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Introduction

Dans ce numéro spécial visant à faire le point sur la diversité de la recherche en petite enfance, les auteurs présentent une étude[1] qui s’appuie sur un cadre théorique encore peu développé en Amérique, celui des représentations sociales (Moscovici, 1961/1976). Élaboré par Moscovici depuis 1961, sa popularité n’a cessé de croître ces dernières décennies, donnant naissance à divers courants théoriques[2] et à de nombreux travaux empiriques. L’intérêt de cette théorie pour le présent article est double : par ses postulats de base et ses méthodes, elle permet une appréhension globale et intégrative de phénomènes humains complexes; par son caractère dynamique, elle offre la possibilité d’en explorer les mécanismes de construction, d’actualisation et de transformation, qui s’opèrent à travers les interactions des individus et des groupes dans un univers social donné. Pour cette étude, est retenu le courant théorique de l’école de Genève (Doise, 1990; Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi, 1992), qui postule que toute représentation n’est sociale que lorsqu’elle fait l’objet d’un enjeu pour une certaine population, enjeu qui provoque, au cours des échanges interindividuels et intergroupes qui s’ensuivent, des prises de positions variables selon des « principes organisateurs » au reflet des insertions sociales des uns et des autres. Pour illustrer certains aspects de cette démarche, sont présentés les résultats d’une étude portant sur les représentations sociales de l’alimentation chez trois groupes en interaction : des enfants de la maternelle et de la première année du primaire, leurs parents et leurs enseignants.

La théorie des représentations sociales (RS)

Définies à l’origine comme étant un « savoir de sens commun », les RS sont conçues comme des « systèmes de valeurs, de notions et de pratiques » (Moscovici, 1969, p.11), ou encore comme des ensembles sociocognitifs (Abric, 1994) formés d’images, de symboles, de croyances, d’opinions, de connaissances et de concepts construits et socialement partagés par des individus et des groupes en interaction. Ces RS sont à la fois psychologiques, de par le vécu et l’histoire des individus qui participent à leur construction, et sociales, de par les liens que ces mêmes individus entretiennent avec les contextes sociaux dans lesquels ils vivent (Abric, 1994; Garnier, 2000; Jodelet, 1989). Selon Doise (1990), le rôle joué par les interactions sociales est déterminant non seulement dans les processus de construction et de maintien des RS mais aussi dans la régulation des rapports sociaux.

La construction ontogénétique des RS

Envisager les RS dans une perspective développementale est une orientation relativement récente. Parmi les auteurs qui s’y sont consacrés, il faut mentionner, entre autres, Chombart de Lauwe (1971, 1989), de Rosa (1990), Duveen et Lloyd (1990), Emler, Ohana et Dickinson (1990) et Garnier (1999). Selon Duveen (1999), « les enfants naissent dans un monde déjà structuré par les RS des communautés qui les accueillent » (p. 114). Dès leurs premières interactions avec leur univers social, les enfants commencent à intérioriser les identités qui leur sont attribuées et à structurer leur pensée, leur sensibilité et leur activité en fonction des RS de leur communauté. L’étude du développement ontogénétique des RS n’est donc pas uniquement l’exploration des représentations que se font les enfants du monde social et physique qui les entoure mais aussi la recherche des processus sociaux qui en permettent l’émergence, et des structures psychologiques, considérées comme des produits sociaux, qui les organisent. Ce dernier point, qui confère aux structures psychologiques un caractère symbolique, distingue la théorie du développement des RS des autres théories du développement (Duveen, 1999). Les études de Duveen (1989, 1990) sur le développement des RS du genre chez des enfants de 18 mois à cinq ans sont instructives à cet égard. Les choix des jeux par les enfants sont, déjà à un âge très précoce, marqués par le genre : d’une part, ils reflètent la vision d’une appartenance à un groupe sexué adulte; d’autre part, dans les premières élaborations d’une représentation du genre, certains enfants s’expriment de façon imagée en termes d’opposition binaire du masculin et du féminin. Ces constats révèlent l’action parallèle des deux processus participant à la construction d’une RS : l’objectivation[3] ou la concrétisation de la réalité représentée (selon Moscovici, son noyau figuratif) et l’ancrage[4] ou l’interprétation de cette réalité en fonction des insertions sociales des individus dans les divers groupes auxquels ils s’identifient (Doise, 1990). Par ces aspects dynamiques, le modèle théorique des RS offre la possibilité de saisir à la fois les convergences et les divergences émanant des interactions et des rapports interindividuels et intergroupes.

La présente étude : les RS de l’alimentation

La présente étude s’intéresse à certains aspects d’une réalité profondément ancrée dans la vie quotidienne, l’alimentation. Cet acte universel, porteur de traditions et rejoignant l’identité des gens, leur rang social et leur appartenance culturelle (Fischler, 1988), a depuis longtemps retenu l’attention des chercheurs; les nombreux travaux, passés et actuels, menés selon diverses perspectives anthropologique, historique, économique, sociale ou psychologique, en témoignent de façon éloquente (Giachetti, 1996).

L’intérêt d’en étudier les manifestations chez les jeunes enfants est plus récent et en partie lié à l’apparition de problèmes alimentaires à des âges de plus en plus précoces. En effet, selon l’OMS (2003), les prévalences d’embonpoint et d’obésité atteignent des niveaux sans précédent dans les pays industrialisés, y compris chez les jeunes adultes et les enfants. Au Canada, plus du tiers des enfants de deux à 11 ans souffraient d’embonpoint en 1998-1999 (Statistique Canada, 2002); la prévalence de l’obésité aurait triplé chez les enfants de sept à 13 ans entre 1981 et 1996 (Carrière, 2003). L’importance récente qu’accordent les médias (Time magazine, divers journaux, émissions de télévision) à cette question et les enjeux qui en découlent sont propices à son étude dans le cadre des représentations sociales selon l’école de Genève.

L’alimentation n’est pas simplement la satisfaction d’un besoin physiologique, elle est un acte complexe qui renvoie à des réalités psychologiques, sociales et culturelles (savoirs, émotions, valeurs et rituels) (Lahlou, 1998). Ceci implique des interventions éducatives à divers niveaux : familial (Baughcum et al., 2000; Gillis, 1995), scolaire (Lytle et Perry, 2001), voire sociétal. Le milieu familial est sans conteste le premier laboratoire d’apprentissage des habitudes alimentaires, sous la responsabilité parentale; ce sont les parents qui décident quels aliments sont disponibles à la maison et dans quels contextes ils sont consommés (Baughcum et al., 2000). L’école, en tant qu’institution éducative, a également un rôle important à jouer. Cependant, malgré les nombreux programmes d’éducation à une saine alimentation déjà mis de l’avant, le bilan n’est pas convaincant (Brown, 2003; Harris, 2002; Petrillo et Meyers, 2002). Selon Brown (2003), les résultats limités obtenus sont dus au fait que, faute de temps, l’enseignement des règles d’une alimentation saine est souvent négligé au profit de matières jugées plus « essentielles ». Si par hasard cet enseignement a lieu, il se heurte fréquemment, dans les cantines scolaires, à la vente d’aliments à faible valeur nutritive. Face à ces constats, de nombreux chercheurs et éducateurs, préoccupés par le relâchement observé dans les pratiques alimentaires, préconisent des interventions éducatives plus globales, incluant parents, enfants et enseignants (Baughcum et al., 2000; Brown, 2003; Gillis, 2003; Harris, 2002; Massey-Stokes, 2002; Petrillo et Meyers, 2002). Enfin, dans notre société contemporaine qui vit sur le « mode publicitaire », les jeunes sont quotidiennement confrontés à des discours et des messages souvent contradictoires, émanant des médias et de la publicité (Jacquinot, 1995; Lebel, 1995). Il faut savoir qu’avant d’entrer en maternelle, un enfant nord-américain a déjà vu et entendu en moyenne 5 000 heures de télévision (Réseau Éducation-Médias, 2003). Selon une étude récente en France, près de 20 % de ce temps d’écoute est passé à regarder des annonces publicitaires (Jacquinot, 2002). Or, de ces annonces, les publicités alimentaires, très coûteuses et bien ciblées[5], suscitent de vives inquiétudes. À ce jour, très peu de travaux nous renseignent sur ce que les enfants retiennent et font des messages reçus des médias, de l’école et dans leur famille[6].

Les objectifs et étapes de recherche

L’objectif de la présente recherche est double : en examinant indépendamment trois groupes de participants normalement en interaction, l’étude vise à dégager des convergences et des divergences dans leurs RS de l’alimentation et à cerner d’éventuelles influences intergroupales ou socio-démographiques . Notre recherche vise à susciter la réflexion sur des interventions possibles auprès des enfants en vue de favoriser le développement et le maintien d’habitudes alimentaires saines dès leur plus jeune âge.

Le présent article s’intéresse plus particulièrement à dégager le contenu et la structure des représentations tels qu’exprimés par les trois groupes, à partir d’associations libres et spontanées (objectivation), et à vérifier jusqu’à quel point les associations obtenues sont susceptibles de différencier les groupes entre eux, selon certaines variables illustratives (niveau scolaire, sexe, statut, niveau socio-économique) (ancrage). Pour ce faire, la démarche d’analyse en trois étapes de l’école de Genève (Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi, 1992) est utilisée :

  1. Recension de l’étendue du champ représentationnel lié à l’alimentation;

  2. Extraction des dimensions qui en organisent le champ de signification;

  3. Examen des positionnements des répondants sur ces dimensions.

Les deux premières étapes relèvent plus particulièrement du processus d’objectivation en ce qu’elles permettent de vérifier le contenu et la structure des représentations liées à l’alimentation. Deux types d’analyse sont effectués à cet égard, à l’aide d’un logiciel de statistique textuelle, SPAD-T (Lebart, Morineau, Lambert et Pleuvret, 1999) : une analyse des fréquences, qui donne un aperçu de l’étendue des concepts spontanément évoqués et une analyse de correspondance simple (ACS à l’avenir) qui, par les dimensions extraites (principes organisateurs), permet d’observer comment s’organisent les évocations recueillies : contenu, qualité, fonction (ex. : instrumentale vs nutritive), but visé (ex. : santé, bien-être). La troisième étape, qui concerne surtout le processus d’ancrage, consiste à vérifier les liens qui existent entre les évocations spontanées et diverses variables socio-démographiques : chez les enfants, à partir de deux critères de socialisation (le sexe et le niveau scolaire); chez les adultes, en fonction du sexe, du statut (parents ou enseignants) et du niveau socio-économique (indice de défavorisation[7] de l’école fréquentée par les enfants), liens qui confèrent une signification aux dimensions dégagées.

La méthode

1. Participants

Les trois groupes en interaction (parents, N = 82; intervenants du milieu scolaire, N = 16; enfants, N = 91), ont été recrutés dans trois écoles primaires de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (sud-ouest de Montréal), pour un total de 189 personnes. Les enfants sont de deux niveaux scolaires : maternelle et première année. Ce choix tient au fait qu’à cette période, les enfants vivent leurs premières expériences d’intégration dans un nouveau milieu en même temps qu’ils accomplissent leur première véritable séparation des parents. On suppose que la diversité des points de vue qu’ils découvrent entraîne des ajustements majeurs dans leurs représentations. L’échantillon des parents représente 90 % de ceux qui ont également accepté que leur enfant participe à l’étude. Enfin, parmi les intervenants du milieu scolaire, on note 12 enseignants, trois directeurs d’école et une nutritionniste[8].

Les trois écoles ont été sélectionnées selon la technique d’échantillonnage théorique contrasté (Goetz et LeCompte, 1984), en se basant sur l’indice de défavorisation du ministère de l’Éducation (MEQ, 2003) [9]. Cette technique, privilégiée lorsqu’il s’agit de comparer des points de vue d’individus de différentes sous-cultures, positions ou catégories sociales, est particulièrement bien adaptée pour étudier les RS (Pires, 1997). Dans la présente étude, où l’intérêt est de dresser un tableau général des RS de l’alimentation, le choix de groupes sociaux contrastés sur trois variables, le niveau scolaire de l’enfant (maternelle et première année), le niveau socio-économique (de « favorisé » à « très défavorisé ») et la constitution ethnique[10], favorise la mise en évidence des spécificités de chacun de ces groupes.

2. Instruments

Cette étude, qui s’inscrit dans un programme de recherche plus large, est réalisée à l’aide d’une approche multiméthodologique (Abric, 1994) qui s’appuie sur des instruments (questionnaires, associations de mots, dessins, entretiens) et des analyses de type qualitatif et quantitatif (ACS, analyse de contenu et de discours, démarche ethnographique, Khi-carré, etc.). Pour le présent article, ne sont traitées que les données recueillies par la technique d’association de mots. Cette technique, qui consiste à énoncer un mot devant l’enfant (mot inducteur) et à lui demander d’émettre X autres mots (mots induits) qui lui font penser à ce mot, a été utilisée avec chaque enfant individuellement, durant les heures de cours, à l’école. Selon plusieurs auteurs (Abric, 1994; De Rosa, 1988; Doise, Clémence et Lorenzo-Cioldi, 1992), l’association de mots, très utilisée (Biber, 1996; Courtial, 1997; Di Giacomo, 1981; Le Bouedec, 1984; Vergès, 1992), est, grâce aux types d’analyse qu’elle permet, un moyen d’accès rapide aux éléments constitutifs d’une RS et à son organisation. Une de ces méthodes, l’ACS, permet de dégager les dimensions sous-jacentes aux réponses des participants et, à partir de leur organisation, de leur conférer une signification en fonction de certaines variables qui les caractérisent.

Pour la présente étude, trois associations de deux mots inducteurs, « manger » et « santé », sont examinées. Le choix de ces mots a été guidé par les résultats de travaux antérieurs sur les RS du corps, de la santé et de l’environnement (Garnier, 1999), qui ont montré les liens étroits qu’établissent les enfants, déjà à la maternelle et en première année, entre les RS de ces deux concepts.

3. L’analyse des résultats

Les associations obtenues des trois groupes de participants ont été soumises à une analyse lexicométrique, découpée en trois étapes : 1) la formation d’un dictionnaire : cette étape consiste à produire la liste et la fréquence d’occurrences obtenues pour chaque mot inducteur[11]; 2) la lemmatisation et l’établissement du seuil de fréquences : à partir du dictionnaire qui comprend X mots, on procède au regroupement des unités lexicales identiques (bon, bonne, bons, etc.) ou jugées très semblables[12] (viande, steak, steak haché, etc.); sont éliminés les unités lexicales jugées superflues (articles, prépositions, conjonctions, parfois les adverbes, etc.) ou les mots hors propos (miroir, photo, auto, voyage, etc.), de même que les unités dont la fréquence est inférieure à trois[13]; 3) l’ACS : cette analyse permet d’une part, d’examiner les cooccurrences des mots qui positionnent les associations obtenues à partir du mot inducteur, c’est-à-dire de vérifier l’étendue et l’organisation du champ de représentation, et d’autre part d’en projeter les résultats sur un plan bidimensionnel incluant également les variables illustratives ou actives (chez les enfants, le sexe et le niveau scolaire; chez les adultes, le sexe, le statut et le niveau socio-économique), afin d’établir les liens entre les dimensions dégagées (les axes du plan) et ces variables. Autrement dit, ce type d’analyse permet d’observer où sont ancrées les positions qui génèrent les dimensions organisatrices et différenciatrices du champ de représentation étudié (Doise et al., 1992) : plus les éléments s’éloignent du centre de la représentation graphique, plus ils contribuent à différencier les groupes sur chaque dimension dégagée.

Pour chaque mot inducteur, seuls les deux premiers facteurs (axes 1 et 2) sont décrits et interprétés. Tous les éléments inscrits dans la représentation graphique ont, selon les critères habituels, un degré de saturation de 0,30 minimum sur l’un ou les deux facteurs. Les éléments soulignés se rapportent au premier facteur, ceux non soulignés, au deuxième; la taille du cercle de chaque élément indique sa contribution absolue au principal facteur auquel il se rapporte et, de ce fait, permet de déterminer les éléments les plus contributifs à la dimension; enfin, les variables socio-démographiques sont identifiées par un triangle.

Dans les lignes qui suivent, sont présentées pour chaque mot inducteur, les associations les plus fréquentes (avant lemmatisation), suivies des résultats des analyses de correspondance simple effectuées sur les associations regroupées. Les représentations graphiques résument les dimensions dégagées, la contribution de chaque élément à la signification des dimensions et les positionnements des groupes selon les variables d’ancrage projetées sur le plan (niveau scolaire, sexe, statut, niveau socio-économique).

Résultats pour le mot « manger »

1. Chez les adultes (parents et enseignants)

Sur 297 associations émises, 114 formes lexicales distinctes sont recensées. Les cinq plus fréquentes sont « santé » (18), « bon » (17), « bonne compagnie » (16), « plaisir » (13) et « goût » (12). Lors de la lemmatisation, 52 équivalences ont été établies et 32 formes ont été éliminées. Une ACS a été réalisée sur les 30 formes distinctes restantes. Les deux facteurs dégagés expliquent 65,2 % de la variance totale; le premier en explique 34,2 % et le deuxième, 31 %. Leur combinaison est illustrée à la figure 1 :

  1. Sur l’axe horizontal (mots soulignés), dans les quadrants de gauche, l’acte de manger est associé aux mots « vaisselle », « fraîcheur », « détente », « variété », « goût », « famille », « plaisir » et « qualité »; ces associations, surtout typiques des personnes vivant en milieu favorisé et, en moindre importance, des hommes, révèlent une vision hédoniste de l’acte de manger; dans les quadrants de droite, manger est associé à « pause », « croissance », « produits laitiers », « viande », « légume », « nutrition », « gras », « bien-être » et « avoir faim » et révèle plutôt une vision nutritionnelle, typique des adultes en milieux très défavorisé et défavorisé (ethnique) et des femmes.

  2. Sur l’axe vertical (mots non soulignés), aux quadrants supérieurs, se retrouvent les associations « quantité », « nourriture », « bon », « fruit », « avaler » et « bonne compagnie », caractéristiques des enseignants et, en moindre mesure, des hommes et des personnes en milieu défavorisé (ethnique); ces associations montrent l’importance accordée à la quantité de bonne nourriture à ingérer et, en cela, révèlent une vision quantitative de l’acte de manger; dans les quadrants inférieurs, les associations « dîner », « souper », « déjeuner », « énergie », « santé » et « corvée » sont surtout émises par les parents et les femmes[14]; elles révèlent une vision à la fois fonctionnelle par le lien établi avec les pratiques alimentaires journalières et qualitative par le souci exprimé à l’égard de la santé.

Figure 1

Analyse de correspondance simple sur le mot « manger » à partir des associations émises par les adultes (parents et enseignants)

Analyse de correspondance simple sur le mot « manger » à partir des associations émises par les adultes (parents et enseignants)

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En bref, les facteurs socio-économiques expliquent la principale distinction entre les adultes interrogés; les plus nantis voient dans l’acte de manger un moment de plaisir et d’agrément, alors que les plus démunis définissent cet acte en termes nutritionnels. Une deuxième polarité se dégage entre statuts (parents/enseignants) et, de façon moindre, entre sexes; alors que les enseignants et les hommes pensent l’acte de manger en termes surtout quantitatifs, les parents et les femmes le voient plus lié à la régularité des repas et des activités qui y sont reliées, avec un certain souci pour la santé. Cette répartition coïncide, dans les grandes lignes, avec la distribution des rôles dans les pratiques alimentaires journalières : alors que les femmes se préoccupent de la dimension fonctionnelle de l’alimentation (préparation des repas, nettoyage subséquent), sans négliger ses effets sur la santé, de leur côté, les hommes jettent un regard appréciatif sur les repas et sur l’ambiance dans laquelle ils se déroulent.

2. Chez les enfants

Le mot « manger » donne lieu à 264 associations, dont 96 formes lexicales distinctes. Les plus fréquentes sont « manger » (45), « spaghetti » (15) et « poulet » (9). Comme on s’y attendait, les associations des enfants sont plus concrètes que celles des adultes. Les équivalences établies lors de la lemmatisation sont au nombre de 46 et 13 formes sont éliminées. Une ACS est menée sur les 37 formes distinctes restantes. Les deux facteurs dégagés expliquent 61,5 % de la variance totale; le premier en explique 33,3 % et le deuxième, 28,2 %. Leur combinaison est illustrée à la figure 2 :

  1. Sur l’axe horizontal (mots soulignés), dans les quadrants de gauche, l’acte de manger est associé aux aliments constitutifs d’un menu traditionnel complet : « produits laitiers », « carottes », « soupe », « poulet », « spaghetti », « pâté chinois » et « dessert »; ces associations sont émises par les enfants de milieu défavorisé (ethnique), de la maternelle et les filles. À cause de la simple énumération qu’ils font des aliments et de certains mets, on peut qualifier leur vision de concrète et descriptive. Dans les quadrants de droite, les associations réfèrent plutôt au « repas », à la « bonne santé » et au fait de « grandir »; quelques aliments bourratifs (pâtes, blé d’inde, patates) sont également énoncés, mais de façon moins importante. On peut parler d’une vision plus abstraite et motivée de l’acte de manger qui regroupe surtout les enfants de milieu favorisé, de sexe masculin et de première année.

  2. Sur l’axe vertical (mots non soulignés), dans la partie supérieure, se retrouvent les mots « avoir faim », « aimer manger », « orange », « est bon », « McDonald‘s », « jus », « hamburger » et « hot-dog » et quelques mots se rapportant aux instruments utilisés pour manger : « table », « ustensiles » et « assiettes »; ainsi, le mot « manger » suscite d’une part des jugements appréciatifs dans le sens de préférences alimentaires (fast food), et d’autre part l’énumération d’instruments liés à l’acte de manger. S’y retrouvent surtout les enfants de milieu très défavorisé, de sexe féminin et de maternelle. Dans la partie inférieure, les associations « pain », « viande», « banane », « macaroni », « pizza », « riz », « céréales », « nourriture », « fruits », « bonbons » et « manger » offrent plutôt une image caractérisant certaines habitudes alimentaires (repas familiers); elles sont surtout typiques des enfants de milieux défavorisé (ethnique) et favorisé, de sexe masculin et de première année.

Figure 2

Analyse de correspondance simple sur le mot « manger » à partir des associations émises par les enfants

Analyse de correspondance simple sur le mot « manger » à partir des associations émises par les enfants

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En résumé, sur la première dimension, à une vision concrète et descriptive de l’acte de manger chez les enfants de milieu défavorisé (ethnique), les enfants de la maternelle et les filles, s’oppose une vision plus abstraite et intentionnelle chez les enfants de milieu favorisé, de sexe masculin et en première année. Pour la deuxième dimension, la distinction entre préférences alimentaires et habitudes alimentaires révèle une opposition entre d’un côté, les enfants de milieu très défavorisé, les filles et les enfants de maternelle, qui affichent leur goût pour le fast food et montrent une préoccupation pour le côté instrumental de l’acte de manger, et de l’autre côté, les enfants des milieux défavorisé (ethnique) et favorisé, de sexe masculin et de première année, qui se concentrent plutôt sur les composantes des repas familiers. Sur les deux dimensions, ce sont surtout les facteurs socio-économiques (et culturels) qui semblent prévaloir. À noter la distinction relevée entre filles et garçons, les premières se montrant plus expressives dans leur goût et plus préoccupées par l’aspect fonctionnel de l’alimentation, à l’image de leur mère, par rapport aux garçons qui se montrent plus abstraits et plus détachés.

Résultats du mot « santé »

1. Chez les adultes

Sur 266 associations émises, 117 formes lexicales distinctes sont recensées. Les plus fréquentes sont « exercice » (20), « légumes » (17), « fruits » (16), « alimentation » (10), « activité physique » (8) et « bien-être » (8). Lors de la lemmatisation, 58 équivalences ont été établies et 36 formes ont été éliminées. L’ACS sur les 23 formes distinctes restantes permet de dégager deux facteurs qui expliquent 80,6 % de la variance totale (le premier, 64,3 % et le deuxième, 16,3 %). Leur combinaison est illustrée à la figure 3 :

  1. l’axe horizontal (mots soulignés) révèle une configuration inhabituelle : alors qu’à gauche les associations, nombreuses et sans contribution spécifique importante, réfèrent à la santé en termes positifs : « saine alimentation », « grand air », « alimentation » et « énergie », celles de droite, moins nombreuses mais avec contributions importantes, y réfèrent plutôt en termes négatifs, en lien avec la maladie : « mauvaise forme physique », « mauvaise santé », « malade » et « pas malade »; cette distinction s’explique entièrement par la variable statut, les enseignants émettant les associations négatives et les parents celles qui sont positives.

  2. Quoique moins contrasté, l’axe vertical (mots non soulignés) indique également une polarité : dans la partie supérieure, l’image qui se dégage des associations émises en est une de vie saine et équilibrée, où se retrouvent « activité physique », « fruits », « bien dormir », « qualité de vie », « légumes », « en forme », « exercice », « produits laitiers »; cette vision semble le fait des personnes en milieu défavorisé (ethnique), des femmes et, en moindre mesure, des personnes en milieu très défavorisé. Dans la partie inférieure, les associations réfèrent à un modèle plus large, multidimensionnel, décrivant des valeurs modernes idéales : « longévité », « efficacité », « sports », « bonheur », « bien-être », « hygiène de vie », « nutrition », « nourriture » et « eau »; on y retrouve surtout les hommes et les personnes de milieu favorisé.

En somme, la vision de la santé chez les adultes interrogés comporte deux dimensions fondamentales : une caractérisant le regard qu’on lui porte, optimiste par la volonté de vivre sainement ou pessimiste par la prévalence de l’inquiétude face à la maladie; cette première distinction oppose parents et enseignants dans notre étude. L’autre dimension définit, à un pôle, un mode de vie axé sur la santé et à l’autre, un projet de vie identifiant des valeurs modernes considérées idéales; ces visions distinguent d’un côté, les personnes des milieux défavorisé (ethnique) et très défavorisé et les femmes, et de l’autre, les hommes et les personnes de milieu favorisé.

Figure 3

Analyse de correspondance simple sur le mot « santé » à partir des associations émises par les adultes (parents et enseignants)

Analyse de correspondance simple sur le mot « santé » à partir des associations émises par les adultes (parents et enseignants)

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2. Chez les enfants

Les enfants émettent 208 associations au mot « santé », dont 99 formes lexicales distinctes. Les plus fréquentes sont « bon pour la santé » (10), « être en santé » (10), « pommes » (8), « être en forme » (8) et « fruits » (8). Lors de la lemmatisation, 45 équivalences ont été établies et 29 formes ont été éliminées. Une ACS a été effectuée sur les 25 formes distinctes restantes. Les deux facteurs dégagés expliquent 64,9 % de la variance totale (le premier, 33,3 % et le deuxième, 31,6 %). Leur combinaison est illustrée à la figure 4.

  1. Sur le côté gauche de l’axe horizontal (mots soulignés), la santé est associée à « se sentir bien », « rester fort », « pas une bonne santé », « pomme » et « bon pour la santé »; par la variété des aspects considérés (bien-être, force, nourriture), on peut qualifier ce pôle de vision globalisante de la santé; s’y retrouvent surtout les enfants des milieux favorisé et défavorisé (ethnique), les filles et les enfants de la maternelle. Les associations du côté droit sont : « pas maladie », « légumes », « carotte », « banane », « fruits », « manger des choses bonnes pour la santé », « lait » et « rien manger de pas bon », révélant une vision nutritionnelle de la santé axée surtout sur une bonne alimentation; cette vision est partagée par les enfants de milieu très défavorisé, les garçons et les enfants de première année.

  2. Sur l’axe vertical (mots non soulignés), au pôle supérieur, les associations sont variées : « aller au parc », « boire », « poulet », « orange » « viande », « exercice » et « jus » révélant une vision proactive de la santé, typique des enfants de la maternelle, de milieu défavorisé (ethnique) et, en moindre mesure, des garçons. Dans la section inférieure, le mot « santé » est associé à « manger ce que maman dit », « est bon », « être en forme », « en santé » et « manger », reflétant une vision prescriptive de la santé; cette vision est le fait des enfants de milieu favorisé, de première année et des filles.

Figure 4

Analyse de correspondance simple sur le mot « santé » à partir des associations émises par les enfants

Analyse de correspondance simple sur le mot « santé » à partir des associations émises par les enfants

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En somme, la vision que se font les enfants de la santé est en lien avec l’alimentation, mais, pour certains, aussi avec l’exercice (surtout en milieu favorisé). Pour se maintenir en santé, les enfants se montrent soit proactifs (surtout les garçons), soit conformes aux prescriptions (surtout les filles), qu’ils reçoivent de l’extérieur, plus spécialement des parents. Ces conduites semblent être plus fonction de facteurs socio-économiques et socioculturels (par exemple la polarité entre garçons et filles) que développementaux.

Divergences et convergences

La comparaison des réponses adultes-enfants et enfants-enfants devrait révéler certaines divergences, liées aux compétences cognitives des uns et des autres. C’est en effet le cas : les associations des enfants sont systématiquement moins nombreuses, moins variées, plus concrètes et plus directes que celles des adultes; l’organisation de ces associations est moins articulée, plus diffuse, rendant plus difficile la tâche de dégager une structure nette de leur RS comparativement à celle des adultes. Au niveau des enfants eux-mêmes, ceux de maternelle appréhendent la tâche de façon plus limitée, plus concrète et plus descriptive que ceux de première année, qui font quelques associations plus abstraites et plus globales. Au-delà de ces aspects, et sans doute à cause du faible écart d’âge des enfants, la variable niveau scolaire est insuffisante, à elle seule, pour expliquer les divergences observées entre eux.

Les autres variables indépendantes à l’étude (niveau socio-économique, statut et sexe) ont aussi une influence sur la façon de concevoir et d’organiser les connaissances se rapportant aux mots inducteurs « manger » et « santé ». Chez les adultes, la variable « niveau socio-économique » prévaut dans la conception de l’acte de manger. Ceci n’est pas étonnant si on considère que l’acte de manger, ancré dans le mode de vie des gens, est non seulement familial et socio-culturel, mais est aussi tributaire de contraintes économiques plus ou moins sévères selon les milieux de vie. Les associations émises en témoignent : alors que les personnes de milieu favorisé invoquent des mots reflétant une ambiance sociale de détente et une attention particulière pour la qualité des aliments (vision hédoniste), les personnes issues de milieux défavorisés se montrent plus « terre à terre », avec des mots tels que « avoir faim », « croissance », « bien-être », « nutrition »; ces derniers énumèrent également trois des quatre groupes alimentaires de base. Il faut aussi souligner la distinction entre les genres sur ce mot, les hommes étant plus centrés sur des valeurs invitant à manger dans le confort et l’abondance, les femmes étant plus orientées vers des valeurs « réalistes » de repas réguliers à préparer, avec souci d’en assurer la qualité nutritionnelle.

Les évocations pour le mot « santé » semblent puiser leur signification à partir d’un autre référent, le statut (parents/enseignants). Ceci n’est pas surprenant non plus. Pour les parents, le mot « santé » est synonyme de bonne alimentation, grand air et énergie, une vision fortement liée à des pratiques quotidiennes visant le maintien d’un équilibre de vie; pour les enseignants, la situation est tout autre : ayant la responsabilité d’un groupe de jeunes enfants durant certaines heures de la journée, ils voient dans le mot « santé », une invitation à la prudence pour prévenir toute maladie.

Chez les enfants, les conceptions distinctes du mot « manger » s’expliquent d’abord par le niveau socio-économique de la famille, quoique le sexe semble également déterminant à certains égards. Ainsi, les enfants de milieux défavorisés, de même que les filles, envisagent l’acte de manger en termes concrets et fonctionnels et y associent leurs préférences alimentaires orientées vers le fast food, fortement dénoncé actuellement dans les médias comme cause possible de certains dysfonctionnements alimentaires[15]. Quant aux enfants de milieux plus favorisés et aux garçons, ils s’y réfèrent de façon plus abstraite et détachée, se contentant de décrire certaines habitudes alimentaires, sans plus, comme si leurs préférences étaient comblées au quotidien.

Les conceptions du mot « santé » suivent plus ou moins le même pattern, en distinguant également les enfants selon le niveau socio-économique des parents; ceux de milieu très défavorisé identifient santé à bonne alimentation et cela, malgré leurs préférences alimentaires pour le fast food, alors que ceux de milieu favorisé et défavorisé (ethnique) donnent une image plus globale de la santé, au-delà de la seule alimentation, en référant à la force et au bien-être, valeurs qui illustrent un style de vie confortable. Concernant le sexe des enfants, il faut noter l’opposition entre deux visions, l’une proactive (surtout chez les garçons) et l’autre prescriptive (surtout chez les filles), renvoyant aux représentations traditionnelles du masculin et du féminin. Cette observation, jointe aux précédentes, laisse supposer que, très tôt dans le développement de l’enfant, les pratiques de socialisation, au reflet des groupes d’appartenance socio-économique mais aussi du genre, sont déterminantes dans la structuration des RS de l’enfant. De même que Duveen (1990) l’a démontré, les RS des enfants reflètent très tôt la symbolique de leur groupe d’appartenance (processus d’ancrage) et, grâce à la concrétisation (processus d’objectivation) qu’ils en font en termes de polarités, ils en dévoilent le caractère dynamique, fondé sur des principes organisateurs qui régulent les rapports des individus et des groupes au sein de leur univers social.

On pourrait se questionner sur le caractère objectif des étiquettes données aux dimensions dégagées de l’ACS. Comme dans toute activité de catégorisation, une certaine interprétation est donnée aux éléments. L’effort fourni pour rendre explicite la démarche conduisant à cette catégorisation témoigne de la volonté de réduire cet effet au maximum. Ce qui force ici l’attention, c’est la cohérence des dimensions qui émergent de nos résultats par rapport aux variables illustratives supposées leur conférer leur signification. Tout porte à croire que les résultats obtenus ne sont pas arbitraires mais révèlent la présence de principes organisateurs tirés de certaines représentations normatives déjà existantes dans le discours social. Qu’il en soit ainsi offre un appui empirique intéressant à la théorie des RS en révélant le caractère social de toute conduite humaine. À titre d’exemple, bien que l’alimentation soit un acte universel, l’étude de sa représentation suscite l’émergence d’autres représentations socialement bien instituées, pour lui conférer des significations variables, ici en fonction du genre. Ceci n’est pas un hasard, les RS du genre sont si diffuses qu’elles imprègnent plus ou moins fortement les différents aspects de notre vie sociale. Comme l’indiquent nos résultats, cette imprégnation semble s’être manifestée symboliquement tant à travers les contenus que dans l’organisation des deux RS étudiées.

Quant à distinguer l’influence de l’école de celle des parents sur les enfants, ceci n’est pas tellement possible dans le présent contexte, sinon en examinant les positions distinctes prises par les uns et les autres. Dans nos résultats, les associations des parents et des enseignants révèlent des conceptions différentes tant de l’acte de manger que de la santé. Or, des distinctions similaires se retrouvent chez les enfants : certains voient dans l’acte de manger, la nécessité d’avoir plusieurs aliments, rejoignant ainsi la vision quantitative des enseignants et des hommes; d’autres y intègrent des concepts comme bonne santé et grandir, révélant plus la vision qualitative qu’en donnent les parents (surtout les femmes). Certains définissent le mot « santé » en termes de « se sentir bien » « rester fort » comme le font les parents, alors que d’autres en parlent en termes négatifs, « pas maladie », « rien manger de pas bon », à l’image des enseignants.

À noter également cette autre convergence entre adultes et enfants : l’évocation des quatre groupes alimentaires, en insistant surtout sur les légumes et les fruits, de l’exercice, de l’expression « être en forme », témoignant d’un savoir commun déjà bien acquis. Mais les convergences les plus intéressantes sont observées dans les dimensions dégagées. Ainsi, concernant l’acte de manger, à la vision hédoniste/nutritionnelle affichée par les adultes, on peut relier les préférences/habitudes alimentaires des enfants, révélant d’une part le caractère agréable de l’acte de manger (hédonisme-préférences) et d’autre part sa nature plus fonctionnelle et habituelle. De même, concernant le mot « santé », à la qualité de vie saine et aux valeurs modernes idéales telles que dégagées chez les adultes, viennent se comparer les visions prescriptive et proactive que s’en font les enfants, montrant dans les deux cas l’influence normative d’autres représentations bien instituées dans la société, et se révélant, chez les uns, par une certaine conformité aux valeurs établies et chez les autres, par une prise en charge plus autonome de leur santé.

Conclusion

Au terme de cette analyse effectuée à partir d’une tâche d’association de mots, la valeur de cette technique pour fournir un portrait global des RS que se font les gens de certaines réalités a été démontrée. Il s’agissait ici d’examiner deux réalités bien liées entre elles : l’alimentation et la santé, en vue de voir comment ces réalités se construisent au cours des interactions des individus et des groupes. Des trois groupes observés , les enfants, les parents et les enseignants, les résultats révèlent, comme prévu, des convergences et certaines divergences. Les premières parlent en faveur d’une construction sociale des RS à partir d’échanges entre personnes et groupes en interaction; quant aux secondes, elles semblent en partie dues à des facteurs développementaux (niveau scolaire), mais aussi à d’autres facteurs (niveau socio-économique, statut, sexe). Le facteur socio-économique apparaît comme le plus déterminant, suivi du genre. Sachant que l’alimentation n’est pas un luxe mais une nécessité, il faut considérer que, malgré l’aisance à se procurer des aliments variés et de qualité partout dans notre société, tous ne peuvent en jouir de la même façon; la part du budget consacrée à la nourriture est bien relative et très souvent fonction de contraintes économiques. De même, les distinctions selon le genre révèlent à quel point hommes et femmes, mais aussi garçons et filles, s’investissent différemment dans la nourriture et cela, dès le plus jeune âge. Pour la santé, il semble que les évocations émanent d’autres référents, plus statutaires, sans doute en lien avec les groupes étudiés. Quant au regard que portent les enfants sur leur alimentation et leur santé, il apparaît, comme on pouvait s’y attendre, qu’il soit plus tributaire de celui des parents que de tout autre source d’influence. Mais ceci reste à confirmer par l’analyse des autres données récoltées dans le cadre de cette recherche.