FR :
S’appuyant principalement sur plusieurs corpus de données orales, l’article analyse la sexualité dans le couple paysan saguenayen entre 1860 et 1930 en tant qu’elle s’inscrivait dans un important rapport social. Les données utilisées livrent des aperçus détaillés sur divers aspects de la sexualité avant et dans le mariage, notamment la grande ignorance chez les jeunes, la force des interdits et la flexibilité, sinon les contradictions, des règles morales selon qu’elles s’appliquaient à l’homme ou à la femme. Il en ressort que celle-ci était, de diverses façons, l’objet d’une violence psychologique et physique.Au chapitre de la contraception, l’analyse présente un éventail de techniques et moyens utilisés même en régime de fécondité dite naturelle. Elle démontre l’existence, chez la femme, d’une volonté précoce de limiter le nombre des naissances et d’opposer une certaine résistance à la norme sociale et morale. Mais cette volonté ne transparaît pas (ou très peu) dans les mesures du niveau de fécondité en raison du caractère généralement inefficace des recours utilisés.Le texte explore aussi le rapport social régissant les comportements sexuels dans le mariage. Une importante distinction est proposée entre la sexualité proprement dite, qui serait sous le contrôle de l’homme principalement (fréquence, modalités des rapports), et la procréation, dont la responsabilité relèverait surtout de la femme. Celle-ci se trouverait ainsi coincée entre les attentes du mari à l’échelle microsociale et les impératifs de l’Église et de l’État à l’échelle macrosociale. L’auteur pense qu’en définitive, la domination de la femme découlait plus de facteurs sociétaux que de la dynamique conjugale proprement dite.
EN :
Relying mainly on many oral data corpuses, this paper analyses sexuality within married couples in peasant Saguenay during the period 1860-1930, insofar as sexual life was part of a major social relationship. The data yield detailed insights into various aspects of sexuality prior to and within the wedlock. The major traits brought out by the study include a deep ignorance of sexual matters among the newly-weds, the strength of taboos, along with the flexibility, not to say the contradictary nature, of moral rules according to whether they applied to men or to women. It follows that women were the target of psychological as well as physical violence.Concerning contraception, the paper gives an array of techniques and devices that were in use even during this so-called natural fertility regime. It also documents the existence, among women, of a widespread willingness to reduce the number of births and to resist social and moral norms. However, given the inefficiency of most of the contraceptive techniques and devices available in the region at that time, this attitude was not echoed by the fertility level as reconstituted with standard measurements from the BALSAC population data bank.The paper also addresses the social relationship governing the various sexual behaviors within the marriage. An important distinction is set forth between sexuality as such, which mostly fell under man’s control (frequency of intercourse, etc.), and procreation, of which woman was primarily responsible. As a result, the wife was squeezed between the expectations of the husband (at the microsocial level) and the constraints of the Church and the State (at the macrosocial level). The author believes that, in the final analysis, the subjugation of women was the product more of societal factors than of conjugal dynamics.