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La diversité ethnoculturelle en éducation, un ouvrage dirigé par Pierre Toussaint, réunit les textes de onze auteurs, incluant la préface de Guy Rocher et la postface de Micheline Labelle, qui tracent un état des lieux des changements ayant influencé le système d’éducation et favorisé la prise en considération de la diversité. Toussaint (chapitres 1 et 2) présente d’abord un tableau des politiques gouvernementales encadrant l’immigration et l’éducation interculturelle ainsi qu’un portrait des élèves issus de l’immigration, notamment à Montréal. Tout récemment, les débats fort médiatisés entourant la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables ont nécessité un travail de démystification. Bosset (chapitre 3) aborde en ce sens les pratiques d’accommodements dans le contexte des obligations juridiques de l’école. Il reprend plusieurs événements fortement publicisés et précise que « l’accommodement raisonnable n’est pas une obligation distincte, mais une conséquence juridique de l’obligation de non-discrimination » (p. 66). Ouellet (chapitre 8) retrace enfin les étapes ayant mené à l’entrée en vigueur de la déconfessionnalisation du système d’enseignement et rappelle qu’il n’existe toujours pas de définition de la laïcité dans la Loi sur l’instruction publique (p. 186). L’auteur recense divers textes officiels afin d’aiguiller l’école dans les demandes d’adaptation en matière de religion.

L’ouvrage aborde ensuite la formation des acteurs de l’école et la gestion des établissements. Toussaint et Fortier (chapitre 6) concluent à la suite d’une enquête menée auprès de futurs enseignants que si la connaissance des cultures est valorisée, combattre le racisme et autres formes d’oppression ne fait pas partie du discours des répondants (p. 157). Ouellet (chapitre 10) dénonce également le peu d’attention accordée à la diversité dans les programmes de formation en administration scolaire. Martiny (chapitre 11) propose une analyse percutante du rôle clé des conseillers et conseillères d’orientation et dégage les concepts et applications d’une « approche orientante » qui s’inscrit dans une optique de justice sociale. De même, l’analyse que propose Bouchard (chapitre 7) sur l’éducation éthique offre une perspective critique sur l’État démocratique et l’arbitraire des normes prescrites. Moisset (chapitre 5) présente les paramètres de l’éducation interculturelle et dégage les dimensions pratiques (leadership, ressources et autonomie) dans la gestion des établissements. Enfin Fortin et Letendre (chapitre 9) font bénéficier d’une étude de cas menée à l’école Liber.

L’ouvrage dirigé par Toussaint propose des pistes d’analyse liées aux débats actuels en éducation. Il est facile d’accès quoique les descriptions soient parfois très détaillées ou encore datées. Les questions d’approfondissement retrouvées à la fin des chapitres permettent aux lecteurs de mettre en pratique la réflexion amorcée. En ce sens, cet ouvrage peut intéresser les étudiants de 1er cycle, les praticiens et les chercheurs.

L’éducation interculturelle tout comme les débats sur l’école et l’immigration ont fait l’objet d’un grand nombre de publications et guides pédagogiques au Québec tels que Ouellet et Pagé (1991), Ouellet (1995), Gaudet et Lafortune (1997), Lafortune et Gaudet (2000) dans le domaine de l’éducation et McAndrew (2001) et McAndrew et Gagnon (2000) en sociologie. La plupart des ouvrages mettent de l’avant l’importance du vivre-ensemble et le contexte particulier lié à la question nationale au Québec. La direction d’ensemble de cet ouvrage s’inscrit d’emblée dans cette perspective. Il est peu fait mention toutefois des études et débats théoriques qui existent en la matière au Québec, à l’exception de quelques textes plus critiques.

Enfin, si la lutte contre le racisme est partie intégrante du cadre interculturel (Ouellet, 2002), la notion de pouvoir légitimé par les institutions est encore timide dans la plupart des analyses présentées. Un tel pouvoir « qui va de soi » influence nécessairement les représentations liées à l’élève migrant (à qui on reconnaît ou non des attributs, en fonction de classements hiérarchisés). Derrière les modèles se cachent des formes de domination. Il s’agirait d’interroger davantage ce que Bourdieu nomma L’inconscient d’école (2000) à la lumière des catégories mises de l’avant par le ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport du Québec tout comme dans les débats publics sur les accommodements raisonnables ou encore dans les rencontres au sein de l’école.