Dossier : Au nom de l’universel : le Québec et les droits humains au XXe siècleEntrevue

Nouvelles perspectives en histoire des droits humains au Canada. Entretien avec Jennifer Tunnicliffe (Toronto Metropolitan University) et Stephanie Bangarth (King’s University College, University of Western Ontario)

  • Paul-Etienne Rainville

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  • Paul-Etienne Rainville
    Universités de Toronto et de Montréal

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Cover of Au nom de l’universel : le Québec et les droits humains au XX<sup>e</sup> siècle, Volume 31, Number 3, Winter 2024, pp. 7-248, Bulletin d'histoire politique

La véritable explosion des mouvements sociaux au cours des dix dernières années, de #MeToo à Black Lives Matter, en passant par Land Back, a aussi influencé notre volonté de réexaminer cette historiographie. Un des apports importants de ces mouvements a été de contester les récits dominants, selon lesquels le Canada et sa population auraient été tolérants et profondément attachés aux idéaux des droits humains dans le passé. Ces mouvements ont réclamé l’intégration des histoires traditionnellement occultées ou marginalisées (y compris celles de violences et d’abus) dans ces récits. Notre projet a également été motivé par les nouvelles préoccupations engendrées par la pandémie mondiale de COVID-19. Tous ces éléments nous ont convaincues de la nécessité de développer de nouvelles approches et d’adopter des perspectives plus critiques à l’égard de la soi-disant « révolution des droits » au Canada, et de son rôle dans la remise en cause des inégalités et des formes systémiques de discrimination qui se sont perpétuées à travers l’histoire canadienne. Lorsque nous avons lancé l’appel à contributions, nous avons souligné que l’un des objectifs de cet atelier était de « réinterpréter et explorer la manière dont les discours et les mouvements de défense des droits humains ont formulé des revendications complexes, et parfois contradictoires, et d’analyser les vertus et limites du projet de société porté par les droits humains comme instrument de lutte contre la discrimination, les inégalités et les systèmes d’oppression dans la société canadienne ». Nous avons insisté sur la nécessité d’arrimer l’histoire de ces droits à celles du colonialisme d’occupation, de la suprématie blanche, de la violence étatique et de l’hétéronormativité au Canada. Nous avons par ailleurs encouragé l’adoption de perspectives transnationales et comparatives, car tout en reconnaissant l’importance d’étudier la manière spécifique dont les droits humains ont été compris et mobilisés dans des contextes locaux ou nationaux, nous pensons qu’il est essentiel de situer ces évolutions dans un contexte plus large. Le développement du champ de l’histoire des droits humains s’explique également par des contributions historiographiques antérieures. Selon moi, l’histoire des droits humains est née des recherches en histoire sociale, politique et juridique qui, à partir des années 1970 et 1980, ont commencé à révéler l’oppression et la discrimination auxquelles ont été confrontés les femmes, les minorités religieuses et racisées, les personnes migrantes, les membres des classes populaires et d’autres groupes marginalisés. Ce courant est également né de la volonté de mettre en lumière les contributions de ces groupes au combat pour la construction d’une société plus juste et plus égalitaire. Tout au long des années 1970 et 1980, les différentes juridictions au Canada ont adopté des lois et mis en place des institutions pour renforcer la protection des droits de la personne. Avec l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution, en 1982, les droits humains sont devenus un sujet d’étude beaucoup plus important. Pour le Canada, ce fut « l’ère des droits » à laquelle Louis Henkin et Noberto Bobbio font référence. Il est donc naturel qu’à la fin des années 1990, forts des évolutions en sciences sociales, politiques et juridiques mentionnées précédemment, les droits humains soient devenus un véritable objet d’étude historique. Or, les historiens et les historiennes ont investi assez tardivement ce champ de la recherche au Canada. Les politologues et les juristes se sont intéressés à ces questions depuis les années 1980, en s’interrogeant notamment sur l’impact de la Charte sur la culture politique canadienne. Une partie de la recherche historique qui s’est développée a été une réponse à ce qui était perçu comme une vision trop « triomphaliste » ou « téléologique » …

Appendices