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Le plus prégnant sentiment associé à la fuite ne serait pas la culpabilité si la fuite ne contrevenait à notre nature fondamentale qui fait de nous des êtres de relation. C’est en empruntant une porte de côté comme l’idée de la fuite qu’on peut peut-être accéder le plus facilement à la question de la responsabilité, car cette valeur, cette « vertu silencieuse » comme le note Bernard Williams, n’aurait pas suffisamment de gravité pour se rendre saisissable[1]. En interrogeant la nécessité d’un lien, d’un accompagnement lorsqu’on se porte garant de ses propres actions vis-à-vis d’un autre, on peut voir plus clairement ce qui organise réciproquement l’expérience dans la perspective d’un avenir commun. Car la fuite semble bien mettre en échec la communauté, le penser-à-l’autre qui en est une condition essentielle, en s’en faisant précisément le contraire, c’est-à-dire un refus de répondre à l’autre, de répondre de l’autre, un refus du devoir de proximité et des dettes qu’entraîne le moindre désistement, une fin de non-recevoir, une fin. Examiner ce qui semble de prime abord un échec de la transmission revient à montrer, on le devine, que l’idée de la fuite avec son registre d’intentionnalités n’est pas si simple, que négocier avec l’autre une distance qui ne fasse pas de la contrainte une contrariété ne va pas de soi, qu’avec cet éloignement calculé se déploie un ensemble de forces contraires, un jeu de répulsion-attraction qui finit bien par tisser une sorte de communauté. Au coeur de l’expérience de la fuite — ou devrait-on dire plutôt des fuites, comme l’indiquent les usages distincts qu’en font Hélène Lenoir (Le magot de Momm, 2001) et Suzanne Jacob (Fugueuses, 2008) —, au coeur de son idée même, c’est paradoxalement le désir d’une continuité qui est en cause par l’établissement d’une souveraineté individuelle.

Mais de quelle fuite parle-t-on ? Car la fuite étant un acte relatif, c’est-à-dire un éloignement par rapport à un lieu pour s’approcher d’un autre, elle peut être envisagée de deux façons à tout le moins. La première, la plus évidente peut-être, est l’action (la réaction) qu’on pose afin d’échapper à l’insupportable. Dans la communauté des hommes, les échanges quotidiens — le langage au premier chef — promettent une communauté spontanée de vues, d’idées, d’intérêts. Le constat quasi continu d’un décalage fait d’attentes déçues, d’affinités imparfaites, de confiances trahies amène à ressentir comme un manque cette coexistence sans cohésion, à vivre une solitude qui ne se résume pas, comme l’a montré Nicolas Grimaldi, à être isolé, mais à n’exister véritablement pour personne. C’est là acquérir une « existence d’objet : on évite de le heurter, on le contourne, s’il tombe on le ramassera, et quoique tous puissent le regarder, personne ne le voit[2] ». Dans la foule où les autres se montrent indifférents et se font tout au plus à leur tour ces autres objets à contourner, ces obstacles qui entravent la liberté plus qu’ils ne la soutiennent, ne peut s’exprimer, par dépit, qu’un détachement qu’on pourrait dire salutaire. C’est là le mouvement premier de la fuite : souffrant non pas de ce qui nous atteint, mais de ce que notre vie n’atteint celle de personne de la manière attendue, il ne reste qu’à anéantir précisément cette attente qui rend sensible — et pénible — l’inadéquation à l’autre. C’est d’ailleurs à peu près ce que choisit le voilier de la métaphore de Laborit qui ne peut s’imposer au vent et à la mer : hormis la cape qui le soumet à la dérive, « la fuite reste souvent […] la seule façon de sauver le bateau et son équipage[3] ». Il s’agit donc de s’arracher à un lieu qui aurait pu continuer de nous porter, qui gardera peut-être quelque chose de nous — une trace, une mémoire, un lambeau de chair vive — pour habiter (s’habiter dans) un autre lieu qui aura, l’espère-t-on, assez de gravité, c’est-à-dire qui sache accorder de l’importance aux choses, une certaine force d’attraction, pour rapatrier ce qui s’est disséminé.Cette première forme de fuite résulte de ce qu’Hannah Arendt nommait, à la suite d’Épictète, la désolation[4], qui est vécue comme une carence de véritable relation alors qu’on se trouve en compagnie d’autrui ; elle est une dépendance où le moi se perd, où l’être s’efface dans son besoin plus qu’il ne s’affirme par la possibilité d’un don. Fuir, dans ce cas, devient un acte éthique en ce qu’il met un terme à l’aliénation, puis permet la consolidation du sujet, rendant ainsi ce dernier apte à entamer une véritable relation en se mettant disponible, c’est-à-dire ancré en lui-même, offert et accueillant.

Le cinquième roman d’Hélène Lenoir, Le magot de Momm, illustre cette fuite de la désolation alors que trois générations de femmes, soumises aux circonstances, sont réunies sous le même toit : à la suite de la mort de son mari, Nann va vivre chez sa mère Momm avec ses filles, Lili, seize ans, et les jumelles, dix ans, le temps de retrouver un certain équilibre, d’avoir la force de se faire — enfin — responsable de sa famille.

Le besoin qui mène cette famille ou du moins les trois enfants à leur mère est ce désir chiasmatique d’être unies maintenant pour être capables d’envisager un avenir ensemble. Devant le vide d’une existence commune sans cesse ajournée, Lili fuit avec Dan,

gaie, gonflée de vraies promesses dont la réalisation était à portée de sa main tendue et non plus perdue dans les étoiles, constamment repoussée à la Saint-Glinglin, la spécialité de sa mère qui avait lentement viré de bord ces derniers mois, les lâchant, c’est-à-dire les ligotant toutes les trois encore plus serré mais sans avoir aucun effort à faire ni rien à se reprocher […] très occupée par son travail, où elle espérait une promotion, sa chance, la chance de sa vie, les filles n’avaient pas le droit de la lui gâcher, elles devaient l’aider, être patientes, la soutenir, c’est-à-dire faire des sacrifices, elles aussi, […] tout ça leur serait bientôt rendu au centuple… mais quand, bientôt, quand[5] ?

Entre Lili désirante et Nann absente, aucune relation possible, tout au plus, le devine-t-on, une poursuite toujours irrésolue où les liens ne servent qu’à ligoter.

De même, pour Nann et sa mère, c’est une relation mère-fille miroir où l’insupportable est une existence de proximité, le comportement prétendument responsable de Momm, comportement prédateur, quasi charognard, ne résultant que dans l’étouffement de sa fille.

Et elle qui était toujours sur le qui-vive, la dernière couchée, d’une vigilance exemplaire, courant sans cesse dans la peur de manquer ou de laisser passer quelque chose, quelqu’un, paroles, murmures, regards, et tous ces riens qu’elle happe et amasse à longueur de journée, minuscules proies qu’elle dépèce après quand elle est enfin tranquille, triture, renifle, stocke, cuisine ou jette selon son diagnostic[6].

Mères et filles se parlent sans se parler, enchaînant les monologues faits d’autojustification et de haine, de plaintes et de remontrances. Chacune tour à tour se dit incapable de supporter ces relations difficiles, ce climat de mensonges, de méfiance, d’hostilité.

Pour en finir avec la vaine poursuite pour l’une, pour parvenir à une certaine liberté pour l’autre, la fuite plus que n’importe quel affrontement se propose ici comme la seule issue valable. Il y a, dès le début du roman, la fugue bien réelle, géographique pourrait-on dire, de Lili, sur le scooter de Dan, qui cherche en quelque sorte à inverser le sens de la poursuite entre elle et sa mère pour ne pas se laisser prendre dans l’engrenage de l’attente toujours déçue d’une vie commune :

Elle les voyait toutes les quatre, Momm, sa mère et les deux petites, attendre béatement à genoux un signe du ciel en marmottant des prières, indifférentes à la coulée de boue déferlant sur la maison, en ce moment peut-être, et l’image de leur ensevelissement brutal lui procurait une satisfaction aiguisée par la conscience d’être vraiment et enfin vivante maintenant sur le scooter de Dan qui l’emportait vers la mer… Sauvée, échappée, la seule à avoir su, deviné le danger, eu le courage de quitter à temps le rafiot pourri en pensant à prendre le nécessaire et l’argent, la seule à garder les pieds sur terre, bien que Momm prétende toujours que c’est elle […][7].

Par contraste, il y aurait cette autre fuite, celle de Nann, fuite rêvée, espérée, inassumée. Pour échapper à l’étreinte de sa mère, elle voudrait bien transformer les escapades irrégulières vers les bras froids de Vincent en véritable émigration, mais faute d’y trouver un lieu qui saurait lui conférer une certaine importance, elle ne trouve qu’à se dédoubler en cet objet errant, d’une part, qui voudra dériver vers l’ouvrier de la maison et, d’autre part, cette chose craintive pour laquelle toute amorce de mouvement est problématique. Incapable de s’arracher à la maison, à la mère, elle nie son intention de sortir alors que Momm dit s’y attendre.

Elle reste là, les pieds sur le bord de la chaise, enserrant ses genoux de ses bras, se demandant ce que c’est, pourquoi elle ne peut pas se lever pour s’enfuir, sans un mot, comme Lili… Tu peux très bien, continue sa mère, tu peux très bien partir… Comme elle sait lui ouvrir la porte juste après lui avoir coupé les jambes […] elle ne se rappelle pas avoir bougé ni fait un mouvement en direction de la porte-fenêtre ou de l’allée qui mène au portail autrement qu’en pensée, mais à peine, à peine… de sorte que même ça, les pensées, les espoirs, les désirs, même ça, la mère les pénètre, les triture, les saccage […] c’était ça, ça aussi en plus de la terreur de l’abandon, l’effroi et le désespoir d’avoir surpris sa fille en flagrant délit de fuite, de trahison[8]

Si Nann ne parvient jamais au résultat escompté par la fuite parce qu’elle reste figée dans le désir, Lili ne trouve pas plus au bout du chemin la souveraineté qui lui aurait permis de ramener à elle les êtres de qui elle aurait pu se faire responsable. C’est précisément le constat de sa propre faiblesse, de son impuissance qui force son retour, qui lui fait remonter dans la gorge le goût « atrocement doux et tiède » de la bouillie dont elle se fait gaver par sa grand-mère quand elle est malade[9].

Bien que la fuite de la désolation ne semble pas réussir dans Le magot de Momm, elle parvient néanmoins à rapprocher les êtres, permet à Lili de rapatrier sa mère en la faisant sortir de sa propre absence, Nann étant enfin présentée à la fin du roman autrement que par la pensée d’un homme. Si rien n’est totalement résolu, si aucune subjectivité n’est consolidée, si toutes ressentent encore le manque par la présence de l’autre, la fin du roman présente à tout le moins, après les fuites avortées, le seul véritable échange hors les dialogues anecdotiques.

« Qui peut ici ? Qui de nous peut supporter cette situation infernale ? […] Si toi tu ne peux pas ? ! Et laquelle de nous aura un jour le courage de taper un grand coup pour qu’on en sorte ? », demande Momm à sa fille. « Toi ? Toi qui n’est ni chair ni poisson ici, ni mère ni fille, rien, entre les deux, à louvoyer dans une eau tiédasse, responsable de tout et de rien, absente, molle, ailleurs, éternellement ailleurs, tu flottes, tu planes, tu es la dernière ici sur laquelle on peut compter…[10] ! »

Si au début du récit, devant l’absence déroutante de Lili, Nann s’était dite seule responsable de son aînée[11] plus dans l’intention d’écarter d’un seul coup sa mère que d’endosser véritablement ce rôle, après cette intervention de la grand-mère se produit au moins ce réveil, cet appel du réel qui sait enfin se faire bien entendre, ce qui dans ce roman d’Hélène Lenoir semble déjà beaucoup.

Cet appel du réel, conséquence ou aboutissement de la fuite chez Hélène Lenoir, peut tout aussi bien s’en faire le moteur. Se trouverait ainsi la seconde forme de fuite qui consisterait en une recherche d’intégrité que permet le rapprochement à l’autre. Entendons bien la distinction ici du parcours initiatique des romans réalistes, par exemple, où le personnage se construit au fil des expériences. Il s’agit ici d’une fuite vers un autre, pour s’y lier, s’y rencontrer soi-même, sans pour autant glisser jusqu’à la relation fusionnelle qui consiste à s’abolir dans l’autre, dans une sorte de désistement de soi, pour déposer en lui aussi bien notre liberté que notre responsabilité[12]. Cette recherche d’intégrité et de situation, où l’autre devient littéralement un point de fuite, suit le dialogue interne décrit par Arendt entre moi et moi-même, un dialogue qui « ne perd pas le contact avec le monde de mes semblables [qui se trouvent représentés dans le moi avec lequel je mène le dialogue][13] ». Ce « deux-en-un », ainsi qu’elle le nomme, a besoin de se frotter à l’autre pour redevenir un, déterminé et souverain. La grande grâce salutaire de l’amitié pour les hommes solitaires est de confirmer chacun dans son identité, de le sortir de l’équivoque que nourrissent les dialogues intérieurs. Par cette fuite est permise la consolidation du sujet, car si le propre de tout être vivant est d’une part de s’individualiser, et par conséquent de s’éloigner de son monde, il cherche aussi d’autre part à tendre vers une forme ou un état qui ne sont pas encore les siens. C’est pourquoi, suivant toujours Nicolas Grimaldi, « vivre est non seulement devenir, mais aussi et surtout devenir quelque chose[14] ». Le mouvement de la fuite permet de déliter l’existence, de s’étranger pourrait-on dire, pour mieux advenir à soi-même. Il s’agit de faire surgir sa singularité, sa singularité quelconque, au sens où Agamben entend que l’être ne doit pas s’envisager par rapport à ses conditions d’appartenance à quelque classe, qui ne savent que le transporter vers autre chose en le cachant, ou à la simple absence générique de toute appartenance, mais

relativement à son être-tel. […] Car l’Amour [la véritable présence à l’autre] ne s’attache jamais à telle ou telle propriété de l’aimé (l’être-blond, petit, tendre, boiteux), mais n’en fait pas non plus abstraction au nom d’une fade généricité (l’amour universel), il veut l’objet avec tous ses prédicats, son être tel qu’il est[15].

Il revient donc au sujet lui-même, seul responsable de cette réalisation, de s’éprouver en sursis de cet être dans lequel on le reconnaîtra, de s’inventer, de se constituer en se frottant à autrui.

Ainsi que le note Suzanne Jacob dans son dernier essai Histoires de s’entendre, « être est une activité de fiction » ; « chaque individu, puis chaque groupe d’individus, ne peut survivre sans les fictions qui le constituent[16] », qu’il choisit pour le constituer, qui lui permettent de déterminer au fil du temps, de génération en génération, un rapport au monde qui s’avère déterminant. Avec Fugueuses[17], Suzanne Jacob présente quatre générations de femmes en fuite et en poursuite qui se forment et s’échappent du même coup à travers mensonges persistants et vérités tordues autour de la mort de Stéphanie, dont le fantôme plane sur toute la lignée : l’aïeule Blanche, partie à Vancouver, puis Fabienne murée dans le silence, éloignée de tous, sa fille Émilie (soeur de Stéphanie et d’Antoine) et celles par qui se termine la filiation : Alexa et Nathe (fille biologique de Stéphanie, mais « adoptée » par Émilie).

L’examen de chaque périple effectué par ces femmes permettrait de voir toutes les transformations intimes qui peuvent s’opérer au fil du temps, au fil des éloignements et des rapprochements. Le cas opposé — l’examen du seul personnage féminin qui ne fuit pas — est tout aussi parlant. La grand-mère Fabienne Dumont, avec sa rigidité qui a fait en sorte que tout le reste éclate — la cellule familiale, la rage de sa fille Stéphanie —, ne supporte aucun déplacement, comme si le moindre éloignement du foyer lui demandait d’endosser enfin les responsabilités qui lui incombent. Sur le traversier, devant le spectacle d’un couple se déchirant leur enfant, Fabienne réalise par cette confrontation douloureuse à l’autre qu’elle a toujours été incapable d’aider ses proches, ne parvenant au mieux qu’à les respecter dans la froideur, sur le quant-à-soi de sa fausse noblesse d’âme. Elle confesse, après que l’adolescente a tourné la tête vers elle, voyant à travers cette étrangère sa fille Stéphanie qu’elle a délaissée :

Je me suis enfuie dans la cale et enfermée dans ma voiture. […] Je ne suis pas descendue sur l’île. Je suis rentrée à Saint-Irénée. J’avais la fièvre. J’aurais dû lui dire : « Oui, oui, je veux bien que tu m’aides ! Aide-moi à sortir du carcan qui m’empêche de t’aider. Aide-moi à comprendre pourquoi je n’ai jamais rien pu faire […] pour aucun enfant captif, pour personne, jamais, ni pour mes propres enfants[18]. »

La fuite de son autre fille, Émilie, figure centrale de cette lignée, présente par contre un cas exemplaire de fuite opérante alors qu’elle quitte tout, au lendemain des événements du 11 septembre 2001, pour un séjour en clinique à Borigine. Collée aux événements qui s’installent dans l’Histoire, elle se détache de sa propre réalité par des évanouissements répétés, par une perte de mémoire de plus en plus prononcée. Ultimement, sa fuite tient, pourrait-on dire, dans la révélation de la fausseté de sa folie : la désertion de ses actes et autres troubles physiques n’étaient que le fruit de son propre « travail de scénarisation » et ce départ vers Borigine, qu’un prétexte pour aller — comme l’annonce la consonance du nom de la clinique — vers son lieu d’origine, aller vers ce lieu où elle n’a jamais vraiment vécu pour y rencontrer sa grand-mère Blanche, mais surtout pour connaître un peu mieux sa mère Fabienne et la réintégrer dans la famille. À Aiguebelle, chez ses parents, elle ose enfin poser à sa mère les questions qui lui ont toujours brûlé les lèvres, formuler les accusations qui lui ont toujours pesé, pour finir par s’enrouler autour des chevilles de sa mère et récupérer, par la révélation et l’adhésion, une enfance qu’elle a toujours nié. En somme, elle récupère par là son passé et, du coup, se récupère elle-même, alors que la souffrance puis la mort de Stéphanie sont enfin acceptées (ou du moins ramenées à la conscience) par Fabienne qui revit grâce à la fuite d’Émilie sa grande épreuve en répétant : « ma fille est morte ; ma fille est morte ». Ce passage d’Émilie, qui a laissé « des oh et des ah dans l’air[19] », met paradoxalement fin à des existences en suspens et confère une gravité à l’identité de chaque membre de la famille.

Aussi bien chez Hélène Lenoir que chez Suzanne Jacob, la fuite, loin d’être une manifestation de lâcheté comme on peut l’envisager a priori, montre une forme d’héroïsme alors qu’elle suture des filiations brisées. Puisque, comme l’affirme Philippe Forest, « le sens est d’abord de devenir soi-même » avant de poser quelque action que ce soit devant l’autre, l’être qui affirme enfin sa souveraine intégrité montre de fait une héroïque responsabilité : qui s’affirme ainsi se situe et s’expose. Ce n’est que dans cette mesure que peut se développer un lien, une communauté : répondre du prochain en répondant d’abord de soi.