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Centre de recherches et d’études anthropologiques (CRÉA) et Université Lumière Lyon 2, Tohu-bohu de l’inconscient : paroles de psychiatres, regards d’anthropologues. Actes de colloques. Bron, Éditions la Ferme du Vinatier, 2001, 80 p.[Notice]

  • David Michels

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  • David Michels
    Centre d’Anthropologie de Toulouse
    39, allées Jules Guesde
    31000 Toulouse
    France

Ce petit livre est le premier volume d’une série de quatre publications issues des rencontres intitulées « Tumultes et silences de la psychiatrie » organisées par le Centre Hospitalier Le Vinatier, une institution psychiatrique de la région lyonnaise (France), dont le but était de « favoriser les mouvements entre l’établissement hospitalier et son environnement social et urbain » (p. 7), comme le note la responsable du projet Carine Delanoë-Vieux, et cela autour de trois axes : un axe patrimonial et muséographique, un autre centré sur la production et la diffusion artistique, le dernier enfin centré sur la recherche et le débat en sciences sociale. Faisant alterner les contributions d’ethnologues (François Laplantine, Jean Benoist, Axel Guïoux et Evelyne Lasserre), d’un psychiatre (Jean Guyotat) et d’un écrivain (Sylvie Doizelet), le propos est ici de s’interroger sur la nature du dialogue qui peut s’établir entre la psychiatrie et l’anthropologie aujourd’hui. Dans son texte, Jean Benoist s’interroge sur les relations entre approche clinique et approche ethnographique. Alors que « ce qu’essaie de connaître l’anthropologue, c’est l’expérience de la vie que représente ce fardeau, la façon dont cette expérience se construit au croisement de ce qui est le plus individuel en eux et de ce qui est modelé par la société » (p. 17), le psychiatre quant à lui « pénètre nécessairement dans le même territoire, même si sa préoccupation est de comprendre, par delà sa culture et son histoire, l’individu, tandis que celle de l’anthropologue est de découvrir, à travers l’expérience de l’individu, sa culture » (ibid.). Ainsi le regard du clinicien et celui de l’ethnologue n’est pas le même et les informations que chacun d’eux tire de ses observations sont différentes. L’écart entre les deux démarches n’interdit pas le dialogue des deux disciplines. Si l’anthropologie a un message à livrer à la médecine, c’est celui de la contextualisation, car l’individu n’existe finalement pas en tant que tel, mais de par sa position dans un faisceau de relations. Toutefois, cette contextualisation ne peut se cantonner à l’attitude de la clinique interculturelle qui en s’intéressant par exemple à « l’immigré » le fige dans sa culture d’origine en oubliant qu’ils s’agit d’un individu « en trajectoire », ce qui doit amener, selon Jean Benoist, à se méfier des situations où le « culturel » est un alibi, un faux-semblant. Si la médecine et la psychiatrie ne sont pas à l’abri d’une utilisation dévoyée de l’anthropologie, l’ethnologie n’en est pas moins protégée d’une utilisation vulgaire de la psychiatrie ou de la psychologie. Et l’auteur de rappeler avec Georges Devereux que s’il faut « postuler l’interdépendance de la donnée sociologique et de la donnée psychologique » (p. 24), cela nécessite de « postuler en même temps l’autonomie absolue tant du discours sociologique que du discours psychologique » (ibid.). La contribution de François Laplantine expose, à la manière d’un cours et pour ensuite la critiquer, l’approche ethnopsychiatrique de Georges Devereux. S’inspirant des travaux de la physique quantique pour élaborer sa théorie de la complémentarité, Devereux estime que tout phénomène est redevable de deux explications, l’une psychologique, l’autre ethnologique, mais que cette double démarche ne peut se faire en même temps. L’ethnopsychiatrie (ou ethnopsychanalyse) n’est pas une approche additive. Psychologie et ethnologie se distinguent par leur méthodologie mais sont incluses réciproquement, « le psychisme étant de la culture intériorisée et la culture du psychisme projeté » (p. 30). Des théories quantiques, Devereux tire une autre idée, celle de la réintégration du rôle du chercheur dans le champ de l’observation. La présence de l’observateur ne doit pas seulement être considérée comme une source de déformation qu’il …

Parties annexes