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Les vastes géographies de la pensée

  • Julien Lefort-Favreau

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  • Julien Lefort-Favreau
    Université Queen’s

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Couverture de Madeleine Gagnon, Volume 48, numéro 1 (142), automne 2022, p. 9-206, Voix et Images

On le constatera ici : j’ai parfois l’esprit digressif. J’ose toutefois espérer que j’ai de la suite dans les idées. Ma chronique précédente portait sur de récentes parutions de (ou à propos de) Micheline Cambron et de Régine Robin. L’actualisation de leur travail des années 1980 me semblait (tristement) aisée : la persistance de récits nationaux et le fonctionnement de l’hégémonie chez Cambron, les rapports idéologiquement complexes entre histoire et mémoire chez Robin – tout cela me semble évoluer à pas de tortue. L’hiver est long. La parution de Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel de Pierre Nepveu me permet ici de continuer ma recension de ces territoires de la pensée (notez comment je file la métaphore spatiale) tout en précisant la nature des conflits de récits qui ont récemment alimenté les débats politiques, et par extension, les débats intellectuels. En 2019, Pierre Nepveu nous accordait, à Stéphane Inkel et moi, un entretien dans le cadre d’un dossier sur l’« Espace démocratique de la littérature québécoise contemporaine » pour Voix et Images. Peut-être en raison de notre position géographique (nous enseignons tous les deux en Ontario, notre perspective sur la littérature québécoise est anecdotiquement décentrée), nous l’avions d’emblée interrogé sur l’importance de François Paré dans son parcours, influence qu’il revendique par ailleurs explicitement dans Lectures des lieux (2004). Il nous répondait avoir été, depuis les années 1970 et son Miron dépaysé, « mû par la critique de notions comme l’hégémonie, la centralité, l’identité, l’homogénéité ». Les littératures de l’exiguïté (1992) de Paré lui avait « ouvert le territoire des littératures francophones du Canada, mais le renversement qu’il a suscité chez [lui] concernait plutôt la littérature québécoise », l’aidant à « “dé-monumentaliser” la référence québécoise, [à] en faire sentir l’instabilité et la précarité fondamentales » et à « [donner] à voir que le discours de la fragilité et de l’hétérogène pouvait être en réalité l’affirmation d’un pouvoir, le luxe d’une culture forte, capable de composer avec ses fissures et ses discordances, se nourrissant de l’altérité même qui la déstabilise ». Il partagerait avec Paré un « même souci éthique qui [lui] fait contester le grand récit national et l’hégémonie d’une identité pleine et consensuelle sans qu’[il] idéalise pour autant la différence et l’altérité ». Géographies du pays proche. Poète et citoyen dans un Québec pluriel vient prolonger cette exploration des géographies imaginaires du Québec. Il s’agit d’un livre ambitieux qui parvient à formuler une synthèse globale de ses travaux antérieurs, à esquisser en creux une autobiographie intellectuelle (en fait, une autobiographie tout court ; nombreuses sont les anecdotes sur son enfance, sur son milieu d’origine), et à inscrire ces considérations dans l’histoire des idées au Québec ; en somme, à objectiver l’histoire de ses idées. Ce regard rétrospectif est doublé d’interventions ciblées dans des débats publics contemporains. Rares sont les intellectuel·le·s qui sont parvenu·e·s à ce haut degré de conceptualisation de la culture en faisant se croiser l’analyse littéraire et les sciences sociales. Je tenterai dans cette chronique de suivre les enseignements de la riche leçon de méthode proposée par Nepveu et que l’on pourrait désigner ainsi : comment lire le politique avec les outils de la littérature ? Nous ferons entrer cet important ouvrage en dialogue avec un récent livre de François Paré, mais aussi avec le travail d’intellectuel·le·s de ma génération (les X ? les Z ? qu’en sais-je ?), Dalie Giroux et Philippe Néméh-Nombré, afin de cerner les traits d’une filiation possible. « Poète et citoyen dans un Québec pluriel » dit le sous-titre chargé du livre de Nepveu. Les politiques du …

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