Comptes rendus

Séguin, François, D’obscurantisme et de lumières. La bibliothèque publique au Québec des origines au XXIe siècle (Montréal, Hurtubise, 2016), 657 p.[Notice]

  • Marcel Lajeunesse

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  • Marcel Lajeunesse
    École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI), Université de Montréal

La bibliothèque publique québécoise a maintenant son histoire. L’auteur de ce livre, François Séguin, est un bibliothécaire qui a passé toute sa carrière dans les bibliothèques de la ville de Montréal. Pour lui, l’histoire de la bibliothèque publique est celle d’un parcours difficile vers la démocratisation de la culture, un cheminement empreint de luttes politiques et idéologiques, d’oppositions entre forces démocratiques et obscurantistes. Comme l’imprimerie, la bibliothèque publique est arrivée ici dans les fourgons du conquérant britannique. La Conquête nous apporte le concept de bibliothèque de souscription, si populaire en Grande-Bretagne et dans les colonies américaines. Telle est la Quebec Library/Bibliothèque de Québec fondée par le gouverneur Haldimand en 1779 à des fins politiques. Cette bibliothèque bilingue à l’origine, à laquelle le clergé a dû s’associer au départ, devient rapidement anglophone et le clergé s’en retire rapidement. Concernant l’arrivée de l’imprimeur Fleury Mesplet à Montréal et la fondation de la Bibliothèque de Québec, le supérieur sulpicien Montgolfier formule une opinion qui donne le ton pour l’avenir : « Je suis intimement convaincu que, de tous ces établissements de l’imprimerie et de bibliothèque publique, quoiqu’ils aient en eux-mêmes quelque chose de bon, il y a toujours plus de mal que de bon, même dans les lieux où il y a une certaine police pour la conservation de la foi et des bonnes moeurs » (p. 38). Le premier Mechanics’ Institute, institution d’origine britannique fondée à Montréal en 1828, offre une bibliothèque et une salle de lecture des journaux qui en constituent le coeur. Les Mechanics’ Institutes, et leur pendant francophone, les Instituts des artisans, connaissent un grand succès. Au milieu du XIXe siècle, on a pu recenser, hors Montréal et Québec, plus de 30 instituts des artisans ou Mechanics’ Institutes dans les villes et villages du Bas-Canada. Les subventions gouvernementales accordées par les lois de 1851 et 1856 contribuent au développement de ces institutions. La décennie 1840 connaît une abondante législation scolaire. Dans ce contexte d’alphabétisation de la population, on prend conscience du besoin d’un environnement culturel de langue française et de lieux de promotion de la lecture. En 1844, sont fondées à Montréal deux institutions qui vont occuper une place importante dans la vie culturelle de la ville. Elles vont prendre par la suite des voies bien différentes : l’Oeuvre des bons livres et l’Institut canadien de Montréal. Ce dernier a pour objectif l’instruction mutuelle par la discussion de sujets politiques et sociaux. L’Oeuvre des bons livres, quant à elle, constitue à ses débuts une bibliothèque « de bons livres » qui fait entrer le livre et la lecture dans la mission pastorale du clergé. Au cours de la décennie 1850, l’Institut canadien, sous l’influence des Rouges, fait la promotion des grandes libertés démocratiques et ses collections reflètent cette orientation. On y retrouve un certain nombre de livres à l’index. Les sulpiciens réagissent au rayonnement de l’Institut canadien en créant le Cabinet de lecture paroissial, véritable complexe culturel catholique, regroupant la bibliothèque, les conférences publiques, les essais du Cercle littéraire et une revue, l’Écho du Cabinet paroissial. Ce type de bibliothèque paroissiale sera dominant pendant plus d’un siècle. Les bibliothèques publiques et gratuites anglophones font l’objet d’un chapitre spécifique. Nous y retrouvons quatre bibliothèques d’association, toutes gérées par un conseil d’administration : Fraser Institute (1885) de Montréal, Pettes Memorial Library (1894) de Knowlton, Library and Art Union (1886) de Sherbrooke et Haskell Free Library (1905) de Stanstead. Ces quatre bibliothèques furent créées et développées par des philanthropes du milieu anglophone. Profitant d’une loi d’Honoré Mercier de 1890 donnant aux municipalités le pouvoir de créer par règlement …