Corps de l’article

requin sous la mer

tu n’es rien car

grâce au soleil

je te vois

L’orignal porte en lui ses bois

ses forêts sa lune

pour peupler la nuit

pour calmer sa faim l’angoisse

qui fige le sang

l’eau noire de l’hiver

Orignal, sans date, collage, papier carbone de Frédéric Lapointe et poème de Paul-Marie Lapointe (21½ × 23½ cm)

© Succession Paul- Marie Lapointe

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Girafe, sans date, collage, papier carbone de Frédéric Lapointe et poème de Paul-Marie Lapointe (28 × 21½ cm)

© Succession Paul-Marie Lapointe

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que faire,

se dit la girafe,

quand on est

la seule girafe

à deux pattes

sous le soleil ?

désir désir

effeuille-toi serpent

où que tu sois

auteur de mes doigts

mer nuage miroir  ?

des animaux dans la plaine

hippopotame grand singe et

le V de la chauve-souris

surgie du petit carré de la nuit

la terre à crevasses

à peau d’hippopotame sec

la terre gercée

la terre sèche

la terre d’ombre déchirée

qui est là-dessous

le jour commence toujours de la même façon avec l’apparition des

collines trouant la brume comme des soleils levants… des chiens

aboient dans le silence  les grillons grillent déjà.

quelle simplicité la vie ! Rien n’importe sinon d’assurer la survie ;

bouffe et tout puisque  les motifs s’imposent.

audacieux pèlerinage dans les grottes inférieures  les saintes se

sont abandonnées au doux agneau, douces toisons, douces toisons 

s’agitent les jolies, doigts caressants de toutes.

— je peins des cou[c]hants  touchants,

pour les madames d’ouestmont

quand elles regardent par les fenêtres

à leur pied

le monde

 

les animaux sont dans la plaine

hippopotames grands singes et

d’une chauve-souris

le V

qui serait surgie d’un petit carreau de nuit dans le ciel

la terre crevassée comme une peau d’hippopotame

la terre fendillée comme une lèvre

la terre aux nervures de ver et de sécheresse

la terre d’ombre déchirée

qui est là-dessous

Aube

vaporeuses

les collines de fruits de vapeur

avancent à peine

dans l’aube

 

abandonnant dans l’espace oublié de la nuit

l’oubli d’elles-mêmes

 

 

AUBE

vaporeuses

les collines de fruits

bougent à peine

dans l’aube

dans l’oubli d’elles-mêmes

MATIN

 

vaporeuses

les collines de fruits

avancent peu à peu

dans l’aube

dans l’oubli d’elles-mêmes

léda nocturne

oiselle aux volutes fantômes

si le vent

le mouvement de la mer

épouse l’étoffe dont

le rêve se revêt

tout le jour courir

sur une patte ou deux

ou quatre

arc ou ballon

chemin de fer

quel été nous avons

quel piano pour jeu

tombée d’un ciel de granit

et de pluie,

la giration des astres

à la façon de l’escargot

cheminant chez les hommes

 

immobile l’eau révèle que,

la masse de roc et de terre

à la plaine arrachée, un lac

y prend place, dont le lit

au profil de la montagne

correspond, le volume opaque

n’étant qu’illusion de l’eau,

matrice exacte d’une forme

à la très aérienne présence

très lourde nuit rabougrie

pied d’éléphant menaçant le fruit

si ne la dévorait bientôt

sa substance même

étoiles

miroitements d’astres sur l’étang

villes allumées

 

de sorte que l’aube soudain

s’offre aux lèvres

le vent dans le vert imagine la mer

férocité des lames

fruits noirs tombés de l’ombre

et les corps levés soudain

 

rien n’empêchera

la venue de mai

UN JOUR UN AUTRE

 

à dévorer : lourde

la poutre dans l’oeil de la lune

(en conséquence et vue d’ici une paille)

par le requin quadrupède

et l’éléphant carnassier

par l’ours solaire

le pointilleux alligator

 

mais déjà se corrode la nuit

où régnaient les fantômes

figurations diverses du cauchemar géomètre

 

ronge-moi aube de rouille

acide matinal

qui rend au blanc l’image

et la chair

à la poussière originelle

sorciers de l’île. à travers champs des paumes de peau tenant une dague. où

est le diable ? alors

par les blessures mortelles du spectre, loup-garou se consumant dans

la pierre, feu follet qui ferait l’ange déchu parmi les ailes, apparais-

sent les trouées dans les corps

coulées de lave dans l’iceberg, explosions solaires, abysses de la soif,

archipels de cendre et de tisons

par où pénètre le soleil

en l’abri vulnérable ?

par la faiblesse de l’oeil

la bouche rieuse

 

mise au monde

cela surgit avec un cri

dans le sang la vie

(dans l’eau de naître

poisson en terre

déjà faut-il mourir ?)

par où pénètre le soleil ?

avec lui la ville l’espèce

les armures de la neige

la poussière et les chaînes

 

dans les parois de l’âme

se brisent les glaces

« qui est la plus belle ?

chère âme

princesse éclatée ? »

 linéaire l’eau frêle

 qui porte les continents la pierre

et l’Éternité bouche obscure

 un friselis de l’espace solaire

 où les points d’ombre dans le désert

 bercent leurs palmes

 (à peine posés là oasis

 d’où contempler la déchirure terrestre)

 

 soulèvement minutieux de l’onde

 entre les corps

 ce qui lie la jonque et la mère

 et les arrache l’une de l’autre

 cri blanc

midi soir et matin

 

la plus haute tour

se penche tant

qu’elle invente trois fois l’horizon

l’eau de l’amante est une estampe de pluie qui

 me ronge le sang

coque fragile ainsi que la pierre d’éternité

s’érodant planète rongée d’un pôle à l’autre

entre le soleil et nous l’équatoriale césure

 franchie par les champs

 les cordillères

 les typhons sur la mer

depuis le ciel ouvert le pointillé de la crête

 à ce point-ci du jour et de l’année jusque

 dans l’abîme nocturne où s’immobiliserait

 l’astre sans doute s’il allait cesser de

 chavirer

coeur éteint lave poreuse aux flancs des cratères

forêts emportées peuples détruits

la cendre la cendre toujours

 

puis les veines commencent à bruire

ruisselets sous la peau

dans les creux tendres du joli corps mouillé

ce matin

ardoise déchirée où je m’inscris

maya

quel est mon nom

à dresser dans la pierre entre les fleurs vives

et les terres séchées

tête borgne

avec un seul oeil désabusé sur l’empire

 

grande moue blanche

lèvre amère aux bandelettes poreuses

 

une lame d’acier vertical

à l’écart

une lame d’obsidienne

la nuit mangée déjà par la peau

par le satiné matin rosissant

se rogne

tôt ou tard m’atteindra la gueule

le discours assassin

un peu d’air s’il vous plaît

mon dernier souffle

lune oiseau poisson

caraïbes passé l’hiver passé le fiel

fille corail palmier

tout le miel une seule abeille

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bouche pour aspirer le ciel

bouche pour crier peu à peu

bouche pour bouche

 

bouche dans la pierre rousse

bouche parée de dentelles

bouche sous regard doux

bouche au collier de jade

bouche à l’oreille tendue

 

bouche petit puits où palpite l’eau douce

bouche tendre abîme où je m’abîme

bouche solaire bouche de nuit

bouche pour effarer les ombres

bouche en larmes

bouche au beau rire

bouche où je m’assoiffe

bouche où je péris corps et biens

bouche

L’OEUF

 

Que tient la main (ce qu’on aperçoit de profil

 entre l’index et le pouce)  ?

 

rose

aux veines fragiles

— sédiments sans doute et très secrets bien que par

 les apparences trahis —

parallèlement posés à la surface polie de la forme

ainsi prisonnière (mais avec tendresse tenue

 sans passion hormis l’insistance qu’il faut

 pour ne point laisser tomber la proie

 l’animale

 sinon pour l’émoi de part et d’autre

 que provoquerait le geste

 s’il advenait que)

or

immobile est le destin

oeuf que du marbre tira l’activité de l’artisan

ainsi que d’une poule

 l’oeuvre