c’était fumeurs de joints, bière à la main, les clichés que j’ai entendus! », « il y a des gens qui sont venus me voir et qui m’ont dit : “ T’as pas de la coke sur toi? ” Là je me suis dit : “ Ils m’ont mis à un niveau, laisse tomber! ” [rire.] Ils ont vraiment cru que je faisais mon trafic là, tu sais. »
Le port de vêtements sportifs (baskets, jogging et sweat avec ou sans capuche), notamment à la sortie des événements hip-hop, contribue à transformer tout danseur hip-hop, qui plus est s’il est racisé noir, en voyou potentiel, conformément à l’image médiatique stigmatisée de la racaille des cités (Berthaut 2013). Soidiki en fait régulièrement l’expérience, en particulier avec la police.
Pour faire face à la stigmatisation, les danseurs noirs s’investissent intensément dans leur pratique afin de devenir des experts reconnus et de renvoyer à la société une image d’hommes respectables. C’est ce qu’explique clairement Moedi, d’origine camerounaise : « Moi, je me dis que un euro c’est 655 Fr. CFA au Cameroun. Donc je dois travailler 655 fois plus fort que quelqu’un qui est ici. »
Même s’ils se sentent bien dans leur pratique, les danseurs hip-hop catégorisés noirs sont régulièrement placés devant des événements qui les réduisent plus ou moins explicitement à leur catégorie raciale et sociale, c’est-à-dire voyous des cités, au point que « des fois il y en a à qui Julio dit : “ Bonjour ”, et ça les choque en fait qu’on leur dise bonjour. » Le portrait de Julio qui suit illustre toute l’ambivalence des effets de la socialisation en danse hip-hop et des rapports sociaux dans lesquels ces danseurs sont pris.
Le cas de Julio : refuser les rapports de racisation
Une socialisation raciale qui l’a construite comme personne racisée noire
Julio, âgé de 47 ans, est un danseur professionnel, chorégraphe d’une compagnie de danse hip-hop contemporaine. Fils de parents guadeloupéens (père cariste et mère aide-soignante), il grandit dans un quartier populaire de la région parisienne qu’il nomme « la banlieue ». Il explique avoir beaucoup traîné dans les rues et « joué avec le feu » avec une bande d’amis.
Julio s’identifie et il est identifié régulièrement comme l’homme « qui vient d’ailleurs ». Avec son crâne rasé, sa couleur et son survêtement, il est conscient du potentiel « menaçant » de son apparence, et fait en conséquence « attention à son attitude dehors ».
Julio a développé un fort attachement à la Guadeloupe, où il n’a jamais vécu. Au cours de sa socialisation primaire, Julio a été sensibilisé très précocement à la problématique de la colonisation, au racisme et à l’oppression. Ses parents, notamment sa mère, l’ont par exemple mis en garde, dès son tout jeune âge, contre le programme d’histoire enseigné à l’école et l’ont même encouragé à ne pas s’y fier. Lorsque nous lui demandons s’il a vécu en Guadeloupe, il répond : « Moi je suis né ici, mais mes parents m’ont raconté l’histoire de là-bas en fait. J’avais zéro en histoire à l’école […] Et mes parents ils étaient d’accord. Tu connais ça le truc des parents qui sont d’accord quand tu as zéro en histoire? [rire] » Ce qu’il reproche en fait à l’école et à la société française, telles qu’il se les représente depuis sa position, c’est d’oublier qu’il y a des Français et des Françaises qui ne se reconnaissent pas dans l’histoire qu’on leur propose : « Un moment quand on te dit “ ton ancêtre le gaulois… ”, Baaah non! Et les gens, ils parlent de Napoléon, et puis tu apprends qu’en fait Napoléon il a remis l’esclavage aux Antilles, bah… Napoléon, nique ta mère, tu as envie de dire. »
Avoir conscience de son assignation raciale et la valoriser
Nous constatons alors une forme de « riposte affective de l’homme noir exploité et humilié » (Depestre 1968 : 175) chez Julio, qui a développé en réaction une masculinité racisée magnifiée et réappropriée, qui s’exprime par une fierté et une glorification des personnes racisées noires, dont il fait partie. Celle-ci est construite en opposition aux « Blancs », aux « descendants de colons » : « Voilà je suis un Renoi, c’est comme ça. C’est une force en fait, une putain de force. On a la mélanine. Tu vois ce que je veux dire? On est plus fort, plus résistant que beaucoup. » Julio semble très renseigné sur l’histoire des populations noires, plus particulièrement de l’Afrique qu’il juge dominée et exploitée par les puissances occidentales. Emblématique, selon lui, du traitement social des personnes noires, l’histoire de l’Afrique et de son développement le touche de près. L’exemple de la vaccination, qu’il perçoit comme une manière pour les gens de l’Occident d’exploiter les populations africaines en les utilisant comme cobayes, révèle cette sensibilité : « Ils veulent piquer l’Afrique, ils veulent te piquer toi, il faudrait que nous, les Renois, on ait des vaccins. » Cette « double conscience » (Bessone et Renault 2021) de sa citoyenneté française et de son affiliation à une origine africaine amplifie son sentiment d’extranéité. Julio développe alors une attitude complexe qui tire sa source, d’une part, de sa fierté d’être Noir et, d’autre part, de sa grande méfiance de la société française par laquelle il craint aussi, en tant que Noir, de se voir exploiter. Ce refus de l’exploitation touche par exemple le domaine strictement artistique, le monde du spectacle pouvant cibler les danseurs pour leurs caractéristiques ethnoraciales (Cukierman 2020). Certaines structures socioculturelles peuvent commander un spectacle aux danseurs hip-hop pour l’image de diversité culturelle qu’il peut renvoyer plutôt que pour le spectacle en lui-même. Julio nous a ainsi raconté qu’un de ses spectacles, où il jouait avec une Blanche, avait été sollicité parce que lui était Noir et elle, Blanche. Cette instrumentalisation politique de sa démarche le révolte : « Mais on s’en bat les couilles, tu vois ce que je veux dire [rire]. Et les gens, des fois, ils te disent : “ Ouais, on a pris le spectacle pour ça. ” Ouais, mais... C’est pas ça que je veux vendre, moi; moi, je veux vendre un spectacle où les gens profitent de la musique et découvrent le style de danse. » Produit de sa socialisation en tant que « jeune de rue » (Sauvadet 2021 : 2), Julio a ainsi développé un culte de la débrouillardise et de l’indépendance, qui trouve écho dans une « méfiance durable » (Clech 2016 : 174) à l’égard du pouvoir institutionnel, quel qu’il soit.
Conclusion
La danse hip-hop constitue pour les danseuses et les danseurs un espace de résistance et d’émancipation devant les oppressions et les discriminations sociales et raciales vécues dans la société. D’après leur discours, elle leur offre un espace de sécurité et de soutien mutuel leur permettant de se sentir bien. Ce faisant, sa pratique constitue un moyen de redéfinir partiellement les normes sociales et les hiérarchies qu’elles induisent. Les filles font de nouvelles expériences corporelles leur façonnant un corps viril et performant, tandis que les garçons gagnent en respectabilité sur la base du travail fourni et leur ouverture à la mixité. La danse hip-hop constitue même pour certains jeunes une voie possible d’insertion professionnelle et de réussite sociale déjouant les rapports de domination.
Dans le même temps, le milieu hip-hop reste un espace structuré par les rapports sociaux de genre, de classe et de racisation. Les discours essentialistes et la sexuation des espaces et des pratiques assoient la domination des hommes, d’une part, et des Noirs des « cités », de l’autre. À l’inverse, les jeunes femmes blanches se questionnent sur la légitimité de leur investissement dans ce contexte, persuadées d’être moins douées et régulièrement soumises à des remarques sexistes et à des regards inquisiteurs des passants lorsqu’elles dansent dans l’espace public. De leur côté, les danseurs noirs n’échappent pas vraiment aux logiques de la domination qui ne peuvent se comprendre qu’à travers l’articulation des rapports sociaux de classe, de genre et de race. Exploités par les structures culturelles pour vanter la diversité et catégorisés plus ou moins explicitement comme des voyous dans le quotidien, ils incarnent des formes de masculinité marginalisées (Connell 2005) au regard de la société.
À l’issue de notre travail, nous en venons à un constat marquant qui demeure sans explication : les femmes racisées noires ne dansent pas le hip-hop dans les deux lieux observés. L’explication se trouve probablement dans la problématique de la mise en scène d’un corps actif esthétisé et érotisé en danse aux yeux de tous (notamment des hommes). Cela pourrait effectivement paraître transgressif pour certaines familles (Parmantier 2015) et les pairs (Guérandel 2013), et la situation contreviendrait ainsi à l’ordre du genre à l’oeuvre dans les quartiers stigmatisés (Clair 2008), la réputation des jeunes femmes reposant sur la préservation de leur réputation sexuelle. Cependant, la question reste en suspens : quels sont donc les déterminants sociaux à l’origine de cette absence?
Appendices
Notes biographiques
Damien Vanier de Saint Aunay est professeur agrégé d’éducation physique et sportive. À la suite d’un cursus à l’École normale supérieure (ENS) de Rennes au Département « Sciences du sport et éducation physique » (2SEP), il a été enseignant d’éducation physique et sportive (EPS) en lycée professionnel pendant un an. Il prépare actuellement une thèse de sociologie sur les processus de socialisation et les rapports sociaux en danse hip-hop autogérée, au laboratoire du Centre de recherche « Individus, Épreuves, Sociétés ») (CeRIES) de l’Université de Lille. Il a rédigé, dans le contexte de sa scolarité à l’ENS, deux mémoires de sociologie portant sur les processus de socialisation et l’imbrication des rapports sociaux.
Gaëlle Sempé est maîtresse de conférences et chercheuse à l’Université de Rennes 2 au Laboratoire Valeurs, innovations, politiques socialisations et sports (VIPS2). Ses travaux sociologiques portent sur les usages, les enjeux et les effets éducatifs des pratiques et des politiques sportives à vocation éducative et sociale. À travers une analyse des processus de socialisation et des rapports sociaux, son travail s’intéresse plus précisément aux publics en situation de vulnérabilité et aux rapports de domination, aux violences et aux inégalités sociales/sexuées qui marquent leurs expériences.
Carine Guérandel est maîtresse de conférences et chercheuse à l’Université de Lille au laboratoire du Centre de recherche « Individus, Épreuves, Sociétés ») (CeRIES). Ses travaux portent sur la sociologie de la jeunesse populaire urbaine sous l’angle du sport et du genre. Plus précisément, son travail permet de saisir les mécanismes de (re)production des inégalités sociales et sexuées dans les « cités » à l’aune du rapport au sport et au corps en prenant en considération les dimensions politique, institutionnelle, familiale et professionnelle.
Notes
-
[1]
Par le terme « racisation », nous faisons référence à l’« assignation à un statut minoritaire » (Guillaumin 1972 : 119), cette action étant un des aspects de la racialisation. Cette dernière correspond au processus « qui rend racial un phénomène » social (Brun et Cosquer 2022 : 28). Elle renvoie à une dynamique discursive (place grandissante de la race dans les représentations du monde) et pratique (par la formation des groupes raciaux). Ainsi est « racial » tout phénomène racialisé, c’est-à-dire reposant sur des marqueurs raciaux pour exister (ex. : groupe « racial », ségrégation ou discrimination « raciale »).
-
[2]
Voir les articles du numéro d’Agora Débats/Jeunesses coordonné par Carine Guérandel et Aurélia Mardon (2022) et intitulé « Construction des féminités et des masculinités juvéniles dans le sport ».
-
[3]
Voir les articles du numéro de SociologieS coordonné par Marie-Carmen Garcia, Mélie Fraysse et Pierre Bataille (2022) et intitulé « Renforcer, convertir, transformer les corporéités genrées. L’incidence des socialisations secondaires ».
-
[4]
Voir, par exemple, les travaux précurseurs de Nacira Guénif-Souilamas (2000) ou ceux de Christelle Hamel (2006) et, plus récemment, les enquêtes publiées dans Carine Guérandel et Éric Marlière (2017).
-
[5]
Comme la classe et le genre, la race renvoie ici à un rapport social de domination socialement construit qui repose, de manière spécifique, sur un processus de racisation ayant pour objet d’altériser l’autre sur la base d’une appartenance à une origine réelle ou supposée mais toujours essentialisée (Guillaumin 2002).
-
[6]
« Le Flow est une notion complexe très largement évoquée par les danseurs. Il s’agit d’une forme de ressenti de la musique, une incorporation de son rythme, une sorte d’harmonie entre les mouvements et la musique favorisant l’expression émotionnelle » : Cécile Collinet et Coralie Lessard (2013 : 17).
-
[7]
Pour les travaux les plus récents sur la question, voir notamment les travaux d’Anaïs Bohuon et Irène Gimenez (2019) et ceux qui ont été synthétisés par Marie-Carmen Garcia, Mélie Fraysse et Pierre Bataille (2022) ou Michael Messner (2022).
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Résumé du profil des danseuses et des danseurs