Volume 45, numéro 3, 2004
Sommaire (8 articles)
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La rémunération excessive des dirigeants d’entreprise et le contrôle judiciaire comme instrument de gouvernance
Raymonde Crête
p. 409–468
RésuméFR :
Depuis les récents scandales qui ont ébranlé les marchés financiers au Canada et aux États-Unis, les observateurs n’ont pas manqué de décrier le caractère excessif et parfois même frauduleux de la rémunération accordée à de hauts dirigeants de sociétés tout en soulignant du même coup le piètre rendement et la déconfiture de certaines d’entre elles. Malgré les efforts faits pour assurer une meilleure gouvernance des entreprises, les mécanismes internes de surveillance et de contrôle sont parfois insuffisants ou inefficaces pour prévenir les abus. En raison de ces défaillances internes, les tribunaux sont appelés à intervenir pour résoudre les conflits qui résultent de la mise en place d’un régime de rémunération prétendument excessif. Comme l’étude qui suit le montrera, l’action judiciaire représente un instrument complémentaire de gouvernance grâce au contrôle que les tribunaux peuvent exercer à l’égard de la direction de l’entreprise en vue de prévenir les comportements déviants. Dans sa recherche portant sur l’exercice du contrôle judiciaire, l’auteure fait ressortir l’importance de tenir compte des différences existant entre les sociétés fermées et les sociétés ouvertes et elle explore ensuite la possibilité pour les tribunaux d’adopter une approche différente qui prendrait en considération la spécificité des unes et des autres dans l’évaluation des régimes de rémunération.
EN :
Since the recent scandals that have shaken financial markets in Canada and the United States, observers have not missed a chance to speak out against the excessive and sometimes fraudulent character of corporate executives’ compensation packages while concurrently emphasizing the mediocre return and failures of a significant number of companies. Despite efforts made to ensure better corporate governance, internal monitoring and control procedures have on many occasions proven to be insufficient or ineffective in preventing abuses. Owing to these internal failures, the courts have been called upon to intervene by resolving conflicts that result from the implementation of allegedly excessive compensation packages. As the following study demonstrates, judicial action represents a complementary instrument of governance owing to the control that courts can exercise over corporate directorates in preventing such deviant behaviours. In her search dealing with the judicial control, the author highlights the importance of taking into account existing differences between closely-held companies and publicly-held companies ; she then investigates the possibility that the courts adopt a different approach that would consider the specificity of one or another when evaluating compensation packages.
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Le rôle des tribunaux et du conseil d’administration dans la gouvernance des sociétés ouvertes : réflexions sur la règle du jugement d’affaires
Stéphane Rousseau
p. 469–540
RésuméFR :
Depuis la mise au jour des scandales financiers des sociétés américaines, les organismes de régulation et les législateurs ont institué de nombreuses réformes destinées à améliorer la gouvernance des sociétés ouvertes. Compte tenu de son rôle charnière dans la gouvernance, le conseil d’administration est le point de mire de ces réformes. Dans ce contexte, les tribunaux sont appelés à jouer un rôle plus important en matière de gouvernance. Ils doivent appliquer les nouvelles dispositions mettant en œuvre les réformes. De plus, ils ont à revoir leur conception des devoirs généraux des administrateurs qui constituent des mécanismes de gouvernance. La contribution de ces devoirs à une saine gouvernance repose sur la capacité des tribunaux à les conceptualiser d’une manière compatible avec l’objectif de la gouvernance d’entreprise qui est de favoriser la maximisation de la valeur des sociétés. Le présent texte propose une réflexion sur l’interrelation entre la réforme de la gouvernance des sociétés ouvertes et la conception judiciaire des devoirs généraux des administrateurs. Il s’intéresse plus particulièrement à la règle du jugement d’affaires qui constitue une dimension centrale de la conceptualisation judiciaire du devoir de prudence et de diligence.
EN :
Since the financial scandals that have rocked American corporations have come to light, regulatory bodies and legislators have initiated numerous reforms intended to improve the governance of public corporations. Also, since Boards of Directors constitute the pivotal point of corporate governance, they have been the targets of these reforms. In this context, the courts are called upon to play a more important role in such governance. They are the ones that apply the new provisions implementing reforms. In addition, they must review how they themselves conceive the general duties of directors, which form the basic mechanisms of governance. The contribution of these duties to healthy governance rests upon the courts’ capacity to conceptualize them in a way compatible with corporate governance objectives, namely the favouring of a maximisation of corporate value. This text proposes a review the interrelation between reforming the governance of public corporations and the judicial concept of what the directors’ general duties should be. It is more particularly interested in the business judgment rule that is the linchpin central to judicial conceptualization of the duty of caution and diligence.
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Standards of Judicial Review : Is it Time to Change our Analysis ?
Julius H. Grey
p. 541–561
RésuméEN :
The notion of a pragmatic and functional analysis has become a mantra in administrative law, producing three technical standards of review, one of which is selected at the start of virtually every case. All technical concepts tend to outlive their utility and, it is suggested that the current one should now be reconsidered. There is no doubt that courts must apply different degrees of judicial deference to various types of decisions. However, just as the old distinction between judicial and administrative acts ceased to be helpful in most matters, without ever totally disappearing, the present categories are losing their utility and, if unmodified, might produce an unduly technical and formalistic system of law.
It is, in particular, questionable whether these concepts work well in certain specific fields — in disciplinary law, for example and in disputes involving fundamental rights. The issue of „expertise“ in such matters is far from easy and may often generate injustice.
FR :
Le concept de l’analyse fonctionnelle et pragmatique est devenu un rituel en droit administratif et il a produit trois normes techniques de révision, dont l’une est choisie à l’amorce de chaque dossier. Tout concept technique tendant à survivre à son utilité, l’auteur suggère que la conception rettenue doit maintenant être remise en question. Il ne fait aucun doute que les tribunaux doivent accorder différents niveaux de déférence aux divers organismes décisionnels. Néanmoins, comme l’ancienne distinction entre un acte administratif et un acte judiciaire n’est plus pertinente dans la plupart des cas, sans jamais disparaître complètement, les catégories actuelles perdent leur utilité et, si elles devaient demeurer inchangées, elles pourraient engendrer un système de droit indûment technique et formaliste.
L’application de ces normes techniques à certains domaines de droit est particulièrement discutable, par exemple en droit disciplinaire ou dans des dossiers touchant les droits fondamentaux. Dans ces domaines, la question de la « spécialité » d’un organisme est déjà difficile à traiter et elle pourrait facilement donner naissance à de graves injustices.
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La traçabilité : outil commun à l’Union européenne et au Canada pour garantir la sécurité alimentaire
Coralie Angélique Bonnin
p. 563–602
RésuméFR :
La sécurité alimentaire, en matière de qualité, est devenue un sujet d’actualité au cours des dernières années. Les graves crises alimentaires, comme celle de la « vache folle » et celle causée par la forte croissance de la production des organismes génétiquement modifiés (OGM), inquiètent de plus en plus les populations. Dès lors, les États ont dû instaurer des mesures nationales pour assurer l’innocuité des biens de consommation tout en respectant les règles du commerce international. Pour leur part, les pays membres de l’Union européenne (UE), le Canada et le Québec ont mis en place des systèmes de traçabilité pour atteindre ces deux objectifs parfois difficiles à concilier. Nous verrons, à travers les exemples des OGM et du secteur des viandes, comment la traçabilité s’est inscrite au cœur du droit de l’alimentation tant dans l’UE qu’au Canada. En effet, la traçabilité semble être à l’heure actuelle le moyen généralement accepté pour répondre aux exigences de sécurité alimentaire des consommateurs.
EN :
Food security quality has become current events headliner over the past years. Serious food-chain crises, such as the « mad cow » disease and strong growth in the production of genetically engineered organisms (GEO), have become a constant source of worry for peoples everywhere. As such, governments have had to implement national standards to ensure the innoxiousness of consumer goods while respecting the rules of international trade. To meet this challenge, member countries of the European Union (EU), Canada and Quebec have implemented traceability systems to achieve these two objectives, sometimes difficult to reconcile. By analyzing examples of GEOs and meat processing, the reader will understand how traceability now occupies a central place in agro-food law both in the EU and Canada. Indeed, it does seem that traceability is currently the generally recognized means for meeting consumers’ food security demands.
Chronique Bibliographique
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FRANÇOIS FRENETTE (DIR.), La Revue du notariat, Le Code civil du Québec : bilan d’une première décennie 1994-2004, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, 672 p., ISSN 0035-2632.
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SANDRINE MALJEAN-DUBOIS (dir.), Droit de l’Organisation mondiale du commerce et protection de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2003, 535 p., ISBN 2-8027-1780-4.
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ANDRÉ ÉMOND ET LUCIE LAUZIÈRE, Introduction à l’étude du droit, Montréal, Wilson & Lafleur, 2003, 219 p., ISBN 2-89127-614-0.