Corps de l’article

Introduction

Dans le contexte de l’internationalisation de l’enseignement supérieur, de nombreuses universités se posent comme objectif de préparer leurs étudiants à agir en tant que professionnels et citoyens dans une société mondialisée. Le développement de la compétence interculturelle est vu comme un élément important de cette préparation (Gregersen-Hermans, 2017). Loin d’être le résultat d’une simple transmission de connaissances au sujet d’autres cultures, l’interculturel apparaît comme une compétence qui se construit dans les interactions. Lorsqu’il s’agit de mettre en contact des étudiants de diverses cultures, ces interactions doivent être encadrées soigneusement afin d’arriver à des résultats positifs (Abdallah-Pretceille, 1997 ; Dervin, 2017b; Liu, 2016).

L’objectif de cette étude est de présenter des actions orientées vers le développement des compétences interculturelles et l’intégration d’étudiants internationaux dans une université américaine d’arts libéraux située en Bulgarie. Ce genre d’établissements supérieurs, connus aux États-Unis, se chargent de développer en priorité les connaissances et les capacités intellectuelles générales des étudiants, ce qui les distingue des formations à orientation professionnelle ou technique. La question centrale de cette étude est de savoir quel est le potentiel de certaines expériences scolaires et extrascolaires inspirées des valeurs de l’éducation en arts libéraux pour développer les compétences interculturelles des étudiants confrontés au besoin d’une double intégration : à l’éducation de style américain et à l’environnement local.

Nous aborderons certains aspects théoriques issus des recherches sur les mobilités universitaires avant de présenter deux études empiriques fondées sur une approche interventionniste dans le domaine de l’enseignement-apprentissage des langues vivantes et de l’activité artistique extrascolaire. Les résultats seront ensuite analysés et discutés pour répondre à la question de recherche et pour proposer des pistes de développements ultérieurs.

Fondements théoriques

Stratégies d’internationalisation de l’enseignement supérieur

La mobilité universitaire et l’internationalisation du curriculum au niveau local représentent les stratégies principales que l’enseignement supérieur met en oeuvre dans l’objectif de sensibiliser les étudiants à l’interculturel (Gregersen-Hermans, 2017).

En ce qui concerne la mobilité universitaire, dès le début des années 2000, une disparité des flux est constatée car « les étudiants mobiles viennent en majorité de pays émergents […]. Les facteurs qui poussent à la mobilité, ou push factors, sont [également] très divers » (Murphy-Lejeune, 2008, p. 25). Les étudiants de l’Europe de l’Est témoignent d’une hyper- ou multi-mobilité, c’est-à-dire des formes de mobilité à la fois variées et d’une intensité accrue (Dervin et Ljalikova, 2007 ; Kirpitchenko, 2006). En outre, aujourd’hui, les technologies rendent possibles les mobilités virtuelles, ce qui affecte les mentalités, les comportements et les pratiques sociales grâce à l’accès continu à un flux d’information et d’objets, ainsi que la création de parcours personnalisés (Murphy-Lejeune, 2008).

La stratégie d’internationalisation du curriculum, qui concerne à la fois les étudiants en mobilité et les étudiants locaux, vise à intégrer des aspects interculturels et internationaux à plusieurs niveaux, que ce soit les objectifs des formations, l’évaluation, l’enseignement ou les services (Gregersen-Hermans, 2017 ; Leask, 2015). Comme nous allons le voir, ces dimensions font partie non seulement du curriculum formel, c’est-à-dire des activités évaluées et sanctionnées par des crédits, mais aussi du curriculum informel, qui contribue au développement des étudiants.

Interculturel et curriculum formel

Le développement de la compétence interculturelle à l’aide du curriculum formel suppose sa contextualisation au sein des disciplines universitaires. Dans le domaine de l’enseignement des langues et des cultures, le modèle dominant de la compétence interculturelle que les enseignants s’efforcent de mettre en oeuvre englobe cinq dimensions : savoirs [knowledge], savoir comprendre [interpreting/relating skills], savoir apprendre/faire [discovery/interaction skills], savoir être [attitudes] et savoir s’engager [critical cultural awareness] (Audras et Chanier, 2007 ; Byram, 1997). Or les expériences qui s’appuient sur le numérique, comme la télécollaboration, ont mis en évidence la nécessité d’examiner l’interculturel selon une perspective dynamique qui tient compte des ruptures et des instabilités dans des contextes variés (Trémion et Dervin, 2018). Dans ce type d’échange, il importe de révéler les « postures du locuteur interculturel qui témoignent d’une vie commune en ligne, où apparaissent démarche personnelle vers l’autre, engagement, ou construction de connaissances visant la découverte de l’autre et de soi » (Audras et Chanier, 2007, paragr. 9). Un des atouts de ces expériences est donc la possibilité de se décentrer dans le sens de « jeter sur soi ou sur son groupe un regard extérieur et distancié » et, de cette manière, devenir capable d’« admettre d’autres perspectives » (Abdallah-Pretceille, 1997, p. 126).

Des études récentes rapportent des effets positifs de la télécollaboration en langues sur le développement des compétences langagières et interculturelles des apprenants ainsi que sur leur motivation et leur intérêt à la mobilité (voir par exemple Bozhinova et Derivry-Plard, 2018 ; Schenker, 2017 ; Ware et Kramsh, 2005). Toutefois, comme le remarque Capellini (2013), « les interactions dans des projets de télécollaboration ne débouchent pas automatiquement sur un développement de la compétence communicative interculturelle ». Il convient donc de stimuler les pratiques réflexives sur les échanges.

Interculturel et curriculum informel

Faisant partie du curriculum informel, les activités extrascolaires enrichissent l’expérience universitaire des étudiants. Elles permettent de compléter leurs savoirs disciplinaires et leurs compétences professionnelles, ainsi que de les former en tant que personnes dotées de compétences équilibrées et en tant que citoyens responsables (Makarova et Reva, 2017).

La valeur ajoutée des activités extrascolaires consiste également dans l’amélioration de la dynamique des groupes et le renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté éducative (Makarova et Reva, 2017). Dans le domaine de l’apprentissage des langues, paradoxalement, la recherche concernant les activités extrascolaires liées aux langues vivantes et aux cultures qu’elles véhiculent est quasi inexistante depuis une quarantaine d’années. Il n’en reste pas moins que les activités de ce type encouragent l’intérêt pour la mobilité à l’étranger et créent une atmosphère de confiance dans les interactions (Makarova et Reva, 2017).

De manière générale, grâce à leur participation à des activités extrascolaires, les étudiants internationaux se sentent plus satisfaits de leur vie en tant que membres d’un nouveau réseau social (Hendrickson, 2018). Ils apprennent à apprécier la culture locale, à se défaire de leurs stéréotypes et deviennent plus conscients de certains aspects de leur propre culture (Liu, 2016). De ce fait, les responsables éducatifs soucieux de l’intégration des étudiants internationaux devraient prendre en compte le rôle de ces activités dans l’élaboration des programmes.

Expériences interculturelles dans le contexte de l’éducation en arts libéraux

Problématique et hypothèses

L’introduction de dispositifs hybrides et de télécollaborations est mise de l’avant par certaines associations, dont les Associated Colleges of the South (États-Unis) et la Global Liberal Arts Alliance (Global Liberal Arts Alliance [GLAA], 2013 ; Hagood, 2014). Parmi les projets éducatifs proposés, celui des Global Course Connections a attiré notre attention car il encourage la mise en place d’un programme d’études partagé entre deux classes distantes géographiquement qui échangent tout au long d’un semestre pour réaliser ensemble plusieurs tâches. De cette manière sont renforcées à la fois la dimension internationale de la formation et les relations entre les enseignants en arts libéraux (GLAA, 2013).

D’autre part, les activités extra- et co-curriculaires représentent un aspect important de l’expérience éducative en arts libéraux. Par exemple, en contribuant aux initiatives de différents clubs, les étudiants sont censés développer des compétences essentielles (ou soft skills) en organisation, communication, prise d’initiative, travail en équipe ou leadership.

L’interrogation principale à la base de cette recherche est de savoir quel est le potentiel des expériences universitaires liées à l’apprentissage d’une langue vivante (en l’occurrence, le français) et extrascolaires inspirées des valeurs de l’éducation en arts libéraux pour développer les compétences interculturelles des étudiants. Plus particulièrement, dans quelle mesure ces expériences réussissent-elles à créer des conditions propices à une prise de distance par rapport à ses propres comportements et valeurs, une meilleure compréhension d’autrui, voire une négociation des positionnements et des identités ?

Les expériences reposent sur deux hypothèses globales. La première est que le dispositif de télécollaboration en tant qu’expérience pédagogique dans le domaine des langues vivantes, qui assure un environnement d’apprentissage « protégé » avec appui sur les technologies numériques, permettra aux participants d’effectuer des rencontres interculturelles menant vers une meilleure connaissance de soi et de son groupe et vers l’ouverture à d’autres cultures. D’après la seconde hypothèse, les activités extrascolaires liées à la culture du pays d’accueil contribueront à une meilleure compréhension de cette culture par les participants, faciliteront la communication interculturelle pendant leurs études ainsi que la prise de conscience des valeurs de l’éducation en arts libéraux.

Contexte des études et participants

La première étude est une intervention réalisée dans le cadre du projet Global Course Connection durant deux semestres avec des étudiants apprenant le français au niveau intermédiaire dans deux universités membres de la Global Liberal Arts Alliance : l’American University in Bulgaria (AUBG), située dans la ville de Blagoevgrad en Bulgarie, et le Earlham College (EC) situé à Richmond (Indiana) aux États-Unis. Les deux établissements d’arts libéraux sont privés, accueillent chacun environ 1 000 étudiants et possèdent des campus résidentiels.

Les étudiants, qui étaient dans la vingtaine, suivaient divers programmes de licence (Bachelor of Arts, quatre ans). La répartition des groupes ayant participé au projet est fournie dans le tableau 1. Afin de préserver l’anonymat, les noms des étudiants ont été remplacés par des codes alphanumériques.

Tableau 1

Participants à l’expérience de télécollaboration

Participants à l’expérience de télécollaboration

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Le projet de télécollaboration visait à favoriser l’apprentissage du français ainsi que le développement de la compétence interculturelle en s’appuyant sur le numérique. Des tâches collectives et en tandem étaient prévues à cette fin, dont deux seront abordées ici : (a) partager et commenter dans un groupe fermé sur Facebook des vidéos réalisées en équipes d’étudiants de la même classe pour présenter les deux campus (tâche 1) et (b) discuter par visioconférence en trinômes composés de représentants des deux universités un film français (tâche 2). Les participants de l’AUBG devaient également compléter un journal d’expérience personnelle afin de développer la réflexivité sur l’apprentissage du français, les cultures en contact et leur propre expérience de l’échange.

La seconde étude, réalisée en mars-avril 2019, concernait les actions d’un club étudiant de danses folkloriques bulgares à l’AUBG. Ce club offre la possibilité à ses membres d’apprendre des danses folkloriques et des traditions typiques de la région. Son activité la plus importante est la réalisation d’un spectacle annuel au mois d’avril, qui combine des danses et du théâtre en reproduisant l’oeuvre littéraire d’un auteur bulgare connu sous la direction d’un chorégraphe professionnel. En tant que chercheuse non impliquée dans l’activité du club, j’ai conduit des entretiens semi-directifs avec des personnes dont l’avis m’a semblé important. Le premier entretien, réalisé avec l’encadrante universitaire du club, a été enregistré à l’université. Parmi les quatre membres les plus actifs du club recommandés par l’encadrante, trois ont accepté l’invitation par courriel. Enfin, après avoir assisté au spectacle, j’ai invité deux étudiants étrangers que j’avais reconnus facilement parmi le public car ils participaient souvent à des activités extrascolaires organisées sur le campus. J’ai donc jugé qu’ils seraient capables de répondre à mes questions concernant les activités du club de danse en les comparant à d’autres expériences extracurriculaires. Les entretiens avec tous les étudiants ont été enregistrés dans mon bureau.

Les caractéristiques sociodémographiques des personnes ayant participé aux entretiens sont présentées dans le tableau 2.

Tableau 2

Participants aux entretiens concernant l’expérience extracurriculaire

Participants aux entretiens concernant l’expérience extracurriculaire

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Données recueillies

Le corpus analysé et discuté dans cet article est constitué des données issues des deux expériences. Les analyses concernant la télécollaboration s’appuient sur :

  • 19 vidéos d’une durée moyenne de 3 min 49 s (1 min 01 s à 6 min 38 s) réalisées par les étudiants dans le cadre de la tâche 1 en octobre 2017 et octobre 2018 ;

  • des commentaires postés par les participants dans le groupe Facebook du projet en réaction aux vidéos (221 commentaires) ;

  • des journaux d’expérience personnelle remplis à la fin de la tâche 1 par 23 étudiants de l’AUBG ;

  • sept conversations par visioconférence (tâche 2) d’une durée moyenne de 16 min 35 s (10 min 33 s à 21 min 18 s) enregistrées à l’aide du logiciel Zoom en novembre 2018 puis transcrites.

Les exemples donnés dans les analyses contiennent les écrits authentiques des étudiants des deux groupes sans correction de leurs erreurs. Le corpus concernant les activités du club de danses folkloriques bulgares contient six entretiens semi-directifs enregistrés en audio et transcrits d’une durée moyenne de 32 min 30 s (25 min 48 s à 43 min 03 s). Les extraits des entretiens sont traduits par l’auteure à partir de l’anglais.

Méthodologie d’analyse des données

La méthode de recherche choisie est celle de l’interculturalité fondée sur les conceptions d’identités plurielles des individus et de leur nature dynamique, qui se co-construit en présence de l’altérité (Abdallah-Pretceille, 2003 ; Dervin et Vlad, 2010). Ainsi, l’analyse des données s’appuie sur l’analyse du discours, en particulier sur les théories de l’énonciation (la manière dont on se situe par rapport à son discours et à celui des autres) et du dialogisme (les différentes voix dans le discours) (Dervin 2017a ; Dervin et Vlad, 2010). Ma démarche consiste à relever les marques d’énonciation afin d’interpréter les différents points de vue, attitudes et comportements qui se manifestent dans l’interaction et les discours réflexifs. L’interprétation de certains épisodes de l’échange interculturel en ligne s’appuie sur les notions de Face Threatening Acts (Brown et Levinson,1987) et de Face Flattering Acts (Kerbrat-Orecchioni, 2005), c’est-à-dire d’actes de langage menaçants ou, au contraire, valorisants pour la « face » (l’image de soi) d’autrui, ainsi que sur le recours à l’alibi de la différence culturelle pour expliquer les difficultés de compréhension (Dervin et Vlad, 2010).

Afin d’analyser les données issues des échanges en mode asynchrone de la tâche 1, les formes de marquage liées à la présentation de son milieu et à la découverte de l’autre ont été étudiées. Cette analyse a été complétée par l’examen des journaux d’expérience pour comparer comment se manifestent les voix dans le discours destiné à l’autre et le discours produit à l’aide de l’outil de réflexion. Les aspects étudiés dans les interactions en mode synchrone ont été l’ouverture à l’autre et la manière dont se construit la distanciation des participants par rapport à leurs propres attitudes et valeurs, voire leur compréhension de pratiques culturelles françaises.

En ce qui concerne la seconde étude, les avis des participants bulgares, de l’encadrante universitaire du club et des étudiants internationaux ont été examinés d’abord séparément, puis en les comparant. Les thèmes récurrents relevés dans leur discours correspondent à la perception des objectifs, des enjeux et de l’impact social de l’action artistique, ainsi que les avis sur la contribution des activités extrascolaires à l’éducation en arts libéraux.

Télécollaboration et rencontres interculturelles

Présentation de son milieu et découverte de l’autre

La plupart des vidéos réalisées pour présenter la vie sur les deux campus en ont donné une image positive et idéalisée : les étudiants ont présenté leurs activités artistiques, les lieux pour les cours, la détente et d’autres activités, ainsi que les résidences et les alentours. Des marques de cette valorisation de soi et de son milieu sont présentes dans le discours des deux groupes :

AUBG est un endroit unique pour de nombreuses raisons et notre campus résidentiel moderne en fait certainement partie.

E1 et E6aubg

C’est une petite université mais le campus est beau et les personnes sont très sympathiques.

E13 et E14ec

Une partie des vidéos des étudiants de l’AUBG se rapproche du genre touristique à la fois par le discours (voir le premier exemple ci-dessus) et par l’inclusion d’images promotionnelles de sites officiels. Certains journaux d’expérience révèlent également que les étudiants avaient l’intention d’« attirer de nouveaux touristes dans la ville » (E27aubg). Cependant, certains donnent une image plus réaliste, en insérant de brefs commentaires critiques ou ironiques. Les étudiants américains se sont servis plus fréquemment de remarques de ce genre, par exemple au sujet des prix à la librairie, de la nourriture et des résidences :

Ici il y a les bonnes résidences universitaires et les résidences universitaires qui les étudiants ne veulent pas. Est-ce que vous aimez habiter sur le campus ?

E8ec

Le plus effrayant chose dans notre campus c’est la nourriture parfois :)

E11aubg

Ceci témoigne d’une tension entre le désir de montrer une image attrayante de leur milieu et la réalité. Par ailleurs, certains étudiants de l’EC ont essayé de remettre en question l’image idéalisée du campus bulgare. La discussion au sujet d’une vidéo présentant une chambre en résidence se termine ainsi :

est-ce une pièce à montrer aux futurs étudiants ? c’est tellement propre !

E17ec

oui ! il n’y a personne là et moi et E16aubg voulait montrer une chambre propre ^^ [caractères représentant un émoji aux yeux rieurs]

E24aubg

E17ec semble en effet partir de ses propres représentations pour essayer de comprendre la réalité des autres. Le modalisateur « tellement » et l’exclamation pourraient traduire à la fois son doute et sa complicité. E24aubg explique dans son journal d’expérience que son binôme avait tourné leur vidéo « dans une chambre libre pour montrer ce qu’on [avait] vu quand on [était] venus ». L’exclamation et l’émoticône dans sa réponse semblent également exprimer sa complicité. Ainsi, en confrontant leurs cadres de référence personnels dans les échanges en ligne les participants co-construisent de nouvelles connaissances au sujet de l’environnement des uns et des autres.

Dans l’interaction en mode asynchrone, chaque groupe s’est montré intéressé envers l’autre groupe et a apprécié ses activités et son environnement, qu’il a comparé aux siens.

J’aime bien jouer tennis aussi et vous avez un grande terrain pour tennis !

E14ec

J’aime beaucoup votre galerie ! Je serais vraiment heureux si nous en avions un dans notre campus !

E6aubg

Ces commentaires pourraient être interprétés en tant que Face Flattering Acts, c’est-à-dire des marques de politesse valorisantes censées faciliter la communication interculturelle (Kerbrat-Orecchioni, 2005 ; Mangenot et Zourou, 2007). Les réflexions des journaux d’expérience montrent cependant que les étudiants ont perçu ces commentaires comme provenant d’un intérêt réel :

Au début, nous avons été très stressés par la réaction des étudiants américains. Mais ils étaient vraiment abordables et gentils, posant toutes sortes de questions (pas parce qu’ils avaient aussi une mission à faire, mais parce qu’ils étaient vraiment intéressés).

E27aubg

Tout au long de l’échange, de nombreuses similitudes entre les deux groupes ont été constatées :

La piste de course est très similaire à la nôtre. Avez-vous beaucoup de clubs ou d’activités ?

E2aubg

Votre chambre a l’air vraiment mignonne. J’aime aussi l’album de Beyonce Lemonade !

E5aubg

Ce sont en effet ces similitudes de la vie quotidienne des jeunes qui ont rapproché les participants et ont réduit leur anxiété pour la suite des échanges. La satisfaction de découvrir des points communs a été exprimée également dans les journaux des étudiants de l’AUBG, où ils ont vu la même organisation de la vie étudiante dans un établissement résidentiel de type arts libéraux. Toutefois, certains étudiants ont fait quelques remarques critiques envers les autres :

Certains commentaires sur la vidéo m’ont paru un peu étranges et bizarres, mais nous avons répondu à toutes.

E22aubg

Ce qui m’a impressionné le plus, c’était leur créativité. Mais j’ai vu qu’il y avait des vidéos très bizarres aussi. Je n’aurais jamais imaginé de faire les mêmes.

E4aubg

Grâce à l’outil réflexif, on comprend que certains étudiants ont au début une attitude réservée ou ne comprennent pas bien les autres. Par conséquent, d’autres tâches sont proposées pour approfondir la réflexion.

Vers l’ouverture à l’autre et la distanciation par rapport à ses attitudes et à ses valeurs

Pour accomplir la tâche 2, les étudiants ont discuté du film franco-belge La famille Bélier, comédie réalisée par Éric Lartigau en 2014, qui traite de la vie des sourds et pose plusieurs questions sociales. La plupart ont échangé des avis consensuels : ils ont été bienveillants et ont exprimé des avis très proches concernant, par exemple, les thèmes du film, le jeu des acteurs, les réactions des personnages, etc. L’échange a été parfois plus enrichissant lorsque les étudiants ont partagé des détails concernant les acteurs, la musique ou bien la vie dans l’un ou l’autre pays. Ils ont ainsi montré une volonté de se rapprocher en cherchant à la fois des points communs entre leurs intérêts et expériences personnelles qu’ils ont comparé entre eux et à celles des personnages du film. Par exemple, E21aubg partage son expérience de séjour en France :

Aussi j’aime Louane, elle joue Paula dans le film. J’ai vécu en France à Bordeaux pendant cinq mois en tant qu’étudiant Erasmus et j’ai beaucoup écouté la radio française, et c’est intéressant que Paula, non Louane, ses chansons étaient partout à la radio française.

E21aubg

Quelle était la chanson que vous aimez le plus dans le film ?

E22aubg

Oh, une minute.

E21aubg

J’aime « Je vole », le chant et, dans le chant parle, fait ses parents comprendre.

E18ec

Oui, c’était la scène la plus belle du film.

E21aubg

Oui.

E18ec

Et c’est mon préféré [elle fait jouer une chanson de Louane]. Oui, c’est ça. Elle jouait aussi du piano.

E21aubg

Mmm. « Jeune » ?

E18ec

L’idée spontanée d’E21aubg de raconter son expérience et d’écouter ensemble une chanson témoigne du savoir apprendre et faire. De tels échanges contribuent à co-construire des savoirs et à l’ouverture à l’altérité dont il est difficile de juger de la stabilité en raison de la courte durée de l’expérience.

La discussion d’un autre groupe permet d’observer des épisodes menaçants pour la « face » de l’autre (Face Threatening Acts, Brown et Levinson, 1987), ici dans le sens de discours centré sur soi-même, d’exclusion ou d’opposition au point de vue de l’autre susceptible de porter atteinte à son image positive publique en créant de la gêne :

J’aime le film, j’aime la musique et j’aime les chansons dans le film et je pense que le plot est intéressant […].

E16ec

Euh, moi je pense le contraire, j’ai pas aimé le film, je pense que le sujet est un peu plat […]. Les personnages sont la chose qui a fait le film bon (…). J’ai pas aimé le fait que c’est caractérisé comme une comédie […] quand on a des sujets très durs […] Alors le film est un peu bizarre […].

E24aubg

J’aime la performance de Paula […] c’est un film bien fait mais je n’ai pas trouvé très amusant, peut-être c’est, parce que les différentes nations ont différent sens d’humour mais aussi je ne pense pas que les sourds sont une chose amusante.

E16aubg

On observe qu’E24aubg défend très énergiquement son avis en réitérant les expressions négatives. E16ec et E16aubg préfèrent concéder ou modifier leur opinion pour ne pas s’y opposer. L’explication d’E24aubg que « les différentes nations ont différent sens d’humour » illustre comment les étudiants se servent parfois de l’alibi culturel pour éviter d’aborder en profondeur des thèmes sociaux sensibles (Dervin et Vlad, 2010). Évidemment, de tels sujets nécessitent d’être approfondis à l’aide des enseignants pour remédier à ces « occasions manquées de s’interroger sur la culture étrangère » et pour encourager la décentration (Mangenot et Zourou, 2007). Cependant, la durée limitée des projets de ce genre empêche de consacrer le temps nécessaire à étudier les disfonctionnements issus de l’interaction et à approfondir la réflexion.

Activités extrascolaires et rencontres interculturelles

Objectifs, enjeux et impact social de l’action artistique : entre intentions et réalisation

L’hypothèse sur l’effet de l’activité artistique extracurriculaire centrée sur un aspect de la culture bulgare n’est validée qu’au niveau des intentions des parties observées. En ce qui concerne la réalisation ou l’action, l’effet est mitigé.

Ainsi, en discutant des objectifs du club, les participants, qui sont presque exclusivement bulgares, ont considéré que leurs activités constituaient une excellente possibilité pour sensibiliser les étudiants aux traditions folkloriques bulgares. De plus, en mettant en valeur la richesse de ces traditions, ils ont voulu présenter une image qui se distingue du style pop folk « chalga », souvent critiqué pour sa médiocrité mais que les étudiants étrangers découvrent dans les discothèques. Selon la présidente du club, leurs activités sont ouvertes à tous :

Nous n’avons pas d’exigences, des gens qui n’ont pas dansé avant peuvent participer, qui n’ont pas joué ; nous n’avons pas d’entretiens, nous n’avons pas comme – nous n’avons pas d’auditions ; nous pouvons recruter chacun qui souhaite consacrer son temps au club.

Comme la présidente du club, l’encadrante universitaire considérait que l’objectif du club est d’attirer tous ceux qui s’intéressent aux danses folkloriques bulgares. Néanmoins, elle a avoué que les activités sont exigeantes, ce qui empêche les étudiants étrangers de participer :

D’habitude, nous avons des étudiants qui ne sont pas bulgares lorsque nous recrutons ; ils viennent mais après, quand ils voient que les danses folkloriques bulgares sont compliquées, ils arrêtent de venir […]. Ils trouvent cela difficile, ils trouvent que cela prend du temps, qu’il faut s’y consacrer […]

Le même décalage entre les objectifs et la réalité a été constaté par les deux étudiants internationaux interviewés (EI1 et EI2). En effet, EI1 a participé au club pendant sa première année à l’université car elle avait trouvé intéressante l’idée de mieux connaître le pays d’accueil, sa culture, son histoire et la mentalité des gens :

J’ai lu la description que c’était ce qu’ils faisaient, qu’ils faisaient des danses folkloriques bulgares et j’ai pensé que, ok, c’était ma chance de connaître le pays, de connaître les gens et tu… J’ai appris un peu sur l’histoire, un peu sur la mentalité, comment les choses se passent en Bulgarie en raison de l’histoire qu’ils présentent sur scène. Alors, c’est pour ça que […] j’ai été intéressée à mieux connaître la culture bulgare parce que cela allait être ma nouvelle maison pendant quatre ans […].

Toutefois, les étudiants internationaux ont constaté plusieurs limites à leur inclusion, en particulier pour le spectacle : (a) celui-ci, bien qu’on prépare des sous-titres en anglais pour le public, se joue en bulgare, (b) la plupart des chorégraphes ne parlent que le bulgare et (c) les acteurs et les danseurs sont sélectionnés d’après leurs capacités artistiques et leur expérience. Ceci confirme la présence de défis dont les responsables du club étaient conscients mais qu’ils trouvaient difficiles à surmonter.

Le spectacle annuel, qui est destiné à l’ensemble du campus ainsi qu’à la population de la ville, attire plutôt un public bulgare. Un des étudiants internationaux explique les difficultés pour le public à comprendre le spectacle :

Quand c’est une comédie en bulgare, il est difficile de comprendre car on est en face des sous-titres et si on lit, on ne peut se concentrer sur les gens, donc il vaut mieux qu’il y ait des danses pour les voir directement, et quand ils jouent, on doit regarder les sous-titres […].

EI2

Pour que les activités du club soient vraiment inclusives, les étudiants internationaux ont recommandé de les populariser et d’utiliser l’anglais ainsi que d’insister davantage dans le spectacle annuel sur les danses et moins sur le jeu théâtral.

Contribution à la mission de l’institution dans l’éducation en arts libéraux

Les membres du club et les étudiants internationaux s’accordaient sur l’importance des activités artistiques et extrascolaires pour s’intégrer mieux au milieu et pour développer différentes compétences promues par l’éducation en arts libéraux.

Les étudiants bulgares étaient surtout satisfaits de pratiquer une activité artistique agréable et fiers de transmettre la culture et les traditions bulgares, à la fois à la communauté universitaire et à la population locale. Ils trouvaient que cette participation contribuait au développement de leur personnalité et de leurs relations avec les autres. Le mot « famille » est en fait celui qui est revenu chez tous les participants pour décrire la relation entre les membres du club. Selon la présidente, le sentiment de proximité a été renforcé après le spectacle :

Dès ma première année, c’était très intéressant de connaître les gens… mais on s’est sentis comme une équipe, comme une famille, tout de suite après le spectacle. […] Il construit nos émotions, nos relations avec les gens et c’est pourquoi après le spectacle, non seulement on reste amis, et on est vraiment proches.

De plus, les membres du club étaient persuadés que leur expérience en arts libéraux s’enrichissait car ils avaient la possibilité de pratiquer des activités artistiques qui correspondaient à leurs intérêts, dont les danses et le théâtre, ainsi que de participer activement à toutes les étapes du montage d’un spectacle important. La responsable du marketing évalue ainsi son expérience :

Si je dois partir quelque part pour un projet ou pour étudier, j’aimerais parler aux gens que je rencontrerai là de mon pays parce qu’il y a tant, tant de choses à dire au sujet de ce que nous faisons, les danses, la musique et aussi l’histoire, la nature et aussi les compétences que j’ai acquises dans le club, donc la gestion du temps et travailler avec les gens, ce sont des compétences qu’on peut appliquer dans la vie réelle dans toute situation.

Pour les deux étudiants internationaux possédant une expérience importante en tant que participants dans d’autres clubs qui les mettaient en contact avec la population locale, y compris dans le rôle de leaders, les activités extrascolaires correspondaient parfaitement à la mission liée à l’idée des arts libéraux :

Au lieu d’avoir un cours dans la salle de classe […], on s’engage, on participe, on joue, on fait du théâtre, on fait un peu de théâtre, on danse, on crée des réseaux avec d’autres, on crée des amitiés, on, donc c’est très…, ça ajoute à l’idée en quelque sorte.

EI1

Quant à EI2, sa participation à des activités de ce type l’a aidé à mieux connaître l’environnement local, parce qu’il a visité des endroits que les étudiants ne fréquentent pas, notamment pour des actions de charité. Il ajoute :

ici, les étudiants ont, je crois, la liberté de choisir et de s’engager dans tout ce qu’ils aiment […] ; la mission de l’université est aussi de nous mettre en relation avec la communauté et nous sommes comme un pont pour cet échange, c’est-à-dire que chaque club étudiant, on fait des choses mais on fait venir des gens de la communauté à l’université […]. Même ces manifestations peuvent rassembler les gens.

L’expérience de ces étudiants semble avoir « dépassé leurs attentes » et, à la fin de leurs études, ils se sont sentis comme « chez eux ». EI1 a souligné qu’il était difficile de voir l’impact de chaque activité séparément car leur expérience se présentait comme un puzzle constitué de petites pièces qui ensemble formaient l’image complète, chacune occupant une place différente mais nécessaire.

EI2 regrette cependant que les activités organisées à l’université ne contribuent pas suffisamment à la mixité. En effet, selon lui, les choses n’ont pas beaucoup changé pendant les quatre années de ses études :

On peut rencontrer des gens de différentes nationalités, c’est bon, et une chose qui arrive depuis notre Semaine d’orientation […], on est assis par nationalités, donc on est assis ainsi des Bulgares avec des Bulgares, des Albanais avec des Albanais ; et avec le temps, avec les années, donc on se mélange mais à la fin, il y a encore cette chose avec les nationalités, par exemple, les Mongols assis avec les Mongols […].

Les échanges ont donc leurs limites et le regroupement par nationalités reste un phénomène qui l’emporte parfois sur la diversité.

Discussion

En tant qu’expérience pédagogique, la télécollaboration réalisée dans le cadre du programme Global Course Connections visait à favoriser le développement des compétences langagières et interculturelles des participants. Son potentiel se voit confirmé, dans la mesure où les interactions amènent les apprenants à comparer leurs modes de vie, à enrichir leurs connaissances, à confronter leurs points de vue et à s’ouvrir sur d’autres visions du monde. Une partie des étudiants réussissent à s’éloigner de l’image idéalisée des campus, notamment en se servant de l’humour, de l’autodérision et en discutant de certains éléments avec leurs partenaires. En effet, l’un des atouts des échanges en ligne est d’encourager « le passage d’une ‘culture objet’ à une ‘culture en acte’ » (Abdallah-Pretceille, 1996, p. 32). 

Ce qui aide à réduire l’anxiété dans une interaction en langue étrangère de courte durée avec des personnes inconnues et géographiquement distantes, c’est d’exposer dès le départ les participants à des échanges qui leur font découvrir leurs similitudes plutôt que leurs différences. Ainsi, le fait d’étudier dans des établissements similaires et de mener presque la même vie quotidienne contribue vraisemblablement à rapprocher les deux groupes. L’échange sur le réseau social crée également le sentiment d’appartenir à la même communauté. Comme le souligne Loslier (2017), il convient de penser au jeu entre ethnocentrisme et décentration pour aller vers l’autre, « de rechercher des intérêts communs et des ressemblances pour créer une base », « de négocier les différences et de créer des ponts de communication », sans oublier la dimension affective ou émotive de la rencontre interculturelle (p. 214-216).

L’outil réflexif utilisé permet d’observer que, derrière les échanges consensuels entre les étudiants, se cachent parfois des attitudes et des comportements qui vont à l’encontre des discours destinés aux partenaires. Par conséquent, le retour sur l’expérience à l’aide de l’enseignant semble particulièrement nécessaire afin d’encourager le processus de décentration. Ces résultats vont dans le sens de ce que d’autres chercheurs recommandent pour les expériences de télécollaboration (Capellini, 2013 ; Mangenot et Zourou, 2007) et les étudiants en mobilité, notamment le besoin de les accompagner dans leur réflexion critique « sur le soi et l’Autre » et « sur le vécu interculturel » (Dervin, 2017a, p. 39).

La discussion sur un thème social sensible et sur l’humour en rapport avec ce thème a révélé la nécessité de médiation, qui peut se faire sous forme d’échanges dans chaque groupe-classe en amont et en aval des contacts avec les partenaires. Pour mieux profiter du dispositif de télécollaboration en lingua franca, l’utilisation systématique d’outils de réflexion pourrait également permettre aux participants « d’étudier un pays ‘tiers’ [ou plusieurs pays où la langue cible est parlée] et de revenir en même temps sur leurs propres espaces-temps » (Dervin, 2017a, p. 121).

L’activité artistique extrascolaire étudiée ne contribue que partiellement à une meilleure compréhension de la culture du pays par les étudiants internationaux. On observe que toutes les parties concernées souhaitent que les activités du club soient inclusives et promeuvent la culture bulgare auprès des étudiants internationaux. En réalité, ces derniers n’y participent qu’occasionnellement, en raison de la complexité des danses bulgares et du temps qu’ils doivent y consacrer. L’utilisation de la langue bulgare est un obstacle à l’attraction d’étudiants internationaux, que ce soit comme participants ou parmi le public du spectacle, bien que ce dernier soit sous-titré en anglais.

En revanche, la valeur de l’activité artistique et d’autres activités extracurriculaires est nettement reconnue par tous comme un volet important de l’expérience en arts libéraux. Les participants reconnaissent son potentiel pour élargir la communication interculturelle et développer des compétences générales (soft skills) qui vont au-delà de la formation obligatoire (Liu, 2016). De plus, les étudiants construisent de nouvelles amitiés grâce aux activités de ce genre. En ce qui concerne les relations avec la population locale, on observe un mouvement bidirectionnel qui permet de mieux connaître l’autre : les étudiants internationaux s’impliquent dans la vie locale et des membres de la population locale participent à des manifestations organisées par l’université.

Conclusion

Les deux exemples d’expériences interculturelles universitaires et extrascolaires examinées possèdent un potentiel à favoriser l’adaptation à la fois aux valeurs institutionnelles et à la réalité locale. Afin d’arriver à des résultats positifs, il convient de combiner le travail au niveau micro, en encourageant les pratiques réflexives des participants aux activités en question, et au niveau meso et macro, c’est-à-dire à travers une politique institutionnelle qui promeuve la diversité sur le campus et l’interaction avec la communauté locale en accord avec les principes de l’éducation en arts libéraux. Cette approche correspond, à notre sens, à l’approche « critique, intersubjective et socio-constructionniste » (Dervin, 2017a) qui prend en compte l’instabilité et le dynamisme de l’interculturel, la quête constante sur soi et l’autre, ainsi que le développement des identités plurielles à travers les négociations entre positionnements dans des contextes d’action et d’interaction variés. À cet égard, une piste pour poursuivre la recherche serait d’étudier le potentiel de telles expériences dans la perspective de préparer à d’autres mobilités, une option que de nombreux étudiants du contexte examiné considèrent pour leur futur parcours universitaire ou professionnel.