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L’ouvrage de Trépanier porte principalement sur les différentes façons d’enseigner et de soutenir les élèves handicapé⋅e⋅s ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage scolarisé⋅e⋅s à l’école. Ce livre est la deuxième réédition du livre L’intégration scolaire des élèves en difficulté. Une typologie de modèles de services, paru initialement en 2003 et réédité en 2005. La récente réédition de 2019 se veut bonifiée. Les deux premières versions proposaient sensiblement la même structure, soit un premier chapitre à propos du système en cascade et des modalités québécoises de scolarisation, puis un deuxième, exposant une typologie des modèles de services en adaptation scolaire. La réédition de 2019 propose plutôt un chapitre comprenant l’essentiel des deux chapitres des éditions précédentes, auxquels s’ajoutent trois nouveaux chapitres.

Plus spécifiquement, le premier chapitre s’amorce par une mise en contexte où sont dépeintes les grandes lignes de l’histoire de l’adaptation scolaire, les modalités de scolarisation québécoises ainsi que différentes façons d’enseigner et de soutenir les élèves handicapé⋅e⋅s ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, ce que Trépanier appelle la typologie de modèles de services. Par exemple, un⋅e élève scolarisé⋅e en classe spéciale ou qui fréquente avec un sous-groupe de pairs la classe-ressource d’un⋅e orthopédagogue reçoit des services directs à l’extérieur de la classe ordinaire. Au contraire, le cas d’un⋅e orthopédagogue qui se présente en classe ordinaire et soutient l’enseignant⋅e pendant une explication donnée au groupe, illustre plutôt un service direct à l’intérieur de la classe ordinaire. Enfin, Trépanier détaille deux modèles où l’orthopédagogue agit à titre de consultant⋅e, d’abord auprès de l’enseignant⋅e puis auprès de l’équipe de soutien, souvent constituée de professionnel⋅le⋅s de l’éducation.

Le deuxième chapitre aborde la réponse à l’intervention, concept qui propose une intervention de plus en plus intensive et individuelle lorsque l’appui fourni à l’élève ne donne pas les résultats espérés. Ce modèle s’illustre habituellement à l’aide d’une pyramide où le bas représente des interventions universelles proposées à tou⋅te⋅s les élèves et le haut, des interventions intensives et individuelles, adressées aux élèves résistant⋅e⋅s aux interventions scientifiquement efficaces. Selon l’endroit de la pyramide où il se situe, l’élève pourra bénéficier d’interventions et de services adaptés qui correspondent à ses besoins. Au fil des pages, Trépanier illustre certaines limites à cette approche dans la compréhension du rôle de l’orthopédagogue, dont le fait qu’il ne faudrait pas réduire son rôle à des interventions individualisées, ayant uniquement une visée rééducative. Comme l’indique l’auteure, « [o]n ne peut faire reposer le poids de l’application [des premiers niveaux] d’un tel programme sur les épaules de l’enseignant, la réussite scolaire et éducative étant l’affaire de tous » (p. 110).

Le troisième chapitre, rédigé par Judith Beaulieu[*], traite des élèves présentant des difficultés importantes et persistantes. L’auteure présente des cas de figure concrets et reliés à la pratique, qui permettent de bien comprendre les caractéristiques de ces élèves et de constater l’importance de les prendre en compte dans la pratique orthopédagogique. De plus, l’auteure dégage certaines croyances véhiculées au sujet des élèves ayant de telles difficultés, dont celle que ces difficultés se développent à partir du troisième cycle du primaire seulement. Beaulieu montre également que les élèves du haut de la pyramide, entre 1 et 5 % de l’effectif scolaire qui ne répond pas aux séances d’intervention soutenues et nécessitent alors des interventions individuelles, ne peuvent se résumer à ces dernier⋅ère⋅s. Par ailleurs, le texte propose quelques réflexions, par exemple sur le recours trop systématique à la pratique du dénombrement flottant ainsi que sur les modalités d’intervention à favoriser dans le plan d’intervention de l’élève (fréquence des rencontres, grosseur des groupes à privilégier et évaluation orthopédagogique des progrès accomplis par la⋅le jeune).

Enfin, un quatrième chapitre expose différents plans utilisés en totalité ou en partie par le milieu scolaire, soit le plan de services individualisé, le plan de transition, le plan d’intervention et le plan d’action.

Avec cet ouvrage, Trépanier réalise un tour de force en décrivant et en regroupant les différentes façons d’enseigner et de soutenir les élèves handicapé⋅e⋅s. Même plus de 15 ans après la première édition de ce livre, cette typologie apparait encore d’actualité. Les étudiant⋅e⋅s en éducation ont intérêt à prendre connaissance de cette typologie qui va bien au-delà de la pratique usuelle en orthopédagogie, qui se résume encore parfois à la pratique du dénombrement flottant. Cette lecture favorise la compréhension du travail de l’orthopédagogue, et déploie l’étendue de l’offre de services aux élèves pour qu’elle corresponde davantage à leurs besoins.

La facilité avec laquelle il est possible de s’approprier le contenu de l’ouvrage est assurément à relever. Même avec l’ajout de trois chapitres, les 153 pages de l’ouvrage se lisent rapidement. Toutefois, l’organisation des sections montre quelques déséquilibres. Le premier chapitre compte près d’une centaine de pages alors que les autres chapitres en comptent une quinzaine chacun. Pour y remédier, la première partie aurait pu être séparée en plusieurs pour apporter une certaine harmonie.

De même, si la typologie des modèles de services d’orthopédagogie s’avère du contenu explicite et original, certains sujets, notamment dans la mise en contexte, demeurent survolés. Ces derniers doivent être utilisés comme un rappel ou un aperçu de notions liées à l’adaptation scolaire. L’étudiant⋅e qui désire s’initier à ces notions ou en comprendre les nuances aura tout intérêt à consulter d’autres documents portant spécifiquement sur ces sujets.

Dans l’ensemble, les ajouts liés à cette réédition valent un retour à cet ouvrage, notamment pour comprendre comment se conjuguent l’offre de service à paliers multiples issus du système en cascade et le concept de réponse à l’intervention. Toutefois, le dernier chapitre aborde les plans de façon sommaire. Bien que les figures illustrant ces plans permettent de comprendre concrètement de quoi il en retourne, le choix de diffuser le plan d’intervention tiré de la deuxième édition de Plan d’intervention, de services et de transition publié en 2004 par Georgette Goupil surprend quelque peu puisque le ministère de l’Éducation du Québec propose un canevas commun depuis 2011. Enfin, comme cet ouvrage s’adresse plus particulièrement aux orthopédagogues, il aurait été intéressant d’y ajouter le plan d’action orthopédagogique, un outil qui expose les capacités et besoins de l’élève, favorise la planification des interventions orthopédagogiques, et éventuellement aide à la rédaction du bilan de fin d’année ou de consultation.