PrésentationManifestations contemporaines de la vie familiale[Record]

  • Domininique Morin and
  • Frédéric Deschenaux

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L’appel de textes pour ce numéro misait sur le caractère équivoque de certains termes. Le but était de réunir des contributions qui pourraient déborder les limites floues d’un champ d’étude portant sur la famille et les expériences familiales contemporaines. Reprendre l’idée sociologique classique de vie familiale incite à explorer l’évolution des phénomènes sociaux qui s’y rattachent. Pour dire les choses d’une manière contrastée, les sociologues ont d’abord conçu des types familiaux pour apercevoir, comprendre et prévoir les transformations de la vie de famille dans l’évolution des sociétés occidentales; puis ils se sont progressivement détachés de ce mode de saisie intellectuelle de l’évolution sociale pour souligner davantage la pluralité et le caractère changeant des situations familiales, incompatibles avec l’effort de classification et de prévision des formes de vie de famille. Après un temps de crise opposant les traditions, normes et modèles hérités aux appels à l’émancipation dans l’individualisme, comment la sociographie pourrait-elle renouveler la question générale de la situation et de l’évolution de la vie familiale? Cette question se pose aussi et plus spécifiquement pour la société québécoise dont les familles ont toujours évolué en marge des schémas théoriques importés des métropoles de l’Europe et des États-Unis. Plutôt que de dresser un bilan sommaire des études qui touchent la vie familiale au Québec, cette introduction pointe quelques horizons de recherche où elles pourraient s’engager. L’expression manifestations de la vie familiale visait d’abord à inclure dans notre invitation des études rendant sensible et représentable la perpétuation d’un fait familial qui s’impose encore à travers la reproduction de traditions plus ou moins récentes, la perennité du « naturel » entretenu par les habitudes et l’expérimentation de nouveautés sur un fond de pratiques et de représentations transmises. Nous savons par exemple que personne n’échappe aux délimitations sociales des âges de la vie, et que les attentes spontanées qui s’exercent à l’endroit des hommes et des femmes restent associées à la reproduction familiale et aux rôles assignés par la filiation et l’alliance. Mais sans un détour par une sociographie contemporaine, nous serions bien en peine de répondre à la question de savoir ce qu’il advient de ces délimitations, attentes et rôles dans l’évolution actuelle de la vie familiale. Nos relations spécifiques avec les personnes, les groupes, les biens et les espaces considérés comme étant « de la famille » demeurent les références premières à partir desquelles nous apprenons à nous situer dans notre vie avec les autres. Cependant, on voit mal comment le vivre ensemble est transformé dans un monde où le cercle de la famille et ses volontés se représentent et s’imposent aux individus à travers une communication dominée par les termes de l’individualisme et de la démocratie. Que les témoignages de participants aux enquêtes mettent davantage en valeur l’égalité, le libre choix et la responsabilité des adultes engagés auprès de proches et d’enfants, appelés à s’épanouir avec eux et à les aimer librement, n’empêche pas les injonctions du don, de l’héritage et de la reproduction familiale de resurgir à l’avant-scène dans des moments de vérité moins propices à la négociation et à la prise de parole pour soi. Le choix résidentiel dominant au Québec, et qui se perpétue depuis l’après-deuxième-guerre, consistant à s’endetter pour s’établir en famille dans une maison dont on est propriétaire, ne représente-t-il pas le prolongement d’une tradition canadienne-française, celle des sacrifices que l’on faisait autrefois pour se lotir à la campagne, habiter sa maison et acquérir son indépendance économique? Le discours tenu de nos jours par les parents qui revendiquent l’importance du « temps de qualité en famille » face au travail qui envahit leur emploi du temps, non …

Appendices