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Introduction

La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est aujourd’hui reconnue comme une crise sanitaire mondiale majeure et a été déclarée pandémie mondiale le 11 mars 2020 par l’Organisation mondiale de la Santé. Outre la population générale, les étudiants, en première ligne, ont été affectés sur le plan psychologique par la crise sanitaire mondiale. En effet, la crise sanitaire de la COVID-19 a engendré de nombreux facteurs de vulnérabilité chez les étudiants (p. ex. fermeture des universités ; enseignements à distance ; isolement), venant s’ajouter à ceux déjà présents antérieurement (p. ex. stress des examens, difficultés financières). Cela n’a pas été sans conséquence sur leur bien-être psychologique. En effet, toutes les études réalisées (Bergheul et coll., 2021 ; Zhang et coll., 2020 ; Cao et coll., 2020) durant le premier confinement mettent en évidence une détérioration importante de la santé mentale des étudiants, s’illustrant notamment par une forte prévalence de symptômes anxiodépressif, que ce soit au Canada (statistique Canada, 2020), en France (Essadek et Rabeyron, 2020 ; Husky et coll., 2020 ; Le Vigouroux et coll., 2021), ou dans d’autres pays à travers le monde (Kaparounaki et coll., 2020 ; Odriozola-González et coll., 2020). Afin de mesurer l’état psychologique, des étudiants français lors du premier confinement, Le Vigouroux et coll. (2021) ont conduit une étude auprès de 1 297 étudiants provenant de différentes universités françaises. Les résultats montrent que 42,5 % des étudiants interrogés présentaient de possibles symptômes dépressifs (30 % avant le confinement : Boujut et coll., 2009), et 33,4 % d’entre eux de possibles symptômes anxieux (24,2 % avant le confinement : Balayssac et coll., 2018). Une étude, réalisée en Chine au printemps 2020, a démontré que l’âge et le genre sont des variables significatives dans la mesure des niveaux d’anxiété (Wang et coll., 2020). La fermeture des écoles, l’interdiction de regroupement et la transition vers l’enseignement en ligne sont toutes des variables à considérer dans l’étude de l’anxiété des étudiants (Xiong et coll., 2020). Parmi les 7 143 étudiants de l’Université de médecine de Changzhi, 0,9 % des répondants à une étude souffraient d’anxiété sévère, 2,7 % d’anxiété modérée et 21,3 % d’anxiété légère. Cette étude a également montré que le niveau d’anxiété des étudiants avait tendance à augmenter lorsque des proches ou des connaissances à eux étaient infectés par le SARS-CoV-2 (Cao et coll., 2020). Une étude réalisée en Inde rapporte aussi des variables significatives, notamment sur l’accessibilité et la possession de ressources (Rehman et coll., 2021). Les personnes qui n’avaient pas accès aux nécessités de base lors de la COVID-19 ont démontré des niveaux d’anxiété et dépression plus élevés. Globalement, les niveaux de stress, d’anxiété, de solitude et de symptômes dépressifs des étudiants ont empiré depuis la crise du coronavirus (Son et coll., 2020), dont les facteurs aggravants les plus importants sont : 1) la peur et l’inquiétude concernant leur propre santé et celle de leurs proches ; 2) la difficulté à se concentrer ; 3) la perturbation des habitudes de sommeil ; 4) une diminution des interactions sociales en raison de la distanciation physique ; 5) des préoccupations accrues concernant les résultats scolaires. Des comparaisons ont été faites entre les étudiants qui sont restés en résidence et ceux qui sont retournés chez leurs parents. Bien que 60,2 % des participants aient vu leur niveau d’anxiété augmenter, l’augmentation a été plus significative chez les étudiants qui ne sont pas retournés vivre avec leur famille (Husky et coll., 2020). Une étude réalisée au Bangladesh a conclu que des étudiants du 2e cycle ressentaient plus de stress et d’anxiété que leurs collègues du 1er cycle (Garcia-Williams et coll., 2014). Les résultats d’une autre étude (Islam et coll,. 2020) ont indiqué que 87,7 % des étudiants sollicités ont démontré des symptômes d’anxiété. Une étude de Rehman et coll. (2021) réalisée en Inde a révélé que les étudiants, chercheurs et professionnels de la santé ont indiqué avoir des niveaux d’anxiété modérés comparativement aux travailleurs d’entreprises qui ont rapporté avoir des niveaux d’anxiété légers. Ces résultats s’expliqueraient par la fermeture soudaine des collèges et des universités, ce qui n’a pas permis une adaptation adéquate de l’enseignement en ligne, laissant dans l’incertitude les étudiants, chercheurs et professeurs. Zhang et coll. (2020) ont démontré que les personnes ayant interrompu leur travail au cours du confinement avaient un niveau de santé mentale globale inférieur à ceux qui continuaient à travailler, que ce soit à leur bureau ou à domicile. L’instabilité financière causée par la pandémie est un des grands facteurs d’anxiété pour les étudiants universitaires, tandis que le fait de vivre avec sa famille est un facteur positif et protecteur qui réduit l’anxiété chez les individus (Middleton, 2020).

Des données ont été recueillies en France sur des étudiants consommateurs d’alcool dans 4 universités différentes (Flaudias et coll., 2020 ; Flaudias et coll., 2021). En tout, 5 738 étudiants ont répondu à l’enquête. Les résultats ont montré que le niveau de stress pendant la période de confinement liée à la COVID-19 était fortement lié à 4 catégories de variables : les caractéristiques intrinsèques, les comportements addictifs avant le confinement, les conditions spécifiques au confinement et enfin les comportements addictifs pendant le confinement. En outre, il a été constaté à travers cette étude que le stress qui est le plus perçu par les étudiants souffrants de problématiques de dépendance était principalement attribuable à l’incertitude liée à l’organisation de la vie quotidienne et aux conséquences prévues du confinement. Afin d’appréhender l’évolution de l’état psychologique des étudiants au cours du temps, Le Vigouroux et coll. (2021) ont réalisé une étude comparative en 4 temps de mesure : le premier durant le premier confinement (du 21 avril au 10 mai 2020), le second lors du déconfinement (du 9 juin au 27 juillet 2020), le troisième lors de la reprise des enseignements à l’université (du 12 au 27 octobre 2020) et le quatrième durant le second confinement (du 20 novembre au 11 décembre 2020). Les résultats mettent en lumière que les symptômes dépressifs des étudiants français sont particulièrement élevés pendant les deux périodes de confinement, comparativement aux périodes sans confinement. Une étude importante de Whatelet et coll. (2020) décrit les facteurs associés aux troubles de santé mentale chez près de 69 000 étudiants universitaires en France pendant la pandémie de COVID-2019. Parmi les facteurs de risques, les chercheurs ont identifié : le fait d’avoir des problèmes de santé mentale déclarés en tant que femme ou personne non binaire, le fait de vivre dans la précarité, l’absence d’emploi et de revenus, le fait d’habiter un logement de mauvaise qualité, les antécédents de suivi psychiatrique, les symptômes compatibles avec la COVID-19, la faible qualité des relations sociales et la faible qualité de l’information reçue.

Dans cet article, nous présentons les résultats d’une recherche comparative réalisée sur 3 cohortes. L’étude sur la cohorte 1 a déjà fait l’objet d’une publication en octobre 2021 (Bergheul et coll., 2021). Les résultats ont démontré les effets de certaines variables sur l’anxiété, notamment pour les femmes et les personnes non binaires, plus marquées que chez les hommes. Le fait d’avoir des enfants à charge s’est avéré être un facteur de protection.

Très peu d’études comparatives ont été réalisées sur des étudiants en contexte de pandémie. L’objectif du présent article est d’analyser quelques variables sociodémographiques qui peuvent prédire l’anxiété des étudiants universitaires en contexte de pandémie de COVID-19 pour la cohorte 1, la cohorte 2 et la cohorte 3. Quant à la pertinence scientifique de cette étude, ses résultats pourront combler les lacunes concernant les études réalisées sur la santé mentale des étudiant.es en contexte de pandémie et inspirer les chercheu(euse)s à aller plus en profondeur et exploiter les effets de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des étudiant(e)s et aussi éveiller la conscience des autorités publiques, sanitaires et communautaires pour instaurer de meilleures interventions.

Devis de l’étude

Collecte de données et Instruments

Les étudiants ont été recrutés dans une université québécoise en région. Tous les étudiants actifs ont été invités par l’entremise de leur adresse de courriel institutionnelle à participer à la présente étude. Les auteurs ont ainsi eu recours à un échantillonnage non probabiliste de commodité. Pour être éligibles, les individus devaient être âgés de 18 ans ou plus, être un étudiant actif de l’université et avoir une bonne compréhension du français écrit. Cette étude a reçu l’approbation du comité d’éthique de l’université qui fut le site de l’étude (no du certificat : 2020-04). Les personnes intéressées à participer à l’étude ont reçu un lien SurveyMonkey contenant le formulaire de consentement et les questionnaires de l’étude. Les individus ayant offert leur consentement ont rempli un questionnaire sociodémographique. Ce questionnaire comprenait 12 variables catégorielles, soit : le groupe d’âge, le genre, le groupe ethnique, le statut matrimonial, le nombre d’enfants, le nombre de personnes résidant à leur domicile, le diagnostic de maladie, le niveau de scolarité, le domaine d’études, le régime d’études, le statut au travail et le revenu familial. Pour comprendre la structure du questionnaire sociodémographique, voir Tableau 1 et les variables V1 à V13. Par exemple la variable associée au groupe ethnique est présentée en 5 catégories : les allochtones (personne qui n’est pas originaire du pays qu’il habite), les autochtones (personne des premiers peuples d’Amérique du Nord et leurs descendants), les métisses (personne issue de l’union de deux personnes d’origine ethnique différente), minorité visible (personne, autre que les autochtones, qui n’a pas la peau blanche) et immigrants (personne résidant au Québec qui est née hors du Canada) et autres (toute personne qui ne se considère pas dans les autres catégories). Pour ne pas créer la confusion chez les étudiants, nous avons clairement défini chaque variable dans le questionnaire présenté aux étudiants. Les participants ont également rempli l’inventaire d’anxiété de Beck (IAB, traduction française Freeston et coll., 1992). Ce questionnaire de 21 items mesure la fréquence de symptômes anxieux selon une échelle de 4 points (de 0 à 3). Le résultat total s’obtient par l’addition du score des items et peut donc varier de 0 à 63. En général on considère les valeurs suivantes : 0 à 7 = anxiété mineure, 8 à 15 = anxiété légère, 16 à 25 = anxiété modérée et de 26 à 63 = anxiété sévère. L’IAB rapporte de bonnes qualités psychométriques auprès de participants francophones, soit une cohérence interne satisfaisante (α = 0,87) et une fidélité test-retest pour un intervalle de 4 semaines (r = 0,63 ; Freeston et coll., 1992). Dans l’échantillon de notre étude, l’IAB a une cohérence interne de α = 0,93.

Participants

Un total de 1 674 étudiants francophones a participé à la présente étude. Les participants ont été recrutés à 3 moments distincts, soit durant l’été 2020 (cohorte 1 ; n = 398), l’automne 2020 (cohorte 2 ; n = 621) et l’hiver 2021 (cohorte 3 ; n = 655). Pendant la cueillette des données de la cohorte 1, le Québec a atteint 50 000 cas de contamination et 5 000 décès. Cette période correspond à la fin de la première vague. Le prélèvement des données de la cohorte 2 correspond à la deuxième vague. Le Québec a dépassé les 200 000 cas de contamination. Au moment du recueil de données sur la cohorte 3, le Québec a enregistré 300 000 cas de contamination. C’est la période qui marque l’instauration du couvre-feu et de la deuxième vague. Pour plus de détails sur les mesures sanitaires pendant la période de la pandémie, voir le site de l’Institut national de la santé publique au Québec (2023). Il s’agit d’une étude transversale regroupant 3 cohortes distinctes. Par souci de clarté, les 3 échantillons sont identifiés par la cohorte durant laquelle les données ont été collectées. La dispersion des participants selon les groupes sociodémographiques et le score moyen rapporté au IAB pour les différentes cohortes sont présentés au Tableau 1.

Analyses statistiques

La recension des écrits (Bergheul et coll., 2021 ; Flaudias et coll., 2021 ; Le Vigouroux et coll., 2021 ; Whatelet et coll., 2020) présentée précédemment permet d’identifier un nombre important de facteurs prédictifs de troubles de santé mentale chez les étudiants universitaires. Les chercheurs de cette étude ont jugé pertinent de retenir les 12 variables présentées au Tableau 1. Puisque les données sociodémographiques de la cohorte 1 sont présentées dans un article scientifique, les auteurs ont choisi de ne pas commenter les fréquences pour cette cohorte (voir Bergheul et coll., 2021 pour plus de détails). Des statistiques descriptives des données sociodémographiques selon les différentes cohortes ont d’abord été examinées. Les analyses subséquentes ont été réalisées à partir du logiciel R (R Core Team, 2021). Douze analyses de variance (ANOVAs) simples ont été testées afin de comparer le niveau d’anxiété rapporté (score au IAB) selon les groupes sociodémographiques, et ce, séparément pour chaque cohorte. Afin de corriger l’erreur de type 1 amplifiée, une correction Bonferroni a été appliquée (p < 0,005/12 comparaisons). Un seuil alpha de p < 0,004 a ainsi été utilisé pour les ANOVAs simples. À partir des résultats obtenus pour les ANOVAs simples, les variables sociodémographiques qui permettaient de différencier significativement les participants selon leur score au IAB ont été entrées dans un modèle d’ANOVA factorielle. Ces analyses ont été effectuées séparément pour chaque cohorte. Les tailles d’effet rapportées pour les ANOVAs simples (êta carré ; η2) et pour les ANOVAs factorielles (êta carré partiel ; η2partiel) ont été interprétées selon les barèmes suivants : 0,01 petite, 0,06 moyenne et 0,14 grande (Cohen, 1988). Les effets principaux et les effets d’interactions significatifs ont été décomposés à l’aide d’analyses post hoc de Tukey. Les ANOVAs simples ne sont pas présentées dans les tableaux pour ne pas allonger la présentation des résultats. Toutefois, le Tableau 2 présente les ANOVAs factorielles pour déceler les variables significatives.

Résultats

Cohorte 1

Les résultats des ANOVAs simples (Tableau 2) ont révélé que le groupe d’âge (F [4, 377] = 4,66, p = 0,001, η2 = 0,05) et le diagnostic (F [3, 379] = 5,20, p = 0,002, η2 = 0,04) permettent de différencier significativement le niveau d’anxiété des participants. Les autres variables sociodémographiques n’ont pas d’effet significatif (ps > 0,012). Les variables significatives ont été entrées dans une analyse d’ANOVA factorielle. L’âge et le diagnostic ont un effet principal significatif, mais l’interaction Âge x Diagnostic n’est pas significative. Des analyses post hoc révèlent que les participants âgés entre 20 et 24 ans (p = 0,004) et ceux âgés de 30 à 34 ans (p = 0,014) sont significativement plus anxieux que les participants âgés de 35 ans et plus. Aussi, les étudiants qui ont reçu un diagnostic de santé mentale sont significativement plus anxieux que ceux qui n’ont pas reçu de diagnostic (p < 0,001). Mis en commun, ces résultats suggèrent que le fait d’être plus jeune et d’avoir un diagnostic associé à la santé mentale peut être des facteurs de vulnérabilité pour l’anxiété. Les statistiques F, degrés de liberté, seuils de signification et mesures de taille d’effet êta-carré partiel sont présentés au Tableau 2.

Cohorte 2

L’analyse du Tableau 1 révèle que 35,4 % des participants sont âgés de plus de 35 ans, 74,7 % rapportent un genre féminin et 45,6 % sont allochtone. Pour leur situation matrimoniale, 56,7 % sont en couple ou mariés, 57,8 % n’ont aucun enfant et 31,6 % cohabitent avec une seule personne. Enfin, 68,1 % n’ont pas reçu de diagnostic. Du point de vue scolaire, 62,3 % sont inscrits dans un programme de baccalauréat, 55,1 % étudient à temps plein et 25,1 % sont inscrits dans un programme de développement humain et social. Au niveau du travail, 36,9 % travaillent à temps plein, 34,4 % à temps partiel, et 61,4 % préfèrent ne pas donner d’information sur leur revenu.

Pour la deuxième cohorte, les résultats des ANOVAs simples indiquent que le genre (F [2, 601] = 10,13, p < 0,001, η2 = 0,03), le diagnostic (F [3, 594] = 20,83, p < 0,001, η2 = 0,10) et le domaine d’étude (F [6, 597] = 3,83, p < 0,001, η2 = 0,04) permettent de différencier les participants selon leur niveau d’anxiété. Les autres variables sociodémographiques ne sont pas statistiquement significatives (ps > 0,005). Les variables significatives ont ainsi été sélectionnées pour l’analyse d’ANOVA factorielle. Les résultats révèlent que le genre et le diagnostic ont un effet principal sur le niveau d’anxiété. En ce sens, les analyses post hoc indiquent que les participants de genre féminin (p = 0,001) et les personnes qui ont indiqué une autre identité de genre (non binaire ou non genré ; p = 0,001) rapportent un niveau d’anxiété significativement plus élevé que les participants de genre masculin. Les participants de genre autre étaient également plus anxieux que les participants de genre féminin (p = 0,033). Les participants ayant un diagnostic de maladie mentale ont rapporté significativement plus d’anxiété que les participants ayant un diagnostic de maladie physique (p < 0,001) ou n’ayant pas de diagnostic (p < 0,001). Finalement, les participants qui ont reçu des diagnostics comorbides sont significativement plus anxieux que les participants qui n’ont pas reçu de diagnostic (p = 0,008). Ces résultats suggèrent que le genre féminin ainsi que les personnes non binaires et non genrées peuvent être plus vulnérables à éprouver de l’anxiété. La présence d’un diagnostic associé à la maladie mentale ou la présence concomitante de diagnostics de santé mentale et physique peuvent également être des facteurs de vulnérabilité.

L’interaction Genre x Diagnostic x Programme d’étude a également un effet significatif. Les personnes qui s’identifient comme une autre identité de genre que masculin ou féminin ayant un diagnostic de santé mentale et étudiant dans le domaine de développement humain et social (M = 46,00, ÉT = 0,00, p = 0,006) ainsi que les participants de genre féminin, qui rapportent un diagnostic de santé mentale et qui étudient dans le domaine de la santé (M = 22,95, ÉT = 12,28, p = 0,026) ou dans un programme de développement humain et social (M = 21,98, ÉT = 11,68, p = 0,011) sont significativement plus anxieux que les participants de genre masculin, qui n’ont pas de diagnostic et étudient dans le domaine de création et nouveaux médias (M = 7,99, ÉT = 8,45). Les résultats de l’ANOVA factorielle sont présentés au Tableau 2.

Cohorte 3

L’inspection du Tableau 1 a permis de relever que 38,9 % de la cohorte 3 sont âgés de plus de 35 ans, 78,3 % sont de genre féminin et 61,7 % sont allochtones. Sur le plan personnel, 58,6 % sont en couple ou marié, 51,5 % n’ont pas d’enfant et 32,2 % cohabitent avec une seule personne. L’information sur les diagnostics reçus n’a pas été colligée pour cette cohorte. Malheureusement, le taux de réponse à cette question était très faible et les chercheurs ont décidé de supprimer cette variable. Au niveau scolaire, 60,5 % suivent des études de baccalauréat, 50,4 % étudient à temps partiel et 20,9 % sont inscrits dans un programme de développement humain et social. Sur le plan professionnel, 43,4 % travaillent à temps plein et 50,8 % ont un revenu de 30 000 $ et plus.

Pour la troisième cohorte, les résultats des ANOVAs simples indiquent que le groupe d’âge (F [4, 601] = 4,73, p < 0,001, η2 = 0,03), le régime d’étude (F [1, 603] = 14,25, p < 0,001, η2 = 0,002) et le revenu (F [4, 602] = 7,06, p < 0,001, η2 = 0,04) ont des effets significatifs. Les autres variables sociodémographiques ne sont pas significatives (ps > 0,008). Les variables significatives ont ainsi été entrées dans les modèles d’ANOVAs factorielles. Les résultats démontrent que l’âge et le revenu ont des effets principaux significatifs, mais aucun terme d’interaction n’est significatif. Les participants âgés de 20 à 24 ans (p < 0,001) et ceux de 25-29 ans (p = 0,034) rapportent être significativement plus anxieux que les participants âgés de 35 ans et plus. Les résultats suggèrent que les étudiants plus jeunes peuvent être plus vulnérables face à l’anxiété. Aussi, les participants dont le revenu est inférieur à 15 000 $ rapportent un niveau d’anxiété plus élevé que les étudiants qui ont un revenu de plus de 30 000 $ (p < 0,001) et les étudiants qui ne connaissaient pas leur revenu (p = 0,007). Les étudiants qui ont un revenu entre 15 000 $ et 29 999 $ ont également un plus grand niveau d’anxiété que les participants dont le revenu était supérieur à 30 000 $ (p = 0,042). Il semble qu’un revenu moins élevé soit associé à une anxiété plus sévère. Mis en commun, les résultats de l’ANOVA factorielle exposés au Tableau 2 suggèrent que l’âge et le revenu familial peuvent avoir un rôle important dans l’anxiété plus sévère.

Tableau 1

Dispersion des participants de l’étude selon les variables sociodémographiques et les scores d’anxiété

Dispersion des participants de l’étude selon les variables sociodémographiques et les scores d’anxiété

Tableau 1 (continuation)

Dispersion des participants de l’étude selon les variables sociodémographiques et les scores d’anxiété

Tableau 1 (continuation)

Dispersion des participants de l’étude selon les variables sociodémographiques et les scores d’anxiété

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Tableau 2

Tableau récapitulatif des analyses d’ANOVA factorielles selon les différentes cohortes

Tableau récapitulatif des analyses d’ANOVA factorielles selon les différentes cohortes

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Discussion

Cette étude était destinée à analyser quelques variables sociodémographiques qui peuvent prédire l’anxiété des étudiants universitaires en contexte de pandémie de COVID-19 pour les 3 cohortes de l’étude. Les résultats pour la cohorte 1 indiquent que le fait d’être plus jeune et d’avoir un diagnostic associé à la santé mentale peut-être fait partie des facteurs de vulnérabilité et d’anxiété. Les jeunes possèdent généralement des caractéristiques de développement cognitif et psychologique qui les rendent plus vulnérables face aux répercussions du stress engendré par la pandémie. Plusieurs recherches (Bergheul et coll., 2021 ; Wang et coll., 2020) confirment que les jeunes sont plus vulnérables à l’anxiété en contexte de pandémie. Les études de Xiong et ses collaborateurs (2020) affirment que les individus de 40 ans et moins ont des risques plus élevés de développer de l’anxiété et du stress en contexte de pandémie. Les résultats indiquent également que le statut d’étudiant est associé à des niveaux plus élevés de symptômes anxieux. Les étudiant(e)s qui étudient à temps complet et qui exercent un travail à temps complet sont susceptibles de présenter plus d’anxiété que les autres catégories. Une étude réalisée en Turquie (Özdin, S. et Bayrak Özdin, 2020) aboutit aux mêmes résultats que nous avons obtenus sur la cohorte 1. Les scores indiquent que les femmes, les personnes atteintes de maladies psychiatriques passées ou présentes et les personnes atteintes de maladies chroniques sont plus susceptibles de développer de l’anxiété pendant la pandémie. Les recherches démontrent que l’anxiété peut être plus élevée chez les femmes et les personnes ayant un antécédent de maladie psychiatrique (Bardhoshi et coll., 2016 ; Bobevski et coll., 2016). Le genre féminin a été identifié comme le facteur prédictif le plus puissant de symptômes posttraumatiques et de stress en temps de pandémie. Ces résultats qui corroborent ceux de Liu et coll. (2020) doivent être traités avec prudence. Bardhoshi et coll. (2016), dans une méta-analyse portant sur les propriétés psychométriques de l’IAB, rapportent dans des études avant la pandémie que les femmes ont souvent un score total moyen de 11,09 comparativement à 8,10 pour les hommes. Chez certaines personnes ayant des problèmes de santé mentale avant la pandémie, les symptômes préexistants peuvent s’être intensifiés pendant la pandémie. Quand on associe le genre, le diagnostic et le programme d’étude, on obtient des résultats significatifs. Les personnes qui s’identifient comme une autre identité de genre ayant un diagnostic de santé mentale et étudiant dans le domaine de développement humain et social, les participants de genre féminin, qui rapportent un diagnostic de santé mentale et qui étudient dans le domaine de la santé ou dans un programme de développement humain et social sont significativement plus anxieux que les participants de genre masculin, qui n’ont pas de diagnostic. L’absence d’études sur la relation entre le domaine d’étude et l’anxiété des étudiant(e)s en contexte de pandémie ne nous permet pas de comparer nos résultats à ceux d’autres études. Pour la cohorte 2, les résultats suggèrent que le genre féminin ainsi que les personnes non binaires et non genrées peuvent être plus vulnérables à éprouver de l’anxiété. La population LGBT a été exposée au stress de la minorité en raison de préjugés liés à leur orientation sexuelle et/ou à leur identité de genre. Pendant la pandémie de la COVID-19, cette population semble avoir été plus exposée au risque d’isolement social et physique dans leurs réseaux de soutien et, à plus de difficultés pour exprimer leur propre identité. Une étude réalisée au Chili (Barrientos et coll., 2021) a montré que la COVID-19 a affecté émotionnellement une grande majorité de personnes LGBT. Cet impact psychosocial de la COVID-19 a été plus important pour les personnes qui se définissent comme des personnes de différentes orientations et/ou sexuelles identités sexuelles (y compris les homosexuels, les asexués, les pansexuels, les demi-sexuels). Pour la cohorte 3, les résultats indiquent que l’âge et le revenu familial peuvent jouer un rôle important dans l’anxiété plus sévère. Le Tableau 1 indique que 2,6 % sont sans revenu pour la cohorte 3. Il est évident que les variables âge et genre ont été les variables les plus prédictives de notre étude. La variable diagnostic est le facteur qui ressort le plus pour la cohorte 1 et 2. L’information sur les diagnostics reçus n’a pas été colligée pour la cohorte 3 à cause du taux de non-réponse très faible à cette question. Malgré l’échantillon important interrogé lors des 3 passations, l’étude comporte des limites. Ainsi, 76,8 % étudiantes et seulement 17,13 % étudiants ont répondu au questionnaire de notre étude. Selon les statistiques réalisées en 2021 par le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) (2023), les femmes représentent 79 % de la population étudiante de l’université québécoise où s’est déroulée l’enquête.

Conclusion

Notre étude comparative auprès de 1 674 étudiants de l’université québécoise en région peut être considérée parmi les rares études réalisées à ce jour en temps de pandémie. L’originalité de notre étude est de tester des variables sociodémographiques en 3 temps et sur 3 cohortes. Elle contribue grandement à l’avancement sur le plan des connaissances et des pratiques. Les résultats de la cohorte 1 indiquent que le fait d’être plus jeune et d’avoir un diagnostic associé à la santé mentale fait partie des facteurs de vulnérabilité pour l’anxiété. Pour la cohorte 2 l’interaction Genre x Diagnostic x Programme d’étude a un effet significatif. L’âge et le revenu familial sont des facteurs prédictifs d’une anxiété importante dans la cohorte 3. Nous sommes conscients des limites de notre étude quant à démontrer les effets de la pandémie. Notre équipe de recherche a décidé de faire remplir les mêmes questionnaires hors contexte de pandémie sur un groupe contrôle d’étudiants de l’Université du Québec en région à l’automne 2023 et de comparer les résultats de cette quatrième cohorte aux autres résultats obtenus afin de vérifier les effets de la pandémie. Puisque notre recherche ne permet pas de justifier les résultats au regard d’autres populations, la généralisation des résultats est modérée étant donné qu’il s’agit d’une étude monocentrique n’impliquant que des étudiants d’une région éloignée du Québec. De nombreuses enquêtes réalisées pendant la pandémie (Hou et coll., 2020 ; Summers-Gabr, 2020) ont démontré que le lieu d’habitation avait un impact important sur la santé mentale des individus. Des recherches qualitatives ou mixtes sont nécessaires pour mieux donner un sens aux chiffres et mieux comprendre les effets de certaines variables sociodémographiques. Des programmes et des politiques (Pougnet, et coll., 2020 ; Bellefleur et Jacques, 2021) se sont développés pour gérer les problèmes de santé mentale de l’après-pandémie. Il est important que ces programmes et politiques tiennent compte des données probantes de notre étude.