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Cet ouvrage collectif propose plusieurs réflexions sur les façons de concevoir et de définir les frontières. Loin de se limiter aux seules dimensions spatiales et politiques du concept, il offre un regard sociologique beaucoup plus large. Sa lecture nous invite à penser les frontières comme construites et négociées et, en ce sens, comme modifiables et franchissables.

Trois fils conducteurs traversent l’ouvrage. Le premier est celui de l’impossibilité, voire de la non-nécessité d’abolir les frontières. L’apparente uniformisation économique et idéologique du monde n’entraine pas forcément la disparition des frontières culturelles et sociales. Les auteurs abondent tous dans le même sens : ce qui est souhaitable, ce n’est pas l’abolition des frontières, mais le maintien de la possibilité de les franchir.

Le second fil conducteur est celui de la relation paradoxale qui existe entre l’éducation et les frontières. L’école est un lieu à priori ouvert. L’éducation se veut universelle, car obligatoire et théoriquement accessible à tous. Elle a pour objectif de rendre les élèves autonomes et libres, de leur permettre de s’ouvrir au monde. Or, l’école est aussi un lieu de pratiques protocolarisées où les élèves sont évalués selon des standards et où ils sont classés dans des catégories normatives, ce qui mène parfois à l’exclusion de ceux que l’on considère hors normes. Elle refoule à l’extérieur tout comportement qui pourrait nuire à son bon fonctionnement. Les chapitres qui abordent ces enjeux sont dignes d’intérêt non seulement pour les enseignants, mais aussi pour tous ceux qui oeuvrent dans le milieu scolaire.

Le troisième fil conducteur est celui de l’éducation comme lieu de passage. C’est à travers elle que les jeunes apprennent les limites de l’espace privé et public ou encore de ce qui est permis ou non. C’est aussi grâce à elle qu’ils franchissent la frontière entre l’ignorance et la connaissance. C’est un lieu désirable, car lié à l’interdit, à l’inconnu. Voilà la raison pour laquelle elle est attrayante aux yeux de la jeunesse.

L’ouvrage atteint son but. Il permet de réfléchir à l’influence des frontières sur l’éducation, ainsi qu’à l’influence de l’éducation sur les frontières. Sa grande force est qu’il offre une variété d’approches et de points de vue sur le concept de frontières. Plus qu’un simple survol, c’est non seulement un tour d’horizon suffisant pour s’ouvrir l’esprit sur le sujet, mais également une bonne base pour qui souhaite approfondir ce thème, que ce soit sous l’angle éducatif, sociologique ou philosophique.

L’ouvrage souffre toutefois de l’absence de réflexions sur les frontières numériques. En ce sens, certains propos paraissent en décalage avec le contexte éducatif actuel. Une ou plusieurs réflexions sur les frontières abolies ou créées par le numérique auraient enrichi l’ouvrage, surtout au regard de l’importance croissante du numérique en éducation.