Notes critiques

Vues nouvelles sur l’Évangile de Jean ?À propos du commentaire de von Wahlde (II)[Notice]

  • Michel Roberge

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  • Michel Roberge
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

Dans la première partie de cette note critique, nous avons présenté l’hypothèse de von Wahlde concernant la genèse de l’Évangile de Jean et mis en doute la validité du critère principal qu’il utilise pour en délimiter les deux premières strates littéraires, à savoir les deux séries de termes utilisés pour désigner les autorités religieuses juives. Son étude serait la première à utiliser ce critère comme fondement pour une analyse complète de l’Évangile. Mais, tout en admettant, certes, que l’Évangile actuel soit le résultat d’un processus de rédaction étalé sur plusieurs années ou que son auteur ait pu utiliser des traditions orales ou écrites, il reste que toute hypothèse rédactionnelle doit être jugée avant tout en fonction de sa capacité à interpréter le texte. Et puisque la version finale de l’Évangile est celle que l’on cherche ultimement à interpréter, se pose la question de décider par où doit commencer l’exégèse : à partir du texte actuel ou à partir de la strate prétendument la plus ancienne, et faire ce que l’auteur appelle l’exégèse « génétique » ? En effet, selon v. W., le commentaire génétique permet au lecteur de voir comment une édition se construit à partir de la précédente et la complète, le matériau de chaque édition pouvant s’expliquer comme un développement raisonnable et une réaction aux éditions antérieures. Mais commencer l’exégèse à partir d’un premier texte reconstitué verset par verset par-delà deux éditions ultérieures, n’est-ce pas partir du plus hypothétique pour aller au plus certain ? D’autant plus que, selon l’auteur, on ignore ce qu’était l’ensemble de la première édition de l’Évangile. On ne possède donc pas le contexte littéraire et théologique entier qui permettrait d’en établir une interprétation adéquate. Ajoutons que l’utilisation de critères théologiques est en partie liée à l’exégèse et sujette à la subjectivité. Il en va de même en ce qui concerne les apories, les reprises et autres indices de sutures. Si de fait l’exégèse génétique se développe en fonction des strates littéraires, ne risque-t-on pas d’orienter l’exégèse vers la distinction des strates qu’on veut obtenir ? On peut aussi inverser la procédure et faire l’hypothèse que l’auteur du texte final de l’Évangile a pu avoir un projet théologique propre et ne s’est pas contenté de faire des gloses à l’intérieur d’une édition antérieure. Au lieu de commencer par démembrer le texte en vue d’en reconstituer les différentes strates à l’aide de la critique littéraire, on peut d’abord se demander, à propos de tel récit ou discours, si un principe unificateur en règle la composition. Est-ce que l’auteur du texte final a pu par exemple utiliser un modèle relevant de la rhétorique, soit biblique soit gréco-romaine ? Ce récit ou discours, grâce à son unité de composition, fournit alors un contexte d’interprétation pour toute tradition antérieure éventuellement intégrée par l’auteur à ce texte final. En certains cas une proposition ne prend son sens que comme partie d’une argumentation qui elle-même obéit à des règles préétablies, par exemple dans le cadre d’un discours délibératif ou dans celui de l’élaboration d’une chrie. Ce qui à première vue apparaît comme une aporie ou un indice de suture peut ne pas l’être lorsqu’on analyse le texte à partir de présupposés différents. La repriserédactionnelle (Wiederaufnahme) est également un critère ambigu : en plusieurs cas où v. W. signale une reprise, il peut s’agir du procédé rhétorique de l’inclusion ou de membres qui se correspondent et prennent sens dans une structure chiastique ou concentrique. Pour illustrer notre propos, nous proposons l’étude de deux textes, un récit (Jn 1,29-34) et un discours (Jn 6,25-58). La scène …

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