Note critique

Le mouvement étudiant québécois : son rapport aux médias, à l’opinion publique et au gouvernement en temps de criseJosianne Millette, De la rue au fil de presse. Grèves étudiantes et relations publiques, Québec, PUL, 2013, 174 p.Pierre-André Tremblay, Michel Roche et Sabrina Tremblay (dir.), Le printemps québécois. Le mouvement étudiant de 2012, Montréal, PUQ, 2015, 216 p.[Record]

  • Eugénie Dostie-Goulet

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On a beaucoup écrit sur le mouvement étudiant québécois depuis 2005, et encore plus depuis la mobilisation de 2012. La littérature qui lui avait été consacrée avant ces évènements, bien que moins abondante, n’était cependant pas inexistante, loin s’en faut. On peut notamment citer l’histoire du mouvement étudiant de Benoit Lacoursière (2007), qui fait référence. Mais si avant 2005 on écrivait sur l’histoire du mouvement, sur les associations étudiantes elles-mêmes, sur leurs gains et pertes ou sur leurs relations avec le gouvernement, les récentes grèves ont fait ressortir d’autres pans moins abordés de ces mobilisations. Il a ainsi beaucoup été question de répression (Dupuis-Déri, 2014) et du cadre juridique de la mobilisation (Makela et Audette-Chapdelaine, 2013), ainsi que du rôle des médias (traditionnels et sociaux) et des relations publiques en général (voir par exemple Gallant, Latzo-Toth et Pastinelli, 2015; Provencher, 2012; Sauvageau et Thibault, 2013). Bien que cette perspective ne soit pas réellement nouvelle, puisqu’elle a fait l’objet d’une contribution par Patrick Champagne dès 1984 (voir Neveu, 2010), les récentes mobilisations (y compris au Québec) ont montré l’importance grandissante du rapport aux médias pour les mouvements sociaux contemporains. S’il en est ainsi, c’est notamment parce que la grève de 2005, lancée pour contrer la décision gouvernementale de transformer 103 millions de dollars de bourses étudiantes en prêts, puis celle de 2012, contre l’augmentation des droits de scolarité, ont largement débordé du cadre habituel des grèves étudiantes. Sans être des pratiques courantes, celles-ci n’ont rien d’exceptionnel. Depuis 1958, une dizaine de grèves étudiantes se sont succédé, déclenchées généralement autour d’enjeux financiers (aide financière, frais de scolarité). Cependant, ces mobilisations de masse étaient habituellement courtes, alors que les grèves récentes – et particulièrement celle de 2012 – ont eu une visibilité qui s’est maintenue pendant plusieurs mois. Il s’agit d’une exception non seulement à l’échelle québécoise, mais aussi en comparaison avec l’Europe, où seulement quelques mobilisations ont duré aussi longtemps au cours des dernières décennies (Dufour et Savoie, 2014). Au-delà de leur durée exceptionnelle, ce qui retient l’attention est la portée sociale des mouvements de 2005 et encore plus de 2012, qui ont reçu l’appui d’une bonne partie de la population et sur lesquels se sont greffés des enjeux allant parfois bien au-delà de l’éducation (Brisson, 2012). Au printemps 2015, une partie du mouvement étudiant a tenté de faire renaître l’effervescence de 2012, pour s’opposer cette fois de façon plus générale à la politique d’austérité (ou de rigueur budgétaire, selon les points de vue) mise en oeuvre par le gouvernement libéral. L’absence de consensus au sein du mouvement et des revendications, moins claires qu’en 2012, qui n’ont pas suscité l’adhésion de la population, auront été parmi les facteurs nuisant cette fois à la mobilisation. Selon Joseph-Yvon Thériault (2015), c’est la radicalisation des actions qui a eu les conséquences les plus néfastes sur le mouvement de grève étudiante, l’empêchant de se transformer en grève sociale. Dans le contexte actuel, où deux mouvements de grève victorieux ont été suivis d’une mobilisation qui a rapidement avorté, il est particulièrement pertinent de tenter de saisir la genèse des conflits, leur organisation, et les conséquences qui en ont découlé. C’est dans cette mesure que les nombreux textes écrits sur ces mobilisations prennent toute leur importance. L’ouvrage de Josiane Millette (2013) s’inscrit dans cette tendance et présente le changement de cap opéré par le mouvement étudiant québécois dans son rapport aux médias au cours des dernières années. Repartant des grèves de 2005 et 2012, l’auteure en présente les similitudes et les différences dans une perspective axée sur les …

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