Corps de l’article

Introduction

Au moment de la création des écoles de bibliothéconomie, il y a 150 ans, la bibliographie, le catalogage et la classification étaient au coeur de la formation. Ces matières ont conservé leur statut privilégié pendant près d’un siècle. Dans la deuxième partie du xxe siècle, cependant, les programmes ont subi d’importantes transformations. Celles-ci leur ont permis de conserver leur pertinence face aux changements majeurs observés du côté des besoins et des comportements des usagers, à la diversité croissante des sources d’information et bien sûr aux progrès de la technologie. Les enseignants ont dû relever plusieurs défis : distinguer l’essentiel du non-nécessaire, déterminer ce qui pouvait être retiré du programme d’études pour permettre l’intégration de nouveaux contenus, lier l’histoire et la tradition avec le présent et l’avenir du professionnel de l’information.

Une conséquence directe de la transformation des programmes, dont l’impact s’est également fait sentir sur la composition du corps professoral, fut la réduction de la place accordée au catalogage et à la classification, trop souvent considérés à tort comme des matières strictement techniques, dans les programmes de maîtrise. En 2022, le diplômé peut intégrer la profession avec très peu, voire aucune connaissance de la théorie, de l’histoire, des outils et des pratiques liées à l’organisation des documents, de l’information et du savoir. Plusieurs de nos collègues persistent à croire qu’en l’absence d’une description et d’une classification normalisées il est difficile, sinon impossible, d’identifier, de localiser et de récupérer les sources les plus pertinentes pour répondre à un besoin d’information spécifique. D’autres sont au contraire convaincus que l’ordinateur et l’intelligence artificielle peuvent déjà assurer un service de qualité équivalente. Il semble évident que des considérations économiques jouent un rôle significatif dans cette équation : la description bibliographique, la classification, l’indexation ainsi que le développement et l’entretien d’outils et de systèmes dédiés à ces opérations entraînent de lourdes dépenses que les institutions ne peuvent plus ou ne veulent plus assumer.

Il a déjà été suggéré que l’organisation des connaissances (ci-après OC) soit considérée comme une habileté de base, une clé essentielle à la résolution de problèmes dans certains contextes pour les individus comme pour les organisations (Kiel 1993). Il semble raisonnable de penser en effet que l’identification, la description, l’indexation et l’organisation des sources d’information devraient jouer un rôle vital étant donné la complexité du monde dans lequel nous vivons.

L’American Library Association (ALA) confirme le caractère essentiel de l’OC dans les programmes de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information (ci-après BSI). Le document ALA Core Competences for Librarianship a été approuvé en 2009 et récemment mis à jour (2021). Dans ce document qui rappelle les besoins du milieu professionnel et qui peut être utile dans la préparation des rapports d’auto-évaluation préalables à l’agrément des programmes, la section 5 porte sur l’OC. On y lit que le diplômé d’un programme agréé par l’ALA devrait connaître et comprendre les principes de l’organisation et de la représentation de l’information, des documents et des connaissances, posséder les compétences pratiques et évaluatives nécessaires à l’organisation de l’information, des documents et des connaissances, connaître et pouvoir utiliser les systèmes, les méthodes et les normes de catalogage, de métadonnées, d’indexation et de classification, et être sensibilisé aux dimensions culturelles et éthiques de l’organisation de l’information, des documents et des connaissances. À ces connaissances et compétences de base s’ajoutent celles qu’énonce l’Association for Library Collections and Technical Services (ALCTS) dans ses Core Competencies for Cataloging and Metadata Professional Librarians (2017). Le document décrit plus précisément le corpus de connaissances, d’habiletés techniques et de règles de comportement avec lesquels tous les étudiants devraient être familiers au moment d’obtenir leur diplôme.

Pour faire suite à quelques projets de recherche antérieurs qui portaient sur diverses facettes de l’enseignement de l’analyse documentaire et de la classification au début du 21e siècle, nous avons réexaminé la structure et le contenu des programmes agréés par l’ALA pour déterminer quelle place y est accordée à l’OC comme discipline et comme matière. Pour ce faire, nous avons recueilli des données descriptives sur chaque programme dans le but de répondre aux questions suivantes : 1. Y a-t-il un cours consacré à l’OC dans l’ensemble des cours obligatoires que tous les étudiants doivent réussir dans les programmes agréés par l’ALA ? 2. Les programmes agréés offrent-ils des cours au choix consacrés à l’OC ? 3. À quelle fréquence les cours obligatoires et les cours au choix consacrés à l’OC sont-ils offerts aux étudiants d’une cohorte ? 4. Par qui les cours obligatoires et les cours au choix consacrés à l’OC sont-ils enseignés ?

Pour la présente enquête, nous avons adopté une définition large du concept d’organisation des connaissances. L’OC inclut la description, l’analyse et la représentation des documents, de l’information et des connaissances, ainsi que la gestion de ces opérations dans les environnements traditionnels, la bibliothèque par exemple. Cette définition se rapproche de celle de Hjorland (2016) qui décrit l’OC comme s’intéressant à la « description, la représentation, le classement et l’organisation des documents et de leurs représentations, ainsi qu’à l’organisation des sujets et des concepts, et ce que ce soit fait par l’humain ou par un programme informatique » (2016, 475)[1]. Hider suggère que les concepts d’organisation de l’information, de contrôle bibliographique et de documentation (au sens européen du terme) soient considérés comme des synonymes d’organisation des connaissances puisque tous s’intéressent à « l’accès intellectuel aux sources d’information par le développement d’outils et de systèmes qui les organisent de façon à faciliter le repérage des sources d’information les plus pertinentes à un besoin d’information » (2018, 135)[2].

Dans cet article, nous décrivons brièvement quatre projets de recherche sur l’enseignement de l’OC que nous avons personnellement complétés depuis 2010. Nous expliquons ensuite la méthodologie adoptée dans ce cinquième projet pour recueillir les données, avant de présenter nos résultats et observations. Les réponses aux quatre questions de recherche sont fournies en conclusion, avec quelques observations générales sur la place de l’OC dans les programmes de formation en BSI contemporains et de l’avenir. Un complément d’information sur l’enseignement de l’organisation des documents et des connaissances dans les universités et Cégeps québécois est présenté en annexe (Annexe 2).

Revue sélective de la littérature et projets de recherche antérieurs

Vers la fin du xxe siècle et au cours de la première décennie du xxie, des changements sociaux d’importance ont eu un impact réel sur les milieux informationnels. Le Web devint une source d’information largement accessible et conviviale. De nouveaux types de documents furent créés, entrainant la mise sur pied de nouveaux types de collections, les bibliothèques numériques par exemple. Les documents eux-mêmes devinrent des objets dynamiques plus difficiles à décrire et à organiser. Les processus, les outils et les produits du catalogage et de la classification furent nécessairement touchés par ces transformations, mais les politiques de classification et d’indexation mirent longtemps à s’adapter aux possibilités offertes par la technologie.

Les enseignants et professionnels en BSI ont constamment insisté sur l’importance du catalogage et de la classification, exprimant leurs frustrations et démontrant l’importance de garder ces matières obligatoires dans les programmes de maîtrise. Nous avons réalisé une revue de littérature couvrant la période de 20 ans allant de 1990 à 2010 (Hudon, 2010) qui a révélé que les enseignants et les praticiens publiaient régulièrement dans les revues spécialisées, précisant les objectifs et les résultats attendus de cours spécialisés et réclamant régulièrement une augmentation du nombre de cours de catalogage et de classification offerts dans les programmes. Des articles critiques ont présenté le point de vue de professionnels sur les connaissances et habiletés que possédaient les diplômés récents. Notre revue de littérature était structurée autour de huit thèmes abordés par plusieurs articles publiés au cours de la période : l’histoire de la formation au catalogage et à la classification, la place du catalogage et de la classification dans les programmes de BSI, le débat théorie versus pratique, le contenu de base des cours de catalogage et de classification, les sujets plus précis, les méthodes et outils d’enseignement, l’utilisation d’outils numérisés pour l’enseignement et, finalement, les résultats d’apprentissage.

Depuis 2010, quelques auteurs seulement ont abordé l’un ou l’autre de ces thèmes, aux États-Unis surtout. La place du catalogage et de la classification dans le programme de BSI a été longuement commentée par Joudrey et McGinnis (2014) dans le troisième volet d’une étude longitudinale portant sur la place de l’OC dans les programmes de maîtrise. L’article décrit avec force détails les cours pertinents dans les 58 programmes alors agréés par l’ALA. Les auteurs observent que la grande majorité des programmes (93 %) imposent toujours un cours obligatoire en OC, mais notent la diminution du nombre total de cours de catalogage et de classification proposés aux étudiants. Dans la même veine, Alajmi et ur Rehman (2016) ont examiné la place de l’OC au sein d’un sous-ensemble de 68 programmes de BSI offerts en Asie du sud-ouest, en Europe et en Amérique du Nord. Normore (2012) a exploré l’éternel débat théorie versus pratique avant de présenter une méthode innovatrice d’enseignement du catalogage, favorisant l’apprentissage des règles de base en les replaçant dans leur contexte théorique. Le débat a été abordé aussi par Stortz (2012) et par Snow (2019). Cette dernière a prédit un bel avenir à l’enseignement de l’OC si quelques changements sont apportés au programme d’études. Le programme doit être très flexible et réagir plus rapidement aux transformations de l’environnement pour que les étudiants se familiarisent non seulement avec les processus traditionnels mais également avec les normes adaptées aux environnements numérisés. De plus, une importance plus grande doit être accordée aux pratiques éthiques en OC et au professionnalisme des praticiens. Les formateurs doivent finalement être convaincus de la nécessité pour tous les étudiants en BSI de percevoir l’importance de l’OC dans toutes les disciplines des sciences de l’information.

Notre propre conviction que les fondements théoriques et les meilleures pratiques de l’OC doivent être enseignés dans tous les programmes de BSI, combinée à notre intérêt pour l’enseignement de cette matière, ont servi de base à l’établissement d’un programme de recherche ayant généré cinq projets distincts entre 2011 et 2021.

Un premier projet a été complété en 2011 (Hudon, 2011). Un questionnaire a été expédié à tous les enseignants en OC dans les 56 programmes de maîtrise alors agréés par l’ALA. Nous avons ainsi recueilli des données pertinentes sur le contenu et les résultats d’apprentissage attendus de 51 cours portant sur une ou plusieurs dimensions de l’OC. Ce projet descriptif a montré que l’OC maintenait son importance dans les programmes de maîtrise. D’abord introduites dans un cours obligatoire couvrant la description, la classification et l’indexation, la matière était ensuite présentée de façon détaillée dans plusieurs cours au choix. Sans surprise, l’enquête a révélé que le temps consacré aux bases théoriques demeurait modeste, alors que les enseignants étaient toujours prêts à intégrer à leurs cours davantage d’exemples et d’exercices pratiques. L’enquête de 2011 a par ailleurs confirmé l’usage croissant pour l’enseignement de systèmes d’organisation des connaissances disponibles en version numérique plutôt que sur papier, suscitant des questions sur la pertinence de modifier les objectifs de cours, les éléments de contenu et les méthodes d’évaluation pour s’adapter à ce nouvel outil de travail.

Les objectifs de cours étaient au coeur d’une deuxième étude, complétée en 2013 (Hudon, 2014). Soixante-trois (63) plans de cours furent analysés pour déterminer si et de quelle façon la nécessité pour les étudiants de comprendre les principes et les fonctions de l’OC et du processus de classification, ainsi que d’acquérir un ensemble prédéfini de compétences pratiques, était perceptible dans le libellé des objectifs. Quatre cent cinquante-huit (458) objectifs furent compilés et chaque objectif fut catégorisé à partir de trois dimensions : sa nature (objectif d’enseignement ou objectif d’apprentissage), son sujet (OC en général, catalogage, accès par sujet, classification, indexation, autre), son type précis (théorique, analytique, pratique, technologique, autre). L’analyse a révélé que les objectifs d’enseignement comme les objectifs d’apprentissage étaient très généraux, souvent vagues, de type théorique. Les enseignants semblaient donc confiants que les étudiants assimileraient la théorie, l’histoire et les fondements de l’OC en complétant des travaux pratiques de classification, justifiant ainsi ce qui pourrait être perçu comme une dissonance entre les objectifs et les activités d’apprentissage. De plus, alors que les enseignants affirmaient la nécessité pour les étudiants de développer des habiletés analytiques de haut niveau, l’analyse par sujet par exemple, très peu de références à ces compétences étaient présentes dans les objectifs de cours.

Notre troisième projet portait également sur les objectifs de cours, et plus précisément sur les 400 objectifs d’apprentissage identifiés dans le projet précédent. Pour déterminer le niveau de chaque objectif, nous avons appliqué l’échelle développée par Bloom et modifiée en 2005 par Anderson et Krathwhol (Krathwhol, 2005). Cette échelle comporte six niveaux : mémorisation, compréhension, application, analyse, évaluation et création. Elle illustre la complexité croissante des apprentissages et comportements attendus de l’apprenant, du concret (acquisition des connaissances) à l’abstrait (production de nouvelles connaissances). L’analyse a montré que la majorité des objectifs d’apprentissage dans les cours consacrés à l’OC, soit 352 sur 400 (88 %) ne dépassaient pas les premiers niveaux de l’échelle ; 303 objectifs se rattachaient aux niveaux 2 et 3 de l’échelle de Bloom. Ces niveaux sont certes appropriés dans les cours obligatoires destinés aux étudiants qui n’ont que peu d’expérience et de connaissances dans le domaine ; il est cependant inquiétant d’observer que les cours dits avancés s’aventurent rarement au-delà du niveau 3 (application). Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il y a tant de matière à couvrir dans un cours de base que les enseignants doivent encore aborder plusieurs notions fondamentales dans les cours au choix, réduisant d’autant le temps disponible pour l’analyse, l’évaluation et la conception.

En 2015, nous avons mis à jour les données recueillies en 2011 sur les cours obligatoires et cours au choix consacrés à l’analyse documentaire et à la classification. Ces données furent recueillies auprès des 58 programmes de BSI alors agréés par l’ALA. À cette date, 50 programmes (86 %) imposaient encore un cours portant sur l’OC à l’ensemble des étudiants et 57 programmes (98 %) offraient au moins un cours au choix dans le domaine. Au total, 103 cours au choix pertinents étaient décrits dans les annuaires de cours. Notons que nous avions exclus de cette liste les cours traitant exclusivement de catalogage descriptif. Bien que les données et observations n’aient pu être publiées, nous les avons utilisées à l’occasion aux fins de comparaison dans notre plus récente étude.

Les analyses réalisées en 2011 et 2015 ont confirmé que le catalogage et la classification n’étaient plus au coeur des formations en MSI, mais que ces matières ne semblaient pas en danger de disparaitre à court terme des programmes agréés par l’ALA. En 2015, la grande majorité de programmes exigeaient encore que tous leurs diplômés aient été exposés aux fondements de l’organisation de l’information, des documents et des connaissances, en conformité avec les recommandations de l’ALA et de l’ALCTS. De plus, la majorité des programmes agréés donnaient aux étudiants la possibilité d’approfondir leurs connaissances au moyen d’une offre de cours au choix plus ou moins diversifiée. Les cours obligatoires comme les cours optionnels visaient des objectifs d’apprentissage clairs mais d’un niveau de complexité jugé insuffisant, notamment par les professionnels du domaine.

Collecte de données

Pour réaliser cette récente mise à jour sur la place de l’OC comme discipline et comme matière dans les programmes de BSI agréés par l’ALA, nous avons utilisé l’édition du mois d’août 2020 du Directory of Institutions Offering ALA-Accredited Master’s Programs in Library and Information Studies[3]. En date du 17 août 2020, 63 institutions offraient un diplôme de maîtrise en bibliothéconomie et science de l’information (MBSI) ou en sciences de l’information (MSI) agréé par l’ALA. Deux programmes ayant un statut officiel de candidat, avec agrément initial prévu d’ici trois ans, ont été ajoutés au corpus (voir la liste des institutions à l’Annexe 1). Une mise à jour du Directory ayant été publiée le 18 février 2021, toutes les données recueillies en 2020 furent vérifiées mais seuls des changements mineurs concernant des programmes dont l’agrément avait été renouvelé dans la seconde moitié de 2020 ou en janvier 2021 ont dû être apportés.

Nous avons récolté les données dans les sites web de chacun des programmes et de leurs universités d’attache, sur les sites web développés par les enseignants, dans les plans de cours lorsqu’ils étaient publiquement accessibles et sur le site Coursicle[4] qui a fourni les horaires de cours et les noms des enseignants responsables. Contrairement à ce qui avait été le cas précédemment, nous n’avons pas établi de communication directe avec les enseignants pour compléter le présent survol ; toutes les informations recueillies étaient accessibles au public.

La plupart des institutions offrent plus d’un diplôme spécialisé en BSI, allant du certificat de premier cycle au doctorat de troisième cycle. N’ont été considérés ici que les programmes de deuxième cycle (niveau maîtrise), les seuls qui soient à ce jour évalués par l’ALA. Nous reconnaissons cependant que les fondements de l’OC peuvent également être enseignés dans des cours de premier cycle, dans des programmes de maîtrise non agréés par l’ALA et au sein de programmes spécialisés menant à des certificats professionnels (en gestion de bibliothèques ou de musées par exemple). Nous avons également exclu de notre survol les cours portant exclusivement sur l’OC appliquée à l’archivistique et à la muséologie, deux spécialisations offertes dans plusieurs écoles de BSI. Ces cours poursuivent des objectifs bien précis, dont l’un est de présenter les outils et les pratiques spécifiques à ces domaines, et ils sont peu susceptibles d’être suivis par des étudiants qui ne planifient pas une carrière dans cet environnement.

Pour chacun des 65 programmes constituant notre corpus, nous avons recueilli les données suivantes entre le 15 octobre et le 15 décembre 2020.

  1. La date d’obtention du dernier agrément.

  2. La date prévue pour la prochaine évaluation du programme par l’ALA.

  3. Le libellé du descriptif de chaque programme et de chaque objectif de programme portant clairement sur l’OC.

  4. Le nombre total et le titre exact de tous les cours obligatoires, aussi appelés cours de tronc commun.

  5. Le nom de chacune des concentrations / spécialisations formelles offertes aux étudiants.

  6. Le nombre et le titre exact de tous les cours au choix consacrés à l’OC, c’est-à-dire les cours traitants exclusivement ou majoritairement de catalogage descriptif, de classification, d’indexation, de métadonnées et/ou de gestion du traitement documentaire.

  7. La description des cours obligatoires et des cours au choix consacrés à l’OC.

  8. L’horaire des cours obligatoires et des cours au choix consacrés à l’OC pour les années universitaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021.

  9. Le statut au sein de leur institution de chacun des enseignants responsables d’un ou de plusieurs cours consacrés à l’OC (professeur titulaire, agrégé, adjoint, chargé d’enseignement, chargé de cours), avec une description de leur domaine de spécialisation en enseignement, en recherche ou dans leur pratique professionnelle.

Pour déterminer à quelle fréquence chaque cours obligatoire ou au choix consacré à l’OC était offert au cours d’une même année universitaire, nous avons exploré les horaires de cours accessibles sur le site web des institutions concernées. L’application Coursicle a fourni des données précieuses sur l’offre réelle de cours dans plusieurs programmes.

Tous les sites et pages web ont été revisités entre le 1er et le 31 janvier 2021 aux fins de vérification et de mise à jour des données pertinentes.

Résultats et discussion

Dans cette section, nous présentons les résultats de notre enquête de 2020-2021 sur le contenu et la structure des programmes agréés par l’ALA, dans le but de déterminer la place et le statut de l’OC comme discipline et comme matière dans les programmes d’études en BSI. Les données sont présentées sous forme agrégée ; aucune institution ni programme ne sont identifiés. Des titres de cours sont à l’occasion donnés en exemple, mais nous n’en commentons pas le contenu. Les observations concernant les responsables de cours sont générales ; aucun enseignant n’est identifié ou lié de quelque façon que ce soit à une institution ou à un titre de cours. Les données recueillies, lorsqu’elles sont de nature verbale, par exemple les titres de cours, sont traduites en français pour faciliter la lecture.

Caractérisation des programmes de maîtrise agréés par l’ALA

Notre corpus se compose des 63 programmes de maîtrise en BSI agréés par l’ALA au 17 août 2020, auxquels s’ajoutent deux programmes ayant le statut officiel de candidat à l’agrément. Cinq programmes seulement ont été agréés pour la première fois au cours des sept années précédant notre collecte de données. Soixante-quatre (64) programmes sont offerts en Amérique du Nord. Au sein de leur université d’attache, 38 programmes sont offerts au sein de facultés, de départements ou d’écoles de sciences de l’information ou d’éducation. Deux programmes offrent des cours en français et un programme dispense ses cours en espagnol exclusivement.

Dans le Directory, les responsables des programmes agréés peuvent spécifier, au moyen de termes-clés tirés d’une liste établie par l’ALA, les principales orientations, objectifs et éléments de contenu de leur programme. Le terme-clé « organisation de l’information » parait dans le descriptif de 42 programmes (65 %). On peut supposer que ces programmes imposent au minimum un cours consacré à l’OC à la totalité des étudiants d’une même cohorte et qu’ils proposent un nombre suffisant de cours avancés pour permettre la spécialisation dans le domaine. On note cependant que seul deux des cinq programmes agréés pour la première fois depuis 2014 intègrent le terme « organisation des connaissances » dans leur entrée au Directory.

Acquis et retombées de l’apprentissage

La plupart des sites web de programmes fournissent de l’information sur les connaissances et les compétences que les étudiants devraient avoir acquis au terme de leur programme de maîtrise. Cinquante-six programmes sur 65 (86 %) sont très explicites à ce sujet ; les autres énumèrent plutôt des objectifs de programme, détaillant ce que les enseignants visent à transmettre plutôt que ce que les étudiants devraient savoir et être capables de faire lorsqu’ils obtiennent leur diplôme. Voici un exemple d’objectif de programme : « s’assurer que tous les étudiants puissent tirer avantage d’une variété de stages professionnels appropriés et d’expériences pratiques sur le terrain ».

Parmi les 56 programmes qui énumèrent des objectifs d’apprentissage clairs, 22 (39 %) proposent au moins un objectif portant précisément sur l’OC. En voici quelques exemples : les étudiants pourront « démontrer leur connaissance des principes de l’organisation et de la représentation des connaissances et leur capacité à les appliquer au sein de collections de documents » ; « distinguer et appliquer des approches multiples et émergentes en organisation de l’information » ; « exploiter des systèmes appropriés pour l’organisation et la structuration de l’information et des connaissances » ; « décrire et appliquer les principales normes applicables à la description, à l’indexation et à la classification des ressources documentaires ».

Vingt-trois programmes sur 56 (41 %) font allusion à l’OC au sein d’objectifs d’apprentissage plus englobants. En voici quelques exemples : les étudiants pourront « évaluer, organiser et gérer l’information pour en faciliter la préservation, le repérage, l’accès et l’utilisation » ; « démontrer une compréhension théorique et conceptuelle de la science de l’information, incluant la création, la représentation, l’organisation, le repérage, la diffusion, l’utilisation, et la curation de l’information » ; « appliquer les compétences et l’éthique professionnelles dans l’acquisition, l’organisation, la livraison, la préservation de l’information et des connaissances ».

Les 11 programmes restants (20 %) ne font aucune allusion à l’OC dans des objectifs très généraux tels : les étudiants pourront « évaluer le rôle des bibliothèques et centres d’information, ainsi que les besoins de diverses clientèles, dans une société globale et diversifiée » ; « choisir, planifier, implanter et appliquer les technologies de l’information appropriées au moyen d’approches créatives, contextuelles et éthiques ».

Concentrations, spécialisations et cheminements

Les institutions qui offrent un programme de maîtrise en BSI sont libres de structurer celui-ci comme elles le jugent approprié. Dans certains programmes, les étudiants qui ont complété la totalité ou la majorité des cours obligatoires choisissent une concentration formelle au sein de laquelle un ou plusieurs cours devront être suivis par la totalité des inscrits. La majorité des programmes, cependant, ne font que suggérer un cheminement plus ou moins bien défini pour guider les étudiants dans leur sélection de cours spécialisés. Enfin, quelques institutions proposent un menu de cours variés au sein duquel les étudiants sont libres de choisir en fonction d’intérêts personnels plutôt que dans une optique de préparation de carrière.

Au sein de notre corpus, 57 programmes (88 %) proposent plusieurs parcours formels. Vingt-six programmes (46 %) ont structuré une concentration autour de l’OC. On constate que 24 de ces 26 programmes ont également inscrit le terme-clé « organisation de l’information » dans leur entrée au Directory. Le titre donné à ces 26 concentrations centrées sur l’OC identifie clairement leur portée (voir tableau 1). Le nom de la majorité de celles-ci repose en effet sur une combinaison des termes « organisation » et « information ou connaissance ». Une option « services techniques » est encore offerte dans quatre programmes et un cheminement en « catalogage » survit dans quelques institutions. Dans le tableau 1, n correspond au nombre de programmes proposant la concentration.

Tableau 1

Nom des concentrations en OC

Nom des concentrations en OC

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Cours obligatoires

Dans les programmes agréés par l’ALA, sont dits obligatoires les cours que tous les étudiants d’une cohorte doivent avoir réussis pour obtenir leur diplôme ; l’ensemble des cours obligatoires constitue le tronc commun du programme. Normalement, les étudiants s’inscrivent aux cours obligatoires en début de programme puisque ceux-ci sont souvent prérequis à l’inscription aux cours avancés et de spécialisation. Au sein des programmes qui proposent des concentrations formelles, le terme cours obligatoire s’applique également aux cours que tous les étudiants ayant opté pour une même concentration doivent avoir complétés.

Nous avons exclu de la compilation des cours obligatoires les cours de synthèse (capstone courses) ainsi que les stages pratiques. Notre corpus de 65 programmes inclut un seul programme qui n’impose aucun cours obligatoire et un programme au sein duquel les dix cours offerts sont requis. Pour l’analyse des cours obligatoires, nous avons retranché du corpus un programme structuré autour de modules thématiques plutôt qu’autour de cours complets et autonomes. Au sein des 64 programmes restants, le nombre de cours obligatoires varie, comme le montre le tableau 2 ; n y représente le nombre de programmes qui imposent un tronc commun de x cours. On observe au passage que la majorité des programmes, 54 ou 84 %, imposent encore un tronc commun lourd constitué de quatre cours obligatoires ou plus.

Tableau 2

Nombre de cours obligatoire dans les programmes de BSI

Nombre de cours obligatoire dans les programmes de BSI

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Parmi les 63 programmes qui imposent des cours obligatoires, 58 ou 92 % offrent un cours obligatoire traitant de l’OC. Lorsque le cours est entièrement consacré à l’OC, le contenu inclut une large palette de sujets : la description des documents, l’analyse par sujet, l’indexation et les vocabulaires d’indexation, la classification et les systèmes de classification, le traitement de la langue naturelle, les systèmes de recherche en texte intégral, les principes de la gestion des documents administratifs et la gestion de l’information personnelle. Dans une douzaine de ces programmes, le cours obligatoire va en fait au-delà de l’OC pour couvrir également les bases de l’accès à l’information (sept programmes), la recherche et le repérage d’information (quatre programmes) et les systèmes généraux de gestion de l’information (un programme).

Les titres des 58 cours obligatoires consacrés à l’OC indiquent clairement ce focus : vingt-trois d’entre eux (40 %) s’intitulent « Organisation de l’information ». Le concept de connaissance est peu utilisé dans les titres, n’apparaissant que dans sept de ceux-ci. Les termes catalogage et/ou classification paraissent dans deux titres seulement. Le concept fondamental de document n’apparait dans aucun titre de cours obligatoire traitant de l’OC.

Notons que trois des cinq programmes qui n’imposent pas à leurs étudiants de cours de base en OC maintiennent pourtant un tronc commun lourd de 5, 6 et 7 cours obligatoires respectivement ; dans ces cas, ce n’est donc pas la volonté de réduire le nombre de cours obligatoires qui justifie la décision de ne pas obliger tous les étudiants à se familiariser avec l’OC. Nous avons constaté qu’un quatrième programme dont le tronc commun était constitué de cinq cours, dont un cours en OC, jusqu’en septembre 2019, n’impose plus que trois cours obligatoires dont aucun n’aborde l’organisation de l’information, des documents et des connaissances.

Parmi les 42 programmes ayant utilisé le terme-clé « organisation de l’information » pour décrire leur programme dans le Directory, sept (17 %) n’imposent pas de cours portant sur l’OC. Parmi les 26 programmes offrant une concentration formelle en OC, quatre (15 %) n’imposent pas de cours de base dans la discipline.

Trente-huit programmes sur 58 (66 %) mettent le cours obligatoire en OC à l’horaire plus d’une fois par année universitaire, parfois même à chaque trimestre (i.e. trois ou quatre fois par année universitaire). Nous voyons là une confirmation de l’importance accordée à l’OC dans la formation, et une volonté de permettre aux étudiants de s’inscrire au cours au moment qui convient le mieux à leur plan d’étude individuel. Cette offre multiple permet la création de petits groupes, ce qui favorise les discussions théoriques, les projets collaboratifs et des sessions de travaux pratiques plus productives. Dix-sept programmes sur 58 (30 %) offrent le cours de base une fois par année universitaire seulement, au trimestre d’automne ou d’hiver/printemps. Dans ces programmes moins flexibles, tous les étudiants d’une cohorte doivent s’inscrire simultanément aux cours de base. Dans un des programmes faisant partie du sous-ensemble analysé ici, le cours obligatoire en OC a été offert moins d’une fois l’an au cours des trois dernières années. Dans un autre programme, le dernier horaire de cours disponible couvrait l’année 2018-2019 et nous n’avons pu déterminer si et à combien de reprises le cours en OC, ou tout autre cours en fait, avait été offert depuis.

Nous avons comparé le nombre total et les titres des cours obligatoires consacrés à l’OC tels qu’ils paraissent dans les programmes courants et tels qu’ils paraissaient dans notre enquête de 2015. Il est intéressant de constater qu’entre 2015 et 2021, le cours obligatoire en OC n’a été éliminé que dans six programmes ; trois de ces programmes conservent un cours optionnel sur les fondements de l’OC. À l’inverse, trois programmes qui n’imposaient pas de cours obligatoire en 2015 ont depuis intégré un cours consacré à l’OC à leur tronc commun. Trente-cinq cours obligatoires en OC qui étaient déjà offerts en 2015 sont toujours au programme sous un même titre. Des changements mineurs, de « Organisation de l’information » à « Organisation de l’information et des connaissances » par exemple, ont été apportés à 11 titres depuis 2015.

Cours au choix

Une fois les cours obligatoires complétés, les étudiants sont normalement libres de choisir des cours de niveau avancé et spécialisés dans le menu plus ou moins riche qu’offre leur programme. Une liste de cours pertinents est souvent recommandée à l’étudiant qui désire développer une spécialisation. Celui-ci peut également choisir ses cours en fonction d’intérêts personnels plus ou moins définis.

Dans notre compilation des cours au choix, nous avons exclus les cours qui ne sont offerts que de façon irrégulière ou sur demande, ainsi que les cours dont le contenu varie. Ces cours prennent la forme de séminaires en groupes restreints et ils sont souvent identifiés par des titres généraux tels « Sujets spéciaux en … », « Lectures dirigées », « Séminaire en… », « Recherche individuelle », « Projet dirigé ». Ils peuvent à l’occasion intégrer des éléments liés à l’OC, mais nous n’avons retenu dans cette mise à jour que les cours qui intègrent dans leur titre des termes précis liés à notre domaine (par exemple « Séminaire en organisation des connaissances », « Sujets spéciaux en catalogage et métadonnées », « Lectures avancées en organisation de l’information »).

Pour l’ensemble des 65 programmes du corpus, nous avons relevé dans les annuaires de cours officiels un total de 185 cours au choix pertinents. Nous considérons comme pertinents les cours qui portent exclusivement sur la description bibliographique, l’analyse documentaire, la classification, l’indexation, les langages d’indexation, la rédaction de résumés, les métadonnées bibliographiques et la gestion des services de traitement documentaire. La majorité des programmes offerts en 2020-2021, soit 44 ou 68 %, proposent une sélection de deux, trois ou quatre cours centrés sur l’OC. Nous reconnaissons cependant que les sujets de l’OC peuvent également être traités à partir d’un angle particulier dans des cours centrés sur d’autres domaines, par exemple la gestion de l’information en santé, les ressources électroniques en bibliothèques ou la gestion des publications en série. Nous notons aussi que les cours de catalogage et de classification sont souvent recommandés aux étudiants qui choisissent une concentration ou un cheminement centré sur un type d’institution, par exemple les bibliothèques universitaires ou les bibliothèques numériques. Le nombre de cours au choix pertinents varie considérablement d’un programme à un autre, tel qu’on le constate dans le tableau 3, où n représente le nombre de programmes décrivant un nombre x de cours au choix pertinents dans l’annuaire officiel.

Tableau 3

Nombre de cours au choix pertinents dans les programmes de BSI

Nombre de cours au choix pertinents dans les programmes de BSI

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Le tableau 3 montre également que les programmes qui proposent une concentration en OC offrent tous un minimum de deux cours au choix dans ce domaine. On pourrait s’attendre à ce que les programmes qui offrent une telle concentration offrent un plus grand nombre de cours au choix pertinents, afin de permettre aux étudiants d’approfondir leurs connaissances théoriques et d’accroître leurs habiletés pratiques dans la discipline ; cela n’est pas nécessairement le cas, puisque la majorité des programmes, 20 sur les 26 programmes avec concentration (77 %) n’offrent que deux, trois ou quatre cours pertinents. Les six programmes restants sont parmi neuf programmes en BSI qui décrivent à l’annuaire officiel une sélection de plus de quatre cours. Parmi les programmes sans cours obligatoire en OC, cinq proposent deux cours au choix pertinents et trois décrivent quatre cours pertinents à l’annuaire officiel.

Les 185 cours au choix pertinents portent 128 titres distincts. Les titres utilisés le plus fréquemment sont « Catalogage et classification » (20 cours), « Métadonnées » (15 cours) et « Indexation et condensation » (10 cours). Les concepts et les termes les plus fréquents dans les titres de cours au choix pertinents sont énumérés au tableau 4.

Tableau 4

Concepts et termes dans les titres de cours au choix pertinents

Concepts et termes dans les titres de cours au choix pertinents

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Certains concepts et termes pertinents apparaissent moins souvent que prévu dans les titres de cours en OC. Ces termes incluent : sujet (huit occurrences), théorie (six occurrences), analyse (six occurrences), thésaurus (cinq occurrences, toujours en combinaison avec le terme construction), bibliographique (quatre occurrences) et document (une occurrence).

La comparaison avec les données recueillies en 2015 n’était pas possible ici, puisque nous n’avions considéré à l’époque que les cours au choix entièrement consacrés à l’analyse par sujet, à l’indexation et à la classification, pour un total de 103 cours pertinents. La liste des cours pertinents proposés en 2020 inclut des cours de catalogage et de métadonnées ; elle est plus riche que celle de 2015. Il ne nous a pas été possible de déterminer avec certitude le nombre et les titres de tous les cours au choix pertinents identifiés en 2020 qui étaient déjà offerts en 2015. Mais nous pouvons établir que 42 cours au choix décrits en 2015 paraissent toujours sous le même titre dans les annuaires officiels de 2020-2021 et qu’ils ont été mis à l’horaire au moins une fois au cours de la période couverte par la présente enquête ; 19 cours au choix sont présents sur les listes de 2015 et de 2020, mais ils sont aussi parmi les cours qui n’ont pas été mis à l’horaire récemment. Vingt-six (26) cours portant sur l’analyse par sujet, la classification et l’indexation qui étaient décrits dans les annuaires de 2015 n’apparaissent plus dans la plus récente édition des annuaires de cours.

Le total de 185 cours au choix pertinents décrits dans les annuaires officiels est certes considérable, mais la présence du cours dans l’annuaire ne signifie pas pour autant que le cours a été mis à l’horaire et offert aux étudiants des récentes cohortes. En réalité, un bon nombre de cours pertinents n’apparaissent jamais à l’horaire entre 2018 et 2021 ou ne sont carrément plus enseignés. Pour établir si et combien de fois au cours des années universitaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021 un cours au choix pertinent a été offert, nous avons exploité les horaires de cours disponibles sur les sites web des programmes agréés et de leurs institutions d’attache, ainsi que les horaires disponibles sur le site Coursicle. Nous avons ainsi pu établir que 123 cours distincts sur les 185 cours décrits aux catalogues (66 %) avaient été mis à l’horaire au moins une fois depuis le trimestre d’automne 2018. Cela signifie que le tiers des cours au choix proposés, soit 62, n’ont pas été enseignés entre 2018 et 2021. De fait, dans plusieurs programmes, plusieurs cours au choix ne sont à l’évidence plus offerts même s’ils restent inscrits à l’annuaire ; nous avons d’ailleurs constaté que quelques-uns de ces cours n’étaient déjà plus offerts en 2015, et on peut se demander pourquoi ils sont toujours publicisés.

Nous avons établi une courte liste des termes apparaissant le plus souvent dans les titres des 62 cours qui n’ont pas été offerts depuis 2018 et avons comparé cette liste avec celle qui parait au tableau 4. Il semble significatif de noter que bien que le terme / concept indexation soit utilisé à 12 reprises dans les titres de cours au choix pertinents, il apparait dans 11 titres de cours non offerts depuis 2018. Dans la plupart des programmes agréés de BSI, les fondements et la pratique de l’indexation et de la condensation ont intégré les programmes d’études tardivement, entre 1970 et 1975, et n’ont toujours été dispensés que sporadiquement ; ces matières paraissent avoir un statut moindre que le catalogage et la classification dans le programme d’études, peut-être en raison de l’importance croissante accordée au traitement de la langue naturelle, à l’indexation automatique et à la recherche en texte intégral. Le fait qu’on n’assigne plus d’indice de classification, de vedettes-matière ou même de mots-clés minimalement contrôlés à un très grand nombre de documents numériques au moment de leur intégration dans les collections pourrait aussi expliquer l’érosion de l’importance de ces matières dans les programmes de BSI. Il est en outre révélateur de constater que le seul cours au choix dont le titre intègre le nom d’un système particulier d’organisation des connaissances, soit la Classification décimale de Dewey, n’a jamais été mis à l’horaire depuis 2015.

Les enseignants

En l’absence d’interaction directe avec les responsables de cours en OC, les données sur les enseignants ont été plus difficiles à obtenir et elles ne sont indicatrices que de tendances. Les observations qui suivent sont basées sur l’information recueillie sur les sites web institutionnels et sur les horaires de cours disponibles via Coursicle. Les premiers ont fourni des données sur les enseignants et leur statut au sein de l’institution, ainsi que sur leurs intérêts de recherche et d’enseignement. Coursicle a permis d’associer chaque cours pertinent au nom de l’enseignant responsable pour chacune des trois années couvertes par notre survol.

Pour déterminer qui enseigne le plus régulièrement les cours obligatoires et au choix en OC, nous avons identifié dans la mesure du possible chacun des individus ayant enseigné un ou plusieurs de ces cours, une ou plusieurs fois, au cours de la période 2018-2021. Nous avons identifié ainsi 237 individus, parmi lesquels 136 sont des professeurs de carrière et 101 sont des chargés d’enseignement ou chargés de cours. Parmi les professeurs de carrière ayant enseigné les bases de l’OC récemment, 30 sont titulaires, 60 sont agrégés et 38 sont en début de carrière au rang de professeurs adjoints. Cinq professeurs émérites et trois professeurs visiteurs dont nous n’avons pu déterminer le statut au sein de leur institution d’origine ont enseigné au moins un cours en OC. La majorité des 101 enseignants restants sont des professionnels en BSI.

En nous basant sur la description de leurs intérêts de recherche et sur la liste de leurs publications récentes, nous avons identifié 61 professeurs de carrière (45 %) qui sont des spécialistes de l’OC ou qui ont à tout le moins travaillé régulièrement dans ce domaine ; notons que les cinq professeurs émérites et deux des trois visiteurs sont inclus dans ce total. Parmi les enseignants qui ne sont pas professeurs de carrière, 30 (30 %) sont dans une pratique professionnelle directement liée à l’OC : ils sont catalogueurs, indexeurs, spécialistes des métadonnées, ou gestionnaires de services de traitement documentaire.

Il apparait que les cours consacrés à l’OC sont fréquemment offerts par des enseignants qui ne font pas de recherche ou n’ont pas d’expérience pratique dans le domaine ; c’est le cas au sein de 23 des 65 (35 %) programmes qui constituent le corpus. Une douzaine de ces 23 programmes utilisent pourtant le terme-clé « organisation de l’information » pour décrire leur programme dans l’annuaire de l’ALA, huit proposent une concentration formelle en OC et 16 imposent un cours obligatoire en OC à tous leurs étudiants. Nous avons souvent trouvé dans les horaires de cours les mentions Équipe, À déterminer, ou X associée à des cours obligatoires ou au choix en OC, comme si le nom de l’enseignant ne pouvait être inscrit que tard dans le processus d’établissement de l’horaire, peut-être lorsque les autres cours avaient été attribués. Dans plusieurs institutions, le cours obligatoire de première année est offert par un enseignant différent à chaque année ou même à chaque trimestre lorsque le cours est répété au cours d’une même année universitaire. Les enseignants sont parfois des généralistes responsables de cours aussi diversifiés que la gestion de l’information, l’organisation de l’information et la recherche et le repérage d’information. Ils peuvent également être spécialistes de types particuliers d’information, l’information en santé, l’information numérique ou les services aux jeunes par exemple.

L’absence de professeurs de carrière spécialistes de l’OC et menant des recherches dans ce domaine peut certes être compensée, jusqu’à un certain point, par l’embauche de chargés de cours qui sont des professionnels du domaine. Ces derniers risquent cependant, et cela est compréhensible, de favoriser une approche pratique ou technique plutôt que théorique dans leur enseignement. Un impact plus significatif du manque de spécialistes de l’OC au sein du corps professoral est que très peu, sinon aucune recherche n’est menée dans ce domaine, ni par un professeur, ni par d’éventuels doctorants, et qu’aucun soutien immédiat ne peut être offert aux enseignants qui ont intégré des éléments très pointus relatifs à l’OC dans leurs propres cours sur d’autres sujets, la gestion de l’information en santé par exemple.

Conclusion

Cette collecte de données sur la structure de 65 programmes de maîtrise agréés par l’ALA a été réalisée dans le but de répondre à quatre questions : 1. Y a-t-il un cours consacré à l’OC dans l’ensemble des cours obligatoires que tous les étudiants doivent réussir dans les programmes agréés par l’ALA ? 2. Les programmes agréés offrent-ils des cours au choix consacrés à l’OC ? 3. À quelle fréquence les cours obligatoires et les cours au choix consacrés à l’OC sont-ils offerts aux étudiants d’une cohorte ? 4. Par qui les cours obligatoires et les cours au choix consacrés à l’OC sont-ils enseignés ? Sur la base des informations repérées sur les sites web de programmes et d’institutions, nous proposons les observations suivantes sur le statut de l’organisation des connaissances, comme discipline et comme matière, dans les programmes de formation actuels en BSI.

Les fondements de l’OC sont encore enseignés à tous les étudiants d’une même cohorte dans une large majorité des programmes ; sept programmes agréés seulement n’imposent pas de cours obligatoire en OC, ce qui a pour conséquence que plusieurs de leurs étudiants obtiendront leur diplôme sans avoir été exposés au corpus de connaissances et aux habiletés pourtant considérées comme essentielles chez tout professionnel de l’information. Le nombre et le contenu annoncé des cours au choix permettant aux étudiants d’accroitre et de raffiner leurs compétences dans ce domaine varient considérablement. Bien qu’un nombre inattendu de programmes (26 sur 65) proposent encore une concentration formelle en OC ou en gestion de services de traitement documentaire, cela ne semble pas garantir une plus grande offre de cours pertinents offerts par des enseignants experts dans le domaine. Dans la plupart des programmes, il semble peu réaliste de croire que des objectifs d’apprentissage de très haut niveau pourront être atteints. Cette présomption est renforcée par le fait qu’une proportion considérable de cours au choix pertinents, un sur trois, n’a pas été vu à l’horaire depuis 2018. Comme les étudiants en BSI complètent normalement leur programme en deux ans ou moins, cela signifie que ces cours n’étaient pas accessibles aux plus récentes cohortes de diplômés. Lorsqu’ils sont à l’horaire, les cours en OC et particulièrement les cours obligatoires, sont régulièrement enseignés par des professeurs ou chargés de cours qui ne sont pas spécialistes du domaine. C’est le cas au sein des institutions où le corps professoral n’inclut aucun spécialiste en OC, ainsi que dans les programmes récemment agréés où les activités d’enseignement sont confiés à des chargés de cours réguliers ou occasionnels. Six programmes peuvent être considérés comme ayant mis l’organisation de l’information et des documents au coeur de leur programme : on y trouve plusieurs professeurs spécialistes du domaine et un nombre significatif de doctorants travaillant sur leur projet propre, un cours obligatoire pour tous en OC, et une sélection de cinq cours au choix au moins pour les étudiants de maîtrise qui aspirent à une carrière dans le domaine.

La nature et la quantité de données réunies ne permet pas, malheureusement, une comparaison du statut de l’OC au sein des programmes de BSI avec celui d’autres sujets clés, la recherche et le repérage d’information par exemple. Le présent rapport est strictement descriptif et limité quant à sa portée, mais il nous permet de suggérer que l’OC, sous forme de contenus de cours traitant de catalogage, de classification et de métadonnées reste bien présent dans la grande majorité des programmes agréés par l’ALA.

Quelques chiffres et observations nous apparaissent cependant annonciateurs de tendances qui devraient être observées attentivement au cours des prochaines années et des évaluations de programmes à venir. Ces tendances incluent : l’élimination récente du cours obligatoire en OC dans quelques programmes établis de longue date, le fait que le tiers des cours au choix portant sur l’OC et décrits dans les annuaires de cours officiels n’aient pas été mis à l’horaire depuis plus de trois ans, et le fait que les deux-tiers des enseignants responsables des cours en OC soient des généralistes, ou encore des spécialistes d’autres domaines de la science de l’information.

Nous sommes d’accord avec Snow (2019) qui suggère que le débat théorie versus pratique dans l’enseignement de l’OC doit continuer. Nous croyons que les cours de catalogage, de classification et d’indexation ne seront considérés essentiels dans les programmes de maîtrise que s’ils vont au-delà du comment pour s’intéresser au pourquoi. Une compréhension des fondements philosophiques, théoriques et historiques de l’organisation du savoir ne peut être que bénéfique pour tous les professionnels de l’information, quel que soit leur champ de pratique ; cette compréhension est essentielle quand les besoins, les objets, les politiques, les procédures et les systèmes sont en constante transformation, comme c’est le cas dans le monde contemporain et comme ce sera le cas dans celui de demain.