Présentation[Notice]

  • Alain Beaulieu

Depuis sa fondation en 1968, la revue Études littéraires a toujours su se redéfinir pour couvrir tous les champs de la littérature générale et demeurer à l’affût de ce que les chercheurs du monde entier avaient à proposer par leurs travaux. Ce refus du cloisonnement lui a permis d’offrir à ses lecteurs des numéros variés et originaux. Or, avec ce numéro spécial consacré à la création littéraire, qui vient souligner la 40e année de la revue et le 25e anniversaire de la mise sur pied des premiers programmes de création littéraire dans le milieu universitaire québécois, non sans lien avec l’efflorescence de tels programmes au même moment en Amérique du Nord, la revue Études littéraires demeure fidèle à cet engagement afin que ce champ spécifique des études en littérature y fasse son entrée par la belle porte. Parce qu’ils ont cru à la pertinence d’enseigner la création littéraire en milieu universitaire, puisqu’il s’agissait pour eux d’une autre manière d’aborder le texte littéraire – nous dirions par l’amont plutôt que par l’aval –, l’acte d’écriture devenant un outil d’appréhension original même pour l’étudiant chercheur qui se penche sur les textes déterminants de la littérature, certains professeurs québécois – pensons ici à Jean-Noël Pontbriand de l’Université Laval, à Noël Audet et André Carpentier de l’Université du Québec à Montréal, à Joseph Bonenfant de l’Université de Sherbrooke et, plus récemment, à Martin Robitaille de l’Université du Québec à Rimouski – ont élaboré des programmes de création littéraire originaux et reconnus. Dans ce sillage, certaines universités offrent aujourd’hui la possibilité d’une concentration en création littéraire aux étudiants inscrits au baccalauréat en Études littéraires, et proposent un programme de 2e et 3e cycles en Études littéraires où l’activité créatrice des étudiants est prise en compte et mise en contexte dans une partie réflexive idoine. D’autres programmes associés aux études littéraires – en particulier, ceux des études théâtrales – accueillent aussi depuis plusieurs années de jeunes chercheurs créateurs. L’Université est ainsi devenue un lieu où le texte littéraire ne se déclinait plus que comme un objet d’étude préexistant. On y a élargi la perspective pour permettre à celui qui crée le matériau de base des études littéraires – l’écrivain – d’y trouver sa place. À son contact, l’étudiant créateur va acquérir les connaissances et les techniques qui vont lui permettre de s’approprier les outils dont il a besoin pour enrichir et développer ses compétences initiales dans le dessein d’en arriver à écrire un texte qui manifeste une présence et ouvre une brèche dans l’opacité des jours et du réel. Sous la supervision de ses professeurs créateurs, l’étudiant sera amené à vivre de l’intérieur le mystère de toute création, dont la nature dépasse les connaissances intellectuelles pour puiser à même l’inconscient, là où naissent les personnages, les mondes, les images et les mots qui nourriront ses textes. Il découvrira, en répondant aux exigences des cours qui lui sont offerts, que l’écriture de la fiction narrative, de la poésie, de l’essai littéraire, du scénario ou du texte pour le théâtre ne peut advenir que dans l’équilibre entre l’intuition (terreau premier de toute création artistique) et l’intelligence : l’intuition, qui dirige la découverte des personnages ou le sens du poème ou de l’essai – ce qui est impossible à imaginer sans en avoir fait l’expérience – et l’intelligence, qui participe à donner une forme au texte. Les textes vraiment littéraires ne naissent qu’au bout d’une démarche longue et souvent douloureuse. Pour l’étudiant créateur, cet accès au littéraire ne s’est généralement pas encore produit, parce que l’encadrement nécessaire à cet accomplissement lui a fait défaut. De …

Parties annexes