Résumés
Résumé
Cet article propose de revisiter un événement historique déjà étudié, l’émeute de Lachine de 1812, en mettant l’accent sur le rôle, sur le profil social et sur les réseaux de relations des principaux acteurs de cette contestation populaire contre la conscription de miliciens dans l’ouest de l’île de Montréal au début de la guerre de 1812. Les études consacrées à cette émeute ont, malgré leurs divergences sur le bien-fondé de l’action des émeutiers, présenté un monde rural coupé de la ville pourtant proche, de ses idées et de ses réseaux d’information. De plus, ces études ont négligé de manière générale la question du mode d’organisation politique et de la direction de ce type de révoltes populaires. L’opposition des paysans à la conscription était assimilée à une réaction spontanée d’habitants plus ou moins conscients de la portée réelle de leur action. Nous proposons de renverser cette perspective en mettant à l’avant-scène l’étude du groupe d’individus, dont certains sont des membres de l’élite locale, qui assurent la coordination de cette émeute. En somme, nous voulons montrer la dimension organisée et surtout hiérarchisée de cette contestation, de même que son insertion dans des horizons plus larges que celui de la communauté locale.
Abstract
This article sets out to revisit an historical event that has already been studied, the 1812 Lachine riot, by emphasizing the role, social profile and networks of the principal actors in the event, a popular protest against militia conscription in the western part of Island of Montreal at the outset of the War of 1812. Existing studies devoted to the riot, while disagreeing on whether the participants were justified in their actions, all present Lachine as a rural society cut off from the nearby town, its ideas and its information networks. What is more, these studies generally fail to examine the mode of political organization and the leadership of a popular revolt of this kind. The peasantry’s opposition to conscription is assumed to have been a spontaneous reaction on the part of inhabitants scarcely conscious of the wider implications of their actions. The alternative perspective proposed here involves focusing on the group coordinating the riot, some of whose members belonged to the local elite. The aim of the article is therefore to show how the protest was well organized and involved a hierarchy of groups. It was also open to wider horizons which extended beyond the local community.
Corps de l’article
Cet article propose de revisiter, sous un nouvel angle, un événement historique déjà bien étudié par deux historiens : l’émeute de Lachine du 1er juillet 1812 contre la conscription. Cette nouvelle contribution met l’accent sur le profil et sur le rôle des principaux acteurs de cette contestation populaire.
La première étude consacrée à l’émeute de Lachine est un article de Jean-Pierre Wallot publié dans deux numéros distincts de la Revue d’histoire de l’Amérique française en 1964[2]. Pour Wallot, cette émeute n’est pas liée à un refus général des Canadiens de participer à la défense de l’Empire britannique et de la patrie. Elle représente plutôt une révolte circonstancielle puisque, dans la plupart des régions rurales de la colonie, les habitants auraient accepté de subir, sans trop maugréer, la conscription lors de la guerre de 1812. L’émeute de Lachine est le résultat combiné de l’organisation déficiente des premiers camps d’entraînement et de la réticence naturelle des paysans devant toute conscription. De plus, la gestion ratée de la crise de la part des autorités montréalaises aurait contribué à exacerber les tensions. De manière générale, Wallot affiche peu de sympathie envers ces émeutiers dont les actions vont à l’encontre de la position du Parti canadien[3]. Par ailleurs, il ne s’intéresse pas à la coordination de cette contestation populaire.
Plus récemment, Sean Mills propose une révision radicale concernant l’interprétation de cet événement dans un article publié en 2005 dans la revue Histoire sociale/Social History[4]. Selon lui, cette émeute démontre la réticence des paysans canadiens à accepter la conscription malgré les discours du clergé et de la petite bourgeoisie insistant sur la fidélité envers la Couronne britannique et sur la nécessité des Canadiens de participer à la défense de leur nation. Cette émeute ne s’insère toutefois pas, selon lui, dans un mouvement plus large de contestation du pouvoir colonial. Les habitants ont réagi à une menace extérieure lorsque les autorités, des élites urbaines, ont envoyé des hommes armés pour s’emparer de déserteurs dans leurs paroisses, voire dans leurs demeures. Pour Mills, ces événements démontrent que la fidélité des habitants s’exprimait avant tout en faveur de leurs enfants, de leurs voisins et de leur communauté. Dans cette perspective, la Nation canadienne est, tout autant que l’Empire britannique, une référence abstraite pour ces paysans dont la vie collective demeure circonscrite à leur milieu immédiat. Enfin, contrairement à Wallot, Mills manifeste un préjugé favorable envers ces habitants dont les actions demeurent selon lui essentiellement spontanées.
À quarante ans de distance, malgré leur différend, ces deux auteurs utilisent sensiblement les mêmes types de documents. Le procès des émeutiers constitue leur source principale et ils y sélectionnent les arguments appuyant leur vision respective[5]. Ils n’interrogent pas les limites de ce type de sources où des témoignages souvent contradictoires répondent à des visées stratégiques de l’accusation ou de la défense[6]. La décision des jurés et la sentence du juge, même en les supposant fondées sur de solides arguments juridiques, demeurent un arbitrage des éléments de preuve et de plaidoyer. Les historiens doivent lire avec un peu de détachement les témoignages insistant sur le bon caractère des émeutiers ou les déclarations des accusés essayant de lier leur participation à l’émeute à un désir d’obtenir une clarification des autorités concernant la légalité de la dernière loi de milice. Dans cette cause, la défense ne peut guère réfuter les faits invoqués par l’accusation, compte tenu de la dimension publique des crimes reprochés. Elle essaie donc de démontrer l’absence d’intention criminelle de la part des accusés et met l’accent sur leur réaction spontanée devant des agresseurs venus de l’extérieur. À cette fin, la défense utilise à son profit le cliché ancien et encore actuel des paysans mal informés et plus ou moins conscients de la portée de leurs actions[7]. Certes, certains habitants de la campagne étaient peu ou pas informés des événements récents et ils leur étaient difficile de distinguer les rumeurs des faits réels. Cependant, le manque d’informations concernant l’adoption de la dernière loi de milice peut difficilement expliquer le comportement de l’ensemble des émeutiers. Ce discours orchestré par la défense n’a d’ailleurs convaincu ni les membres du jury ni le juge Panet qui évoque la préméditation d’une résistance organisée contre la conscription[8].
Dans une thèse de doctorat complétée en 2005 sur la milice du district de Montréal de 1787 à 1829, Luc Lépine consacre aussi quelques pages à l’émeute de Lachine[9]. L’auteur dresse un résumé sommaire des événements. Puis, en conclusion, il reprend la thèse de la défense lors du procès selon laquelle « les miliciens demandent une clarification de la loi et se déclarent prêts à obéir en cas de légitimité de la loi[10] ». Dans son résumé, l’auteur a le mérite de discerner les rôles des officiers de la division de milice sédentaire de Pointe-Claire dans l’arrestation des conscrits réfractaires, puis des autorités montréalaises dans la répression des émeutiers. De plus, il perçoit la présence d’une certaine organisation hiérarchique parmi les émeutiers en notant que le rassemblement de Sainte-Geneviève le 30 juin a lieu chez un capitaine de milice, Joseph Binet, tandis que le lendemain, lors de la marche vers Lachine, c’est un autre capitaine de milice, le notaire Thibaudeau, qui est envoyé comme émissaire à Montréal.
Dans l’ensemble, ces historiens proposent un portrait sommaire des émeutiers et de leurs milieux. J.-P. Wallot met l’accent sur le caractère des accusés. Pour les uns, il avalise le contenu des témoignages les présentant comme de bons pères de famille qui, au gré des événements, ont été impliqués dans ce conflit un peu malgré eux. Pour les autres, il met l’accent sur leur rôle de fiers-à-bras et leur comportement de « fortes têtes » défiant l’autorité. Cependant, il note aussi l’aspect contradictoire de témoignages concernant l’attitude de certains accusés qui sont identifiés, tantôt comme des meneurs régissant les allées et venues des autres émeutiers, tantôt comme des médiateurs entre la foule prête à se déchaîner et les agents du pouvoir. Il réserve ses plus durs commentaires envers le capitaine Joseph Binet qui, comme représentant local des autorités, aurait mérité selon lui une condamnation plus lourde.
Pour sa part, Mills analyse le comportement des émeutiers à la lumière de son adhésion à une conception communautariste de la société rurale et il sélectionne, dans les comptes rendus du procès, les témoignages confortant cette vision. Les habitants auraient résisté à une menace extérieure, tandis le capitaine Binet aurait simplement rempli le rôle attendu par la communauté locale qui voyait en lui l’un de ses représentants plutôt qu’un intermédiaire des autorités.
Malgré leurs divergences, les auteurs présentent un monde rural coupé de la ville pourtant proche, de ses élites, de ses idées, de ses réseaux d’informations. De plus, le profil social des principaux émeutiers demeure vague. Ces derniers sont des paysans génériques issus d’une société rurale virtuelle. Les meneurs de l’émeute sont des têtes fortes ou des chefs naturels auxquels la communauté a eu recours dans un moment de crise. Cette vision d’une société paysanne évoluant en vase clos et fortement soudée contre le monde extérieur ne correspond, selon nous, ni à la dynamique habituelle des relations sociales dans les paroisses touchées ni à la dynamique spécifique des événements lors de cette émeute. Cette résistance à la conscription n’a pas eu lieu à la périphérie des secteurs de peuplement et des réseaux de communication, mais dans des secteurs ruraux situés à proximité de la ville de Montréal.
Ces études éludent de manière générale la question du mode d’organisation politique sous-jacent à ce type de révoltes populaires[11]. De plus, elles relèguent l’opposition des paysans à la conscription à une sorte de réaction primaire d’habitants plus ou moins conscients de la portée réelle de leurs actions. Nous proposons donc de renverser cette perspective en mettant à l’avant-scène l’étude du groupe d’individus, dont certains sont des membres de l’élite locale, qui assument la coordination et la direction des autres habitants lors de l’émeute[12]. Les révoltes populaires constituent ainsi des événements exceptionnels permettant de saisir la position politique ambiguë des élites locales qui assument à la fois les rôles de représentants des autorités dans leur milieu et d’intermédiaires de leur communauté devant le pouvoir extérieur.
En somme, nous devons revoir la dimension organisée et surtout hiérarchisée de cette contestation populaire, de même que son insertion dans des horizons plus larges que celui de la communauté locale. Ce monde rural qui participe à l’émeute de Lachine n’est pas politiquement constitué de petites républiques paroissiales repliées sur elles-mêmes. Certains membres de l’élite paysanne, qui sont conscients de leur statut social et de leur pouvoir, organisent dans l’ouest de l’île de Montréal des actions contre la conscription de miliciens au début de la guerre de 1812 et essaient ensuite d’effectuer une mobilisation de troupes à l’échelle régionale. Ces hommes engagés dans une contestation de l’ordre social méritent une attention particulière.
Nous voulons donc, à partir d’une recherche minutieuse dans les sources de l’histoire sociale (registres d’état civil, actes notariés, archives judiciaires) préciser le rôle et le profil de ces hommes en tenant compte de leur rôle, de leur statut social et de leurs réseaux de relations. Cette approche qui met l’accent sur la vie des acteurs et leur réseau de relations n’est pas nouvelle. Elle emprunte en partie les sentiers de la micro-histoire[13]. Ce courant représente en quelque sorte la réaction à une histoire sociale qui, en privilégiant le long terme et l’étude des structures, a en quelque sorte négligé la dimension humaine de l’expérience historique. L’étude d’événements, d’individus ou de petits groupes d’individus aide à mieux saisir l’importance des actions des hommes sur leur propre destin. Cependant, notre démarche implique non seulement de recentrer l’analyse sur l’expérience concrète des acteurs. Pour mieux saisir le sens de l’implication de ces individus dans l’émeute de Lachine, nous devons les suivre avant et après les événements. Nous ne concevons effectivement pas cette approche centrée sur l’expérience des acteurs comme une démarche opposée aux objectifs et aux méthodes de l’histoire sociale. Nous insistons plutôt sur la nécessité de considérer le milieu social dans lequel vivent ces individus[14].
L’émeute de Lachine : le déroulement des événements et le rôle des acteurs
Dans son article de 1964, Wallot décrit en détail des événements entourant l’émeute de Lachine. Nous en reprenons ici un résumé en insistant sur le rôle des différents acteurs tant du côté des émeutiers que de celui des instances de pouvoir.
Le 18 juin 1812, le président des États-Unis, James Madison, déclare la guerre à la Grande-Bretagne. Compte tenu de son statut colonial, le Bas-Canada est entraîné dans ce conflit militaire. Depuis déjà quelques années, la tension montait entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Dès l’hiver 1812, conscient de l’affrontement à venir, le gouverneur du Bas-Canada, George Prevost, demande à la Chambre d’assemblée de lui octroyer, à même le budget colonial, une partie des fonds nécessaires pour assurer la défense de la colonie et, du même coup, de lui permettre de procéder à une conscription de miliciens de 18 à 30 ans afin de les préparer au combat.
Après quelques mois de débats parlementaires, la Chambre d’assemblée accepte ces deux projets de loi. Les chefs du Parti canadien affichent alors leur fidélité envers la Grande-Bretagne en associant la protection de l’Empire britannique à la défense de la patrie. Durant la guerre, certains membres de la petite bourgeoisie s’engagent d’ailleurs dans des bataillons de miliciens volontaires pour servir sous la direction d’officiers supérieurs recrutés dans l’ancienne noblesse canadienne.
Les autorités coloniales confient la sélection des conscrits aux commandants locaux de la milice sédentaire. Dans la région de Montréal, certains commandants locaux soucieux de plaire au pouvoir colonial prennent alors soin de noter dans leur correspondance avec Vassal de Monviel, l’adjudant-général de la milice à Québec, qu’ils ont rempli avec zèle leur devoir en accompagnant eux-mêmes les conscrits de leur bataillon jusqu’au camp de Laprairie[15]. La conscription ne s’effectue toutefois pas si facilement, surtout en milieu rural. Certains conscrits évitent de se rapporter au camp de Laprairie et, pour ceux qui s’y rendent, les désertions sont nombreuses[16]. Les contestations collectives contre la conscription demeurent toutefois rares, compte tenu de leurs conséquences potentielles. Ces actions radicales sont assurément l’expression d’un désaveu profond d’une partie des paysans envers le pouvoir colonial, envers ses élites et envers ses représentants politiques à la Chambre d’assemblée.
Dans cette perspective, l’émeute de Lachine du 1er juillet 1812 constitue le point culminant d’un mouvement de contestation de la conscription dans la division de milice de Pointe-Claire[17]. Avant l’émeute, le recrutement de conscrits connaissait déjà depuis quelques semaines des ratés dans l’ouest de l’île de Montréal. Des 59 hommes qui avaient été conscrits dans la division de Pointe-Claire, 28 seulement se rendirent à Laprairie et, de ce nombre, 4 s’enfuirent presque aussitôt[18]. De plus, l’opposition à la conscription ne reposait pas seulement sur les désertions ou sur les refus individuels de se rapporter à Laprairie.
Quinze jours avant l’émeute, des habitants de l’ouest de l’île avaient demandé au notaire Louis Thibaudeau, capitaine de milice de Pointe-Claire, de porter une requête aux autorités afin d’obtenir une exemption du tirage au sort du cinquième de la milice, c’est-à-dire une exemption de la conscription[19]. Ces habitants voulaient également « savoir si le Bill [le projet de loi permettant la conscription] avait été sanctionné[20] ». Le capitaine Thibaudeau n’a finalement pas transmis cette requête aux autorités. Néanmoins, cette demande révèle l’existence préalable de discussions politiques sur cette question parmi les habitants, tandis que la référence à la sanction royale démontre une connaissance inusitée des procédures de ratification des lois pour des paysans.
Dans les semaines suivantes, les rumeurs sur la validité de la loi de milice persistent. Dans un témoignage relatant la discussion qu’il avait eue avec Pierre Chamaillard, l’un des accusés, Robert McGregor mentionne que ce dernier « lui dit [à propos de la nouvelle loi de milice] qu’il avait entendu dire à des personnes bien instruites en ville qu’il n’y avait point telle loi[21] ». Cette déclaration qui n’a pas attiré l’attention de l’accusation lors du procès soulève des questions sur les sources d’informations de ces ruraux et surtout sur leurs relations avec des notables de Montréal.
Devant ces ratés de la conscription dans les paroisses de l’ouest de l’île de Montréal, le lieutenant-colonel Étienne Nivard de Saint-Dizier, qui est alors commandant de la division de Pointe-Claire et l’un des deux députés du comté de Montréal-ouest[22], décide, le 29 juin 1812, d’envoyer l’un de ses majors, Jean-Philippe Leprohon, arrêter les déserteurs[23]. Ce major rassemble une petite troupe comprenant deux capitaines et une trentaine de miliciens de la division de Pointe-Claire[24]. Le même jour, ce détachement de miliciens arrête deux déserteurs. Le lendemain, 30 juin, le major Leprohon continue sa tournée en se dirigeant vers la paroisse de Sainte-Geneviève. Après l’arrestation de Louis Léveillé[25], la troupe du major se rend chez Joseph Binet, l’un des capitaines de milice de l’endroit, vivant sur la côte Saint-Jean. L’arrestation des conscrits réfractaires demeure encore, à cette étape, sous la responsabilité du commandant de la division de Pointe-Claire et de ses auxiliaires.
Chez le capitaine Binet, les événements se précipitent. Loin de recevoir l’appui attendu de son officier subalterne, le major Leprohon fait face à une résistance organisée. Cet affrontement oppose alors plusieurs dizaines d’habitants des paroisses de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire à la troupe de leur major dont il faut se rappeler qu’elle est aussi composée d’officiers et de miliciens de l’ouest de l’île. Cette escarmouche tourne rapidement à l’avantage des contestataires qui réussissent, sous la menace, à forcer la libération de Léveillé. D’après le recoupement des témoignages, le capitaine Binet et Jacques Trotier sont les deux principaux meneurs à Sainte-Geneviève.
Compte tenu du nombre élevé de participants réunis en plein secteur d’habitats dispersés, on peut difficilement soutenir la thèse d’une réaction spontanée des habitants. Les émeutiers ont alors déployé une stratégie visant clairement à encercler le détachement du major Leprohon en disposant une partie des hommes dans la grange du capitaine Binet et une autre partie en embuscade sur le chemin de la côte Saint-Jean. Après avoir obtenu la libération de Léveillé, les émeutiers permettent au major Leprohon de quitter les lieux, mais en le suivant sur le chemin du retour vers Pointe-Claire et Lachine où ils iront visiter successivement les demeures des capitaines Ducharme et Dumouchelle de Lachine, en quête d’autres déserteurs à libérer.
Ce premier affrontement de Sainte-Geneviève visait d’abord les officiers locaux responsables de la bonne marche de la conscription dans la division de Pointe-Claire. Après cet événement, le mouvement de résistance contre la conscription prend de l’ampleur. Les émeutiers invitent les habitants des paroisses de l’ouest de l’île de Montréal, de la rive nord du Saint-Laurent et de la péninsule de Vaudreuil-Soulanges à venir grossir leurs rangs.
Le 1er juillet 1812, quelques centaines d’hommes convergent vers Lachine[26]. Le capitaine Binet est encore une fois présent lors de ce second épisode, mais la direction des émeutiers est désormais assurée par des habitants de Pointe-Claire dont Guillaume Mallet et les frères Courville. Le choix de Lachine n’est pas fortuit. Les contestataires voulaient, selon divers témoins, s’emparer des embarcations disponibles au port pour se rendre, de l’autre côté du fleuve, au camp de Laprairie afin d’y libérer tous les conscrits. Or, l’un des chefs des émeutiers, Guillaume Mallet, est le fils d’un ancien batelier de Lachine. Cette stratégie échoue toutefois en raison de l’indécision des émeutiers. Ce projet constituait une action offensive qui visait un lieu stratégique pour la bonne marche de la conscription dans l’ensemble du district de Montréal.
Par ailleurs, les contestataires ont aussi cherché à entreprendre des négociations avec les autorités en envoyant deux émissaires à Montréal, Louis Thibaudeau et André Rafin. L’envoi de ces deux hommes qui auraient eu comme mandat de s’informer de la légalité de la loi de milice visait aussi à négocier une entente pour dénouer pacifiquement la crise. Ces deux émissaires réussissent, grâce à l’intermédiaire de leur lieutenant-colonel et député Saint-Dizier, à obtenir une audience chez le premier conseiller de Montréal, James McGill[27].
La réaction du premier conseiller de Montréal est à la fois conciliante et ferme. Il accepte de rencontrer les deux émissaires des habitants de l’ouest de l’île et il envoie à Lachine des agents afin d’y rétablir le calme. Leur arrivée à Lachine fige la contestation sur place durant plusieurs heures. Les deux principaux représentants des autorités envoyés à Lachine sont le constable David Ross et le juge de paix Louis Chaboillez[28], dont l’épouse est originaire de Pointe-Claire. Ce dernier connaît certains des chefs de l’émeute, du moins ceux qui ont eu recours à ses services professionnels comme notaire.
D’après les témoignages entendus lors du procès des principaux meneurs de l’émeute, plusieurs autres juges de paix de la ville de Montréal ont accompagné Ross et Chaboillez. La plupart de ces juges de paix sont aussi dans leur vie professionnelle des marchands actifs dans le commerce général ou dans le secteur de la traite. Ils entretiennent tantôt comme fournisseurs, tantôt comme créanciers, tantôt comme employeurs, des relations avec les habitants de l’ouest de l’île. Les relations économiques et sociales qui liaient ces agents du pouvoir à des chefs de l’émeute expliquent l’ambivalence et la retenue de ces derniers concernant la conduite criminelle des émeutiers. Selon divers témoignages entendus lors du procès, on assiste alors à de nombreux échanges verbaux, voire à des négociations, entre les chefs des émeutiers et les représentants des autorités montréalaises.
Entre-temps, les conseillers montréalais, sous la direction de McGill, décident d’envoyer des renforts à Lachine dont le magistrat Thomas McCord[29], et un régiment de soldats. L’arrivée de ce dernier précipite le dénouement de la crise. Candidat défait dans le comté de Montréal-ouest lors de la dernière élection, McCord adopte une attitude intransigeante envers les manifestants. Le tout culmine par un bref affrontement qui tourne cette fois au désavantage des émeutiers[30].
Le lendemain, les conseillers montréalais envoient des soldats de l’armée régulière et des détachements de la milice de Montréal, sous les ordres du conseiller John Richardson[31], un autre ancien député du comté de Montréal-ouest, pour effectuer une tournée dans les paroisses de l’ouest de l’île afin de pacifier ce territoire. En tout, les forces de l’ordre auraient procédé à l’arrestation d’environ 37 individus, dont une dizaine le soir même de l’émeute et le reste le lendemain. De ce nombre, 14 ont été poursuivis et condamnés à la Cour du Banc du Roi[32].
Le profil des principaux émeutiers
Nous ne pouvons pas établir le profil de l’ensemble des émeutiers de Sainte-Geneviève et de Lachine. L’escarmouche de Sainte-Geneviève implique plusieurs dizaines d’hommes, tandis qu’il y en a quelques centaines provenant de diverses paroisses à Lachine le lendemain. Nous voulons cependant identifier les participants ayant joué des rôles importants en concentrant notre attention sur les accusés qui ont été formellement condamnés à des amendes et à des peines de prison, de même que sur les deux émissaires envoyés à Montréal.
À partir de données tirées des registres d’état civil, des archives notariales et judiciaires, nous essayerons de préciser le profil de ces individus et de reconstituer leurs réseaux de relations. La première tâche consiste à repérer, dans leur paroisse respective, les individus pour lesquels nous disposons, grâce aux comptes rendus du procès, du nom et du lieu de résidence. Nous avons d’abord dépouillé toutes les données démographiques relatives à des personnes portant les mêmes noms dans les registres d’état civil de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire de 1800 à 1822, soit dix ans après l’émeute[33]. Nous avons aussi utilisé le Registre informatisé de population du Québec ancien du Programme de recherche en démographie historique de l’Université de Montréal pour la période d’avant 1800. Nous avons procédé de la même manière pour les actes notariés à partir de la banque informatisée Parchemin du groupe Archiv-Histo, puis des index ou des répertoires de notaires ayant pratiqué dans ce secteur de l’île de Montréal, voire des minutes mêmes pour les notaires n’ayant laissé aucun index ou répertoire. Malgré quelques cas d’homonymie[34], nous avons réussi à identifier tous les individus concernés et à jumeler les informations tirées de ces différentes sources.
Nous avons réuni dans le tableau 1 les informations relatives à l’âge, à l’état civil, à la profession et au lieu de résidence des individus condamnés après l’émeute de Lachine et des deux émissaires envoyés à Montréal. Le groupe des condamnés et des émissaires est composé d’individus originaires des paroisses de Sainte-Geneviève, de Pointe-Claire et de Sainte-Anne-du-bout-de-l’Île[35]. Le groupe des accusés comprend sept hommes mariés, quatre veufs et trois célibataires. Nous pouvons observer la présence d’hommes à des étapes variées du cycle de vie, de 18 jusqu’à 59 ans ; mais ce sont en majorité des hommes d’âge mûr.
Le rôle des accusés lors de l’émeute est en partie lié à leur âge. La coordination des troupes apparaît principalement assurée par des hommes d’âge mûr. Le capitaine Binet et Jacques Trotier qui apparaissent comme les deux principaux meneurs à Sainte-Geneviève ont respectivement 58 et 47 ans, tandis que Luc Courville et Guillaume Mallet qui, d’après le recoupement des divers témoignages, constituent les principaux interlocuteurs des émeutiers avec les représentants des autorités au port de Lachine, ont 53 et 49 ans. Certains hommes d’âge mûr, comme Pierre Chamaillard et Jean-Baptiste Thivierge, occupent toutefois des rôles mineurs, tandis qu’un homme plus jeune, Basile Legault, oeuvre avec Binet et Trotier à l’encadrement des troupes lors de l’affrontement de Sainte-Geneviève. Par ailleurs, les habitants ont envoyé comme émissaires à Montréal deux hommes mariés, dont l’un d’âge mûr et l’autre plutôt jeune.
Le plus jeune des condamnés, Eustache Benèche dit Lavictoire, effectue en moins de vingt-quatre heures, avec d’autres messagers, la tournée des paroisses environnantes pour y rallier des troupes à la contestation. Comment ce garçon de 18 ans pouvait-il convaincre les hommes des autres paroisses du sérieux de sa requête ? S’agit-il vraiment d’une initiative personnelle ou d’une mission ? La tâche consistait-elle à avertir certaines personnes déjà informées des projets en cours ? Qui a alors confié cette mission à Benèche ? Ce sont des questions pertinentes, mais qui resteront malheureusement sans réponses faute de sources.
Les accusés sont majoritairement des cultivateurs. Le groupe des 14 accusés compte aussi un voyageur et un journalier. Les paroisses de l’ouest de l’île représentent un bassin de recrutement de main-d’oeuvre important pour la traite des fourrures. Pourtant, nous avons retrouvé peu de chefs de ménage s’identifiant comme voyageurs dans les registres des deux paroisses. Certains des accusés ont toutefois participé au moins une fois durant leur vie à un voyage aller-retour à Michillimakinac ou à une expédition dans les Pays d’en haut[36].
Bernard Courville dont les comptes rendus du procès révèlent le caractère bouillant est un habitué du monde de la traite. Ce voyageur expérimenté effectuera encore au moins trois voyages vers les Pays d’en haut après sa sortie de prison[37]. Le seul journalier du groupe, Joseph Sicard, a des antécédents familiaux démontrant des origines sociales moins modestes que son statut de journalier le laisse supposer. Ce fils d’un ancien meunier à la retraite à Pointe-Claire apparaît, à l’instar du voyageur Bernard Courville, un émeutier turbulent, prêt à en découdre avec les soldats.
Le notaire Louis Thibaudeau a pour sa part rempli, lors de ces événements, un rôle de représentation des habitants auprès des autorités. Ce dernier était aussi en 1812 l’un des capitaines de milice de la division de Pointe-Claire. L’autre émissaire qui a été envoyé avec lui à Montréal, François Rapin, est un cultivateur dont l’appartenance à l’une des plus anciennes familles de l’ouest de l’île de Montréal explique sans doute la sélection à ce poste[38].
Nous pouvons étoffer l’étude de la condition socio-économique de ces participants de l’émeute de Lachine en examinant leur statut de propriétaire et l’étendue de leur terre. Faute de recensement, nous disposons d’actes de répartition des dépenses pour la réparation d’édifices religieux dans les paroisses de Pointe-Claire en 1813 et de Sainte-Geneviève en 1815[39]. Ces actes servent à répartir entre tous les propriétaires d’une paroisse le coût des travaux prévus. Ces documents ont été rédigés grâce au travail de syndics élus pour assurer la gestion de ces projets. Ces derniers ont alors procédé au relevé du type de biens fonciers (emplacement ou terre), et en notant la superficie des terres possédées par chacun des propriétaires de la paroisse.
Selon deux hypothèses de traitement des données provenant de ces actes de répartition, la superficie moyenne des terres varie de 105 à 114 arpents à Pointe-Claire et de 80 à 96 arpents à Sainte-Geneviève[40]. Les superficies médianes des terres sont légèrement inférieures puisqu’elles varient, selon les mêmes hypothèses, de 87 à 99 arpents à Pointe-Claire et de 78 à 85 arpents à Sainte-Geneviève. Le statut de propriétaire des accusés est diversifié. Les principaux acteurs possèdent généralement des terres d’une superficie équivalente ou supérieure aux autres propriétaires de leur paroisse respective. L’un des meneurs lors de la confrontation du 30 juin à Sainte-Geneviève, Jacques Trotier, est, malgré son séjour en prison, l’un des plus importants propriétaires fonciers de cette paroisse. Ce dernier déclare alors posséder 215 arpents de terre.
La taille de la propriété n’influe toutefois pas de manière déterminante sur le rôle tenu par un individu. Ainsi, la propriété de Basile Legault est d’une superficie modeste, à 60 arpents. De même, les cultivateurs Joseph Binet et Guillaume Mallet, deux acteurs majeurs de l’émeute, déclarent dans leur paroisse respective des propriétés d’une superficie proche de la moyenne, soit 104 et 99 arpents. Nous devons cependant spécifier que Mallet a déjà cédé « en avancement d’hoirie » une bonne partie de ses propriétés à son fils aîné Guillaume, durant son séjour en prison, peu de temps avant la rédaction de l’Acte de répartition de la paroisse de Pointe-Claire[41].
Par ailleurs, François Courville, dont le rôle semble plus discret que celui de son frère Luc, dispose d’avoirs fonciers plus considérables. Ces deux frères sont toutefois deux importants propriétaires puisqu’ils possèdent respectivement 288 et 150 arpents de terre. Enfin, certains des accusés, dont Jean-Baptiste Thivierge, possèdent seulement des emplacements, tandis que d’autres, surtout parmi les plus jeunes, ne déclarent aucune propriété en 1813 et en 1815.
Nous avons aussi dépouillé quatre inventaires après décès concernant trois des accusés. Afin de mettre en perspective les données relatives à la fortune de ces individus, nous avons dépouillé l’ensemble des inventaires disponibles concernant les habitants de Pointe-Claire et de Sainte-Geneviève du début de l’année 1810 à la fin de l’année 1814, soit deux années et demie avant et après l’émeute.
Pour les deux paroisses, nous avons un total de 36 inventaires entre le 1er janvier 1810 et le 31 décembre 1814 dont 34 concernant des familles de cultivateurs[42]. Les superficies moyenne et médiane des avoirs fonciers de ces 34 successions paysannes sont de 93,6 et de 78 arpents. Ce groupe de familles semble assez représentatif puisque ces données sur la propriété foncière sont assez proches des résultats obtenus pour l’ensemble des propriétaires de ces deux paroisses en 1813 et en 1815, à partir des relevés contenus dans les actes de répartition. Les valeurs moyenne et médiane de leurs actifs mobiliers sont respectivement de 2784 et de 1553 livres ancien cours. Les valeurs moyenne et médiane des dettes atteignent pour leur part 1756 et 956 livres.
Les actifs mobiliers de ces successions paysannes sont toutefois très diversifiés, s’étalant de 262 à plus de 16 850 livres. La valeur du cheptel représente aussi un excellent indice de l’importance relative des exploitations agricoles et surtout une composante fiable de ces fortunes paysannes. À ce sujet, la valeur moyenne et la valeur médiane du cheptel des paysans de Pointe-Claire et de Sainte-Geneviève sont respectivement de 849 et de 630 livres. Ces quelques données suggèrent deux paroisses assez riches et une paysannerie plutôt hiérarchisée[43].
Le premier inventaire de l’un des accusés concerne la communauté de biens de Joseph Binet et de Geneviève Legault, rédigé en 1809[44]. Ce document permet de constater l’aisance de ce capitaine de milice dans les années précédant les événements. L’exploitation agricole a, au moment de cet inventaire, la même superficie que dans l’acte de répartition effectué en 1815, ce qui confirme la dimension moyenne de cette propriété. Cependant, les actifs mobiliers, à 7272 livres, sont nettement supérieurs aux actifs de la plupart des autres habitants des paroisses de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire. Les dettes se montent alors à seulement 300 livres incluant les frais funéraires de la défunte. La valeur du cheptel, soit 1852 livres, est un autre indice d’un niveau de richesse supérieur.
En 1820, environ huit ans après l’émeute de Lachine, l’inventaire subséquent au décès de Joseph Binet dénombre les mêmes actifs immobiliers et des actifs mobiliers encore imposants, évalués à 6356 livres[45]. Par contre, la valeur du cheptel chute de 1852 à 1164 livres. De plus, l’ampleur des dettes est désormais considérable atteignant 3579 livres. Cette hausse du niveau d’endettement est principalement liée au règlement de la première succession et à la participation de Binet aux événements de 1812[46]. Par ailleurs, la baisse des actifs mobiliers est liée à plusieurs facteurs, dont la déflation des prix au tournant des années 1820 et les « avancements d’hoirie » déjà accordés à certains enfants.
Le troisième inventaire de l’un des accusés concerne la communauté de Jacques Trotier et de défunte Amable-Eugénie Jammes, rédigé en 1810, environ deux ans avant l’émeute[47]. Ce document révèle un cultivateur encore plus fortuné que le capitaine Binet. Les actifs mobiliers, de 14 667 livres, classent cette famille au deuxième rang parmi les 34 inventaires paysans retracés à Pointe-Claire et Sainte-Geneviève entre 1810 et 1814. Par ailleurs, cette famille dispose de la richesse mobilière nette la plus élevée de ce groupe puisqu’elle ne déclare aucune dette. De plus, elle possède le plus imposant cheptel dont la valeur atteint 3246 livres. À l’époque du décès de son épouse, Jacques Trotier constitue l’un des principaux prêteurs paysans de la paroisse. Les créances inscrites à l’inventaire de la communauté sont de 4860 livres 10 sols. Enfin, au moment de la rédaction de l’acte, les avoirs fonciers de la communauté sont d’environ 178 arpents dont deux terres avec chacune une maison et autres bâtiments de ferme.
Le dernier inventaire après décès de l’un des accusés est celui de la communauté de Joseph Sicard et défunte Marie-Anne Lanthier, rédigé en mars 1812, quelques mois avant l’émeute[48]. Les actifs mobiliers de Sicard sont beaucoup moins imposants, mais tout de même élevés pour un journalier, soit environ 1640 livres. Les créances représentent toutefois près de 80 % des actifs et leur importance découle de la vente récente d’un bien foncier à l’extérieur de la paroisse de Pointe-Claire. Les dettes de la communauté atteignent 2123 livres 15 sols. L’emplacement au bourg de Pointe-Claire, avec une maison et un hangar que possède cette famille, compense partiellement ce lourd endettement. Le profil de ce journalier turbulent est somme toute fort différent de ses deux camarades Binet et Trotier.
Les rapports à la justice des accusés avant et après l’émeute
À la suite des événements de Sainte-Geneviève et de Lachine, les principaux émeutiers ont été poursuivis devant la Cour du Banc du Roi pour une série de délits, dont la participation à une révolte contre le Roi. Ces habitants doivent alors affronter l’univers de la justice pénale dont les principaux intervenants sont des juges, des procureurs et des avocats de la ville de Montréal[49].
Afin de préciser le profil de ces principaux émeutiers, nous avons voulu déterminer leur rapport au monde judiciaire montréalais avant et après l’émeute de 1812. Faute d’index et de répertoires nominatifs, nous ne pouvions repérer les causes concernant nos émeutiers dans les dossiers criminels de la Cour du Banc du Roi[50]. Nous pouvons toutefois dresser un portrait plus étayé de leur présence à la Cour du Banc du Roi pour des affaires civiles grâce au répertoire informatisé Thémis de la société Archiv-Histo. Ces habitants de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire ont une fréquentation assez élevée de cette instance judiciaire. Ces derniers sont impliqués dans au moins 29 causes, dont 15 avant et 14 après les événements de Lachine. Ils agissent quelquefois à titre de demandeurs, mais ils se retrouvent le plus souvent dans le rôle de défendeurs. Leurs opposants sont tantôt des marchands ou des habitants de leur paroisse, de la région environnante, mais aussi des marchands de la ville de Montréal.
La fréquentation de l’appareil judiciaire montréalais est très inégale au sein du groupe étudié. Pour six des individus concernés, nous n’avons retrouvé aucun document. Ce groupe compte des individus dont le rôle lors des événements de Lachine a été secondaire et l’attitude généralement plus conciliante comme Pierre Chamaillard et Jean-Baptiste Thivierge. Il comprend aussi des individus comme Basile Legault dont le comportement a été frondeur lors de l’affrontement de Sainte-Geneviève. La plupart des huit autres accusés ont été impliqués dans seulement une ou deux causes mineures avant ou après l’émeute. L’une de ces causes oppose, dans l’année précédant les événements, deux des futurs émeutiers de Sainte-Geneviève dans un conflit entre un créancier, Jacques Trotier, et son débiteur, Jean-Baptiste Prézeau[51].
Nous avons en fin de compte trois individus dont les noms reviennent plus fréquemment dans cette instance judiciaire. Joseph Sicard est l’un de ces trois individus. Nous avons retracé cinq causes à son nom dont seulement une avant l’émeute. Après 1812, cet ancien journalier devenu aubergiste est poursuivi pour des réclamations de dettes de la part de marchands fournisseurs montréalais et il a lui-même l’occasion d’intenter un procès à un aubergiste montréalais qui ne lui aurait pas livré tel que promis un cochon gras[52].
Les deux autres membres du groupe qui sont souvent présents à la Cour du Banc du Roi sont les deux frères Bernard et Luc Courville. Bernard Courville, personnage turbulent lors de l’affrontement à Lachine, a été poursuivi à trois reprises pour des dettes impayées avant 1812, une première fois par des habitants de Pointe-Claire, une seconde fois par un marchand de Montréal et une troisième par un marchand de Vaudreuil. Luc Courville dont les comptes rendus du procès brossent un portait ambivalent sinon contradictoire, oscillant entre le médiateur conciliant et le meneur de troupes intransigeant[53], est le plus assidu à la Cour du Banc du Roi. Il a déjà été impliqué dans sept procès civils avant l’émeute de 1812, puis dans au moins cinq après l’émeute.
Les procès d’avant 1812 montrent un homme soucieux de ses intérêts personnels dont les relations avec ses proches peuvent prendre des allures conflictuelles. Entre juin 1795 et avril 1812, il est poursuivi à quatre reprises pour des rentes viagères impayées dont trois fois par Jean-Baptiste Desbiens et Josèphe Cadieux[54]. Ces habitants retraités de Pointe-Claire tentent en vain de forcer Courville à respecter les clauses d’un acte de donation par lequel il a acquis leur terre en 1793. Après 1812, il apparaît tantôt comme le créancier cherchant à récupérer son dû, tantôt comme le débiteur poursuivi pour défaut de paiement. En 1826, le nom de Luc Courville est associé à une cause plus exceptionnelle liée à un acte criminel présumé : Luc Courville effectue alors à la Cour du Banc du Roi une demande en Habeas corpus étant détenu dans une prison de Montréal pour l’attaque d’un magasin à Sainte-Geneviève. Il a toutefois été impossible de déterminer s’il s’agissait de l’émeutier de 1812 ou de son fils désormais adulte[55].
Les réseaux de relations des principaux émeutiers
L’émeute de Lachine se déroule en deux temps dans deux espaces distincts à Sainte-Geneviève le 30 juin et à Lachine le 1er juillet 1812. Les hommes qui ont été accusés se répartissent aussi dans des réseaux de parenté relativement spécifiques pour chacun de ces deux événements. Nous avons d’abord vérifié les liens de parenté des accusés originaires de Pointe-Claire dont plusieurs ont eu, d’après les comptes rendus du procès, des rôles importants lors de l’émeute. Nous avons intégré à ce réseau familial le nom de l’un des deux députés du comté de Montréal à la Chambre d’assemblée, Louis Roy dit Portelance[56].
L’ajout de ce Montréalais originaire de Pointe-Claire commande quelques explications. En consultant les dossiers criminels de la Cour du Banc du Roi de Montréal pour retracer des informations concernant l’émeute de Lachine, nous avons déniché par hasard une poursuite intentée par la Couronne à l’automne 1812 contre le député Roy pour avoir tenu des propos séditieux lors de l’été. Cette poursuite a été enclenchée à la suite de la dénonciation d’Henry McKenzie, juge de paix et lieutenant-colonel dans la milice sédentaire sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent dans la région de Montréal. D’après la déposition de ce dernier, Louis Roy serait à l’origine d’une rumeur circulant jusqu’au village de Terrebonne de l’invasion imminente du Canada par des troupes américaines, appuyées par d’importants renforts français déjà en route vers les États-Unis. Joseph Malboeuf dit Beausoleil, écuyer, résidant à Terrebonne, aurait dit à McKenzie devant plusieurs personnes :
Qu’il venoit de raconter une mauvaise nouvelle à ses Messieurs, qu’il avoit été hier chez Monsieur Roi Portelance en ville, qu’il lui avoit montré une gazette qu’il tenoit à la main et que le dit Monsieur Roi Portelance a dit qu’il étoit marqué sur la gazette qu’il y avoit quatre bâtiments de ligne (que le dit Sr Portelance nomma), avec trente transports ou plus chargés de troupes françaises, qui venoient avec le commodore Rodgers, en nombre de douze milles, lesquelles devoient se joindre aux troupes américaines armées jusqu’au nombre de cent vingt-cinq milles, pour attaquer ce pays. Et de plus qu’il y avoit douze milles troupes déjà parties pour reprendre Détroit[57].
Compte tenu du manque de preuves concluantes concernant les fautes reprochées au député Roy, la poursuite est rapidement abandonnée malgré le statut social du dénonciateur. Cette histoire n’a apparemment pas de lien direct avec l’émeute de Lachine. Toutefois, ce député soupçonné de diffuser des rumeurs malveillantes au début de la guerre est originaire de Pointe-Claire et il est au centre d’un réseau familial englobant certains émeutiers présents à Lachine le 1er juillet 1812, dont ses cousins Guillaume Mallet et les frères Courville. Il est aussi l’oncle d’un jeune homme de Pointe-Claire ayant participé au coup de force contre Leprohon dans la paroisse de Sainte-Geneviève la veille, Noël Legault. De plus, les cousins Courville, Mallet et Roy ont ensemble des liens familiaux multiples soudés par des mariages consanguins et des enchaînements d’alliances. Louis Roy dont la mère est Catherine Mallet, la tante de Guillaume Mallet, a épousé sa cousine Françoise Périnault dont la mère, Josephte Mallet est aussi la tante de Guillaume. De plus, François Courville est non seulement le cousin direct du député Roy, mais il l’est aussi par alliance puisque son épouse, Hypolite Roy, est aussi une cousine du député.
Nous avons ensuite vérifié les liens de parenté entre les principaux participants au coup de force contre le major Jean-Philippe Leprohon à la côte Saint-Jean le 30 juin. Nous avons alors identifié plus précisément deux réseaux familiaux au sein de ce groupe d’individus dont l’un était constitué avant l’affrontement, tandis que l’autre s’est concrétisé dans les années suivant l’événement. Le premier de ces deux réseaux familiaux réunit autour du capitaine Binet son beau-frère Basile Legault (le frère de son épouse) et son neveu Jean-Baptiste Prézeau (le fils de sa soeur). Le second réseau, constitué après 1812, rassemble au moment de l’événement deux jeunes hommes de 20 ans, Noël Legault et Louis Payment, et un cultivateur aisé de la côte Saint-Jean, âgé de 47 ans, Jacques Trotier. Environ trois ans après l’émeute de Lachine, Noël Legault, qui était déjà apparenté avant 1812 aux principaux participants de Pointe-Claire et au député Roy, devient l’un des membres de la parenté éloignée de Jacques Trotier en épousant Véronique Labrosse, fille d’une cousine de son épouse[58]. L’intégration de Louis Payment dans ce réseau familial survient seulement en 1819, mais elle est beaucoup plus directe puisqu’il épouse alors Sophie la soeur cadette de Jacques Trotier, son ancien camarade de combat[59].
Nous avons aussi voulu vérifier les liens familiaux entre les deux émissaires envoyés à Montréal et les divers accusés. Cette démarche a permis de relier le notaire Thibaudeau à la fois au réseau de Pointe-Claire et au réseau du capitaine Binet de Sainte-Geneviève. Ce fils d’un Acadien déporté au Massachusetts est à l’époque des événements bien intégré à la communauté de l’ouest de l’île de Montréal. Il a épousé, le 11 août 1794, une fille de Pointe-Claire, Marguerite Brault. Or, Basile Legault, qui est le père de l’émeutier du même nom et le beau-père du capitaine Binet, avait épousé en secondes noces, le 12 mai 1782, la soeur aînée de l’épouse de Thibaudeau, Marie-Thérèse Brault. Par ailleurs, ces deux soeurs Brault étaient aussi les cousines d’Hypolite Roy, conjointe de François Courville, l’un des trois frères émeutiers de Pointe-Claire. Ces liens familiaux viennent sans doute éclairer le choix de ce notaire, capitaine de milice, comme intermédiaire des contestataires auprès des autorités. Par contre, l’autre émissaire, François Rapin, a des liens familiaux éloignés avec un seul des accusés, Guillaume Mallet.
Par ailleurs, nous n’avons retracé aucun lien de parenté pour 4 des 14 accusés. Ces derniers sont généralement des habitants moins aisés qui ont rempli des rôles secondaires. Ce groupe comprend Pierre Chamaillard et Jean-Baptiste Thivierge, des habitants identifiés comme de bons pères de famille impliqués un peu malgré eux dans cette contestation ; Joseph Sicard, un journalier turbulent ; et enfin Eustache Bénèche dit Lavictoire, un jeune messager de 18 ans.
Nous ne voulons pas, sur la base de ces liens familiaux entre plusieurs accusés, et entre le député Roy et certains accusés, défendre l’idée d’un complot organisé par un réseau formellement constitué de conspirateurs antibritanniques[60]. Cependant, nous ne pouvons pas non plus présenter tous ces émeutiers de l’ouest de l’île comme des habitants coupés, voire isolés, du monde urbain et accepter, comme une vérité absolue, l’argument de la défense sur le manque d’informations des accusés concernant une loi récemment adoptée au Parlement.
De plus, la présence de liens familiaux entre les accusés permet de reconstruire des réseaux similaires à ceux qui ont été identifiés dans des études sur les élites institutionnelles locales[61]. La solidarité communautaire, comme le recrutement des élites, se construit d’abord sur la base des liens familiaux ou essaie de se perpétuer par le biais de nouvelles alliances matrimoniales. La famille n’est pas un espace social exempt de conflits, mais elle demeure un lieu privilégié de contacts entre les individus. Les travaux sur la reproduction sociale ont démontré que le rayon d’action de la famille déborde le cadre étroit de la paroisse[62]. Les modalités de la reproduction sociale favorisent cette forte mobilité des familles d’une génération à l’autre, voire à l’intérieur même du cycle de vie.
La provenance des conjoints constitue un indicateur pour mesurer l’aire privilégiée de relations des habitants de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire. À cette fin, nous avons dépouillé l’ensemble des actes de mariage de ces deux paroisses en 1811 et 1812. À Pointe-Claire, 48 % des conjoints, soit 13 sur 27, sont originaires de l’extérieur de la paroisse, tandis qu’à Sainte-Geneviève cette proportion est de 40 %, soit 12 sur 30. Le recrutement de ces conjoints étrangers se sépare à part égale entre les paroisses voisines de l’île de Montréal et les paroisses de l’extérieur de l’île. À l’exception des paroisses de Berthier et de Châteauguay, l’aire de recrutement des conjoints étrangers correspond de manière générale à la région où les habitants de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire ont recruté des volontaires pour le rassemblement de Lachine. Par ailleurs, ces paroisses de l’ouest de l’île de Montréal, de l’île Bizard, de l’île Perrôt, de la péninsule Vaudreuil-Soulanges et des pourtours du lac des Deux-Montagnes constituent un espace microrégional où circulent un bon nombre de familles portant les mêmes patronymes.
L’espace de relations des accusés, comme celui d’une bonne partie des habitants de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire, se déploie au-delà de leurs paroisses. La présence de Louis Roy dit Portlelance dans la ville de Montréal est liée à un destin social particulier. Cependant, la conjointe de François Rapin, l’un des deux émissaires, est aussi originaire de la paroisse de Montréal[63]. Par ailleurs, l’un des autres accusés, Basile Legault, a épousé une fille de Saint-Eustache et le couple a vécu ses premières années de vie conjugale dans la seigneurie voisine du Lac-des-Deux-Montagnes[64]. En 1812, Basile Legault dispose encore de bonnes antennes dans la région de Saint-Eustache où l’oncle de son épouse, Joseph Éthier, est capitaine de milice[65]. Après l’affrontement du 30 juin, il se rend d’ailleurs à la Rivière-Duchesne (Saint-Eustache) « pour avertir le monde pour venir à Saint-Laurent pour faire une requête pour avoir les miliciens de Laprairie[66] ».
Pour sa part, Bernard Courville, en plus de ses nombreux voyages de traite, a habité, dans les années précédant l’émeute, dans plusieurs paroisses de cet espace microrégional. D’après ses déclarations de résidence dans les actes notariés, il demeure à Pointe-Claire au moins jusqu’en 1802. Puis, il habite successivement à Vaudreuil en 1803, à Rigaud en 1804, à Pointe-Claire en 1805, à Lachine en 1807 et de nouveau à Pointe-Claire et à Sainte-Anne en 1812. Enfin, Joseph Sicard est le fils d’un ancien meunier qui a exercé son métier dans la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes et au Sault-au-Récollet. Avant son mariage avec Marie-Anne Lanthier de Pointe-Claire, Joseph Sicard a travaillé comme garçon-cultivateur dans la paroisse de Saint-Laurent.
Le survol rapide des actes notariés permet enfin de constater que plusieurs des 14 accusés ont entretenu des relations d’affaires avec des habitants des paroisses environnantes pour des prêts, des concessions, des achats et des ventes de terres ou, à l’instar des frères Courville pour des marchés de construction et de matériaux[67].
La suite des événements pour les accusés et leurs familles
La répression de l’émeute de Lachine a été somme toute modérée. Les poursuites criminelles ont ciblé un nombre limité de personnes. Les accusés ont apparemment purgé au moins une partie de leur condamnation de 16 à 24 mois de détention à la prison de Montréal[68]. Nous avons constaté leur absence de Pointe-Claire et de Sainte-Geneviève au moins jusqu’en 1814 dans les actes notariés et dans les registres d’état civil sauf pour Bernard Courville présent lors de la rédaction d’un contrat d’engagement comme voyageur dès 1813. Par contre, nous ne pouvons déterminer si les accusés durent verser intégralement les amendes imposées lors de leur condamnation. Néanmoins, l’échec de l’émeute, le séjour en prison et les amendes n’ont pas entraîné de manière générale la détérioration de leurs statuts sociaux.
Certes, le capitaine Binet a été destitué de son rang dans la milice. Dans les années subséquentes, nous avons recueilli peu de traces de cet ancien capitaine dans les documents notariés ou judiciaires. Néanmoins, à son décès en 1819, il laisse une fortune considérable à ses enfants. Basile Legault, son beau-frère qui a aussi participé au coup de force contre le major Leprohon, est alors impliqué dans sa succession à titre de subrogé-tuteur des enfants mineurs, tandis que le fils aîné de Binet, Joseph, agit alors à titre de tuteur. À la suite du partage des biens, la terre paternelle est rapidement reconstituée par ce fils aîné.
Au début des années 1830, Joseph Binet fils accède à son tour à une charge d’officier dans la division de Pointe-Claire, au grade de lieutenant. En 1831, il contribue à la création d’une école de syndics à la côte Saint-Jean avec d’autres habitants du secteur, dont deux anciens camarades de son père, Basile et Noël Legault[69]. Enfin, à la veille des Rébellions de 1837-1838, le principal héritier du capitaine Binet, devenu à son tour capitaine dans la milice sédentaire, n’hésite pas à s’engager pour la cause patriote[70].
L’échec de l’émeute et le séjour en prison ne semblent pas avoir souillé la réputation des principaux collaborateurs du capitaine Binet, Jacques Trotier et Basile Legault. Ainsi, les habitants de la paroisse de Sainte-Geneviève démontrent leur confiance envers Trotier en le choisissant, peu de temps après son retour de prison, comme l’un des trois syndics chargés de veiller à la réparation de l’église et à la répartition des dépenses[71]. Puis, en 1818, les habitants de la côte Saint-Jean confient à Trotier et à Legault le mandat d’arbitrer leur différend concernant des travaux pour le drainage de terres[72]. L’inventaire après décès rédigé après la mort de l’épouse de Trotier avant l’émeute de Lachine avait permis de constater la richesse de ce cultivateur de la côte Saint-Jean. Les minutes des notaires de la région que nous avons consultées révèlent que Trotier maintient, après les événements de 1812, son statut social et surtout son rôle de prêteur[73].
À Pointe-Claire, Bernard Courville retourne au métier de voyageur tandis que ses frères, Luc et François, reprennent la direction de leurs exploitations agricoles. Ces deux derniers sont, à l’instar de Trotier, des personnages bien présents dans les cabinets de notaires jusqu’en 1820 comme acheteurs et comme vendeurs de terres et, dans une moindre mesure, comme prêteurs.
Pour sa part, Guillaume Mallet a déjà amorcé la transmission de ses biens avant la fin présumée de sa peine de prison. En février 1813, lors du mariage de son fils aîné Guillaume, âgé de 19 ans, il lui cède à titre gratuit une terre de 120 arpents, un cheval attelé à une carriole, un autre cheval et une paire de boeufs prêts à labourer, une autre paire de boeufs ainsi que divers autres animaux, instruments agricoles et meubles[74]. Puis, l’année suivante, il accorde « en avancement d’hoirie » divers biens mobiliers à sa fille Hypolite lors de son mariage à son cousin François Mallet[75]. Les douaires élevés de 1000 et de 2000 livres ancien cours qui sont alors consentis à sa bru et à sa fille sont des indices additionnels du statut élitaire des Mallet à Pointe-Claire[76]. Par la suite, nous avons déniché un seul acte notarié au nom de Guillaume Mallet avant 1822, soit l’achat d’une terre dans la seigneurie de Châteauguay[77]. Enfin, Guillaume Mallet fils est, comme l’héritier du capitaine Binet, un personnage actif lors des Rébellions de 1837-1838, mais ce dernier est alors un agent au service du pouvoir colonial[78].
L’un des deux émissaires envoyés à Montréal déménage de Pointe-Claire quelques années après l’émeute. Après 1816, le notaire Thibaudeau poursuit effectivement sa profession à Rigaud où il décède le 29 mai 1824[79]. Quant à François Rapin, en 1816, il loue ses terres de Pointe-Claire et va s’installer avec sa famille à Montréal. Puis, dans la décennie suivante, il retourne vivre sur ses terres à Pointe-Claire où il demeure encore en 1832 lors du mariage de son fils Charles[80]. Ce dernier, marchand et aubergiste à Saint-Timothée de Beauharnois, participera plus tard à l’organisation des Frères chasseurs lors de la seconde phase des Rébellions en 1838[81].
La plupart des autres accusés ont peu ou pas laissé de traces dans les archives entre la fin de leur séjour en prison et 1822. Nous n’avons retracé aucun document concernant Jean-Baptiste Prézeau et Jean-Baptiste Thivierge de Sainte-Geneviève et un seul, concernant un échange de terres, pour Louis Payment. Quant à Pierre Chamaillard, cultivateur résidant tantôt à Pointe-Claire, tantôt à Sainte-Anne, il fréquente seulement à quatre reprises le cabinet d’un notaire avant 1822 et, chaque fois, c’est pour conclure des emprunts auprès des cultivateurs de la paroisse de Sainte-Anne. Le turbulent Joseph Sicard fait exception au sein de ce groupe. De journalier, il devient aubergiste au village de Pointe-Claire à la suite de son remariage avec Marie McDonald en février 1814[82]. La santé financière de cette entreprise est cependant précaire et la famille doit compter sur des revenus complémentaires[83].
Conclusion
Pour J.-P. Wallot, le désir de connaître la vérité sur la légalité de la conscription explique la présence à Lachine d’une bonne partie des émeutiers. « À l’exception des principaux perturbateurs qui dupaient les autres, cette attitude semble avoir primé chez la majorité des habitants présents à l’échauffourée le lendemain[84]. » À notre avis, la plupart des habitants rassemblés à Lachine étaient contre la conscription. L’incertitude qui a plané sur la validité de la loi de milice a simplement servi à canaliser cette opposition dans un mouvement de contestation.
La conscription s’effectue conformément à une loi votée à la Chambre d’assemblée et au Conseil législatif. Cette loi permet au gouverneur de lever des miliciens pour le service actif. Les commandants locaux de la milice sédentaire, comme intermédiaires du gouverneur, assurent le bon déroulement de la conscription dans leur division respective. Dans l’île de Montréal, le commandement de la division de Pointe-Claire est confié à un membre de la bourgeoisie francophone de Montréal. L’état-major de cette division est presque essentiellement constitué de bourgeois de cette ville, tandis que les officiers subalternes proviennent des paroisses rurales de l’ouest de l’île. Le premier affrontement du 30 juin à Sainte-Geneviève oppose ainsi des officiers et des miliciens de cette division. La victoire des émeutiers entraîne toutefois un élargissement de la contestation dont l’un des objectifs est désormais d’obtenir le retour des conscrits envoyés au camp de Laprairie.
La radicalisation du mouvement provoque l’intervention d’une autorité politique externe à l’organisation de la milice. Les conseillers de Montréal assurent alors la coordination des forces chargées du maintien de l’ordre durant et après l’émeute. Les officiers civils qui ont participé à cette mission sont des marchands et des professionnels de Montréal qui, dans l’exercice de leur profession et durant leur carrière politique, ont entretenu avec les populations de l’ouest de l’île des rapports susceptibles d’influencer leur comportement face aux émeutiers.
L’étude des accusés et de leurs réseaux de relations permet de nuancer le modèle communautariste de cette contestation. Le profil social de ces principaux émeutiers est diversifié. Mais les meneurs sont généralement des paysans âgés, assez fortunés et, surtout, disposant dans leur milieu du prestige social nécessaire pour coordonner un mouvement impliquant quelques centaines d’habitants. De plus, comme pour les institutions locales, les réseaux de parenté sont au coeur du recrutement des individus impliqués dans la coordination des émeutiers.
Les relations des principaux accusés avec le monde extérieur ne se réduisent pas à une opposition binaire entre la société rurale et le monde urbain. Dans les moments de crises, les élites locales sont souvent tiraillées entre leurs deux rôles tantôt complémentaires, tantôt contradictoires, d’intermédiaires locaux du pouvoir extérieur ou de représentants des intérêts de leurs communautés. Joseph Binet, l’un des meneurs du coup de force à Sainte-Geneviève, et Louis Thibaudeau, l’un des deux émissaires envoyés à Montréal, étaient capitaines dans la division de Pointe-Claire alors que d’autres capitaines de cette même division ont rempli leur rôle d’intermédiaires du pouvoir.
Les solidarités communautaires influent sur l’organisation de cette résistance à la conscription. Mais les relations des habitants de l’ouest de l’île, de même que celles des accusés, ne se limitent ni à leur voisinage ni à leur paroisse. Nous ne pouvons pas réduire cette émeute à une simple réaction face au monde extérieur. Le statut élitaire de plusieurs accusés et leur volonté de rallier les habitants de plusieurs paroisses sont des indices d’une conscience politique plus large. Cette émeute n’est pas une révolte spontanée ; elle est le point culminant d’un mouvement de contestation qui, alimenté par des rumeurs concernant la validité de la loi de milice, couvait depuis plusieurs semaines dans l’ouest de l’île de Montréal.
Les principaux émeutiers ont écopé de peines de prison et de lourdes amendes. Toutefois, à moyen terme, ces individus reprennent dans leur communauté leur statut social. Plus tard, la participation dans le mouvement patriote de Joseph Binet fils et de Charles Rapin, qui sont deux membres de l’élite locale dans leur paroisse respective, apparaît comme une forme d’héritage immatériel de leur père, comme une suite logique à l’engagement de ces derniers lors de la conscription en 1812. L’implication de Guillaume Mallet fils en faveur du pouvoir colonial en 1837-1838 rappelle toutefois que, d’une génération à l’autre, chaque individu demeure maître de ses choix à l’intérieur des contraintes liées à son appartenance sociale et à son époque.
Parties annexes
Note sur l'auteur
Christian Dessureault est professeur au département d’histoire de l’Université de Montréal depuis 1986. Il a d’abord consacré ses recherches à l’étude du régime seigneurial, de l’économie rurale, des structures sociales, de la famille et des réseaux de parenté dans le monde rural. Nous pouvons d’ailleurs retracer certains des articles qu’il a publiés sur ces questions dans des numéros antérieurs de la Revue d’histoire de l’Amérique française. Il mène depuis quelques années, en collaboration avec d’autres chercheurs, des études sur les institutions locales dont les fabriques paroissiales et les milices sédentaires afin de mieux comprendre les modalités de recrutement et de renouvellement des élites dans les campagnes du Québec préindustriel. Ce dernier article examine le profil social et le rôle des principaux acteurs d’une contestation populaire contre la conscription de miliciens lors de la guerre de 1812.
Notes
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[1]
Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour son soutien financier, de même que Roch Legault pour la lecture d’une première version de cet article.
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[2]
J.-P. Wallot, « Une émeute à Lachine contre la “conscription” (1812) », Revue d’histoire de l’Amérique française, 18,1 (juin 1964) : 112-137 ; 18,2 (septembre 1964) : 202-234. Une version révisée de cet article a par la suite été publiée dans J.-P. Wallot, Un Québec qui bougeait. Trame socio-politique au tournant du xixe siècle (Sillery, Les éditions du Boréal Express, 1973), 107-141 [Dans cet article, nous référerons à cette version révisée].
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[3]
La vision de cet historien sur les paysans a beaucoup évolué dans ses travaux subséquents où il insiste désormais sur leur capacité à effectuer des choix rationnels en fonction de leurs objectifs. Voir entre autres, G. Paquet et J.-P. Wallot, « Stratégie foncière de l’habitant : Québec (1790-1835) », RHAF, 39,4 (hiver 1986) : 551-581.
-
[4]
S. Mills, « French Canadians and the Beginning of the War of 1812 : Revisiting the Lachine Riot », Histoire sociale/Social History, 38,75 (mai 2005) : 37-57.
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[5]
BAC, Collection Baby, MG24L3, vol. 43. Nous ne reprendrons pas l’examen détaillé du procès dont les deux historiens précédents ont extirpé les principaux éléments. Pour une description des événements et du rôle des différents acteurs, les chercheurs peuvent aussi consulter les notes du juge Reid concernant ce procès. BAC, James Reid collection, Miscellaneous Judicial Records, Cour d’Oyer et Terminer, Procès de Rebellion Pointe-Claire et Lachine, août et septembre 1812, Notes du juge Reid, microfilm, bobine M-8571.
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[6]
J.-P. Wallot exerce davantage son esprit critique à propos des témoignages de la défense. Il note les contradictions concernant les caractères, les rôles et les motivations des émeutiers.
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[7]
Dans l’ouvrage posthume de Louise Dechêne, Le Peuple, l’État et la Guerre au Canada sous le Régime français, l’introduction s’amorce sur l’histoire d’une jeune fille mineure de l’île d’Orléans qui, déguisée en homme, fait courir le bruit d’une invasion imminente de la colonie par une flotte anglaise en juin 1696. La jeune fille a agi ainsi afin de permettre à trois jeunes hommes de sa famille et de son voisinage d’échapper au service comme miliciens dans une expédition au sud du lac Ontario. Cette supercherie démontre l’étonnante connaissance de l’actualité de ces jeunes paysans canadiens de la fin du xviie siècle et surtout leur capacité à développer, à partir de faits réels, une rumeur plausible d’invasion imminente de la colonie. Comme le souligne Dechêne, « l’information est assez vraisemblable pour troubler les autorités et leur faire soupçonner la présence de conjurateurs de plus haut calibre que Joseph Gaulin et ses amis. (…) À la fin, il (le juge) devra accepter que les gens de la campagne sont bien informés et que la peur leur donne de l’esprit. » L. Dechêne, Le Peuple, l’État et la Guerre au Canada sous le régime français (Montréal, Boréal, 2008), 57. Édition préparée par Hélène Paré, Sylvie Dépatie, Catherine Desbarats et Thomas Wien.
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[8]
Voir le jugement de Panet dont J.-P. Wallot reprend l’essentiel dans son étude. J.-P. Wallot, op. cit., 128-133. Cependant, nous devons aussi demeurer prudent concernant les propos de ce représentant du pouvoir colonial.
-
[9]
L. Lépine, La milice du district de Montréal, 1787-1829 : essai d’histoire socio-militaire, thèse de doctorat (histoire), Université du Québec à Montréal, 2005, 124-127.
-
[10]
Ibid., 127.
-
[11]
Dans l’introduction d’un ouvrage portant sur les élites rurales dans l’Europe médiévale et moderne, Jean-Pierre Jessenne et François Fleurant soulignent le rôle de meneurs des élites rurales lors de plusieurs soulèvements paysans. À la fin de leur bilan, il propose, parmi leurs orientations bibliographiques, une liste de plusieurs articles et livres sur l’expression politique des élites rurales et sur leur rôle dans les révoltes paysannes. Nous croyons qu’il est également pertinent de creuser cette question à propos de la coordination d’un mouvement populaire comme l’émeute de Lachine. J.-P. Jessenne et J.-P. Fleurant, dir., Les Élites rurales dans l’Europe moderne médiévale et moderne (Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007), 7-52.
-
[12]
Cette même démarche pourrait s’appliquer à l’étude de certains épisodes des Rébellions de 1837 et 1838. Elle permettrait d’affiner davantage la perspective développée par Allan Greer sur le rôle des paysans lors des Rébellions de 1837-1838 en scrutant les modalités de coordination des mouvements insurrectionnels à l’échelle locale ou régionale. Voir A. Greer, Habitants et patriotes. La Rébellion de 1837 dans les campagnes du Bas-Canada (Montréal, Boréal, 1997).
-
[13]
Pour une présentation générale des objectifs et des méthodes de ce courant historique, voir la préface de Jacques Revel dans la traduction française de l’ouvrage de G. Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle (Paris, Gallimard, 1989), i-xxxiii.
-
[14]
Sur la nécessité de concilier, de manière critique, les acquis des travaux sur les structures sociales et l’approche micro-historique, voir G. Béaur « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 126,1 (1999) : 159-176.
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[15]
Dans son étude, J.-P. Wallot réfère principalement à des lettres envoyées par des commandants locaux à Vassal de Monviel, l’adjudant-général de la milice à Québec, pour montrer le bon déroulement de la conscription dans la plupart des secteurs ruraux.
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[16]
À partir d’extraits tirés de cette même correspondance entre les commandants locaux et Vassal de Monviel, l’adjudant-général de la milice à Québec, Luc Lépine insiste plutôt sur les ratés du recrutement dans la région de Montréal. Voir L. Lépine, op. cit., 122.
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[17]
En 1812, cette division comprend six paroisses rurales du nord et de l’ouest de l’île de Montréal. Ces paroisses sont Sault-au-Récollet, Saint-Laurent, Lachine, Pointe-Claire, Sainte-Anne et Sainte-Geneviève incluant l’île Bizard. Nous n’avons pas de données précises sur la population de ces paroisses vers 1812, mais nous pouvons l’évaluer aux environs de 8000 habitants. En 1790, la population de ces paroisses était de 6266 habitants. Plus tard, en 1825, ce même territoire comptait 9282 habitants. Recensement de 1791, Recensements du Canada, statistiques du Canada (Ottawa, I. B. Taylor, 1876), IV : 76-77 ; BAC, Recensement de 1825, bobine C-717.
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[18]
J. P. Wallot, op. cit., 110.
-
[19]
J.-P. Wallot, op. cit., 111-112.
-
[20]
Témoignage d’Amable Legault, septembre 1812. Cité dans S. Mills, op. cit., 54.
-
[21]
Témoignage de Robert McGregor, 21 août, 286-287, cité dans J.-P. Wallot, op. cit. 113.
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[22]
Né à Montréal le 14 avril 1776, Étienne Nivard de Saint-Dizier est le fils d’un marchand montréalais du même nom. Membre d‘une vieille famille bourgeoise de Montréal, il épouse le 20 avril 1789 Marie-Anne Magnan, fille d’un marchand du village de l’Assomption. Dictionnaire des parlementaires du Québec, 1792-1992, version en ligne www.assnat.qc.ca : Étienne Nivard de Saint-Dizier. Ce bourgeois montréalais est par ailleurs le neveu du conseiller législatif François-Marie Picoté de Belestre décédé avant 1812.
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[23]
Nous employons le terme de déserteurs, mais il s’agit plutôt de conscrits réfractaires ou récalcitrants omettant ou refusant de se rapporter aux autorités afin de commencer leur entraînement et leur service actif dans des bataillons de la milice incorporée. Le terme de déserteurs désigne plus précisément des conscrits déjà intégrés dans des bataillons de la milice « incorporée » qui abandonnent, fuient ou quittent volontairement le camp d’entraînement ou le service actif.
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[24]
D’après les comptes rendus du procès, ces deux capitaines qui accompagnaient le major Leprohon étaient Dominique Ducharme et Pierre Roy dit Lapensée de Lachine.
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[25]
Nous n’avons pas réussi à retracer ce jeune milicien réfractaire ni dans les registres des paroisses impliquées ni dans les minutes des notaires de la région. À l’issue du procès des émeutiers, ce conscrit arrêté par le major Leprohon est libéré du service dans la milice incorporée. D’après le recoupement de plusieurs témoignages, il était un déficient intellectuel. Il résidait depuis environ deux ans chez monsieur Berthelet à Sainte-Geneviève et travaillait à sa manufacture de potasse. BAC, James Reid collection, Miscellaneous Judicial Records, Cour d’Oyer et Terminer, Procès de Rebellion Pointe-Claire et Lachine, août et septembre 1812, Notes du juge Reid, microfilm, bobine M-8571.
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[26]
Durant la journée, une partie des opposants à la conscription ont circulé dans la paroisse de Saint-Laurent, puis ils ont rejoint les autres contestataires à Lachine.
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[27]
Né à Glascow en 1744, James McGill émigre dans la Province de Québec vers 1765. En 1812, il est l’un des plus riches marchands montréalais. Marié à la veuve d’un marchand canadien, McGill est un conservateur modéré au sein de l’élite coloniale d’origine britannique et un partisan de la collaboration avec les élites canadiennes. Il a occupé de nombreuses charges civiles et il a été élu député des comtés de Montréal, de Montréal-est et de Montréal-ouest de 1792 à 1804. Il a également siégé au Conseil exécutif de la colonie et lors de son décès, en 1813, il en était le président intérimaire. Par ailleurs, McGill assume, lors de la crise de 1812, le commandement du Premier bataillon de la milice de la ville et des faubourgs de Montréal. John Irwin Cooper, Dictionnaire biographique du Canada, version en ligne : McGill, James.
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[28]
Né à Montréal le 14 novembre 1766, Louis Chaboillez est le fils d’un marchand de fourrures dont la famille est liée à la traite depuis le début du XVIIe siècle. Ce dernier opte pour le notariat dont il amorce la pratique en 1787. La carrière de ce notaire demeure liée au secteur de la traite puisque le tiers environ des 10 000 actes de son minutier est constitué de contrats d’engagement. Chaboillez a aussi occupé de nombreuses charges publiques à Montréal dont celles de marguillier, de capitaine de milice et de juge de paix. En 1804, il est élu député du comté de Montréal-est en même temps que McGill et, durant son mandat, il partage ses votes entre le Parti canadien et le Parti bureaucrate. Louis Chaboillez a épousé le 10 novembre 1789 Marguerite Conefroy, de Pointe-Claire. Céline Cyr, DBC version en ligne : Chaboillez, Louis.
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[29]
Né le 7 février 1750 dans le nord de l’Irlande, Thomas McCord arrive avec sa famille à Québec en 1764. En 1770, il fait ses débuts comme marchand à Québec, puis déménage à Montréal. Même si McCord rencontre des difficultés dans le domaine des affaires, il bénéficie d’une bonne considération au sein de la bourgeoisie montréalaise et occupe plusieurs charges publiques. En 1810, à titre de magistrat de police et de doyen des juges de paix de la ville, il préside avec Jean-Marie Mondelet la Cour des sessions trimestrielles. En 1809, il est, avec Denis-Benjamin Viger, l’un des deux députés élus dans le comté de Montréal-ouest. Candidat dans ce même comté à l’élection suivante, il doit toutefois se retirer rapidement de la course électorale, car ses anciens partisans désapprouvaient son appui envers le gouverneur Craig. Elinor Kyte Senior, DBC version en ligne : McCord, Thomas.
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[30]
La confrontation aurait fait peu de victimes, soit un mort et un blessé parmi les émeutiers. J.-P. Wallot, « L’émeute de Lachine… », dans Un Québec…, op. cit., 119.
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[31]
Né vers 1754 à Porsoy en Écosse, John Richardson émigre dans la colonie de New York vers 1774. Arrivé à Montréal vers 1787, il s’intègre rapidement aux marchands d’origine britannique et se fait connaître, dans la sphère politique, comme un partisan de l’aile radicale du Parti bureaucrate. En 1791, il s’oppose avec d’autres marchands d’origine britannique à l’Acte constitutionnel, car cette loi prévoyait la division de la province de Québec et le maintien du droit civil français. Élu député de Montréal-est en 1792, il provoque un débat orageux à la Chambre d’assemblée sur la langue de la législation et des débats en proposant que seul le texte anglais soit reconnu légalement. John Richardson a aussi été élu député dans le comté de Montréal-ouest en 1804, puis candidat défait dans ce comté lors de l’élection de 1808. Le conseiller Richardson est aussi, au moment de l’émeute, capitaine dans le bataillon de milice sédentaire dirigé par McGill. F. Murray Greenwood, DBC version en ligne : Richardson, John.
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[32]
En consultant des dossiers concernant les procès en première instance, nous avons retracé deux autres individus de Sainte-Geneviève qui ont été poursuivis, mais qui n’ont pas été condamnés au terme de toutes les procédures : Louis Lorrain, un menuisier fils d’un ancien capitaine de milice de l’Île-Jésus, et Eustache Brunet, un cultivateur aisé de Sainte-Geneviève ou son fils de 17 ans portant le même prénom. BAnQ, Centre d’archives de Montréal, Cour du Banc du Roi, TL9, S1, SS1, dossiers 1809-1812, septembre 1812.
-
[33]
Le curé de Pointe-Claire desservait aussi Sainte-Anne-du-Bout-de-L’île et, à cette époque, les actes des deux paroisses ont été intégrés dans les mêmes registres.
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[34]
Ainsi, Joseph Binet et Guillaume Mallet avaient des fils portant le même nom qu’eux. Dans ces deux cas, il a été aisé de conclure à la présence des pères, compte tenu du statut de capitaine de milice de Binet et du mariage de Guillaume Mallet fils, en février 1813, durant la période de détention des émeutiers. Nous avons par ailleurs retracé deux Jacques Trotier demeurant à Sainte-Geneviève et trois Joseph Sicard à Pointe-Claire en 1812. Dans le cas de Jacques Trotier, nous avons opté pour le cultivateur demeurant à la côte Saint-Jean plutôt que pour le journalier du village compte tenu de la localisation de la première escarmouche et de l’absence du cultivateur de la paroisse durant la période de détention des accusés. Quant à Joseph Sicard, nous avions le choix entre un journalier de 29 ans, fils d’un ancien meunier, ce meunier retraité âgé d’environ 72 ans lors de l’émeute ou un autre journalier d’environ 65 ans. Nous avons tranché en faveur du premier dont le profil correspondait au personnage turbulent décrit lors du procès. Joseph Sicard père était trop âgé, tandis que le troisième est décédé à Pointe-Claire le 19 décembre 1812 durant les premiers mois de la période de détention des accusés.
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[35]
Les paroisses de Sainte-Anne, de Pointe-Claire et de Sainte-Geneviève (incluant l’île Bizard), dont les registres ont été ouverts en 1677, 1713 et 1741, comptent environ 550, 1200 et 1800 habitants vers 1812. De 1790 à 1825, la paroisse de Sainte-Anne passe de 513 à 571 habitants, celle de Pointe-Claire de 1195 à 1374 habitants et celle de Sainte-Geneviève de 1607 à 2072 habitants. Recensement de 1791, Recensements du Canada, statistiques du Canada (Ottawa, I.B. Taylor, 1876), IV : 76-77 ; BAC, Recensement de 1825, bobine C-717.
-
[36]
Nous avons retracé des contrats d’engagement pour la traite pour Joseph Binet, Bernard Courville, Joseph Sicard et Jean-Baptiste Thivierge.
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[37]
Après son séjour en prison, Bernard Courville a conclu des ententes avec trois entreprises de traite différentes pour travailler à des postes de voyageur comme devant de canot ou comme guide. BAnQ, centre d’archives de Montréal, notaire J. G. Beek, le 23 juin 1813 ; contrat d’engagement de B. Courville à Isaac W. Clarke ; notaire J. G. Beek, le 6 septembre 1814, contrat d’engagement de B. Courville envers Roderick McKenzie ; notaire J. G. Beek, le 16 décembre 1815, contrat d’engagement de B. Courville envers la North West Compagny.
-
[38]
André Rapin, dit « La musette », le premier de la lignée canadienne des Rapin, arrive en Nouvelle-France au début des années 1660, alors âgé d’environ vingt ans. En novembre 1669, il épouse Clémence Jarry, originaire du Perche en France. Ils ont eu ensemble onze enfants, en plus d’un fils amérindien qu’ils avaient auparavant adopté. Le couple s’installe dans la paroisse des Saints-Anges de Lachine à proximité du Fort Rolland où André Rapin, habitant relativement aisé, fut l’un des marguilliers de la fabrique. André Rapin aurait également exercé la chirurgie. Les Rapin dit Scayanis dit Landroche : une famille aux origines incertaines », Mémoires de la Société généalogique canadienne-française, 52,3 (automne 2001) : 213.
-
[39]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, E4, Fonds Secrétariat de la province, dossier des paroisses de Sainte-Geneviève et de Pointe-Claire : Acte de dépense et répartition de l’église et clocher de la paroisse de Sainte-Geneviève, 22 novembre 1815 et Répartition pour la réparation de la couverture du presbytère de la paroisse de Saint-Joachim-de-la-Pointe-Claire, 17 août 1813.
-
[40]
Dans une première hypothèse, nous considérons chacune des entrées dans ces deux documents comme des individus distincts. Nous obtenons alors des superficies de terre moyennes et médianes plus réduites. Dans une seconde hypothèse, selon nous moins probable, nous procédons à une addition des données concernant les superficies déclarées par les divers propriétaires ayant le même nom. Nous obtenons alors des superficies de terre moyennes et médianes plus élevées.
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[41]
Dans l’acte de répartition de 1813, Guillaume Mallet fils, alors âgé d’environ 20 ans, déclare posséder 120 arpents de terre à Pointe-Claire. Cette propriété lui a été cédée par son père quelques mois plus tôt, lors de la rédaction de son contrat de mariage. BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire L. Thibaudeau, le 7 février 1813, contrat de mariage de Guillaume Mallet fils et Judith Trotier.
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[42]
Ces deux autres inventaires après décès concernent les familles d’un tisserand et d’un journalier du village de Pointe-Claire. Le journalier est Joseph Sicard, l’un de nos accusés.
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[43]
Pour mieux évaluer le niveau de richesse des cultivateurs de Pointe-Claire et de Sainte-Geneviève, nous avons effectué une comparaison rapide avec les cultivateurs de la seigneurie de Saint-Hyacinthe dont nous avons aussi dépouillé, dans le cadre d’une recherche antérieure, l’ensemble des inventaires après décès disponibles entre 1805 et 1814. Nous avons alors constaté la fortune plutôt élevée de ces paysans de l’île de Montréal par rapport à ceux d’un terroir de peuplement récent. Ainsi, dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe, la valeur moyenne des actifs mobiliers des cultivateurs se situe à seulement 1 230 livres entre 1805 et 1814, tandis que la valeur moyenne du cheptel y est de 351 livres. La moyenne des dettes des cultivateurs de Saint-Hyacinthe est par ailleurs de 706 livres. C. Dessureault, « Fortune paysanne et cycle de vie au Québec (1795-1844) », Histoire & Sociétés Rurales, 7 (1er semestre 1997) : 80.
-
[44]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire Joseph Maillou, le 28 juillet 1809 : inventaire après décès de la communauté de Joseph Binet et de défunte Geneviève Legault.
-
[45]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire J. Payment, le 8 janvier 1820 : inventaire après décès de Joseph Binet.
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[46]
Les passifs de la succession comprennent une dette de 2007 livres 12 sols envers les héritiers de Geneviève Legault et une autre dette de 442 livres 10 sols envers l’avocat James Stuart. Cet avocat est vraisemblablement l’ancien solliciteur général du Bas-Canada qui, en 1812, est l’un des deux députés du comté de Montréal et le leader du Parti canadien en Chambre. Quelques années plus tard, James Stuart rompt avec les réformistes et rejoint le camp des bureaucrates. Evelyn Kolish, DBC version en ligne : Stuart, James.
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[47]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire Joseph Maillou, le 10 juillet 1810 : inventaire après décès de la communauté de Jacques Trotier et de défunte Amable-Eugénie Jammes.
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[48]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire L. Thibaudeau, le 30 mars 1812 : inventaire après décès de la communauté de Joseph Sicard et de défunte Marie-Anne Lanthier.
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[49]
Pour une étude fine des rapports entre la population rurale et les diverses instances judiciaires au Bas-Canada, voir D. Fyson, Magistrates, Police, and People. Everyday Criminal Justice in Quebec and Lower Canada, 1764-1837 (Toronto, The Osgoode Society for Canadian Legal History, University of Toronto Press, 2006).
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[50]
Nous avons néanmoins retracé le nom de l’un des accusés de 1812 parmi les rares individus dont la poursuite judiciaire au criminel est signalée de manière nominative dans l’un des outils de recherche. Ainsi, en 1838, Eustache Benèche dit Lavictoire est poursuivi dans une affaire de vol en 1837. TL19, S1, SS62, D71-D79-D92-D93, le 16 février 1837 : Dominus Rex against Eustache Benèche dit Lavictoire. Ces dossiers concernent un vol de grand chemin à Montréal.
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[51]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, TL19, S4, SS1, Cour du Banc du Roi, affaires civiles, no 42, février 1811.
-
[52]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, TL19, S4, SS1, Cour du Banc du Roi, affaires civiles, nos 294 et 299, décembre 1818.
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[53]
Selon les conclusions du juge Panet, Luc Courville aurait payé des gardes sur le chemin afin d’empêcher les autres habitants de quitter les lieux à Lachine et aurait traité de lâches ceux qui s’en allaient tout de même en les invitant à laisser au moins leurs fusils pour « que nous achevions ce que nous avons commencé ». Jugement du juge Panet, 257 ; voir J.-P. Wallot, op. cit., 131.
-
[54]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, TL19, S4, SS1, Cour du banc du Roi, affaires civiles, no 19, juin 1795 ; no 64, février 1796 ; no 43, avril 1802.
-
[55]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, TL19, S4, SS1, Cour du Banc du Roi, affaires civiles, no 574, octobre 1826.
-
[56]
Né à Pointe-Claire le 16 octobre 1764, d’origine paysanne, Louis Roy a fréquenté pendant quelques années le collège Saint-Raphaël de Montréal et il a ensuite travaillé, à l’instar d’autres jeunes hommes de Pointe-Claire, comme voyageur dans le secteur de la traite. À 26 ans, le 7 septembre 1791, il épouse à Montréal sa cousine germaine Marie-Josèphe Périnault, la veuve d’un orfèvre montréalais. Après ce mariage, il se lance dans le commerce du bois de chauffage et du bois de charpente à Montréal. Marchand prospère, il est élu député du comté de Montréal en 1804 dont il demeure l’un des représentants jusqu’en 1815. Par la suite, il siège à la Chambre d’assemblée comme député du comté de Montréal-est de 1816 à 1820. Capitaine de milice dans l’un des bataillons de la ville et des faubourgs de Montréal en 1812, il accède plus tard aux grades de major, puis de lieutenant-colonel. Retiré de la vie politique active, il demeure un partisan réformiste convaincu et, en 1835, il participe avec d’autres marchands d’allégeance patriote à la création de la Banque du Peuple. Lise St-Georges, DBC version en ligne : Roy dit Portelance, Louis.
-
[57]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, TL9, S1, SS1, Cour du Banc du Roi, affaires criminelles, dossiers 1809-1812, septembre 1812.
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[58]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, registre de la paroisse de Pointe-Claire, le 8 juillet 1815 : mariage de Noël Legault dit Desloriers et de Véronique Labrosse dit Raimond.
-
[59]
BAnQ, centre d’archives de Montréal, registre de la paroisse de Sainte-Geneviève, le 22 février 1819 : mariage de Louis Payment et de Sophie Trotier.
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[60]
Nous avons par ailleurs retracé l’inventaire après décès de Louis Roy dit Portlance décédé à 1838, à l’âge de 73 ans. Le document reflète la fortune d’un rentier plutôt aisé. Détails anecdotiques intéressants, il possédait au moment de son décès un portrait de l’empereur Napoléon et devait £2 cours halifax pour une souscription au Courrier des États-Unis. BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire C.-A. Brault, 13 mai 1838 : inventaire après décès de Louis Roy dit Portelance, écuyer.
-
[61]
C. Dessureault et R. Legault, « Évolution organisationnelle et sociale de la milice sédentaire canadienne : le cas du bataillon de Saint-Hyacinthe, 1808-1830 », Revue de la S.H.C., 8 (1997) : 87-111 ; C. Dessureault et C. Hudon, « Conflits sociaux et élites locales au Bas-Canada : le clergé, les notables, la paysannerie et la fabrique », The Canadian Historical Review, 80,3 (Sept. 1999) : 413-439 ; J.-R. Thuot, « Élites locales, institutions et fonctions publiques dans la paroisse de Saint-Roch-de-l’Achigan, de 1810 à 1840 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 57,2 (automne 2003) : 173-208.
-
[62]
Sur ce système de reproduction sociale favorisant le redéploiement des familles dans l’espace, voir G. Bouchard, « Les systèmes de transmission des avoirs familiaux et le cycle de la société rurale au Québec du XVIIe au XXe siècles », Histoire sociale/Social History, 16, (mai 1983) : 35-60.
-
[63]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, le 8 juillet 1815 : mariage de François Rapin et de Rosalie Brazeau, le 12 janvier 1801.
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[64]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, registre de la paroisse de Saint-Eustache, le 1er février 1796 : mariage de Basile Legault et Charlotte Éthier.
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[65]
Ce dernier est identifié comme capitaine de milice dans son acte de sépulture le 3 février 1816. Nous avons retracé les liens de famille avec Basile Legault grâce à la Banque de données informatisées sur le Québec ancien du Programme de recherche en démographie historique de l’Université de Montréal. Le 13 décembre 1813, un autre Joseph Éthier de Saint-Eustache accède à son tour au grade de capitaine dans la division de la Rivière-Duchesne.
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[66]
BAC, Collection Baby, MG24L3, vol. 43 : Témoignage de Hyacinthe Neveu.
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[67]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire L. Thibaudeau, le 12 janvier 1805 et le 26 juin 1811 : Marché de livraison de 11 000 bardeaux entre J.-F. Ouellet, cultivateur de la paroisse de Saint-Benoît (seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes), et L. Courville ; Marché de construction pour la construction d’une allonge de pierre à une maison de Pointe-Claire entre J. Dandurand, maçon à l’Île-Perrôt, et F. Courville.
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[68]
L’étude de Wallot présente une description détaillée des peines de prison, des amendes et des cautions des 14 accusés.
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[69]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire N. Manteht-Dailleboust, le 24 février 1831 : Donation d’un terrain pour la construction d’une école par J. Binet cultivateur à Sainte-Geneviève et al.
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[70]
De 1834 à 1837, Joseph Binet est présent à plusieurs activités du mouvement patriote dans les paroisses de Sainte-Geneviève et de Saint-Laurent, de même qu’à des réunions patriotiques au marché neuf de la ville de Montréal. Joseph, le fils de ce dernier, a aussi participé à au moins une manifestation du mouvement patriote à la maison d’école de Sainte-Geneviève, le 25 juin 1837. Nous avons retracé ces informations sur le site Web de Gilles Laporte consacré aux Rébellions de 1837-1838. http://cgi2.cvm.qc.ca/glaporte/1837
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[71]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, E4, Fonds Secrétariat de la province, dossier de la paroisse de Sainte-Geneviève : [Acte d’élection des syndics], document sans intitulé, 15 juillet 1815.
-
[72]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire J. Payment, le 19 novembre 1818 : sentence arbitrale de J. Trotier et B. Legault
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[73]
Dans le répertoire du notaire Joseph Payment, nous avons compté pas moins de dix mentions d’obligations consenties par Jacques Trotier entre le 5 août 1816 et le 3 novembre 1820. De ce nombre, nous avons retracé 9 prêts de numéraire ou de grains d’une valeur totale de 5588 livres accordés à divers habitants de Sainte-Geneviève et de la région environnante. Le dixième acte était manquant. BAnQ, Centre d’archives de Montéal, notaire J. Payment.
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[74]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire L. Thibaudeau, le 7 février 1813 : contrat de mariage entre Guillaume Mallet fils et Judith Trotier.
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[75]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire L. Thibaudeau, le 13 février 1814 : contrat de mariage entre François Mallet et Hypolite Mallet (fille de Guillaume).
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[76]
Dans les mariages impliquant des conjoints d’origine paysanne, le montant des douaires est le plus souvent fixé à 300 livres ancien cours à cette époque.
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[77]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire L. Thibaudeau, le 22 mars 1817 : vente de terre de Gregory Dunning à Guillaume Mallet. Cependant, il s’agit peut-être du fils de l’émeutier.
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[78]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, Fonds P224, pièce no 163, le 29 décembre 1837 : Affidavit de Guillaume Mallette contre Léon Charlebois ; pièce 166, le 11 décembre 1837 : Affidavit de Guillaume Mallette contre le docteur Michel-François Valois.
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[79]
Registre informatisé de population du Québec ancien, Programme de recherche en démographie historique de l’Université de Montréal.
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[80]
Charles Rapin est né le 3 avril 1809 à Pointe-Claire et était donc âgé de seulement trois ans lors de l’émeute de Lachine. Après des études au Collège de Montréal, il entreprend une formation comme clerc-notaire chez Henri-Nicolas Lefebvre de Bellefeuille à Montréal qu’il poursuit, sans toutefois la compléter, chez Jean-Baptiste-Généreux Peltier à Sainte-Geneviève. Par la suite, il s’installe comme marchand à Saint-Timothée dans la seigneurie de Beauharnois où, le 25 juin 1832, il épouse Rose Léger, fille d’un cultivateur de l’endroit. Ces informations proviennent des dossiers biographiques et démographiques que nous avons constitués sur chacun des émeutiers, ainsi que de l’ouvrage de Julien S. MacKay, Notaires et Patriotes (Sillery, Septentrion, 2002), 18-19.
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[81]
Charles Rapin s’implique dans l’organisation des Frères chasseurs à la suite de la visite de l’un de ses anciens collègues de classe au Collège de Montréal, le notaire montréalais François-Thomas-Marie Chevalier de Lorimier. Rapin est condamné à mort, mais il est finalement gracié le 23 septembre 1839. G. Laporte, Patriotes et Loyaux. Leadership régional et mobilisation politique en 1837 et 1838 (Sillery, Septentrion, 2004), 238-239. Dans un journal qu’il a rédigé vers la fin de sa vie, Charles Rapin traite de son rôle lors du soulèvement de 1838 à Beauharnois, de son séjour à la prison du Pied-du-Courant et de sa participation dans les années 1850 à la ruée vers l’or en Californie. A.-I. DesRivières et C. Rapin, Mémoires de 1837-1838 suivis de la Quête de l’or en Californie (Montréal, Éditions du Méridien, 2000). Textes présentés et annotés par G. Aubin.
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[82]
BAnQ, Centre d’archives de Montréal, contrat de mariage entre Joseph Sicard et Marie McDonald, le 14 février 1814.
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[83]
Ainsi, en 1818 et 1819, nous avons retracé deux engagements de Joseph Sicard pour des voyages de traite. BAnQ, Centre d’archives de Montréal, notaire J. G. Beek, le 29 avril 1818 et le 4 avril 1819 : engagement de J. Sicard de Pointe-Claire pour W. W. Matthews, négociant de Montréal, et engagement de J. Sicard pour la Compagnie du Nord-Ouest.
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[84]
J.-P. Wallot, op. cit, 113.