Le tourisme hors des sentiers battus

Le tourisme urbain « hors des sentiers battus »Coulisses, interstices et nouveaux territoires touristiques urbains[Record]

  • Maria GRAVARI-BARBAS and
  • Marie DELAPLACE

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  • Maria GRAVARI-BARBAS
    Professeure, IREST, EA 7337 EIREST, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Maria.Gravari-Barbas@univ-paris1.fr

  • Marie DELAPLACE
    Professeure, EA 3482 Lab’Urba, EUP, Université Paris-Est Marne-la-Vallée ; marie.delaplace@u-pem.fr

La croissance des pratiques et des produits touristiques « alternatifs » est soulignée par plusieurs chercheurs en études du tourisme ou en urbanisme, tant à Paris (Vivant, 2010 ; Gravari-Barbas et Jacquot, 2016), à Londres (Maitland et Newman, 2004 ; Vivant, 2007 ; Pappalepore et al., 2010), à Berlin (Novy et Huning, 2008 ; Füller et Michel, 2014) ou ailleurs. Depuis plusieurs décennies, le modèle d’une offre touristique qualifiée « de masse », peu segmentée et différenciée, est fortement remis en cause par une offre plus composite, plus diversifiée et plus individualisée. Le tourisme n’échappe pas aux changements induits par la mondialisation, la métropolisation, l’individuation ou l’hybridation des goûts (Gravari-Barbas et Fagnoni, 2013). Une nouvelle attention est ainsi portée au quotidien, à l’ordinaire, à la contextualisation du séjour, aux interactions sociales, aux expériences « authentiques » (Holbrook et Hirschman, 1982 ; Pine et Gilmore, 1998 ; Andersson, 2007), comme en attestent le développement du couchsurfing (Priskin et Sprakel, 2008) ou le phénomène des greeters (Sallet-Lavorel, 2003). L’invitation à sortir des « sentiers battus » et à rompre avec l’expérience du tourisme de masse est lancée par des acteurs du tourisme (classique ou « alternatif »), des acteurs de la ville ou de la culture, voire des habitants. Elle invite à des pratiques différentes, alternatives et distinctives (Cohen, 1987), qui revendiquent un caractère de consommation culturelle savante. Elle permet de sortir d’un cadre socio-temporel établi par les prestataires touristiques, pour s’aventurer dans des espaces et des lieux peu ou pas encore utilisés pour le tourisme. Ces nouvelles offres touristiques se multiplient et rencontrent les pratiques et les imaginaires des touristes, qui conjointement tendent à renouveler le système touristique (ses pratiques, ses acteurs, ses espaces, ses temporalités et ses formes). Le tourisme alternatif (Butler, 1990 ; 1992), le tourisme participatif (Tosun, 2005), le slow tourism (Fullagar et Markwell, 2012), le tourisme créatif (Richards et Wilson, 2006 ; Gravari-Barbas, 2010), le tourisme de banlieue (Gravari-Barbas et Jacquot, 2013), sont quelques-uns des vocables qui renvoient à ces nouvelles approches touristiques, qui dessinent de nouvelles relations entre centre(s) et périphérie(s), mais aussi entre tourisme et quotidien, entre exotique et familier, entre proche et lointain. Les catégories touristiques se brouillent, deviennent incertaines, sont produites et consommées dans des contextes qui relèvent de registres bien plus difficiles à cerner, à décrire et à quantifier que dans le passé. Elles sont en effet bien plus poreuses, moins circonscrites dans le temps et dans l’espace. Elles contribuent à renouveler ainsi la réflexion sur le tourisme en tant qu’objet d’étude et sur sa place au sein de la société contemporaine. Dès 1985, Maxine Feifer avance le concept du « post-touriste » qui construit son expérience personnelle de façon subjective en rassemblant des fragments de différents produits proposés par l’industrie touristique et en les recomposant selon ses choix. Le post-touriste est conscient de façon réflexive de la nature construite de son rôle sans pour autant chercher à le contester ou à le défier. Pour Erik Cohen (2008), le post-touriste, au lieu d’être intéressé par les origines des attractions supposées authentiques, préfère surfer de façon ironique et joueuse à la surface d’attractions manifestement inauthentiques. Loin de rechercher des expériences différentes de sa vie de tous les jours, il peut choisir de visiter des lieux familiers ou banals. Selon cet auteur, contrairement au tourisme moderne qui privilégiait les hauts lieux, le post-touriste met en cause la singularité des lieux visités et apprécie les lieux de la vie quotidienne. Jean Viard (2000), pour sa part, écrit que les post-touristes sont attirés par des environnements qui ne sauraient plus être (ou plus seulement en …

Appendices