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Nathalie Hamel présente le résultat de ses recherches doctorales pendant lesquelles elle s’est intéressée à l’histoire et à la patrimonialisation de la collection Coverdale. Constituée par l’homme d’affaires d’origine ontarienne et président de la Canada Steamship Lines (CSL), William Hugh Coverdale (1871-1949), cette collection d’entreprise a d’abord été créée afin de décorer les hôtels de villégiature de la compagnie. Elle va toutefois jouir d’une reconnaissance grandissante qui va mener les institutions fédérale et provinciale à intégrer ce corpus à leurs collections nationales. Comment la collection Coverdale a-t-elle acquis cette reconnaissance et comment a-t-elle participé à la formation d’un « imaginaire patrimonial collectif » ? Afin de répondre à ces questions, Nathalie Hamel, ethnologue et consultante en patrimoine, retrace l’histoire de cette collection d’entreprise en s’intéressant à la fois à sa constitution et à sa patrimonialisation. Bien que Coverdale soit reconnu en tant que collectionneur et que son oeuvre jouisse d’une certaine notoriété, la collection et son auteur avaient été peu étudiés dans le passé. De façon générale, l’étude des collections s’est souvent limitée à la présentation des origines de celles-ci et de leur contenu. Les recherches de Nathalie Hamel se démarquent de ces études en empruntant à Igor Kopytoff le concept de « biographie culturelle », souvent utilisé dans les recherches en culture matérielle, et en l’appliquant à l’étude des collections. Cette approche permet d’identifier les différentes étapes qui ont marqué la vie de ce corpus, de l’achat des premières pièces en 1928 à aujourd’hui, et permet de voir comment cet ensemble a acquis cette signification particulière.
L’auteure a structuré son ouvrage en deux parties. La première, « La construction d’un patrimoine », présente les différents axes de collectionnement adoptés par la CSL, de leur création jusqu’au décès de Coverdale en 1949, moment où l’entreprise cesse l’acquisition de nouveaux objets. Chaque chapitre composant cette partie trace le portrait d’un volet particulier de la collection, soit la collection d’oeuvres d’art du Manoir Richelieu, la collection d’objets ethnographiques et mobiliers de l’Hôtel Tadoussac et la collection d’objets archéologiques amérindiens. Cette dernière était présentée à l’intérieur du poste Chauvin, une réplique du premier poste de traite de la Nouvelle-France qu’avait fait construire la CSL à proximité de l’Hôtel Tadoussac. Le quatrième chapitre s’intéresse plus particulièrement à l’acquisition par la CSL, en 1946, des boiseries de la Maison Estèbe de Québec qui s’insère dans un contexte particulier de prise de conscience et de nouvelles préoccupations patrimoniales qui émergent à cette époque dans la province.
Dans la seconde partie, « La transmission de l’héritage », l’auteure s’intéresse à la patrimonialisation de la collection en analysant l’intégration de ce corpus aux collections nationales de 1949 à aujourd’hui. Elle dresse d’abord un portrait synthèse de la collection au moment du décès de Coverdale, puis présente les étapes qui ont mené à sa nationalisation. Alors qu’il était président de la CSL, l’homme d’affaires avait manifesté le désir de transmettre cet héritage. Or, aucune mesure n’avait été prise en ce sens par Coverdale ou par la compagnie. Après la mort du collectionneur, la CSL cesse les acquisitions, mais conserve les objets dans les hôtels. Lorsque ces derniers sont vendus à la fin des années 1960, les gouvernements fédéral et provincial s’étant montrés grandement intéressés à accueillir dans leurs institutions cette collection considérée comme un « trésor national » se séparent l’ensemble. Cependant, pour la population de Tadoussac, ce départ de la région se traduit par un sentiment de perte de ce qu’elle considérait comme son patrimoine. Les annexes dressent la liste des collections de la CSL et des expositions auxquelles elles ont participé. On y présente également la localisation actuelle des objets et un tableau synthèse qui met en parallèle l’évolution des différentes collections et les évènements spécifiques liés à l’histoire de la conservation du patrimoine au Québec, au Canada et aux États-Unis. Cette chronologie est particulièrement éclairante puisqu’elle permet une meilleure vue d’ensemble des évènements.
En s’attardant aux différents contextes (de collectionnement, d’utilisation et de patrimonialisation de la collection), Nathalie Hamel fait ressortir le parcours du corpus étudié. En réponse à ses questions de recherche, elle identifie divers éléments qui ont mené à la patrimonialisation de la collection. La sélection des objets et leur conservation sont le point de départ du processus. Ensuite, le rayonnement de la collection par sa promotion et sa diffusion permet une reconnaissance de la part des spécialistes dans le domaine et de la population. Une situation de crise ou une menace peut également participer à ce processus en stimulant l’intégration au patrimoine. Puis, un acte officiel prouve la reconnaissance collective dont jouit l’élément ainsi patrimonialisé. Dans le cas de la collection Coverdale, cet acte correspond à son acquisition par des institutions nationales.
Cet ouvrage montre que le choix des pièces, leur intégration à une collection et leur patrimonialisation dépassent l’intérêt personnel de l’individu ou de l’institution qui les sélectionne. Ce choix témoigne de certaines valeurs signifiantes pour la société. L’ouvrage fait également ressortir le pouvoir accordé aux collectionneurs. Dans le cas de Coverdale, les institutions ont adhéré à la vision de l’histoire culturelle canadienne et québécoise véhiculée par l’homme d’affaires et son équipe. La représentativité de la collection n’ayant pas été remise en question, les objets qu’on y retrouve ont eu une influence sur notre perception de la culture. La collection Coverdale. La construction d’un patrimoine national est un ouvrage bien documenté qui permet aux lecteurs de découvrir le parcours d’une collection importante aujourd’hui intégrée aux collections nationales et d’approfondir leur connaissance sur l’histoire de la conservation du patrimoine au Québec. La patrimonialisation de l’oeuvre de Coverdale s’inscrit dans un contexte politique particulier de nationalisme. En s’intéressant à la construction du patrimoine et au processus de constitution des collections nationales, l’ouvrage fait ressortir le lien entre patrimoine et identité.