Ce livre de Marguerite Van Die est une étude intensive de la famille Colby de Stanstead en Estrie. En exploitant une vaste correspondance intergénérationnelle, Van Die se concentre sur un thème en particulier, soit celui de la religion, vue comme une « expérience vécue » au sein de la famille. Elle cherche à donner une nouvelle interprétation à l’histoire religieuse en affirmant que la transition majeure vers l’évangélisme libéral, manifeste à la fin du xixe siècle, s’est produite à l’intérieur de la sphère religieuse domestique et non dans celle de l’Église institutionnelle. Il est aussi à noter que Van Die croie que cette importante mutation religieuse a une connotation sociale, dans la mesure où elle reflète les aspirations de la classe moyenne émergente. Les apports historiographiques que le livre prétend fournir couvrent un large spectre. Or, bien que l’auteure dresse un portrait, assez bien écrit, de la vie familiale de la classe moyenne, d’un point de vue méthodologique le choix d’appuyer son étude sur l’histoire d’une seule famille (même une famille qui a produit une riche correspon- dance à travers trois générations) révèle à la fois des forces et des fai-blesses. En basant son étude de cas sur la famille Colby, Van Die peut facilement illustrer la manière dont les changements socio-économiques ont modifié la vie familiale et religieuse à la fin du xixe siècle et au début du xxe, bien qu’il faille reconnaître que l’intérêt principal de l’auteure reste la vie conjugale de Charles et Hattie Colby au milieu de l’époque victorienne. Il est clair que l’intérêt de Van Die pour cette famille découle de sa vaste correspondance, mais l’auteure aurait dû expliquer aux lecteurs en quoi son cas est typique ou exceptionnel. Dans quelle mesure l’emplacement de la famille dans la ville frontalière de Stanstead reflète-t-il la vie des familles protestantes canadiennes durant cette période ? À travers le livre, l’auteure réfère continuellement aux liens de la famille avec la culture américaine, mais ces liens ne sont pas théorisés. Malgré les influences américaines dans la vie des Colby, ils fréquentent quand même l’église méthodiste wesleyenne de Stanstead. Or, cette mouvance religieuse, de personnes d’origine américaine qui parviennent à s’identifier à des institutions religieuses britanniques, constitue l’élément interprétatif central de l’étude de Jack Little sur la vie religieuse des Cantons de l’Est, une étude que Van Die ignore presque tout à fait, tout comme d’ailleurs le corpus extensif d’études historiques sur la région faites par le même auteur. Van Die n’explique pas non plus comment son analyse rejoint les thèses de Lynne Marks et Hannah Lane, qui ont toutes les deux étudié la religion dans le contexte de petites villes au xixe siècle et, dans le cas de Lane, d’une autre communauté frontalière, celle de St. Stephen, au Nouveau-Brunswick, qui longe la frontière canadienne avec le Maine. De même, le livre néglige d’offrir une explication plus nuancée de la manière dont la croyance et la pratique religieuses soutenaient une identité de la classe moyenne et la différenciaient de celle de la classe ouvrière, ce qui aurait pu obliger l’auteure à revoir sa thèse sur la religion comme élément central de l’identité de la classe moyenne. À propos justement de la question de la classe sociale, Van Die ne démontre aucune connaissance de la vaste littérature internationale sur l’intersection de la vie religieuse et la classe sociale qui a rendu démodées les généralisations faciles sur la croyance évangélique comme un simple aspect de la formation sociale de la classe moyenne. Quoique Van Die soit mieux connue comme historienne de la religion évangélique et que son …
VAN DIE, Marguerite, Religion, Family, and Community in Victorian Canada : The Colbys of Carrollcroft (Montreal, McGill-Queen’s University Press, 2006), xx-282 p.[Notice]
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Nancy Christie
Département d’histoire, Université Trent