Abstracts
Résumé
La femme qui tue dérange de façon particulière les normes sociales : les femmes nourrissent, soutiennent, compatissent… la violence leur est habituellement étrangère. Celle qui enlève la vie à un autre est donc encore plus « monstrueuse » (Gilbert) que son homologue masculin. Diverses théories orientent l’étude de la femme meurtrière – soit qu’elle cherche à devenir plus masculine, qu’elle réagit à une situation intenable ou qu’elle se démarque d’une norme qui s’applique aux femmes d’une certaine race ou classe sociale (Irwin et Pasko). Dans le cas de la représentation romanesque du meurtre féminin au Québec, on peut constater un certain écart par rapport à la réalité (Gilbert), dans le sens que la violence au féminin prend un essor dans le livre, qui est sans rapport aux statistiques de la société canadienne ou québécoise. Le roman que nous avons retenu pour cette étude – Le sang de l’or de Louise Leblanc (1989) – met en vedette une meurtrière, ce qui devrait alors choquer le lecteur. Nous verrons que dans ce roman, par contre, le portrait hautement stéréotypé du personnage principal amérindien rend la violence du personnage moins surprenante. Qu’en est-il au juste du meurtre au féminin quand la criminelle est aussi amérindienne? Nous élucidons ce sujet en tenant compte des questions de territorialité, d’histoire coloniale et d’écoterrorisme, sans perdre de vue le discours féministe qui informe le récit. De fait, tout en ayant recours à des tropes coloniaux qui remontent au dix-neuvième siècle, voire plus loin, Leblanc crée un personnage qui attire la sympathie du lecteur. En tant que jeune femme victime de violence sexuelle, Kiji est en droit de se défendre; sa défense de l’environnement justifie davantage son geste. En dépit de ces facteurs atténuants, elle demeure un personnage équivoque en raison de sa correspondance au stéréotype littéraire de l’Amérindien dans la littérature québécoise.
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