Réalisé sous la direction d’Yves Dutercq, ce collectif présente une fine analyse critique du processus de décentralisation de la gouverne de l’éducation, vécu dans différents pays européens, et ce, de manière plus intense depuis l’intégration européenne. Cette analyse m’apparaît fine, car tout en ayant un caractère international, elle aborde cette problématique d’un point de vue à la fois micro et macro. Elle est également critique : elle permet de mettre en exergue les incohérences et contradictions présentes dans ce processus. Après avoir résumé chacun des principaux textes, je conclurai en partageant mes observations quant aux forces et faiblesses de cet ouvrage. Le collectif comprend onze textes, dont une introduction et une conclusion signées par Yves Dutercq et une postface de Michel Fabre. L’analyse macro se retrouve plus particulièrement dans les chapitres signés par George Solaux (analyse historique), Christian Maroy (comparaison entre cinq pays) et Joao Barroso (de la régulation transnationale à la régulation locale) et l’analyse micro dans les chapitres signés par Vincent Lang (le cas des inspecteurs d’académie), Agnès Van Zanten (le cas des configurations locales) et Christophe Michaut (le cas des universités). Une analyse de niveau meso est également présentée dans les chapitres d’Yves Dutercq (la gestion par les collectivités territoriales) et de Rémy Le Saout (la gestion intercommunale). L’analyse de Georges Solaux porte sur l’évolution des modes de régulation de l’éducation en contexte français et européen de 1930 à nos jours. Elle est construite à partir de textes, dont les sites web d’organisations internationales telles que le FMI et la Banque mondiale. Solaux souhaite montrer que l’évolution des modes de régulation de l’éducation en France dépend des idéologies dominantes, elles-mêmes reliées à des courants sociétaux plus larges. Dans ce but, il utilise comme concepts-clés les notions d’individu, de réflexivité, de gouvernance et de complexité. Cette analyse l’amène à constater, entre autres, la promotion de la concurrence comme moyen de régulation et l’émergence de la préséance du principe de liberté sur celui d’égalité, ce qui lui fait conclure que l’école n’échappe pas aux tendances vers le libéralisme. À partir de six études de cas, Maroy présente une analyse comparative des formes de régulation intermédiaire dans cinq pays européens : l’Angleterre, la France, la Belgique, le Portugal et la Hongrie. L’objectif est de comparer l’évolution des modes de régulation dans ces cinq pays et de voir leur influence sur les systèmes d’éducation. Après avoir décrit chacun des contextes étudiés, Maroy procède à une analyse comparative en utilisant la théorie sociologique des organisations et du travail. Il observe en conclusion que les processus de décentralisation de la gestion des systèmes d’enseignement s’accompagnent d’un certain renforcement des instances de régulation intermédiaire, sauf en Angleterre. Maroy voit là le signe possible du déclin de l’autonomie traditionnelle du champ scolaire par rapport au champ social (p. 83). S’appuyant sur deux études de cas des Inspecteurs d’académie, Vincent Lang discute de l’influence de la déconcentration sur la ligne hiérarchique de l’administration de l’éducation nationale en France. Constatant les tensions et contradictions provoquées par les processus simultanés de décentralisation politique et de déconcentration administrative, Lang se demande si la déconcentration vise réellement un plus grand partage des pouvoirs et des responsabilités. Agnès van Zanten s’est, elle aussi, intéressée au développement des niveaux de régulation intermédiaire et au rôle des acteurs, mais du point de vue de leur légitimité perçue. Elle a procédé à une enquête, également de type étude de cas, sur les modes de régulation des systèmes éducatifs. Sur la base de ses données, Van Zanten est d’avis que l’émergence d’une régulation territoriale apparaît problématique, étant donné la fragile légitimité des instances et …
Dutercq, Y. (2005). Les régulations des politiques d’éducation. Rennes, France : Presses universitaires de Rennes[Record]
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Claire Lapointe
Université Laval