FR :
Il existe en Pays Basque des artistes de la parole. Ces artistes improvisent des poèmes nouveaux qu’ils chantent sur les mélodies de chansons anciennes. Ce sont des bertsulari, littéralement: des « faiseurs de vers ». Cette pratique est attestée de longue date dans l’ensemble du Pays Basque. Il ne s’agit pas pour autant d’une pratique propre à la culture basque. On en rencontre de nombreuses formes dans des contextes culturels bien différents (les ponts-neufs et les mazarinades du XVIIe siècle parisien, les chansons de Béranger au XIXe, les chjame e resportdi corses, les golgs catalans, les desafios portugais ou les trovos andalous...). Nous récuserons donc ce mythe encombrant que nous lègue le XIXe des folkloristes: celui d’une insularité du peuple basque, le plus ancien du continent européen, et de ses pratiques culturels.
En fait, si la technique d’improvisation n’est pas originale, ce qui frappe en Pays Basque, c’est la très forte mobilisation sociale qui accompagne ces Jeux d’improvisation orale. Loin d’être aujourd’hui un genre traditionnel en voie de disparition, l’art du bertsulari fonctionne comme un emblème vivant d’une identité collective basque qui veux exister comme telle. Cet article consiste en une approche ethnographique de la ritualisation de la mise en spcetacle de cette parole à l’occasion d’une finale du championnat général des bertsulari du Pays Basque, le 17 décembre 1989, dans le vélodrome d’Anoeta, à Saint-Sébastien, devant 12 000 spectateurs. Une manière d’entrevoir comment aller écouter chanter des improvisateurs participe de la fabrication d’une identité culturelle fortement revendiquée.
EN :
In the Basque Country artists of the spoken word are found. They improvise new poems, which they sing to melodies from songs of olden times. They are the Bertsulari, literally: “singers of verse.” This practice is attested long ago throughout the Basque country, yet it is not one that is specific to Basque culture. Many forms of it are encountered in quite different cultural contexts (the ponts-neufs and mazarinades of 17th-century Paris, the songs of Béranger in the 19th century, the chjame e respondi of Corsica, the golgs of Catalonia, the desafios of Portugal or the trovos of Andalusia ...). This article challenges the cumbersome myth left to us by 19th-century folklorists: the myth of the insularity of the Basque people, the oldest people on the European continent, and of its cultural practices.
In fact, though the technique of improvisation is not original, what is striking in the Basque country is the very strong social mobilization accompanying these games of oral improvisation. Far from being today a disappearing traditional genre, the bertsulari art form functions as a living emblem of a Basque collective identity wishing to exist as such. This article consists of an ethnographic approach to performance ritualization of this poetry on the occasion of a final of the Basque country’s general bertsulari championship on December 17, 1989, at the Anoeta velodrome in San Sebastian, before 12,000 spectators. This is a glance at how the process of going from listening to singing, by the improvisers, flows from the construction of a strongly-held cultural identity.