FR :
L’existence éphémère du cabaret Au matou botté (1929-1932) de Montréal illustre à merveille la « crise de l’homme et de l’esprit » entrant dans la modernité, telle que décrite par l’historien Yvan Lamonde. En novembre 1929, les revuistes Roméo Poirier et Albéric Bourgeois fondent le cabaret Au matou botté à l’étage du restaurant Kerhulu & Odiau, dans le Quartier latin. Envers et contre tous les obstacles, ce café-concert va vivre trois grandes périodes créatives. De l’ouverture jusqu’à mai 1930, la boîte calquée sur le modèle de Montmartre connaît un vif succès en occupant une niche identitaire canadienne-française laissée vacante par les autres lieux de divertissement de la ville. La programmation inclut des chansons françaises, des récitals lyriques, des sketches comiques et des thés dansants. En mai 1930, lorsque Paul Max et Eugène Vivez reprennent la direction artistique, le cabaret adopte le style plus rentable d’un nightclub de Broadway, avec orchestre de jazz, chansons anglaises, pantomimes italiennes et animal dances – fox-trot et autres danses aux pas inspirés d’animaux. Les touristes apprécient bien l’ambiance renouvelée, mais la clientèle des fastes débuts a déserté. À l’automne 1930, le cabaret semble se chercher une identité basée sur un compromis entre Montmartre et Broadway. Nous verrons pourquoi l’organisation d’événements spéciaux, la présence d’artistes locaux et internationaux, la contribution de vedettes de cinéma et la diffusion d’une émission au poste radio CKAC ne suffiront malheureusement pas à assurer la viabilité des lieux.
EN :
The short existence of the cabaret Au matou botté (1929-1932) in Montreal perfectly depicts the “crisis of man and spirit” engaging into modernity, as demonstrated by historian Yvan Lamonde. In November 1929, Roméo Poirier and Albéric Bourgeois launch the French cabaret Au matou botté on the second floor of the restaurant Kerhulu & Odiau, in the Quartier Latin. Facing many difficulties, the place will run through three distinct stages of creation. From the opening day up to May 1930, the Montmartre café enjoys great success with its genuine French Canadian program, thus contrasting with all other entertainment places in town. This program includes French chansons, operettas, comedies and dancing teas. In May 1930, when Paul Max and Eugène Vivez take over the management, the cabaret turns into a Broadway nightclub, with a jazz orchestra, songs in English, pantomimes and animal dances – such as fox-trot and other animal dance steps. Whereas tourists appreciate the new mood, customers of the opening days have gone. In the fall of 1930, the cabaret looks for a compromise between Montmartre and Broadway. In spite of special events, local and international feature artists, movie theatre stars and a special CKAC radio broadcast, we shall see why the cabaret won’t insure its viability.