Comptes rendus

Françoise-Romaine Ouellette, Renée Joyal et Roch Hurtubise (dirs), Familles en mouvance : quels enjeux éthiques ?, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 399 p. (Culture et société.)[Record]

  • Marie-Thérèse Lacourse

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  • Marie-Thérèse Lacourse
    Département des sciences sociales,
    Cégep François-Xavier-Garneau.

Quelles voix (comme dans voix au chapitre) font entendre les chercheurs des sciences sociales sur les enjeux éthiques de l’institution familiale en changement ? La question se pose dans le contexte québécois de débats fortement médiatisés sur les dérives présumées des politiques sociales touchant les familles qui ont été mises en place depuis les années 1970. Par exemple, le documentaire du journaliste Paul Arcand, Les Voleurs d’enfance, prétend dénoncer le rôle et les objectifs visés par le Directeur de la protection de la jeunesse pour les enfants en difficulté. Plus récemment, le pédiatre Jean-François Chicoine lançait un pavé dans le programme québécois de garde à la petite enfance en soumettant que les enfants de moins de deux ans ne devraient pas fréquenter une pouponnière, du moins pas de manière extensive, ajoute-t-il en guise de nuance. La publication de l’ouvrage collectif Familles en mouvance : quels enjeux éthiques ? survient au moment où ces questionnements semblent légitimes et se trouvent soulevés par des personnes, journalistes et spécialistes en psychodéveloppement, dont l’image publique est forte. Où se trouve alors la parole des chercheurs qui depuis maintenant plus de 30 ans ont fait des transformations familiales contemporaines leur champ d’études ? Force est de constater que les données probantes et les analyses des sciences sociales demeurent toujours en vase clos. Les analyses surtout, alors que le discours de santéisation des médecins, pédiatres et psychologues est prépondérant. Comme si toute la vie familiale se résumait aux pathologies rencontrées dans un cadre clinique et n’était plus le fait des rapports sociaux, mais reposait sur la « bonne recette » développementale. Puis, en surimpression du paradigme neuroévolutionniste, voilà que le législateur en vient à formuler des règles de droit qui bouleversent l’ordre social et symbolique de la filiation sans s’appuyer sur des données de recherche. Au-delà du bien-fondé d’ajouter l’apport des sciences sociales aux débats en cours, les discours actuellement médiatisés en disent long sur l’incapacité de ces dernières à se faire entendre. C’est dans cet esprit que j’ai entrepris la lecture des présentations faites dans le cadre du colloque international Familles en transformation : quels enjeux éthiques ? tenu en février 2004 sous la responsabilité du groupe interdisciplinaire « Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles ». Plusieurs spécialistes français et québécois des transformations de l’institution familiale ont été mis à contribution, ce qui garantit une valeur certaine à l’ensemble. Le livre est divisé en deux parties distinctes. La première rassemble des textes s’articulant autour de la problématique des nouvelles formes de parenté (les parentés plurielles) et de la filiation (notamment la filiation homoparentale et l’adoption plénière). La deuxième partie traite de l’accompagnement par les intervenants sociaux des membres des familles en difficulté (placés sous l’égide de l’État) et de l’engagement des proches auprès des parents âgés fragilisés. Le canevas argumentaire amène à nommer les enjeux et à déterminer de quel côté ils se situent. Par exemple, se plaçant du côté des expériences familiales et parentales, les auteurs interrogent les valeurs à privilégier, les normes morales à établir et les pratiques éducatives à mettre en oeuvre par les adultes. Mais quand la réflexion s’oriente du côté des chercheurs et des intervenants sociaux, ce sont alors les limites à poser à l’intervention qui sont mises sous éclairage. Les intervenants sociaux agissant dans le cadre prescriptif de codes de déontologie et étant affectés d’un mandat légal d’intervention auprès des personnes en difficulté, l’enjeu éthique se pose avec acuité. Enfin, les interventions possibles et nécessaires auprès des personnes âgées fragilisées montrent les conflits latents entre les principes éthiques de la bienfaisance (et son miroir inversé la non malfaisance) …

Appendices