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Le livre d’Archetti explore les notions d’hybridité, de nation et ce que signifie le fait d’être un homme argentin dans trois différentes arènes sociales : le soccer, le polo et le tango. Selon Archetti, l’Argentine est un lieu privilégié pour examiner le concept d’hybridité parce que, jusqu’à tout récemment, ce pays était une importante destination pour les migrants européens. Au début du XXe siècle, Buenos Aires était une des villes les plus cosmopolites. S’inspirant de Durkheim, Archetti croit que c’est à des moments d’effervescence sociale et culturelle que les sociétés façonnent leurs univers moral et culturel. Il écrit : « The histories of football, the tango and polo are related to this concrete period. My main hypothesis is that key stereotypes of masculinities were created through this modernization as part of a general quest for identities, imageries and symbols, making the abstract more concrete » (p. xiii).

Archetti soutient que son choix d’arènes culturelles saisit une diversité d’images de masculinités argentines parce que le football nous permet de considérer les hommes dans leurs relations à d’autres hommes, le tango montre les hommes dans leurs relations aux femmes, et le polo, des hommes avec des chevaux. Le soccer et le polo se sont tous deux implantés en Argentine grâce à l’influence britannique, mais alors que le premier sport est devenu une partie de la culture populaire, le polo est demeuré élitiste. Dans les deux cas, les sportifs argentins se sont mesurés, particulièrement au début du vingtième siècle, à leurs homologues britanniques. La vie sociale est donc différente pour ces deux types de sport pratiqués à l’origine dans les cercles sociaux les plus aisés du pays. À l’opposé, le tango est un produit des secteurs pauvres de la société de Buenos Aires qui s’est embourgeoisé. Ce n’est que lorsque le tango est devenu populaire à l’étranger que le tout Buenos Aires, et ensuite l’ensemble de l’Argentine, l’a réclamé comme sien. De même, les clubs de football ont fait du tango un élément important de leurs activités de loisir, rassemblant ainsi le produit des élites et celui des quartiers populaires. Le polo argentin a incorporé, du moins sur le plan de la rhétorique, le savoir-faire des gauchos, premiers habitants des pampas (les plaines argentines).

Selon les informateurs d’Archetti et selon les coupures de journaux et les éditoriaux, les notions d’individualisme ont contribué à modeler la façon dont le football national est joué et représenté. Le gambeta (driblage) est décrit par les Argentins comme leur contribution au jeu de soccer, plaçant ainsi l’adresse individuelle au-dessus de la coordination collective britannique. Pour sa part, le polo a fait de l’élevage des chevaux et de l’équitation les éléments décisifs qui ont élevé l’Argentine au rang de nation par excellence du polo dans le monde entier. Dans les deux cas, autant les amis d’Archetti que la presse ont construit ces sports comme des hybrides, un mélange de styles européen et argentin de performance.

L’objectif général du livre, les brèves descriptions historiques de ce que la presse argentine a écrit sur le football, le polo et le tango, de même que les propos rapportés sont intéressants. Cependant, le livre n’en arrive pas à former un tout ; il est plutôt constitué d’un matériel désordonné recueilli avec une méthode tout aussi désordonnée, et seulement en partie analysé. Archetti a compté sur un groupe de quinze hommes pour discuter du football, apparemment sur une seule personne pour se familiariser avec le polo, et sur trois hommes (l’un d’entre eux était aussi son informateur sur le soccer) pour parler du tango. En plus de lire des livres et des journaux sur ces thèmes, il a assisté à des parties de soccer et de polo, mais on ignore s’il est allé dans des salles de danse. Il en arrive à la conclusion, plutôt banale, que les masculinités sont plurielles et que les hommes se construisent à travers d’autres hommes et par leurs relations avec les femmes.

Comme je suis férue de soccer et de tango, j’ai apprécié la moindre information fournie dans ce livre et j’ai appris quelque chose sur le polo par la même occasion. Mais il demeure difficile de garder un intérêt soutenu pour un travail aussi vague qui effleure à peine de si nombreuses questions et qui ne fait aucun effort de synthèse.

Texte original en anglais traduit par Marie France Labrecque.