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Cet ouvrage a pour objet « le destin des familles nobles suite au démantèlement des territoires français en Amérique du Nord, 1760-1840 », comme l’indique son sous-titre. L’introduction avertit le lecteur des conditions particulières de rédaction de cet ouvrage, dont l’auteur est décédé en 2016 avant de l’avoir achevé, le livre ayant été remanié et révisé pour être publié de manière posthume en 2020.

Organisé selon une approche chronologique, et structuré en sept chapitres, il couvre une période assez longue allant de la perte de la Nouvelle-France par la France en 1760 à l’Acte d’Union de 1840. L’auteur retrace, à partir de ce découpage historique et des événements présentés, les différentes situations dans lesquelles se retrouvent les nobles canadiens, les obligeant à s’adapter aux changements de conjoncture.

Les deux premiers chapitres exposent les circonstances de départ des nobles canadiens qui ont décidé de quitter le Canada au lendemain de la Conquête et leurs installations diverses dans le royaume de France. Le troisième chapitre, consacré aux quinze premières années du régime anglais, couvrant ainsi de nombreux changements politiques (administration Carleton, Acte de Québec), présente la situation des nobles canadiens qui ont décidé de rester au Canada ou qui y sont revenus. Le chapitre 4 intitulé « un épisode houleux : l’invasion américaine » s’étend en réalité au-delà de cet événement en allant jusqu’à l’Acte constitutionnel de 1791. Après un chapitre 5 exposant la question du positionnement des nobles canadiens face à la Révolution française, sont évoqués « les débuts du parlementarisme canadien » (chapitre 6), à nouveau sur un temps long puisque ce chapitre couvre également la guerre de 1812. Enfin le dernier chapitre (7) porte sur « la noblesse canadienne à l’orée des Rébellions » jusqu’à l’Acte d’Union de 1840.

L’ouvrage est guidé par un souci d’exhaustivité. L’auteur a fait un véritable travail de recherche et de recensement des trajectoires de nombreux individus nobles canadiens que l’on retrouve très aisément grâce à l’index de fin d’ouvrage. Ce livre permet ainsi de découvrir et de comparer les parcours d’un grand nombre de nobles canadiens et de leurs familles. Les notes de bas de page, nombreuses, témoignent de la volonté de l’auteur de documenter précisément son propos. Les sources qui ont été retenues pour écrire le livre sont principalement issues de la correspondance et des récits historiques. L’ouvrage est agrémenté de très nombreuses citations, souvent des extraits de correspondance, qui invitent le lecteur à plonger au plus près de la situation dans laquelle se trouvaient les nobles canadiens. En plus des citations, l’auteur a ajouté de très nombreuses illustrations, principalement des portraits de nobles canadiens permettant d’incarner les personnages qui construisent cette histoire. La lecture en est donc tout à fait plaisante.

Ce livre remplit l’objectif qu’il annonce en introduction, à savoir retracer par « une description minutieuse des faits » « le parcours d’individus d’une même famille sur plusieurs générations », en se laissant guider par les sources retenues. En effet, l’auteur s’appuie principalement sur les notices du Dictionnaire biographique canadien, sur des récits comme celui de Philippe Aubert de Gaspé, ou sur des monographies familiales (Robert de Roquebrune, Pierre-Georges Roy, etc.) qui, malgré l’utilisation complémentaire d’ouvrages d’historiens plus récents, entraînent le propos vers une forme de récit historique. C’est la conjoncture qui structure la présentation de ces parcours et non les plans d’action adoptés par les nobles canadiens. L’auteur a choisi de répondre de manière descriptive aux nombreuses questions soulevées en introduction, là où une analyse plus fine des « stratégies mises en place par ces nobles canadiens » aurait pu être attendue.

L’ouvrage a le mérite de présenter une bonne synthèse, accessible et utile, qui retrace clairement ce qu’il est advenu des nobles canadiens entre la Conquête et l’Acte d’Union en parcourant les différents changements de conjoncture politique qui s’enchaînent de 1760 à 1840.