Abstracts
Résumé
Les grands projets d’infrastructures génèrent de nombreux impacts qui prêtent à débat et posent tout un défi pour la gouvernance territoriale. L’évaluation environnementale (ÉE) offre un cadre pour réguler les négociations sociales entourant l’implantation de tels projets. Dans cet article, nous nous interrogeons sur la capacité de l’ÉE à intégrer une demande sociale récente qui renvoie à la qualité des territoires, autant matérielle que symbolique, celle concernant le paysage. Pour répondre à cette question, une étude de cas a été réalisée sur un complexe de production d’aluminium construit au Saguenay–Lac-Saint-Jean (Québec). Plusieurs limites ont été révélées, touchant quatre aspects de la gouvernance : la coordination des acteurs, la légitimité de la décision, les savoirs intégrés aux délibérations et le pouvoir des acteurs.
Mots-clés :
- gouvernance territoriale,
- grands projets,
- Industries,
- évaluation environnementale,
- négociation sociale,
- paysage
Abstract
The setting up of major infrastructures are often object of social disputes in host communities. In this manner, such projects challenge public decision makers. Environmental assessment is meant to help their work. This paper pay attention to negotiations regarding landscape demands, which are becoming more important in recent debates. The research is asking if environmental assessment may be a useful tool for taking into account such demand which concern concrete as well as subjective aspects of environmental quality. The exam of a case study, the settlement of an aluminium smelter in the Saguenay–Lac-Saint-Jean area (Québec), concludes that many limits affect the capacity of the procedure. They relate to four aspects of territorial governance: actors’ coordination, legitimacy of decision, considered knowledge, and social groups’ power.
Keywords:
- territorial governance,
- industrial mega projects,
- environmental assessment,
- social negotiation,
- landscape
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Appendices
Remerciements
Ce texte est issu de notre thèse de doctorat, faite en co-tutelle à l’UQAC et à Paris 1- Sorbonne (disponible en ligne: http://theses.uqac.ca/these_24605668.html), et qui a pris place dans un programme de recherche plus large sur le suivi des impacts sociaux du complexe d’Alcan, dirigé par Christiane Gagnon et financé par Alcan, le Centre québécois de recherche et de développement sur l’aluminium (CQRDA), la Ville d’Alma, Développement économique Canada et la Fondation de l’UQAC. Nous souhaitons remercier cette dernière ainsi que le professeur Yves Luginbühl (Université Paris 1- Panthéon Sorbonne) qui ont agit comme directeurs de thèse, de même que les divers organismes ayant soutenu financièrement notre recherche : le CRSH (2001-2003), le FQRSC (2000-2002), le Fonds d’action québécois pour le développement durable (2003) et la Commission permanente de Coopération franco-québécoise (2001-2003).
Biographie
Marie-José Fortin détient une formation en développement régional (UQAC) et en géographie (U. Paris 1-Panthéon Sorbonne). Elle s’intéresse aux processus de négociations et aux dynamiques sociales entourant l’implantation de projets industriels et de grandes infrastructures. Ses recherches actuelles portent sur les parcs éoliens et les entreprises agroalimentaires.
Notes
-
[1]
Par exemple, ce sujet est présent de façon récurrente depuis quelques années dans des ateliers tenus lors de congrès d’associations professionnelles québécoise (AQEI) ou internationale (SIFÉE, IAIA).
-
[2]
Pour illustrer cette affirmation, ne citons qu’un extrait d’un mémoire soumis lors d’une commission du BAPE tenue en 2005 sur un projet de parc éolien proposé dans l’Est du Québec : «Au nom de quelle logique comptable voudrions-nous défigurer la plus belle région du Québec, menacer la qualité de vie des populations riveraines et faire fuir le tourisme? La beauté du paysage est la seule ressource de la Gaspésie à n’avoir pas encore été pillée. D’où l’importance symbolique de dire non au projet de Baie-des-Sables, pour contrecarrer dès le départ la mise en oeuvre d’une stratégie de développement économique aussi dévastatrice. (…) Le développement économique est-il devenu à ce point une obsession que nous soyons prêts à saccager en son nom ce que nous avons de plus beau? ».
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[3]
Dans les deux derniers cas, il est alors question d’évaluation stratégique. André et al. en proposent la définition suivante : «L’évaluation environnementale est un processus systématique qui consiste à évaluer et à documenter les possibilités, les capacités et les fonctions des ressources, des systèmes naturels et des systèmes humains, afin de faciliter la planification du développement durable et la prise de décision en général ainsi qu’à prévoir et à gérer les impacts négatifs et les conséquences des propositions d’aménagement en particulier» (1999 : 297).
-
[4]
La multinationale canadienne a depuis été rachetée par la multinationale australienne Rio Tinto.
-
[5]
Nous avons aussi documenté un second cas en France, celui de la communauté urbaine de Dunkerque, située en bordure de la mer du Nord et qui accueille une aluminerie depuis 1994.
-
[6]
Rappelons que toutes les négociations n’ont pu être documentées aussi finement étant donné le caractère privé ou historique de certaines. Pensons aux négociations privées tenues entre le promoteur et des résidents, ou encore à celles s’étant déroulées des années avant le début de la recherche, comme pour le changement de zonage.
-
[7]
Les experts avaient prévu que seules les cheminées du complexe seraient visibles en zone éloignée.
-
[8]
Des membres avaient tout au plus émis des commentaires spontanés en marge de réunions.
-
[9]
Tel qu’affirmé par Laurent Mermet lors de la 2e séance tenue dans le cadre du programme de recherche Concertation, décision et environnement (voir http://www.concertation-environnement.fr/documents/regards_croises/seance_2.pdf, consulté le 12 décembre 2008).
-
[10]
Sont souvent opposés les savoirs formels des scientifiques à ceux, informels, portés par d’autres acteurs. Mais on pourrait aussi parler de savoirs fragmentés, incluant ceux provenant des sciences «disciplinaires».
-
[11]
Le suivi d’un déversement d’alumine émis accidentellement dans l’atmosphère lors du démarrage est illustratif de ce constat. Lorsque des résidents ont observé des «poussières blanches» sur le gazon de leurs propriétés, ils ont exprimé des inquiétudes pour leur santé. Pour répondre à leurs questions, les représentants de l’entreprise se sont réfugiés derrière la relation causale (rejets / impacts), telle que privilégiée dans une conception positiviste de la science. Plus exactement, comme les données recueillies par les instruments officiels du suivi ne corroboraient pas les observations visuelles des habitants, il devenait impossible d’établir un dialogue entre les acteurs concernés et, partant, de dépasser les rationalités individuelles en faveur d’une rationalité plus holistique. Pourtant, il avait été admis que les stations d’échantillonnage servant au suivi étaient situées à l’extérieur du cône de dispersion des émissions et, implicitement, qu’elles ne pouvaient donc «mesurer» les émissions découlant de cet incident.
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