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Le film de famille. Par Nathalie Tousignant (dir.). (Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Collection Travaux et Recherches 49, 2004. Pp. 205, ISBN 2-8028-0161-9)[Notice]

  • Pascal Huot

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  • Pascal Huot
    Université Laval
    Québec

« Le film de famille participe-t-il davantage de la mémoire collective et individuelle ou de l’histoire? » (7). C’est à cette question que l’ouvrage collectif Le film de famille tente de répondre par l’apport et l’approche de différentes disciplines. Le présent recueil est la poursuite de la réflexion amorcée par les sept auteurs, aux rencontres organisées à Bruxelles, aux Facultés universitaires Saint-Louis, en novembre 2000. Les regards croisés et complémentaires d’une anthropologue, d’un sémio-praticien, d’historiens et de réalisateurs éclairent le film de famille en le mettant en relation avec la mémoire collective et individuelle. La recherche scientifique actuelle lui donne sens en le positionnant tant dans un champ purement théorique, en offrant une définition générique ou en confrontant le sujet avec le film professionnel, que dans l’étude de cas, par le choix d’évènements mis en images ou par la valorisation de ces archives privées. L’historien Jean Puissant de l’Université libre de Bruxelles ouvre les réflexions avec « Le film de famille, composante nécessaire de la mémoire collective ». Afin de préciser l’objet d’étude, l’auteur dresse le portrait de ce kaléidoscope de réflexions abordé par les différents intervenants présents dans l’ouvrage. Ce texte d’introduction permet d’appréhender et de cimenter le corpus réflexif vers l’essence du propos soutenu par les auteurs. Apportant une synthèse à l’ouvrage et un regard critique sur le contenu, Jean Puissant aborde dans un premier temps la définition du film de famille formulé par Roger Odin, soit un « film tourné sur la famille pour la famille » (9). Si cette définition précise l’objet, elle ouvre également sur d’autres horizons avec le film de voyage, film personnel oscillant entre le film de famille et le film amateur. Sa réflexion l’amène vers la conservation de ce type de documents privés et de l’urgence pour la société de se préoccuper de la sauvegarde de ce patrimoine, au même titre que l’on conserve des fonds de photographies privées. Dans « Jeux de l’image et du temps. Construction de la mémoire familiale et adoption internationale », Martin Pâquet, professeur au département d’histoire de l’Université Laval à Québec, aborde le film de famille par l’étude de cas, soit celui des Canadiens et des Québécois qui se tournent vers l’adoption internationale pour se constituer une famille. Son terrain d’enquête est circonscrit à l’adoption d’enfants provenant de la République populaire de Chine. L’adoption constitue un événement majeur dans le récit familial, moment d’une grande intensité affective, puisque le voyage est souvent assimilé au travail de l’accouchement, où l’image (vidéos et/ou photographies) permet de faire mémoire. « Ces images seront à la fois autant de repères visuels des souvenirs familiaux, mais aussi contribueront à la construction de la mémoire familiale chez l’enfant adopté et les parents adoptants » (16). Les images, qui servent également à l’établissement de références temporelles, renvoient à trois types de temporalité : le présent du passé, le présent du présent et le présent du futur. Le présent du passé se définit par le besoin de conserver, pour garder en mémoire des traces d’évènements représentés sur papier et/ou pellicule. Le présent du présent se caractérise par le choix des moments immortalisés, qui traduisent leur importance aux yeux du capteur de l’image. Le présent du futur permet au capteur d’images de créer des repères à la reconstitution ultérieure des évènements vécus. L’étude dresse également un corpus des principaux sujets saisis par l’image, dont l’orphelinat, qui permet de conserver une trace de l’histoire de l’enfant, puisque son passé avant l’adoption n’est pas disponible pour les parents adoptants, mais également des moments volontairement exclus d’une mémoire filmique, comme les instants plus pénibles liés à la bureaucratie …