Abstracts
Résumé
S’appuyant sur un sondage téléphonique mené auprès de la direction des établissements manufacturiers de 50 employés et plus au Québec, l’article se penche sur la diffusion des nouveaux modèles de travail. Après la présentation de la diffusion des innovations organisationnelles, cinq configurations ou modèles de travail seront construits. Certains affichent une rupture en regard du taylorisme, grâce à la diffusion importante d’un nouveau paradigme technico-productif et à la présence soutenue de dispositifs participatifs. Ces configurations sont ensuite associées à des pratiques de gestion des ressources humaines et de relations de travail. Enfin, les modèles de travail sont mis en rapport avec les performances économiques et sociales. Les modèles se démarquant le plus par leurs innovations sont également ceux qui font montre des performances économiques et sociales les plus élevées.
Abstract
Based on a telephone survey targeting management personnel in manufacturing companies of 50 or more employees in Québec, this article examines the dissemination of new work models. A presentation of the dissemination of organizational innovations is followed by the construction of five work configurations or models. Some of them show a break from Taylorism, through the substantial use of a new technical / productivity paradigm and through considerable use of participatory work systems. These configurations are then linked with human resources and labour relations management practices. Finally, the work models are situated in relation to economic and social performances. The models most noted for their innovation are also those that show the highest economic and social performances.
Article body
La nature et la diffusion des nouveaux modèles de travail sont au centre des préoccupations actuelles de la recherche en sociologie du travail et de l’entreprise de même qu’en relations industrielles et dans les sciences de la gestion. Ces nouveaux modèles de travail représentent-ils un véritable dépassement du taylorisme et du fordisme ? Sont-ils largement diffusés ou ne représentent-ils que des « îlots d’innovations » ? Quelles sont les performances économiques et sociales qui leur sont associées ?
Sans prétendre répondre à ces questions de manière définitive, l’article fournit quelques éléments de nature à faire avancer la connaissance dans le domaine. En premier lieu, nous nous appuyons sur l’enquête la plus vaste à ce jour sur la diffusion des innovations en milieu de travail dans l’industrie manufacturière au Québec[1]. En deuxième lieu, notre recherche porte non seulement sur la diffusion des innovations en milieu de travail, mais aussi sur les pratiques de gestion des ressources humaines et des relations de travail ainsi que sur les performances sociales et économiques qui leur sont associées. À partir d’une méthodologie quantitative et de divers tests statistiques, nous croyons pouvoir contribuer à la production de connaissances inédites sur la diffusion des nouveaux modèles de travail. Alors que des études de cas montrent que ces nouveaux modèles sont bien établis, leur diffusion à l’ensemble des entreprises est encore largement inconnue, d’autant plus que la plupart des recherches quantitatives se sont plutôt préoccupées de la mesure des innovations comme telles, sans se demander comment elles pouvaient former un système pour donner lieu à des configurations ou des modèles de travail.
L’hypothèse principale tente de vérifier que les innovations organisationnelles se regroupent en configurations, se démarquant plus ou moins fortement du taylorisme. Associées à des pratiques de gestion des ressources humaines et des relations de travail, qui représentent des indicateurs de la dimension institutionnelle en milieu de travail, ces configurations organisationnelles constituent de nouveaux modèles de travail, se distançant du fordisme. Enfin, chaque modèle de travail se caractérise par des performances économiques et sociales, qui sont d’autant plus élevées que le modèle s’éloigne du fordisme.
Le texte se divise en cinq parties : la problématique et la méthodologie ; une analyse des écrits sur la diffusion des innovations en milieu de travail ; la construction de cinq configurations organisationnelles qui sont associées à des pratiques de gestion des ressources humaines et des relations de travail ; l’examen des performances économiques et sociales reliées à chaque modèle de travail ; enfin, la relation entre les résultats empiriques et les propositions théoriques.
Les innovations organisationnelles et institutionnelles
L’étude des innovations en milieu de travail s’insère dans le débat plus large portant sur les nouveaux modèles socio-productifs, appelés à remplacer le fordisme en crise. Dans ce débat, le concept de modèle est considéré, non pas au sens des meilleures pratiques à imiter, mais comme une combinaison spécifique et cohérente de dimensions constitutives (Durand, 1999). Le problème théorique réside dans la caractérisation et la distinction de ces dimensions et dans la nature du lien qui les unit. Sans reprendre le débat (Bélanger et Lévesque, 1992 et 1994), en nous appuyant sur la théorie de la régulation (Coriat et Weinstein, 1995 ; Boyer et Durand, 1993) et sur les travaux de Touraine (1969 et 1973), rappelons que l’organisation et l’institution représentent les deux dimensions fondamentales d’un modèle d’entreprise. En tant qu’organisation, l’entreprise est un espace de production et de réalisation d’un travail, organisé selon des principes de division et de coordination. Cette dimension inclut les méthodes de gestion de la production et de la qualité et les formes d’organisation du travail. En tant qu’institution, l’entreprise est un système politique qui définit des règles (d’équité, de rémunération et d’emploi, notamment) et régulent des conflits de pouvoir et d’intérêts. La dimension institutionnelle a trait aux relations entre les divers acteurs : dirigeants, actionnaires, syndicats, salariés, fournisseurs, clients-usagers. Elle concerne, plus précisément, quoique de manière un peu réductrice, la relation salariale, c’est-à-dire les pratiques de relations de travail et de gestion des ressources humaines. Les deux dimensions fondamentales d’un modèle socio-productif forment un ensemble qui tient sa cohérence du compromis social qui lie fondamentalement et durablement entre eux les différents acteurs de l’entreprise. Compte tenu du pouvoir inégal des acteurs et de leurs stratégies, le compromis social définit la répartition des gains (profits, salaires et avantages sociaux), des contributions (nature des qualifications et des efforts requis au travail) et des pouvoirs (mode de prise des décisions selon les domaines spécifiques) dans le milieu de travail. La cohérence peut cependant être mise en péril par de nouvelles relations de pouvoir (domination du pouvoir financier, règles de syndicalisation), des changements dans l’environnement (marchés ou technologies) de même que par des pressions internes (crise du travail, nouvelles revendications) qui peuvent exiger des innovations organisationnelles jusqu’à la nécessité d’élaborer un nouveau compromis social.
Nous n’aborderons pas l’ensemble des relations constitutives de l’entreprise. Nous explorerons seulement les données de notre enquête qui relèvent de la dimension organisationnelle pour vérifier si émergent de nouveaux modèles de travail. En effet, plusieurs innovations ont été introduites dans les milieux de travail dans le cadre de la double crise du taylorisme. Le taylorisme s’est avéré trop rigide pour répondre aux exigences de flexibilité des formes nouvelles de concurrence et des nouvelles technologies, et trop déqualifiant pour satisfaire aux demandes d’autonomie des salariés. Ces innovations peuvent être définies comme une nouvelle pratique, une nouvelle procédure ou un nouveau processus introduits, sur le plan local, dans un milieu de travail, de manière intentionnelle, dans le but d’améliorer les performances économiques et sociales des entreprises (King et Anderson, 2002), et ainsi relever les défis posés par les limites du taylorisme. Il faut souligner tout de suite qu’il s’agit le plus souvent de phénomènes relativement anciens, inventés et diffusés à des degrés divers il y a plusieurs années. Il en est ainsi des groupes semi-autonomes et des cercles de qualité, apparus respectivement au milieu des années cinquante et soixante en Grande-Bretagne et au Japon. C’est le cas aussi de la plupart des autres innovations (juste à temps, contrôle statistique des procédés, informatisation du processus de production et de planification) que l’on retrouve actuellement dans les milieux de travail. Cependant, toutes ces innovations sont nées séparément les unes des autres, alors que, au cours des dernières années – et c’est une différence essentielle – elles sont introduites en grappes (Ichniowskiet al., 1996) et ont tendance à se construire en système, permettant l’émergence de nouvelles configurations du travail et d’un nouveau paradigme technico-productif, relativement différents du taylorisme.
La diffusion progressive d’un nouveau paradigme technico-productif s’impose de plus en plus dans l’analyse des innovations en milieu de travail (Bélanger, Giles et Murray, 2002 ; Lapointe 2001 ; Veltz, 1999 ; Coriat, 1997 ; Freeman et Soete, 1994). Cette analyse reprend, tout en l’enrichissant du développement de la micro-électronique, les premiers travaux sur le « toyotisme » (Coriat, 1991), identifié par des chercheurs au modèle japonais. Sur la base d’une poussée considérable de l’informatisation des procédés productifs, diverses innovations à la gestion de la production sont introduites dans les milieux de travail. Elles cherchent à réduire les temps de cycle et les inventaires, à standardiser davantage les procédures et à accroître la flexibilité et la qualité. Paradoxalement, au fur et à mesure qu’ils se complexifient et qu’ils fonctionnent en « flux tendu », les processus productifs se fragilisent et deviennent de plus en plus dépendants des interventions humaines (Macduffie et Krafcik, 1992). En d’autres termes, la quête de rationalisation et de contrôle peut difficilement se réaliser sans faire appel à l’autonomie, à la participation et à l’engagement des salariés. Ce changement soulève l’enjeu de la participation dans l’entreprise, soit l’octroi de responsabilités accrues aux salariés quant à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité des processus productifs et à l’organisation de leur travail. Cette participation, qui rejoint aussi les demandes d’autonomie, se matérialise certes dans des formes individuelles, mais aussi dans divers dispositifs collectifs (groupes de résolution de problèmes et équipes de travail). La forme et la force de la participation sont considérées comme la dimension fondamentale distinguant les milieux innovateurs les uns des autres ainsi que du taylorisme (Edwardset al., 2002 ; Helleret al., 1998 ; Lapointe, 2001).
Si, dans les débats antérieurs (Batt et Appelbaum, 1995), les auteurs distinguaient entre, d’une part, cercles de qualité et groupes de résolution de problèmes et, d’autre part, groupes semi-autonomes et travail en équipes, arguant que les premiers sont de nature simplement consultative, alors que les seconds sont de nature plus décisionnelle, cette distinction est aujourd’hui abandonnée au profit du concept de participation (Appelbaumet al., 2000). Une nouvelle nuance est toutefois introduite, car la participation peut se traduire dans divers dispositifs, qui se différencient selon le degré de pouvoir accordé aux travailleurs ou selon les responsabilités de gestion opérationnelle assumées par eux. Cette démarche est courante dans l’étude sur les équipes de travail (Roy, 1999 ; Procter et Mueller, 2000), mais elle est aussi appliquée aux recherches sur les groupes de résolution de problèmes : ainsi, les cercles de qualité sont limités à la formulation de suggestions, alors que les groupes d’amélioration de la qualité identifient les problèmes, choisissent les solutions et président à leur mise en oeuvre, tout en étant le plus souvent insérés dans une structure de gestion paritaire, patronale / syndicale (Harrisson et Laplante, 1996 ; Lapointe 2001 ; Lapointeet al., 2002, pour des exemples québécois).
En croisant les deux dimensions, constitutives des innovations organisationnelles, soit le paradigme technico-productif et la participation, on obtient diverses configurations organisationnelles (figure 1).
D’un point de vue théorique, si on prend le taylorisme comme point de départ, trois orientations sont alors possibles. On peut d’abord choisir la participation comme principe central, telles les expériences de groupes semi-autonomes (GSA), sans faire appel au nouveau paradigme technico-productif. Bien que la question ne soit pas définitivement tranchée, on peut supposer que ces premières expériences participatives, sans autres innovations, se sont révélées relativement inefficaces et qu’elles ont été alors progressivement abandonnées (Lapointe, 1995), sauf dans les cas d’une production de très haute qualité (Berggren, 1992 ; Boyer et Freyssenet, 2000). À l’opposé, on peut choisir de se concentrer sur les changements à la gestion de la production et de la qualité, en introduisant le nouveau paradigme technico-productif, sans faire appel à la participation. On est alors en présence d’un taylorisme renouvelé : la rationalisation et la standardisation de la production sont considérablement accrues, en faisant appel à la hiérarchie et aux experts techniques, à l’exclusion des travailleurs. Enfin, on peut conjuguer l’introduction du nouveau paradigme technico-productif avec la participation. Ainsi, se définit un post-taylorisme, en rupture avec le taylorisme, grâce à l’introduction de la participation et des innovations organisationnelles relatives à la gestion de la production et de la qualité qui sollicitent la flexibilité. La distinction entre le taylorisme renouvelé et le post-taylorisme renvoie aux deux scénarios d’évolution du pouvoir et du travail que Zuboff (1988) avait esquissés en s’appuyant sur l’usage des nouvelles technologies micro-électroniques dans l’atelier : dans le premier cas, l’automatisation s’accompagne d’un renforcement du contrôle et du pouvoir de la direction, alors que, dans le second, l’informatisation s’appuie sur la décentralisation, la participation et la requalification du travail.
En s’insérant en milieu de travail, les innovations organisationnelles suscitent des modifications institutionnelles et des compromis entre les acteurs. Pour se développer et générer les performances souhaitées, elles nécessitent des pratiques particulières de gestion de ressources humaines et de relations de travail. Une formation accrue, une rémunération incitative et variable selon les performances, une meilleure sécurité d’emploi, une plus grande coopération dans les relations de travail ainsi qu’une participation syndicale à la gestion sont au nombre des pratiques novatrices à mettre en oeuvre pour assurer la pleine réussite des innovations organisationnelles dans les modèles de travail à « hautes performances » (Appelbaumet al., 2002).
Il est difficile de traiter des modèles de travail, sans faire référence aux modèles nationaux, notamment aux modèles suédois, japonais et américain. À titre d’exemple, la principale caractéristique du nouveau modèle américain, tel que décrit dans les ouvrages récents de Cappelli (1999) et Osterman (1999), réside dans la profondeur des innovations organisationnelles et la présence de nouvelles pratiques innovatrices de formation et de rémunération, mais sans garantie d’emploi et sans participation syndicale à la gestion, voire avec l’affaiblissement des syndicats. Ce nouveau modèle remet en cause une certitude, fortement enracinée dans la théorie et la pratique des innovations en milieu de travail. En effet, on a longtemps cru que, pour durer et pleinement réussir, les innovations exigeaient un engagement des salariés dans les nouvelles formes d’organisation, en échange d’une meilleure sécurité d’emploi, d’une formation accrue et d’un partage des gains. Telle était la base des nouveaux modèles productifs. Or, cette croyance est mise en doute aujourd’hui. En effet, dans une deuxième enquête réalisée en 1997 sur la diffusion des pratiques innovatrices, faisant suite à une première enquête de 1992, Osterman montre que, malgré la poursuite dans la diffusion des innovations au cours de cette période, les salariés n’ont pas bénéficié de l’introduction de ces innovations, et qu’au contraire l’emploi s’est davantage fragilisé et les salaires ont stagné, voire ont régressé (Osterman, 1999 et 2000).
Ces observations nous amènent à poser la question du lien entre les différents modèles de travail et les performances économiques et sociales. Ce faisant, nous apportons une certaine originalité aux travaux sociologiques, qui sont surtout, sinon exclusivement, préoccupés par la dynamique des changements et la mise en relief de modèles ou de configurations de changements (Durandet al., 1998). Il est important de considérer non seulement les performances économiques (productivité, qualité, efficacité et rentabilité), mais aussi les performances sociales (qualification, charges de travail, salaires et sécurité d’emploi) des différents modèles de travail. Les recherches font la preuve que les innovations entraînent en général des gains de productivité assez considérables et un accroissement des autres performances économiques (Osterman, 2000 ; Appelbaumet al., 2000), mais ces gains sont-ils partagés avec les salariés ? Les innovations engendrent-elles des gains mutuels (Kochan et Osterman, 1994) ? Ces interrogations soulèvent la question des rapports entre performances sociales et performances économiques. Certaines dimensions des performances sociales, souvent qualifiées d’intrinsèques (comme l’engagement professionnel, la satisfaction au travail, la qualification et l’autonomie), sont fortement associées à un accroissement des performances économiques, alors que les autres dimensions des performances sociales, qualifiées d’extrinsèques, sont considérées soit comme des coûts qu’il faut, dans une perspective de court terme, réduire au profit des performances économiques, soit, à l’opposé, comme des investissements susceptibles d’accroître les performances économiques mais à long terme. Des arbitrages sont dès lors nécessaires et relèvent des stratégies des acteurs sociaux et des compromis construits pour régir leurs relations (Appelbaum, 2002 ; Bélanger, Lapointe et Lévesque, 2002 ; Osterman 1999).
La méthodologie
À la suite des nombreuses études de cas, que nous avons réalisées pendant plus d’une décennie sur les innovations en milieu de travail (Bélangeret al., 1994 ; Grantet al., 1997 ; Lapointe, 2001a et 2001b), il nous est apparu opportun de concevoir un questionnaire relativement inédit pour brosser le portrait de la diffusion des nouveaux phénomènes. Élaboré après une analyse de plus d’une trentaine de questionnaires, il se compose de 180 énoncés, portant sur les diverses innovations organisationnelles ainsi que sur le contexte, les pratiques de ressources humaines, les relations de travail et les pratiques syndicales. Il concerne le travail des ouvriers de la production et des ouvriers de l’entretien et de la maintenance dans le secteur manufacturier. Destiné à des directions d’établissements, tant syndiqués que non syndiqués, il s’adresse aussi aux représentants syndicaux locaux, pour qui une section spéciale sur l’action syndicale est réservée (Bélanger, Cucumelet al., 2002).
L’enquête a été réalisée entre juin et novembre 2001, par une firme spécialisée, la maison de sondage CROP. Les entrevues téléphoniques ont duré en moyenne une trentaine de minutes. La population est composée de 2 737 entreprises de 50 employés et plus et de 642 responsables de syndicats locaux. Elle a été déterminée sur la base de l’annuaire Scott des établissements au Québec, en retenant tous les établissements manufacturiers de 50 employés et plus[2]. Les syndicats locaux ont été dénombrés en partie grâce aux fichiers des conventions collectives du ministère du Travail du Québec et en faisant également appel aux directions d’entreprises, dans les cas où nous ne savions pas si l’usine était syndiquée[3]. 1 027 questionnaires ont été remplis, dont 712 en provenance des directions d’établissements, soit 392 dirigeants d’établissements syndiqués et 320 dirigeants d’établissements non syndiqués, et 315 responsables syndicaux. Les répondants pouvaient choisir de répondre aux questions par téléphone ou par Internet, en visitant un site spécialement conçu pour l’enquête.
Les taux de réponse s’élèvent à 34,9 % pour les directions d’établissements et à 59,1 % pour les responsables syndicaux. Ils ont été établis en considérant qu’un certain nombre de dirigeants d’établissements et de responsables syndicaux ne pouvaient être joints pour diverses raisons (établissement fermé, impossibilité de distinguer l’établissement du siège social, duplicata, établissements ne faisant pas partie du secteur manufacturier). En conséquence, un certain nombre de cas ont été retranchés de la population d’origine et la population de référence pour l’enquête s’élève ainsi à 2 042 dirigeants d’établissements et 533 responsables syndicaux. Les taux de réponse sont tout à fait acceptables quoiqu’ils soient inférieurs aux meilleurs taux obtenus dans des enquêtes similaires. À titre d’illustration, Osterman a obtenu des taux de réponse de 65,0 % et 57,7 % dans ses enquêtes de 1992 et 1997 auprès des dirigeants d’entreprises (Osterman, 2000).
Dans ce qui suit, nous nous limitons aux données en provenance des directions d’établissement seulement. Des 712 réponses obtenues, nous avons retiré celles qui provenaient d’établissements de moins de 50 employés[4], pour obtenir un nombre total de 628 questionnaires utilisables dans les analyses statistiques, parmi lesquels on compte 364 établissements syndiqués.
Étant donné le recours à une seule catégorie de répondants, les directions d’établissements (nous ne faisons pas appel ici aux réponses des représentants syndicaux et nous n’avons pas distribué de questionnaires aux employés), l’article comporte-t-il un biais méthodologique, affectant la validité des résultats présentés ? Ce biais est en partie neutralisé par le fait que la plupart des résultats proviennent de réponses à des questions d’ordre factuel (présence de telle ou telle innovation ou pratique de gestion des ressources humaines, évolution de tel ou tel indicateur, notamment). Sur des questions de cet ordre, il est possible de supposer qu’il existe un consensus élevé entre les répondants en milieu de travail, appartenant à des catégories différentes, comme les représentants de la direction et les représentants syndicaux (EPOC Research Group, 1997). Enfin la plupart des grandes enquêtes, que ce soit au Canada (EMTE), aux États-Unis (Osterman, 1994 et 2000) ou en Europe (EPOC Research Group, 1997), comportent ce même biais méthodologique.
Diffusion des innovations organisationnelles
L’enquête a porté sur onze innovations organisationnelles regroupées en trois grandes catégories, selon leur objet et leur dominante, technique ou sociale. Six innovations à dominante technique s’appliquent à la gestion de la production et de la qualité (juste à temps, réduction du temps d’ajustement des machines, programmes de gestion et de planification de la production, contrôle statistique des procédés, réaménagement physique des machines en cellules de production et certifications de qualité) ; trois innovations à dominante sociale concernent la flexibilité organisationnelle (dans les métiers, dans la production et entre production et métiers) et deux innovations à dominante également sociale ont trait à la participation (groupes de résolution de problèmes et équipes de travail)[5].
Le tableau 1 présente les principales données concernant la diffusion des innovations dans les établissements étudiés, selon la taille et le statut syndical. En ce qui concerne les dispositifs participatifs, l’enquête tient compte du taux de couverture des salariés, soit le pourcentage de salariés impliqués dans les formes de participation, moins de 50 % et 50 % et plus. Les innovations les plus largement diffusées sont la flexibilité dans les métiers (74,5 %), la flexibilité entre production et métiers (67,9 %), les programmes de gestion et de planification de la production (63,5 %), les groupes de résolution de problèmes (62,9 %), le juste à temps (59,8 %), la réduction du temps d’ajustement des machines (58,6 %), le contrôle statistique des procédés (57,8 %), les certifications de qualité (57,8 %), le travail en équipe (44,6 %), les cellules de production (33,8 %) et la flexibilité parmi les ouvriers de production (27,9 %)[6]. On constate que les innovations sont dans l’ensemble assez largement diffusées, particulièrement celles qui composent le nouveau paradigme technico-productif. Peut-on pour autant en conclure à une véritable transformation du travail, sur la base de ces seules statistiques de diffusion des innovations organisationnelles ? Rappelons que c’est la participation qui est le véritable indicateur d’une rupture avec le taylorisme. Même si la diffusion des dispositifs participatifs varie entre 62,9 % pour les groupes de résolution de problèmes et 44,6 % pour les équipes de travail, il faut faire appel à d’autres indicateurs, comme la proportion de salariés touchés par les dispositifs participatifs et l’intensité des pouvoirs dévolus aux salariés dans ces dispositifs pour mesurer l’ampleur de la transformation du travail. Lorsque ces deux indicateurs sont pris en compte, la profondeur des changements est considérablement réduite. Ainsi, même si les statistiques de la diffusion des équipes de travail dans les dix pays européens couverts par l’enquête EPOC (Employee Direct Participation in Organisational Change) indiquent que 36 % des milieux de travail ont adopté cette innovation, cela ne veut pas dire que s’est mis en place un nouveau modèle de travail reposant sur des équipes semi-autonomes. Pour qu’il en soit ainsi, deux autres facteurs sont à prendre en compte : il faudrait au minimum que la moitié des salariés soit touchée par les équipes et que les responsabilités qu’ils assument soient élevées. Lorsque ces deux conditions sont remplies, le degré d’adoption du travail d’équipe chute à 5 % (Edwardset al., 2002).
Nous n’avons pas mesuré l’intensité des pouvoirs dévolus aux salariés ; par contre, la prise en considération du seuil de la moitié des salariés couverts par les dispositifs participatifs indique une transformation fort réduite du travail : en effet, seulement 17,4 % des directions d’établissements mentionnent la présence de groupes de résolution de problèmes qui couvrent au moins la moitié de leurs employés, alors que, pour les équipes de travail, le taux de présence, respectant cette condition, n’atteint que 10,8 %.
Les données du tableau 1 montrent par ailleurs que la taille et le statut syndical des établissements n’exercent une influence, somme toute modérée, sur le degré d’adoption des innovations que dans certains cas. Ainsi, les entreprises de grande taille sont davantage susceptibles d’instaurer des programmes de gestion et de planification de la production, des contrôles statistiques des procédés, des certifications de qualité et des groupes de résolution de problèmes. À l’inverse, les équipes de travail touchant au moins la moitié des employés de production sont très peu diffusés dans les établissements de grande taille. Par ailleurs, on retrouve une présence supérieure de certaines innovations relatives à la gestion de la production et de la qualité (réduction des temps d’ajustement, programmes de gestion et de planification et certifications de qualité) dans les usines syndiquées. En revanche, les équipes de travail sont davantage présentes dans les usines non syndiquées.
Les résultats indiquent enfin que les milieux de travail sont plutôt innovateurs. En effet, dans trois établissements sur quatre, on peut compter aux moins cinq innovations, alors que, en moyenne, il y a six innovations par établissement. On peut alors facilement supposer qu’il existe différentes combinaisons d’innovations organisationnelles, permettant d’identifier des configurations spécifiques.
Les configurations organisationnelles
Sur la base des innovations organisationnelles, nous avons effectué, à l’aide du logiciel SPADN (Système Portable d’Analyse des Données Numériques), une analyse des correspondances multiples, jumelée à une analyse de classification automatique, afin d’établir une typologie des établissements. L’analyse factorielle a permis d’obtenir un plan, sur lequel les innovations et les classes d’établissements sont distribuées selon deux axes : la présence ou non de la participation (facteur 1) et son intensité (facteur 2). Ces deux axes extraient près de 27 % de l’inertie totale du nuage de points. Ce résultat vient confirmer le rôle de la participation comme facteur de différenciation des milieux de travail innovateurs. L’analyse de classification a enfin permis de déterminer cinq classes (ou configurations) homogènes et distinctes d’établissements, nommées à partir des caractéristiques fondamentales des innovations organisationnelles. Ces configurations sont les suivantes :
Flexibilité. Cette première configuration se caractérise ainsi : très peu d’innovations à la gestion de la production (le taux de diffusion des innovations varie entre 7,6 % pour les cellules de production et 24,8 % pour les programmes de gestion et de planification de la production et 42,7 % pour les certifications de qualité) ; une grande flexibilité dans les métiers et très peu de participation (présence de groupes de résolution de problèmes dans 30,5 % des établissements et dans tous les cas, sauf quatre, ils concernent moins de 50 % des salariés et présence des équipes dans seulement 23,6 % des usines, rejoignant toutes moins de 50 % des salariés). Elle regroupe 157 établissements, représentant 25 % de l’échantillon.
Production / qualité. Cette deuxième configuration se distingue par la diffusion des changements à la gestion de la production supérieure à la moyenne, avec notamment une présence de certifications de qualité dans 60 % des établissements. La caractéristique majeure est ici l’absence totale de flexibilité dans les métiers. Il y a également très peu de participation : le taux de présence des groupes de résolution de problèmes est de 51,9 % et celui des équipes de 30,2 % et tous concernent moins de 50 % des salariés. On compte 106 établissements dans cette configuration, soit 17 % des établissements de l’échantillon.
Production / qualité et flexibilité. Cette troisième configuration est remarquable par la très grande diffusion des innovations à la gestion de la production et de la qualité : en effet, pour toutes les innovations de cette catégorie, cela dépasse largement la moyenne, sauf pour les certifications de qualité où la diffusion est proche de la moyenne. On observe en outre une très grande flexibilité dans les métiers, qui est présente dans 100 % des établissements. Cette configuration est assez participative : on retrouve des groupes de résolution de problèmes dans 74,8 % des établissements et des équipes dans 41,0 %, mais les deux rejoignent moins de 50 % des employés. Elle rassemble 210 établissements, qui comptent pour 33 % dans l’échantillon.
Production / qualité, flexibilité et participation avec groupes de résolution de problèmes. Dans cette quatrième configuration, il y a une très grande diffusion des innovations à la gestion de la production et de la qualité. C’est ici que la présence des certifications de qualité est la plus élevée, avec un taux de 73,6 % ; il en est de même pour les cellules de production (48,3 %). La flexibilité est également élevée, particulièrement chez les ouvriers de production. Des groupes de résolution de problèmes sont présents dans 96,6 % des établissements et tous rejoignent 50 % et plus des employés. Des équipes de travail sont présentes dans 58,6 % des établissements et elles concernent moins de 50 % des employés. Nous retrouvons 87 établissements dans cette configuration, désormais appelée « Participation avec GRP », qui représente 14 % des établissements de l’échantillon.
Production / qualité, flexibilité et participation avec équipes de travail. Dans cette dernière configuration, la diffusion des changements à la gestion de la production et de la qualité est très semblable à la moyenne. La flexibilité est supérieure à la moyenne. Mais, c’est la présence d’équipes de travail, concernant plus de la moitié des employés, dans 100 % des établissements, qui est la caractéristique distinctive de cette configuration. Des groupes de résolution de problèmes sont également présents dans 75 % des établissements et ils se répartissent à peu près également en regard de la proportion de salariés touchés. Cette configuration, désormais appelée « Participation avec équipes », réunit 68 établissements, soit 11 % des établissements de l’échantillon.
En vue de mieux caractériser et distinguer les configurations, le tableau 2 présente la diffusion des innovations regroupées en trois grandes catégories, selon les cinq configurations. Les données représentent un indice d’innovation au sein de chaque catégorie, sur une échelle de 0 à 100. Elles indiquent le score moyen obtenu par un établissement typique de chaque configuration sur chacune des grandes catégories d’innovations. Les configurations sont rangées selon l’importance croissante prise par la participation, compte tenu de sa présence et de son degré de couverture. Ainsi en ce qui a trait à la participation, l’établissement typique de la première configuration se situe à 14, ceux des deuxième et troisième configurations se situent entre 21 et 29, alors qu’on enregistre un bond remarquable pour ceux des quatrième et cinquième configurations qui atteignent 63 et 76. En outre, on peut observer de manière presque généralisée une intensification des innovations, au fur et à mesure qu’on passe d’une configuration à l’autre. Les configurations 4 et 5 se distinguent particulièrement par une large diffusion des innovations dans toutes les catégories.
À l’aide des données du tableau 2, il est possible de situer les innovations par rapport au taylorisme, selon l’intensité des innovations relatives au paradigme technico-productif (moyenne de la somme des indicateurs concernant les innovations à la gestion de la production et celles relatives à la flexibilité) et à la participation. Pour renouer la problématique de départ, nous reproduisons les données sur un graphique, construit avec les mêmes axes.
Les différentes configurations sont ainsi positionnées sur la carte (x,y) : flexibilité (14,39), production / qualité (21,45), production / qualité et flexibilité (29,68), participation avec groupes de résolution de problèmes (63,68) et participation avec équipes (76,61). Les deux premières configurations ne se distinguent pas vraiment du taylorisme, alors que la troisième s’identifie au renouvellement du taylorisme et que les deux dernières sont associées au post-taylorisme. Une réserve s’impose toutefois quant à celui-ci. Nos résultats ne permettent pas d’affirmer qu’il y a une réelle rupture en regard du taylorisme, car ils ne mesurent pas l’intensité des pouvoirs délégués aux salariés. Il est à noter enfin que nous ne retrouvons pas de configuration se caractérisant par la seule présence des dispositifs participatifs, tels les groupes semi-autonomes, sans la présence d’innovations appartenant au nouveau paradigme technico-productif. Ce résultat confirme que la participation n’est pas principalement introduite en vue d’améliorer la satisfaction et la qualité de vie au travail, comme c’était le cas dans les premières expérimentations et dans les années soixante-dix (Appelbaum, 2002). Aujourd’hui, la participation est recher- chée avant tout, selon les directions d’entreprise, faut-il le rappeler, comme un complément nécessaire pour accroître les performances du nouveau paradigme technico-productif.
Le contexte externe
Il s’agit de présenter ici certains éléments du contexte dans lequel prennent place les configurations organisationnelles. Le but poursuivi est de mieux caractériser ces dernières et non pas d’établir les facteurs contextuels qui seraient susceptibles d’expliquer l’adoption de telle ou telle innovation, voire de telle ou telle configuration. La réalisation de cet objectif nécessiterait l’usage d’autres méthodes de traitement statistique des données, comme des analyses de régression et une analyse discriminante, et nous amènerait à déborder largement les cadres de cet article[7]. Nous nous limitons donc à la présentation de certains éléments contextuels relatifs au secteur, à la taille et au statut syndical qui permettent de mieux caractériser les configurations organisationnelles. Les données sont résumées au tableau 3.
Le tableau 3 indique que les établissements de certaines configurations se concentrent davantage dans certains secteurs manufacturiers, comparativement à l’ensemble des établissements de l’échantillon. Il indique donc des différences significatives concernant une configuration en regard de l’ensemble de l’échantillon. À titre d’illustration, 39,5 % des établissements de la configuration « flexibilité » se concentrent dans le secteur de la fabrication tertiaire à forte intensité de main-d’oeuvre, alors que, dans l’ensemble de l’échantillon, on retrouve 32,6 % des établissements dans ce secteur. Ainsi, comparée à la distribution des établissements dans l’ensemble de l’échantillon, une plus grande proportion d’établissements de la première configuration est logée dans le tertiaire à forte intensité de main-d’oeuvre. Les établissements des configurations participatives, en revanche, se concentrent davantage dans le tertiaire à forte intensité de capital. Quant aux configurations techniques, les configurations 2 et 3, elles se concentrent davantage dans le primaire ou le secondaire, selon qu’elles sont flexibles ou non.
Les première et quatrième configurations sont davantage associées aux établissements de petite taille, alors que les deuxième et troisième configurations regroupent une proportion plus élevée d’établissements de grande taille et que la cinquième compte une proportion plus grande d’établissements de taille moyenne que dans l’ensemble de l’échantillon. Enfin, la deuxième configuration est plus fortement syndiquée que la moyenne[8], alors que les première et cinquième le sont moins et que les troisième et quatrième sont très proches de la moyenne. En regard des innovations, la présence syndicale est assurée aux logiques mises en oeuvre. En effet, lorsque la logique technique est à l’oeuvre, avec ou sans flexibilité, le taux de syndicalisation dépasse la moyenne de l’échantillon. À l’inverse, les logiques caractérisées par l’absence d’innovations techniques et les logiques participatives se manifestent davantage dans les établissements non syndiqués. Mais ces résultats sommaires mériteraient d’être appuyés et nuancés par des analyses statistiques plus fines.
La gestion des ressources humaines et les relations de travail
Les pratiques de gestion des ressources humaines se composent des dimensions suivantes : formation, rémunération et garanties à l’occasion des changements. La formation est un construit qui additionne deux indicateurs : le nombre d’heures dispensées en formation pour les employés[9] et le pourcentage du budget total de l’usine consacré à la formation des employés de production et d’entretien[10] au cours de l’année 2000. Quant aux nouvelles formes de rémunération, elles se répartissent ainsi : rémunération basée sur les compétences (taux de diffusion parmi l’ensemble des établissements = 31,8 %), primes liées aux performances (16,5 %), primes collectives – équipe, département, usine – (26,3 %), participation aux bénéfices (27,2 %) et régime d’achat d’actions (11,5 %). Le construit « rémunération » est la somme des indicateurs précédents, codés ainsi : absence = 0 et présence = 1. Les configurations les plus riches en innovations, quant à la gestion de la production et de la qualité, à la flexibilité et surtout à la participation, sont celles qui dispensent le plus de formation et qui utilisent davantage les formes de rémunération variable (tableau 4).
Les garanties en cas de changements sont mesurées en réponse à la question suivante : « À l’occasion de l’un ou l’autre des changements introduits dans votre usine, la direction de l’usine a-t-elle pris les engagements suivants : aucun engagement (0), engagement verbal (1) ou engagement écrit (2), ne s’applique pas ou refus de répondre (valeur manquante) ». La nature des changements n’étant pas précisée, le répondant devait donner une appréciation générale. Par ailleurs, il n’y a pas de biais dans les indices, qu’aurait pu occasionner le nombre différent de changements d’une usine à l’autre et d’une configuration à l’autre. Cette question a été posée à toutes les directions d’usines, syndiquées ou non, à propos de quatre engagements : contre le recours à la sous-traitance, pour de nouveaux investissements, pour la formation et contre les mises à pied. Le construit « garanties totales » est la somme des indices sur chacun des engagements. En général, comme l’indiquent les résultats du tableau 4, les garanties sont meilleures dans les configurations où les changements sont plus intenses. Il est à noter qu’elles sont significativement plus importantes contre les mises à pied dans la configuration 4 (participation avec groupes de résolution de problèmes) et elles sont très faibles en 1 (flexibilité), comparées à toutes les autres. Il s’agit là d’un résultat original, en regard d’autres recherches, soutenant que la sécurité d’emploi n’est pas reliée à la diffusion des innovations (Osterman, 1994 et 1999). En somme, si toute innovation exige des garanties, ou des contreparties, la participation en exige davantage encore.
Les relations de travail dans les usines syndiquées (n = 364) sont mesurées à l’aide de deux dimensions, le paritarisme et la coopération. Le paritarisme est évalué à partir de deux construits, soit les modalités d’introduction des innovations et le nombre de comités conjoints. Quant aux modalités d’introduction, elles sont mesurées par rapport à quatre changements : 1) changements technologiques et à la gestion de la production, 2) groupes de résolution de problèmes, 3) changements dans les tâches de production et de métiers et 4) équipes de travail. Trois modalités d’introduction étaient suggérées au répondant : 1) la direction a décidé seule, 2) la direction a consulté le syndicat et 3) le changement a été apporté à la suite d’une entente entre les deux parties[11]. Quant au nombre de comités conjoints, c’est une somme des comités existants dans le milieu de travail. Le répondant avait à indiquer si chacun des comités conjoints suivants (au total de sept) existait : changements technologiques (25,4 %), relations de travail (70,7 %), classification des tâches (28,2 %), santé / sécurité (98,3 %), qualité ou amélioration continue (52,8 %), réorganisation du travail (18,3 %) et formation (50,4 %). En somme, comme l’indique le tableau 5, le paritarisme (et surtout l’introduction conjointe des innovations) est bien plus présent dans les configurations caractérisées par une très grande participation.
La coopération dans les relations de travail est mesurée par deux dimensions : l’état des relations de travail et l’évolution des relations de travail. Le premier indicateur est un construit calculé à partir de huit indicateurs, portant sur la transparence économique, la confiance, la coopération et l’implication syndicale dans la gestion. Le répondant a évalué la présence de l’un et l’autre de ces comportements chez la direction et le syndicat, de manière séparée (présence = 1 et absence = 0). Le construit est la somme de ces indicateurs. « L’évolution des relations de travail » est la somme de trois indicateurs mesurant l’évolution, au cours des cinq dernières années, de la coopération patronale et syndicale[12], de l’implication syndicale[13] dans la gestion et du nombre de griefs[14]. En somme, la coopération dans les relations de travail est beaucoup plus élevée dans les configurations où domine la participation. En outre, elle est croissante avec l’intensification des innovations. Ces résultats apparaissent au tableau 5.
Les performances économiques et sociales
On affirme généralement que l’introduction d’innovations organisationnelles est porteuse d’une amélioration significative des performances économiques des entreprises, bien qu’il soit difficile d’en mesurer précisément l’impact (Ichniowskiet al., 1996). Mais, certains soutiennent que cette amélioration est acquise au détriment des performances sociales, notamment au prix d’une forte intensification du travail (Juravitch, 1996). Par ailleurs, s’il est plus souvent admis que les innovations à la gestion de la production et de la qualité ainsi que la flexibilité améliorent les performances sociales, les résultats sont plus incertains en ce qui concerne l’impact de la participation (Helleret al., 1998).
Pour mesurer les performances économiques, quatre indicateurs ont été choisis : le chiffre d’affaires, la qualité des produits (le taux de rejets ou de défauts), la productivité et les coûts de production. Pour chacun de ces indicateurs, il s’agit de mesurer l’évolution au cours des cinq dernières années[15]. Si, lorsqu’ils sont pris isolément, les indicateurs ne montrent pas de différences significatives entre les configurations, il en est tout autrement lorsqu’ils sont réunis dans un même construit statistique. Ainsi, les « performances globales », qui sont la somme des quatre indicateurs, et la « productivité / qualité », qui est la somme des deux indicateurs « productivité » et « qualité », affichent des relations significatives (tableau 6).
L’amélioration des performances économiques est associée de manière significative aux différentes configurations. Plus les innovations sont importantes, et dans une certaine mesure plus la participation est grande, meilleures sont les performances économiques. Passé un certain seuil de participation, comme l’indique le passage de la configuration 4 à 5, les performances économiques sont moindres. Cela pourrait également indiquer que les groupes de résolution de problèmes (dominants dans la configuration 4) sont davantage susceptibles de contribuer à l’amélioration des performances économiques que les équipes de travail (dominantes dans la configuration 5). C’est là un résultat inattendu et contraire aux recherches antérieures affirmant que la participation décisionnelle, à l’oeuvre dans les équipes de travail, engendre des résultats supérieurs à ceux de la participation consultative, caractéristique des groupes de résolution de problèmes (Batt et Appelbaum, 1995). Il y a là très certainement une question de recherche à approfondir. Toutefois, on peut déjà formuler quelques remarques. Tout d’abord, il apparaît contestable d’opposer les deux dispositifs en regard de la nature du pouvoir qu’ils confèrent aux salariés. En effet, un groupe d’amélioration de la qualité peut conférer davantage de pouvoir aux salariés qu’une équipe de travail. Divers cas de figure sont possibles. En deuxième lieu, une analyse plus fine des résultats indique que le passage de la quatrième à la cinquième configuration s’accompagne d’un fléchissement dans la diffusion des innovations à la gestion de la production et de la flexibilité (voir le tableau 2). Les meilleures performances économiques ne s’expliqueraient donc pas par la seule participation, mais par la présence soutenue à ses côtés d’une intensité égale dans les autres catégories d’innovations.
Les ouvriers travaillent-ils plus fort ou plus intelligemment ? Qu’en est-il de l’évolution de l’intensification et de la qualification du travail dans le sillage des innovations organisationnelles ? La mesure des performances sociales est un construit de plusieurs indicateurs : qualification, intensification, autonomie, emploi (évolution de la sécurité d’emploi et évolution du nombre d’employés occasionnels) et salaire (évolution des salaires). L’indicateur « intensification » est une somme d’indicateurs qui mesurent l’évolution, au cours des cinq dernières années, des quatre dimensions suivantes : charge de travail pour les employés de production et métier, problèmes de santé et pression sur le rendement et la production[16]. En moyenne, les charges de travail des employés de production ont augmenté dans 35,8 % des cas et celles des employés d’entretien dans 45,4 % des cas, alors que les problèmes de santé et les pressions sur le rendement et la production ont augmenté respectivement dans 17,8 et 47,6 % des cas. Le test Anova ne révèle pas de différence entre les diverses configurations et on peut conclure à une intensification du travail dans toutes les configurations.
Quant à la « qualification », c’est la compilation de quatre indicateurs : deux concernent l’évolution de la qualification, au cours des cinq dernières années, pour les employés de production et d’entretien[17], alors que deux autres concernent les dimensions suivantes : le temps nécessaire à un nouvel employé pour être en mesure de remplir les exigences normales des postes de production[18] et le pourcentage des employés de production qui réalisent des tâches simples et répétitives[19]. L’autonomie est un construit résultant de la somme des indicateurs suivants : l’évolution de l’influence des employés de production sur leur travail[20] ; le pourcentage des employés de production qui contrôlent la cadence de leur travail et qui décident de la meilleure façon de faire leur travail[21]. Quant à l’emploi, c’est un construit qui regroupe deux indicateurs : l’évolution de la sécurité d’emploi[22] et celle du nombre d’employés occasionnels[23]. Enfin, l’évolution des salaires[24] est prise en compte dans le construit des performances globales. Les résultats relatifs aux performances sociales apparaissent au tableau 7.
En général, tous les salariés travaillent plus fort et on peut observer une intensification généralisée du travail. Ils travaillent également plus intelligemment. L’accroissement de la qualification du travail est significativement plus grand dans les configurations 4 et 5, comparé à la première configuration. Cela semble en accord avec les caractéristiques attribuées au post-taylorisme, selon lesquelles le travail est requalifié dans cette configuration organisationnelle. En outre, les données laissent apparaître que l’intensification de la participation accroît de manière significative l’ensemble des performances sociales.
En comparant les résultats affichés aux tableaux 6 et 7, il apparaît nettement que les performances économiques et sociales sont reliées entre elles. Quelques observations s’en dégagent.
En se référant à la nature des configurations, les innovations en général et la participation en particulier contribuent à l’amélioration des performances économiques et sociales. Mais des nuances s’imposent puisqu’il faut bien combiner les différentes catégories d’innovations.
Plus les performances sociales sont élevées, plus les performances économiques sont importantes (c’est le cas pour les configurations 2, 3 et 4) ; toutefois, passé un certain seuil, les performances sociales s’améliorent alors que les performances économiques fléchissent (configuration 5).
En comparant les configurations 1 et 2, on observe un gain des performances économiques alors que les performances sociales stagnent.
Par contre, pour les configurations extrêmes, 1 et 5, les performances sociales dépassent les performances économiques (très légèrement en 1 et beaucoup plus en 5).
La participation engendre des performances sociales supérieures ; par contre, en ce qui concerne les performances économiques, ce n’est que l’approfondissement de la participation dans les groupes de résolution de problèmes qui engendre des performances économiques supérieures. Passé un certain seuil, la participation ne favorise plus les performances économiques, tout en continuant à améliorer les performances sociales.
En comparant les configurations 4 et 3, il apparaît que la participation est bénéfique tant pour les performances économiques que les performances sociales. On peut même constater que la configuration 3, comparée à la configuration 4, opère une amélioration des performances économiques au détriment des performances sociales ; en effet, il y a un écart de 34,3 % entre les deux types de performances en 3, à comparer à un écart de 16,3 % en 4.
En somme, il y a des arbitrages importants à faire entre les performances économiques et les performances sociales, et entre une logique plus technique et une logique plus participative.
Au chapitre des performances, il est à retenir que, en général, plus un modèle de travail s’éloigne du taylorisme, plus les performances économiques et sociales sont élevées.
Les modèles de travail : quelques tensions
Résumons en premier lieu les principaux résultats obtenus permettant de caractériser les configurations empiriques. Ces résultats sont reproduits au tableau 8.
Par delà la description de ces modèles de travail, il est possible d’avancer quelques hypothèses sur la dynamique sociale, les compromis et les tensions qui les caractérisent. Les configurations à forte participation (configurations 4 et 5) s’appuient sur un nouveau compromis où la participation, exigeant un engagement supérieur dans le travail, est assurée par une requalification du travail, une meilleure formation, une certaine sécurité d’emploi et la collaboration syndicale à la gestion. La tension majeure réside dans la difficulté de réunir ces conditions, compte tenu des conflits d’intérêts et de pouvoirs consubstantiels à la relation d’emploi. Quant aux configurations où les innovations concernent ou bien la flexibilité (configuration 1) ou bien la gestion de la production (configuration 2), elles se distinguent par un compromis dans lequel la faible qualification du travail, l’absence de participation et l’exclusion syndicale de la gestion sont simplement compensées par les salaires. Or ce compromis, qui avait largement dominé le monde du travail dans l’après-guerre, est en recul aujourd’hui, représentant moins de la moitié des établissements. De plus, il semble en crise, comme l’indiquent ses faibles performances économiques et sociales. L’intensification du travail se conjugue alors avec l’absence d’une requalification, tandis que l’emploi se fragilise et que les salaires stagnent. Enfin, l’introduction massive des innovations dans la gestion de la production et la flexibilité (configuration 3) est porteuse de performances économiques élevées, grâce à une certaine amélioration des pratiques de gestion des ressources humaines et à une plus grande coopération dans les relations de travail. Les principales tensions sont dues à l’absence de participation, tant syndicale à la gestion que directe sur le plan organisationnel.
La conclusion rappelle les principaux résultats et soulève certaines questions pour la recherche à venir. Ces questions constituent également autant de limites aux résultats présentés. Les innovations organisationnelles, mises en place au Québec depuis près de deux décennies, se sont traduites par la constitution de nouveaux modèles de travail, se distinguant plus ou moins nettement du taylorisme. Bien que celui-ci soit encore le modèle le plus important, deux autres modèles lui font désormais concurrence. Les résultats viennent confirmer ce que la théorie et les études de cas avaient déjà mis en évidence. Ils ajoutent cependant des connaissances supplémentaires en mesurant la nature et l’ampleur de la diffusion des nouveaux modèles productifs.
Il est en outre à la fois intéressant et rassurant de constater que les nouveaux modèles de travail s’accompagnent d’une amélioration des performances sociales et économiques. En d’autres termes, le sort du travail ouvrier s’améliore au fur et à mesure qu’on s’éloigne du taylorisme. Et les performances économiques suivent. Nos résultats n’ont pas fait apparaître de nouveaux modèles, caractérisés par une détérioration générale des conditions de travail et d’emploi. Est-ce le reflet d’un biais méthodologique ou du wishfull thinking de nos répondants ? Nous ne le croyons pas, étant donné le grand nombre d’indicateurs que nous avons utilisés pour mesurer les évolutions. Il sera par contre fort pertinent de comparer les réponses des représentants de la direction à celles des représentants syndicaux.
L’amélioration des performances économiques et sociales dans le cadre des nouveaux modèles de travail soulève un formidable paradoxe. Pourquoi ces modèles performants ne sont-ils pas davantage diffusés ? Poser la question ainsi révèle une certaine naïveté et une adhésion inconsciente aux problématiques postulant qu’une innovation se diffuse simplement sur la base de la supériorité de ses performances. La question est plus complexe, car, parmi les innovations connues et disponibles, seulement certaines sont en quelque sorte sélectionnées selon les contraintes et opportunités qu’offrent les formes institutionnelles et organisationnelles spécifiques à chaque société (Boyer, 2002). À cet égard, les évolutions relatives au mode de gouvernance et aux stratégies financières des entreprises peuvent être défavorables aux innovations s’accompagnant d’une amélioration des performances sociales. En effet, les nouveaux modèles de travail dans lesquels la participation, tant directe que syndicale à la gestion, est fort développée exigent des investissements sociaux (formation, rémunération, contreparties) et des investissements de forme (dispositifs participatifs, comités conjoints, libération du personnel pour la participation) que les directions d’entreprises, dominées par les actionnaires et les financiers, ne sont pas disposées à faire dans le contexte actuel de financiarisation de l’économie, lequel est dominé par le court terme et les rendements trimestriels (Appelbaum et Berg, 1996 ; Bélanger, Lapointe et Lévesque, 2002). Ce paradoxe concernant la faible diffusion des modèles performants peut enfin s’expliquer par le fait qu’ils engendrent certes de bonnes performances, mais ce ne sont pas celles que recherchent les directions centrales des entreprises (Rubinstein et Heckscher, 2003).
D’autres éléments mettent en perspective ce paradoxe. D’une part, les directions d’entreprise doivent faire des arbitrages entre les performances économiques et les performances sociales. Dans ce cadre, elles ont tendance à privilégier les performances économiques et à ne favoriser l’amélioration des performances sociales que dans la mesure où celles-ci contribuent à l’amélioration des premières. C’est ce qui peut expliquer que les innovations dans la gestion de la production et la flexibilité sont plus largement diffusées que celles caractérisées par la participation. D’autre part, notre mesure des performances économiques ne tient pas compte de la rentabilité, car elle est difficile à mesurer et renvoie à des facteurs externes aux établissements, comme la situation des marchés, l’état de la concurrence et les stratégies financières des propriétaires. Si bien qu’on peut se retrouver dans une situation paradoxale où l’amélioration des performances économiques des établissements, telles que nous les avons mesurées, puisse coexister avec une stagnation ou même une détérioration de la rentabilité. Il y a là une invitation à poursuivre dans le raffinement de la mesure des indicateurs de la performance économique.
En somme, ce questionnement sur la diffusion des nouveaux modèles de travail soulève une question plus fondamentale concernant les facteurs qui contribuent à leur diffusion, qu’il faudra traiter ultérieurement dans l’exploitation des données recueillies dans notre enquête.
Par ailleurs, des nuances sont à rappeler concernant la participation et le degré de rupture qu’elle implique en regard de l’absence de droit de parole caractéristique du taylorisme. La participation n’est pas synonyme de démocratie salariale. L’inégalité des droits et des pouvoirs demeure dans l’entreprise capitaliste et dans les relations de travail. Une tendance à la démocratisation de l’entreprise signifierait une participation directe qui accorde aux travailleurs des pouvoirs réels sur leur travail et une participation syndicale à la gestion, à la condition que le syndicat dispose d’un projet autonome et indépendant, de ressources internes et externes fortes, d’une démocratie interne active et vivante. Il s’agit d’une autre question de recherche que nous espérons pouvoir traiter plus tard.
Enfin, la présentation de nos résultats de recherche soulève la question de l’existence d’un modèle québécois d’innovations en milieu de travail. C’est une question fondamentale et d’une forte actualité que nous ne pourrons vraiment aborder que par des analyses plus fines de nos propres données et dans le cadre d’analyses comparatives avec les résultats d’enquêtes, semblables à la nôtre, portant sur les États-Unis (Osterman, 1994 et 2000), le Canada (EMTE, 2001) et l’Europe (EPOC Research Group, 1997).
Appendices
Annexe
Appendice A
Pour mesurer le degré de flexibilité dans les établissements, trois questions ont été posées :
Métiers : « Est-ce que les employés d’un métier peuvent effectuer des tâches relevant d’un autre métier (par exemple, mécanicien et soudeur) ? » (Q21).
Production : « Dans votre usine, quel est le pourcentage approximatif des employés de production dont le travail correspond aux énoncés suivants ? : Employés de production qui font la rotation d’un poste de travail à l’autre » (q24a) (Les réponses ont été recodés en deux catégories : moins de 50 % = 0 et 50 % et plus = 1 ; le tableau rapporte les données relatives à 1).
Production / Métiers : « Dans le cadre de leurs activités normales de travail, les employés de production accomplissent-ils des travaux mineurs d’entretien, de réparation de l’équipement ou d’ajustement des machines ? » (q26).
La présence de la participation a été mesurée à l’aide de deux questions :
Groupes de résolution de problèmes (GRP) : « Dans votre usine, existe-t-il des groupes où les employés discutent de problèmes de qualité ou de production (par exemple, groupes de résolution de problèmes, groupes d’amélioration continue, groupes de « Kaizen », cercles de qualité, etc.) ? » (q14).
Équipes de travail : « Dans votre usine, y a-t-il des équipes de travail où les employés de production assument certaines responsabilités dans l’organisation de leur propre travail (par exemple, équipes de travail, cellules de production, équipes semi-autonomes, équipes de travail autogérées, etc.) (N. B. : excluant les groupes de résolution de problèmes) » (q28).
Notes biographiques
Paul-André Lapointe
Paul-André Lapointe est professeur au département des relations industrielles à l’Université Laval et directeur de recherche sur le travail et les entreprises au Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES). Ses recherches portent sur les innovations en milieu de travail et le syndicalisme, sur lesquelles il a publié un grand nombre d’articles et d’écrits. Il a récemment codirigé la publication de Work & Employment Relations in the High-Performance Workplace (2002).
Guy Cucumel
Guy Cucumel est professeur au département des sciences comptables de l’École des sciences de la gestion à l’Université du Québec à Montréal. Spécialiste des méthodes quantitatives appliquées aux sciences sociales, il s’intéresse plus particulièrement aux diverses techniques d’analyse factorielle et de classification automatique. Il est chercheur au Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES). Il a publié de nombreux articles et contributions.
Paul R. Bélanger
Paul R. Bélanger est professeur au département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal et chercheur au Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES). Ses principaux intérêts de recherche concernent la sociologie du travail et des entreprises, sur laquelle il a publié de nombreux articles et contributions. Il a codirigé La modernisation sociale des entreprises (1994) et Nouvelles formes d’organisation du travail (1997). Il est coauteur de Le Fonds de solidarité de la FTQ (2001).
Benoît Lévesque
Benoît Lévesque est professeur au département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal et directeur du Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES). Ses nombreux travaux de recherche s’insèrent principalement dans la sociologie économique et la sociologie du travail. Ses intérêts de recherche portent également sur l’économie sociale. Il est coauteur et coéditeur de La modernisation sociale des entreprises (1994), Repenser l’économie pour contrer l’exclusion (1995), Nouvelles formes d’organisation du travail (1997), Le Fonds de solidarité de la FTQ (2001) et La nouvelle sociologie économique (2001).
Pierre Langlois
Pierre Langlois prépare un doctorat en sociologie à l’Université du Québec à Montréal. Il est également professionnel de recherche au Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES).
Notes
-
[1]
Cette enquête a été rendue possible grâce à la contribution financière du CRSH (Conseil de recherche en sciences humaines du Canada) et du CETECH (Centre d’étude de l’emploi et de la technologie).
-
[2]
Données pour l’année 2000.
-
[3]
Les répondants à l’enquête sont, du côté de la direction, le directeur des ressources humaines ou son équivalent et, du côté syndical, le président du syndicat local ou son équivalent dont les coordonnées ont été obtenues grâce à l’aimable collaboration des fédérations syndicales CSN, FTQ et CSD.
-
[4]
L’enquête ayant été effectuée en 2001, certains établissements étaient passés sous le seuil des 50 employés.
-
[5]
Voir l’appendice A pour la formulation des questions sur la flexibilité et la participation.
-
[6]
Il faut préciser que le critère de flexibilité retenu, soit le même qu’Osterman dans ses études (1994 et 1999), est exigeant et suppose que 50 % et plus des ouvriers de production font la rotation des tâches. Nonobstant ce critère, la flexibilité dans les tâches de production est présente dans 72,9 % des établissements.
-
[7]
Nous nous proposons par ailleurs de mener ces analyses dans d’autres publications scientifiques.
-
[8]
Il sera intéressant d’approfondir dans une contribution ultérieure les relations, au sein de cette configuration, entre un très fort taux de syndicalisation et l’absence de flexibilité, dans les métiers notamment.
-
[9]
Le codage est le suivant : 8 heures et moins = 1, entre 9 et 16 heures = 2, entre 17 et 40 heures = 3 et plus de 40 heures = 4.
-
[10]
Le codage est le suivant : 0-1 % = 0, 2 % = 1, 3 % = 2, 4-5 % = 3 et 6 % et plus = 4.
-
[11]
Le recodage est le suivant : 1=0, 2=1 et 3=2. L’indice de modalité est la somme des cotes sur les quatre changements : l’indice total pouvait comporter un maximum de 8 points (ramené à une échelle de 0 à 1). Par ailleurs, le répondant pouvait indiquer que le changement ne s’appliquait pas et il était alors compté dans les valeurs manquantes.
-
[12]
Les indices d’évolution sont ainsi codés : diminué = -1, demeuré stable = 0 et augmenté = 1.
-
[13]
Même codage que la note 12.
-
[14]
Le codage de manière inversée à celui de la note 12.
-
[15]
Deux indicateurs (chiffre d’affaires et productivité) ont ainsi été codés : augmenté = 1, diminué = -1 ou demeuré stable = 0. Deux autres (taux de rejets ou de défauts, soit la qualité, et les coûts de production) ont été codés de manière inverse : augmentation = -1, diminution = 1 et demeuré stable = 0.
-
[16]
Même codage que la note 12.
-
[17]
Même codage que la note 12.
-
[18]
Le codage est le suivant : moins de deux semaines = 0, entre deux semaines et un mois = 1 et plus d’un mois = 2.
-
[19]
Le codage est le suivant : 50 % et plus = 0 et 49 et moins = 1.
-
[20]
Même codage que la note 12.
-
[21]
Le codage est le suivant : 0 = -1 ; 1-10 = 0 ; 11-50 = 1 ; 51-99 = 2 et 100 = 3.
-
[22]
Même codage que la note 12.
-
[23]
Le codage inversé de la note 12.
-
[24]
Même codage que la note 12.
Bibliographie
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- Appelbaum, Eileen, 2002 « The impact of new forms of work organization on workers », dans : Gregor Murray, Jacques Bélanger, Anthony Giles et Paul-André Lapointe (dirs), Work and Employment Relations in the High Performance Workplace, Londres et New York, Continuum, 120-149.
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